Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, chère Sophie Joissains, mes chers collègues, le 5 décembre dernier, nous avons célébré la journée nationale d’hommage aux combattants morts pour la France en Afrique du Nord. Lors de cette journée, la France se souvient de ceux qui ont fait le sacrifice de leur vie. Il est de notre devoir de nous souvenir.
Nous devons toute notre reconnaissance à ceux qui, au sein des forces armées ou des forces de l’ordre, ont répondu à l’appel de la Nation. Ils méritent le respect, la gratitude et la solidarité de la Nation. C’est d’ailleurs le sens des engagements successifs que l’État a pris à leur égard, car, à travers leur engagement et leurs sacrifices, ils ont assumé leur devoir. Près de 25 000 d’entre eux ont payé de leur vie leur fidélité à notre pays.
Nous devons également avoir une pensée pour toutes les victimes civiles, de toutes origines et de toutes confessions, et pour toutes les familles endeuillées et meurtries par ces années de conflit.
Toutefois, nous ne pouvons nous contenter de rester dans le souvenir intellectuel, idéologique. Nous devons continuer à nous battre pour une meilleure et plus juste reconnaissance de leur courage. Il s’agit aujourd’hui d’une question d’honneur pour nous.
La reconnaissance morale des sacrifices consentis par les harkis est intervenue tardivement dans l’histoire de la mémoire collective. Néanmoins, en 1994, nous avons su, parlementaires de droite et de gauche, nous accorder pour que « la République française témoigne sa reconnaissance envers les rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie pour les sacrifices qu’ils ont consentis ».
Nous avons ensuite adopté la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, qui a constitué une nouvelle étape dans cette reconnaissance.
Cette loi comportait deux volets principaux : d’une part, la revalorisation de l’allocation de reconnaissance dont les harkis bénéficient depuis le 1er janvier 2003, les titulaires de cette allocation pouvant par ailleurs opter pour le versement d’un capital en lieu et place de la poursuite du versement trimestriel de l’allocation ; d'autre part, l’interdiction de toute injure ou diffamation envers les harkis en raison de cette qualité, ainsi que de toute apologie des crimes commis envers cette communauté.
C’est bien à ce second volet que Raymond Couderc et nombre d’entre nous se réfèrent aujourd’hui.
Il ne s'agit pas d’une loi mémorielle de plus. Nous avons souhaité que la reconnaissance de la Nation se traduise sur le plan de la mémoire puis sur le plan matériel. Notre démarche actuelle est annexée aux précédentes.
En effet, aux termes de l’article 5 de la loi du 23 février 2005, sont interdites « toute injure ou diffamation commise envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur qualité vraie ou supposée de harki, d’ancien membre des formations supplétives ou assimilés » – l’injure vise une expression outrageante qui se distingue de la diffamation en ce qu’elle ne renferme l’imputation d’aucun fait précis – et « toute apologie des crimes commis contre les harkis et les membres des formations supplétives après les accords d’Évian ».
L’État est chargé d’assurer le respect de ces principes « dans le cadre des lois en vigueur ». Cependant, la loi du 23 février 2005 n’a pas assorti ces interdictions de sanctions pénales.
Comme l’a souligné notre rapporteur, Sophie Joissains, « cette lacune soulève aujourd’hui des difficultés que de récentes décisions de la Cour de cassation ont mises en lumière ». Je ne m’y attarde pas, vous invitant à vous reporter au formidable travail de notre collègue, sinon pour souligner que, du fait de cette lacune, les harkis ou leurs descendants ne peuvent porter plainte qu’en qualité de particulier, sur le fondement des dispositions de caractère général, dans la mesure où il a été porté atteinte à leur honneur et à leur considération.
C’est à cette situation, qui constitue une énième difficulté pour nos frères d’armes, que nous avons voulu remédier. Tel est l’objet de la proposition de loi que Raymond Couderc, nombre de mes collègues et moi-même vous soumettons.
Les dispositions de l’article 5 de la loi de 2005 interdisant toute injure ou diffamation commise envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur qualité vraie ou supposée de harki se trouvent privées de toute portée. L’intention du législateur ne se réalise dans aucune protection spéciale à l’égard des harkis et de l’ensemble des formations supplétives de l’armée.
Nous souhaitons donc réparer cette carence, en prévoyant que la diffamation envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur qualité vraie ou supposée de harki ou d’ancien membre des forces supplétives de l’armée soit punie. L’injure serait, quant à elle, également passible d’une peine, conformément aux dispositions de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, le renvoi aux sanctions prévues par cette loi impliquant que l’infraction ait été commise dans les conditions fixées par la même loi.
Mais nous avons voulu aller plus loin. C’est pourquoi nous proposons de compléter le dispositif et d’autoriser toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant, par son statut, de défendre les intérêts moraux et l’honneur des harkis ou des anciens membres des forces supplétives, d’exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne le délit de diffamation ou d’injure qui a causé un préjudice direct ou indirect à la mission qu’elle remplit.
Nous souscrivons pleinement à la proposition du rapporteur de prendre en compte les pressions susceptibles de s’exercer sur les victimes, dans le but que l’action des associations de défense des intérêts des harkis puisse s’exercer, sauf opposition expresse des victimes visées par l’infraction.
Dans ce contexte, vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe UMP, apparentés et rattachés, soutiendra cette initiative. Pour nous, parlementaires, il s’agit d’une question d’honneur : réparer les fautes qui ont été commises et qui le sont encore parfois à l’égard de ces hommes et de ces femmes qui ont servi la France.
Les harkis, dont la loyauté, la fidélité à la personne du chef, la discipline et le courage ont été exemplaires, étaient sur le front de tous les combats. Montrons à leurs enfants qu’ils étaient dans l’honneur et dans la vérité.
Nous le devons à notre pays, pour l’idée que la France se fait d’elle-même, pour l’idée de la France que nous avons. Nous le devons à ceux qui ont démontré leur attachement à la France. Comme l’écrivait Portalis, « les lois ne sont pas de purs actes de puissance ; ce sont des actes de sagesse, de justice et de raison ».