Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, quand le président Bouteflika a utilisé le terme de « collabos » pour désigner les harkis, dont plus de 1 000 familles vivent à Roubaix, lorsque le maire de Montpellier, de manière indigne, les a qualifiés de « sous-hommes », il est évident que les limites de la jurisprudence de la Cour de cassation ont, en quelque sorte, sauté aux yeux du maire de Roubaix que je suis.
Cher Raymond Couderc, je m’intéresse aux harkis depuis trente ans et je ne vous ferai pas le procès de ne vous préoccuper de leur sort qu’à l’approche de la campagne électorale, car je sais à quel point vous êtes présent dans ce combat depuis longtemps.
Je tiens à situer correctement le débat.
Comme cela a été démontré du point de vue juridique et de la plus belle manière par Mlle le rapporteur, il fallait incontestablement procéder à des ajustements et corriger la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés. Le principe de la sanction existait mais était vidé de toute portée pratique.
Je salue en cet instant la qualité du débat qui s’est déroulé en commission des lois, sous la présidence de Jean-Pierre Sueur.
Les membres de mon groupe soutiennent la présente proposition de loi. Ils préconisent – c’est une idée que vous devez connaître, cher Raymond Couderc, vous qui défendez depuis longtemps les harkis – de laisser de côté les législations spécifiques lacunaires, hétérogènes, stratigraphiques, qui donnent aux harkis, à quelques mois de l’élection présidentielle, un « petit plus », un régime spécifique. Au contraire, il convient de les faire entrer de plain-pied, si je puis dire, dans le droit commun, comme avait commencé à faire la loi de 2005. Or le droit commun de la diffamation et de l’injure relève bien de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, si on laisse de côté les arguties juridiques.
Les membres de mon groupe ont voulu instituer, si j’ose dire, monsieur Sueur, une « fraternité d’armes » juridiques, permettant à nos concitoyens harkis de faire valoir leurs droits et aux associations, lorsqu’elles sont constituées conformément aux dispositions de ce texte, d’exercer les droits reconnus à la partie civile.
Pour ceux qui, jusqu’à présent, comme le précise le dernier ouvrage, au demeurant excellent, de notre collègue Esther Benbassa, ont comme seule identité la souffrance – et tel est le cas des harkis –, il faut oublier les clivages et faire ce pas décisif.
Monsieur le secrétaire d’État, 70 % des harkis séjournant à Roubaix ont transité par le camp de Rivesaltes, seule commune, à ma connaissance, qui ait pour projet de construire un musée mémorial retraçant une mémoire croisée de la guerre d’Algérie, à laquelle les harkis ont pris toute leur part, sur les deux rives de la Méditerranée.
L’article 3 de la loi de 2005 prévoit la création de la Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie, des combats du Maroc et de Tunisie. Mais, sauf erreur de ma part, les décrets d’application ne sont pas encore parus.
Si l’on veut faire échapper la mémoire aux enjeux électoraux, il est absolument essentiel d’adopter des mesures importantes à l’occasion de l’examen de textes législatifs tels que celui qui nous est soumis ce jour, notamment de favoriser, de part et d’autre de la Méditerranée, une mémoire croisée sur la guerre d’Algérie et tous ceux qui y ont pris part. À bien des égards, c’est la clé de voûte de ce qui reste de cohésion nationale dans les quartiers où est menée une politique de la ville. Et tant que cette dimension de l’histoire ne sera pas restituée de manière croisée et non pas officielle, la cohésion nationale ne progressera pas.
Quoi qu’il en soit, mon groupe soutient sans réserve la présente proposition de loi et vous remercie, mademoiselle Joissains, d’avoir accepté d’intégrer dans le texte de la commission les amendements qui tendent à redonner à l’action contre la diffamation et l’injure publique toute leur place dans le droit commun.