Intervention de Raymond Couderc

Réunion du 19 janvier 2012 à 9h30
Reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des français rapatriés — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié, amendement 1

Photo de Raymond CoudercRaymond Couderc, auteur de la proposition de loi :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre Nation reconnaît les militaires qui se sont battus pour notre pays et les honore régulièrement par des célébrations annuelles. Elle reconnaît aussi les résistants qui ont su, aux heures les plus sombres de notre histoire, défendre notre indépendance, notre droit à exister et nos valeurs.

Pourtant, une catégorie subsiste qui est souvent négligée : celle des forces supplétives de l’armée française. En effet, dans tous les pays où la France a exercé sa souveraineté, son armée a recruté des hommes parmi les populations locales, comme soldats de métier, conscrits ou supplétifs.

Ces combattants, auxiliaires ou réguliers, ont été engagés aux XIXe et XXe siècles dans toutes les campagnes militaires de la France. À l’issue de ces guerres, ils ont parfois été victimes du soutien apporté à notre pays, puis oubliés par notre Nation durant plusieurs décennies. Il convient désormais de se pencher sur leur sort et de faire valoir la reconnaissance entière de notre pays envers eux.

La loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, que ma proposition de loi tend à modifier, a marqué une étape importante sur le plan de la reconnaissance morale.

Elle interdit notamment toute injure ou diffamation envers d’anciens membres des formations supplétives ou assimilés en raison de cette qualité, ainsi que toute apologie des crimes commis envers eux.

Pourtant, la loi du 23 février 2005, en raison de ses lacunes, en particulier dans son article 5, ne règle pas définitivement la question.

Mes chers collègues, j’ai décidé de déposer la présente proposition de loi en février 2010, à la suite de plusieurs affaires d’injures et de diffamations visant des harkis. On se souvient en particulier du propos : « vous êtes des sous-hommes », prononcé par un personnage particulièrement truculent…

Or, malheureusement, ces injures et ces diffamations ont fait l’objet de classements sans suite par les autorités judiciaires. En effet, l’application de la loi du 23 février 2005 se heurte à un obstacle majeur : la loi, si elle interdit les injures et les diffamations, ne prévoit aucune sanction contre ceux qui se rendent coupables de tels actes.

Cette situation soulève plusieurs questions : comment est-il possible que l’on puisse, en France, aujourd’hui, tenir des propos injurieux ou diffamatoires sans être condamné ? Et comment se fait-il que les associations d’anciens membres des forces supplétives ne puissent pas exercer les droits reconnus à toute partie civile ?

Bien des lacunes existent encore dans le droit français ; il nous faut les corriger.

Ainsi, le droit actuel permet seulement de sanctionner les propos injurieux ou diffamatoires tenus envers un ancien membre des formations supplétives : comme tout particulier, celui-ci dispose d’un droit individuel à demander réparation du préjudice subi, en vertu de l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

En revanche, l’injure ou la diffamation à l’encontre des anciens membres des forces supplétives, lorsqu’elle est formulée de manière générale, blessant un groupe de personnes caractérisées par leur engagement militaire, n’est pas susceptible d’être condamnée.

Je vous rappelle que l’article 5 de la loi du 23 février 2005 est ainsi rédigé : « sont interdites : toute injure ou diffamation commise envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur qualité vraie ou supposée de harki, d’ancien membre des formations supplétives ou assimilés ; toute apologie des crimes commis contre les harkis et les membres des formations supplétives après les accords d’Évian. L’État assure le respect de ce principe dans le cadre des lois en vigueur. »

Ces dispositions posent le principe de l’interdiction de toute injure ou diffamation prononcée envers les anciens membres des forces supplétives, mais ne prévoient aucune sanction pénale.

De plus, les associations dont l’objet est de défendre les intérêts moraux et l’honneur des anciens membres des forces supplétives ne se voient pas, aujourd’hui, reconnaître la possibilité d’exercer les droits reconnus à toute partie civile, contrairement à d’autres associations ayant pour objet de lutter contre les discriminations à caractère racial ou religieux.

La présente proposition de loi, adoptée à l’unanimité par la commission des lois et dont notre éminente collègue Sophie Joissains, sénatrice des Bouches-du-Rhône, est le rapporteur, vise donc à corriger et à réactualiser la loi.

Pourtant, après avoir pris connaissance des toutes dernières réactions des associations directement concernées par cette question, j’ai voulu apporter, par voie d’amendement, des modifications à la version de la proposition de loi adoptée par la commission. Je souhaite en effet qu’il soit mieux rendu compte de la réalité de l’engagement militaire – j’insiste sur ce dernier mot – des formations supplétives et que la sécurité juridique du dispositif pénal envisagé soit renforcée.

C’est pourquoi j’ai déposé l’amendement n° 1 rectifié bis, qui tend à assimiler aux membres des forces armées ceux qui se sont engagés en faveur de la France lors d’un conflit armé, au sein notamment des formations supplétives – cela inclut en particulier les anciens membres des formations supplétives ayant servi en Algérie, et notamment les harkis. Il s’agit de prévoir que, pour l’application de l’article 30 de la loi du 29 juillet 1881 réprimant la diffamation à l’égard des forces armées, les formations supplétives sont considérées comme faisant partie de l’armée.

Pour finir, mes chers collègues, je tiens à remercier Mlle Joissains, rapporteur de la proposition de loi, pour son remarquable travail. Je remercie aussi nos quarante-cinq collègues qui ont bien voulu cosigner ma proposition de loi : leur soutien prouve, s’il en était encore besoin, l’importance de cette question !

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