Intervention de Aline Archimbaud

Réunion du 9 février 2012 à 9h30
Débat sur la situation de l'industrie automobile en france

Photo de Aline ArchimbaudAline Archimbaud :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’industrie automobile produit dans notre pays 2 millions de véhicules chaque année ; elle représente 445 000 emplois directs et au moins autant dans la distribution et les services.

Cette industrie souffre actuellement de nombreuses difficultés, comme l’actualité nous le rappelle tous les jours. La situation résulte pour l’essentiel d’une saturation du marché des pays européens. Pour y faire face, les choix effectués jusqu’à présent ont été d’accroître les exportations dans un contexte de compétitivité insuffisante et de guerre économique effrénée, ce qui a entraîné des délocalisations, des réductions d’effectifs, des licenciements massifs et des fermetures d’ateliers, voire de sites, conduisant à terme à des difficultés dramatiques dans de nombreux territoires de notre pays.

Ces décisions sont la conséquence d’une vision purement comptable, financière et court-termiste. Elles s’accompagnent de pressions très fortes sur les PME sous-traitantes et de menaces quant à leur existence. Elles ne créent pas d’emploi en France et en suppriment même beaucoup.

Il est courant d’aborder la question de la politique industrielle sous l’angle des coûts, qu’il s’agisse de ceux du travail ou de ceux de la production, ainsi que de la productivité. Mes chers collègues, je souhaiterais, quant à moi, les envisager au travers d’un autre prisme, celui d’une réalité territoriale et – j’y insiste – humaine.

Comme Éliane Assassi et Claude Dilain, ici présents, je suis élue d’un territoire, la Seine-Saint-Denis, sur lequel PSA est établi depuis 1973 à Aulnay-sous-Bois.

Le site comptait en 2004 près de 5 000 contrats à durée indéterminée et environ 1 700 contrats précaires, postes pour la plupart occupés par des habitants du département. À ce jour, il ne reste plus que 3 000 CDI, dont 2 400 ouvriers, et 330 intérimaires. Ce sont 50 % des emplois industriels en Seine-Saint-Denis qui ont ainsi disparu !

Quand on connaît les difficultés qui s’accumulent sur ce territoire, dont la population est massivement frappée par la crise, il y a de quoi s’inquiéter.

Cette situation risque de s’aggraver avec la menace de fermeture qui pèse à présent sur tout le site. Je dis bien qu’elle « risque » de s’aggraver, car il règne actuellement une telle incertitude que même les principaux intéressés, à savoir les salariés, leurs représentants syndicaux, les sous-traitants et les fournisseurs, ne sont ni informés ni associés.

Il est de notre devoir d’être vigilants, et je voudrais, après Éliane Assassi, dire tout mon soutien aux salariés et cadres inquiets, ainsi que ma volonté, en tant que parlementaire, de travailler à des solutions.

L’entreprise doit assumer sa responsabilité à l’égard de son environnement territorial, des salariés et des élus locaux ; sa stratégie doit être discutée avec ces derniers, en amont, c'est-à-dire dès maintenant, sur les choix qui les concernent directement. Et il en va de même pour les autres sites, en Franche-Comté, dans le Nord et ailleurs.

Toutefois, mes chers collègues, nous devons regarder la réalité en face. Je serai directe, parce que j’ai peu de temps.

Pour relancer les emplois industriels, il est grand temps, selon les écologistes, d’entamer également une démarche de conversion du secteur automobile. Nous n’annonçons pas la fin de l’automobile individuelle, mais la fin du « tout automobile individuelle ».

En effet, l’automobile individuelle est tout simplement en train d’occuper une place moins importante dans le système des transports, non seulement parce qu’il est nécessaire de contribuer à la lutte contre le dérèglement climatique et à la décarbonisation de l’économie, non seulement parce que l’épuisement des ressources naturelles non renouvelables, notamment le pétrole, rend ces dernières de plus en plus chères, mais aussi parce que nos concitoyens évoluent dans leurs comportements du fait de la saturation des villes, qui entraîne de graves problèmes de partage de la voirie et de l’espace public.

De nouvelles pratiques de consommation se développent fortement, telles que le recours accru aux transports en commun, le covoiturage entre salariés, les associations d’autopartage. C’est un fait, et les chiffres sont là : la voiture est utilisée de temps en temps, pour certains trajets, et non en permanence.

Il faut donc penser, dès maintenant et dans les dix ans à venir, à la reconversion de l’appareil de production et des salariés de l’industrie automobile. Sur quelles bases peut se redéployer cette dernière ?

Il est impératif de poser la question maintenant, sinon cette évolution se fera comme celle de la sidérurgie dans les années quatre-vingt, dans l’urgence, c’est-à-dire mal. Plutôt que de subir la situation, nous proposons de la préparer pendant qu’il est encore temps.

Dans cette perspective, il faut mettre autour d’une même table les salariés, leurs représentants syndicaux, les dirigeants des entreprises, l’État, les collectivités locales et d’autres acteurs, publics et économiques.

L’objectif d’un tel collectif doit être, dans un premier temps, de diagnostiquer les savoir-faire et les compétences collectives existant sur un site.

Dans un deuxième temps, il s’agira de définir des produits correspondant à l’outil de production existant et au savoir-faire de l’entreprise, afin de repositionner celle-ci sur un créneau industriel qualitatif, en prenant en compte les indicateurs sociaux et environnementaux et les besoins et spécificités du territoire.

Enfin, il faudra mettre en œuvre une transition industrielle, en assurant l’adaptation des machines et la formation du personnel, sans casser le collectif de travail, sans disperser les salariés et en leur assurant donc une sécurité sociale professionnelle.

Pour le secteur automobile, plusieurs orientations sont envisageables. Il faut faire évoluer la voiture vers un produit du XXIe siècle, en développant une anti-obsolescence programmée pour des véhicules plus robustes et solides et en créant des automobiles beaucoup moins dépendantes du pétrole et plus recyclables.

Il est nécessaire aussi de renforcer la filière du recyclage, potentiellement créatrice de très nombreux emplois, et de penser l’évolution des centres de production afin de rendre possible la mutualisation de certaines chaînes de production pour des produits différents : il faut passer de la fabrication de la voiture à celle d’autres produits industriels à définir.

Je citerai un seul exemple, qui ne doit pas être sur-interprété, mais qui est tout de même significatif : l’usine Bosch de Vénissieux, en 2011, à la suite d’un long travail de réflexion associant tous les acteurs concernés, s’est réorientée vers le montage de panneaux solaires, ce qui a permis de pérenniser 200 emplois.

De tels exemples sont encore rares, mais ils peuvent nous aider si nous les analysons et nous nous en inspirons. Monsieur le secrétaire d'État, si la volonté politique existe, si une impulsion forte est donnée, c’est possible ! §

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