Monsieur le président, mademoiselle le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner la proposition de loi de M. Raymond Couderc, qui vise à sanctionner pénalement les insultes faites aux membres de formations supplétives des forces armées.
Vous avez été extrêmement choqués – et comment ne pas l’être ? – par les injures proférées par un homme politique, traitant les harkis de « sous-hommes » en 2006. Cet épisode, dont il faut bien dire qu’il était indigne de notre vie publique, a mis en lumière une lacune de notre droit.
À l’heure actuelle, en effet, les harkis, mais aussi plus généralement l’ensemble des anciens supplétifs de l’armée française, ne sont pas suffisamment protégés contre les injures dont ils pourraient être victimes. C’est précisément pour combler cette lacune de notre droit que vous êtes réunis aujourd’hui.
S’agissant plus spécialement des harkis, une première pierre avait été posée par la loi Mekachera du 23 février 2005. Celle-ci dispose en effet que « sont interdites : toute injure ou diffamation commise envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur qualité vraie ou supposée de harki […] ».
Néanmoins, cette interdiction n’était assortie, dans la loi, d’aucune sanction pénale.
Aussi, monsieur Couderc, vous avez souhaité, dans un premier temps, compléter la loi de 2005. Toutefois, si je comprends naturellement ce qui a motivé votre démarche, je ne puis m’y associer en l’état. En effet, votre initiative est louable, mais elle ne va pas assez loin. Elle risque, notamment, sans bien sûr que vous en ayez eu l’intention au moment du dépôt de votre proposition de loi, d’exclure du manteau protecteur de la loi d’autres victimes potentielles parmi les anciens supplétifs des forces armées.
C’est pourquoi je suis heureux de constater que vous avez modifié votre proposition de loi initiale par un amendement tendant à réécrire l’article unique, afin de protéger tous les anciens supplétifs de l’armée française.
Vous proposez ainsi à vos éminents collègues d’étendre le champ de protection de la loi de 1881 à l’ensemble des anciens membres de formations supplétives.
Cette mesure consisterait à aligner la protection juridique des personnes qui se sont engagées en faveur de la France lors d’un conflit armé, notamment celles qui ont servi dans les formations supplétives, sur le régime dont bénéficient les forces armées. Une telle modification me semble particulièrement bienvenue et je serai, vous l’avez compris, pleinement favorable à l’adoption de cet amendement.
Votre initiative, monsieur le sénateur, nous rappelle à notre devoir de protéger ces femmes et ces hommes auxquels nous lie un passé à la fois glorieux et douloureux et qui sont parfois vulnérables pour cette raison même.
Ce n’est ni le lieu ni le jour de dresser un catalogue des nombreux dispositifs mis en œuvre ces dernières années, mais il faut tout de même souligner combien le Président de la République a eu à cœur de développer les prestations dévolues aux anciens supplétifs et à leurs enfants : conventions d’emploi, aides à la mobilité et à la création d’entreprise, dispositifs d’accès à la fonction publique, qu’elle soit celle de l’État, des hôpitaux ou des collectivités territoriales, bourses scolaires et universitaires, ou encore allocations pour les orphelins d’anciens supplétifs de l’armée française.
Cela, les anciens supplétifs ne peuvent l’ignorer, puisque ces dispositifs nouveaux, voulus par le Président de la République, ont tangiblement amélioré leur quotidien. Votre initiative contribue également, monsieur le sénateur, à rendre leur dignité aux supplétifs de nos armées.
Parce qu’ils se sont engagés pour la France, parce qu’ils l’ont servie par les armes au péril de leur vie, les anciens supplétifs de l’armée française méritent le plus profond respect.
Je donnerai donc un avis favorable à la dernière version de votre texte. Ainsi, la reconnaissance que nous devons aux anciens membres de formations supplétives ne pourra plus être impunément entachée par des injures. Et cela, nous le devrons à votre initiative, monsieur le sénateur.