Intervention de Pierre Charon

Réunion du 19 janvier 2012 à 9h30
Reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des français rapatriés — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Pierre CharonPierre Charon :

J’avais dix ans en 1961. Comme tous les petits garçons, je jouais à la guerre pendant que des hommes s’engageaient avec la France de l’autre côté de la Méditerranée.

J’avais dix ans quand d’autres enfants ont vu leur père enfiler l’uniforme de l’armée française et partir défendre un idéal, celui d’une Algérie nouvelle et fraternelle dans laquelle les communautés auraient pu vivre en paix. C’est cet idéal qui, de 1954 à 1962, amena quatre fois plus d’Algériens à combattre au sein de l’armée française plutôt que dans l’Armée de libération nationale, bras armé du FLN.

Comme le rappelait dans un entretien très émouvant Hélie de Saint-Marc, récemment honoré par la République, à Mostaganem, le FLN abattra à neuf reprises le porte-drapeau des anciens combattants musulmans. Neuf fois, un autre volontaire viendra prendre sa place. On sait que l’immense majorité de ces hommes à qui les plus hautes autorités de l’État avaient dit : « Venez à la France, elle ne vous trahira pas ! » resteront fidèles à la France jusqu’au bout, alors même que les signes d’un probable abandon devenaient chaque jour plus manifestes. Désarmés, puis abandonnés au FLN, des dizaines de milliers de ces hommes furent abattus dans une indifférence insupportable.

Il aura fallu cinquante ans pour panser cette plaie ouverte de la tragédie des harkis, victimes expiatoires de leur fidélité à la France, cinquante ans de souffrance, de silence et parfois d’insultes qui trouvent aujourd’hui enfin un cadre juridique apaisé et légitime.

Je tiens à rendre hommage à tous ceux qui ont tracé ce chemin de réconciliation avec notre histoire, je dirais même de réconciliation avec nous-mêmes. Je pense ainsi à notre collègue Hubert Falco qui, lorsqu’il était secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants, a accompagné l’audacieuse création de la Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie, des combats du Maroc et de la Tunisie, installée depuis un peu plus d’un an dans l’hôtel des Invalides, à Paris.

La France avait le devoir de rendre leur fierté aux harkis et à leurs descendants. Elle trouve enfin l’occasion de réhabiliter leur engagement et de rendre justice à leur fidélité avec une loi précise qui ne laissera plus de place à l’outrage ou à l’injure.

Mes chers collègues, je n’utiliserai pas cette tribune pour revenir sur les lacunes du passé ou pour les juger. En tant que parlementaire, il m’importe de voter un texte qui, enfin, ne permet plus que ceux qui ont combattu pour la France soient qualifiés de « sous-hommes » impunément.

En tant que membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, je suis heureux que notre législation soit modifiée, afin que les fils et les filles de nos anciens combattants soient assurés de notre reconnaissance et de notre protection.

C’est donc avec émotion que je voterai ce texte, qui honore notre assemblée et qui apaise la déchirure.

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