Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 9 février 2012 à 9h30
Débat sur la situation de l'industrie automobile en france

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Sans doute se trouve-t-il à Tanger, avec les patrons de Renault, pour vendre notre patrimoine à prix low cost

Alors que des milliers d’emplois industriels sont en jeu, cette absence sonne comme une véritable offense pour tous les salariés qui se battent pour leurs emplois et pour notre industrie. Je salue d’ailleurs la présence, dans nos tribunes, de certains de leurs représentants.

L’absence du ministre le confirme, le Gouvernement a abandonné ces salariés, tout dévoué qu’il est aux grands groupes, lesquels vont encore gagner dans leur course effrénée aux profits.

Le groupe communiste républicain et citoyen a demandé l’inscription d’un débat en séance publique portant sur la situation de la filière industrielle automobile dans la mesure où celle-ci constitue l’un des secteurs clés de notre industrie, dont dépendent de nombreuses branches industrielles : la sidérurgie, le caoutchouc, l’électronique.

Au-delà, néanmoins, nous n’oublions pas qu’en réalité c’est l’industrie dans sa globalité qui est aujourd’hui sacrifiée par les politiques libérales conduites dans le monde, en Europe et en France. Ces politiques accompagnent les stratégies des grands groupes, axées sur la rémunération des actionnaires au détriment de la valorisation du travail, des salariés et de l’activité industrielle. Pour 2011, 37 milliards d’euros de dividendes seront versés aux actionnaires par les entreprises du CAC 40.

L’industrie européenne a perdu un tiers de ses effectifs au cours des trente dernières années, soit 70 000 emplois par an. S’agissant de l’automobile, entre 2004 et 2009, le groupe Renault a supprimé 8 900 postes dans le monde, dont plus de 4 400 en France, soit près d’un emploi sur deux. Dans la même période, PSA supprimait près de 19 500 emplois en France, les effectifs globaux du groupe baissant de 18 115 salariés.

Ce qui est grave, c’est que l’industrie automobile française supprime massivement des emplois, ici, pour en créer en nombre ailleurs dans le monde, là où la main-d’œuvre est bon marché. Nous ne parlons en l’occurrence que des emplois directs. De source syndicale, un emploi chez les constructeurs équivaut à 2 emplois chez les équipementiers et 5 dans la sous-traitance.

Pour justifier ces suppressions de postes, les dirigeants des groupes, à l’instar du Gouvernement, mettent en avant la crise. Mardi dernier, auditionné au Sénat, Denis Martin, le numéro 2 de PSA, annonçait que la situation serait difficile en 2012, notamment dans le secteur des très petites et petites voitures, comme la C3. Or, cet été, PSA a publié, au titre des résultats du premier semestre de 2011, un chiffre d’affaires de 31, 135 milliards d'euros, en progression de 9, 7 %. Le chiffre d’affaires de la division automobile s’établit à 22, 585 milliards d'euros, en hausse de 6, 7 %. Avec un niveau élevé de trésorerie disponible – 11 milliards d'euros –, PSA disposait alors d’une structure financière solide.

Faut-il le rappeler, pour faire face à la crise, et contrairement à nombre de nos concitoyens, Renault et PSA ont bénéficié d’un prêt bonifié de 6 milliards d’euros, censé se substituer aux défaillances du système bancaire et leur permettre de développer des « solutions d’avenir ». Une prime à la casse de 1 000 euros a été mise en œuvre. Son coût, initialement estimé à 200 millions d’euros, représenterait environ le triple. Le chômage partiel a été favorisé, ce qui a permis de transférer une part significative de la baisse d’activité des groupes à la collectivité.

Tous ces avantages ont été donnés sans contraintes effectives pour les groupes, qui s’étaient engagés à ne pas licencier et à ne pas fermer d’usines. En réalité, les deux constructeurs nationaux en ont profité pour restructurer la filière automobile.

Je prendrai un exemple pour vous montrer, monsieur le secrétaire d'État, pourquoi la confiance des salariés envers leur direction est réellement entamée. En novembre 2009, le président du directoire du groupe PSA déclarait qu’il n’y aurait « aucun plan de restructuration ni de plan de départs volontaires ». En avril 2010, il annonçait la fermeture du site de Melun-Sénart, qui comptait initialement près de 1 000 salariés. La direction, dès le mois de septembre 2009, avait prévu une baisse d’activité de 60 %. Après une politique active de départs, que le Gouvernement considère comme volontaires, près de 400 salariés ont été concernés par cette liquidation. Aujourd’hui encore, le site n’est officiellement pas fermé, mais toute activité a cessé et on décourage petit à petit les salariés pour qu’ils s’en aillent.

Tout cela est facilité par la législation, que vous avez soutenue, sur la rupture conventionnelle du contrat de travail, laquelle s’apparente à un plan de licenciement individuel.

Cette même année, les constructeurs ont renoué avec leurs profits. Le bénéfice net du groupe PSA s’est élevé à 1, 1 milliard d’euros en 2010. Les rémunérations allouées aux membres de son conseil d’administration et de son conseil de surveillance sont passées de 6, 5 millions d’euros en 2009 à 11, 7 millions d’euros en 2010. En effet, Renault et PSA ont connu une année historique, avec respectivement 2, 6 millions et 3, 6 millions de ventes. Dans le même temps, Renault affichait un résultat net de 3, 49 milliards d’euros, une trésorerie disponible de 8 milliards d’euros et un désendettement de 4, 48 milliards d’euros. Comme l’a dénoncé la CGT, dramatiser la réalité économique était un alibi pour les constructeurs et leurs actionnaires, afin de maintenir un haut niveau de rentabilité financière en privilégiant les marges par rapport aux volumes.

En bref, ces groupes préfèrent vendre du haut de gamme inabordable pour un grand nombre de personnes, a fortiori quand elles n’ont plus de travail. Le parc automobile est vieillissant. Or, améliorer le bilan énergétique nécessite non seulement le développement de sites adaptés au ferroutage, mais également le renouvellement du parc automobile, avec des véhicules plus propres.

Aujourd’hui, une grande partie de nos concitoyens ne peuvent plus faire face aux dépenses contraintes que sont le logement, l’énergie, l’alimentation et la santé. Comment voulez-vous qu’ils puissent changer leurs véhicules ? Mais les constructeurs ne se soucient guère de cela, leur stratégie industrielle étant invariablement dirigée vers l’augmentation de leurs marges.

Rien ne peut justifier que le groupe PSA ait annoncé, l’automne dernier, un plan d’économie de 800 millions d’euros, entraînant la suppression de 6 800 postes en Europe, dont 5 000 en France d’ici à un an.

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