Intervention de Valérie Létard

Réunion du 9 février 2012 à 9h30
Débat sur la situation de l'industrie automobile en france

Photo de Valérie LétardValérie Létard :

Mais pour attirer un tel groupe, une stratégie territoriale est indispensable. Nous avons démarché l’entreprise, mis un site à sa disposition et facilité la mobilisation des aides à l’aménagement du territoire, ainsi que le recrutement d’un personnel qualifié.

Nous nous sommes aussi préoccupés de l’attractivité de notre agglomération du point de vue des équipements culturels, de l’offre de logements, de l’offre de formations adaptées aux besoins de l’industrie automobile et de la performance de l’université. En effet, on n’attire pas une entreprise industrielle sur un territoire qui n’est pas attractif, où les cadres, les salariés et les chercheurs n’ont pas envie de venir vivre.

C’est sans doute parce que nous nous efforçons de créer ce dynamisme de territoire, en tirant parti de nos atouts et en nous attachant à corriger nos retards, qu’un certain nombre d’industriels continuent d’investir dans notre région. Toyota a choisi d’y fabriquer sa Yaris hybride pour l’Europe, ce qui entraînera 800 emplois supplémentaires et 125 millions d’euros d’investissements nouveaux. La boîte de vitesse de PSA y sera aussi produite, ce qui créera 400 emplois supplémentaires. Enfin, Toyotomi a décidé de s’y implanter, avec à la clé 100 emplois supplémentaires.

Mais il ne s’agit pas de nous voiler la face en ignorant les facteurs négatifs qui mettent en péril cet équilibre.

Certains facteurs sont anciens et récurrents, la crise ne faisant que les rendre plus aigus.

Je pense en particulier au coût du travail, plus élevé en France que dans d’autres pays européens, sans parler des pays à bas coûts. Par exemple, il faut trouver le moyen de réduire l’écart de coût, au départ de 600 euros, entre les véhicules produits sur le site de Sevelnord – vous avez évoqué ce site, madame Assassi – et le véhicule produit à Vigo, en Espagne. Voilà un premier exercice auquel les industriels doivent s’employer, tout en respectant bien évidemment la condition des salariés.

Il faut aussi tenir compte du fait que certains sites travaillent en partenariat avec des industriels étrangers. C’est le cas de celui de Sevelnord, associé avec Fiat pour la production de son véhicule utilitaire. Or Fiat s’étant désengagé, Peugeot, qui n’est pas responsable, doit trouver un nouveau partenaire.

En pareil cas, comme l’a dit Mme Archimbaud, seuls l’anticipation et le travail collectif peuvent permettre de trouver une solution. C’est la méthode que nous essayons d’appliquer, en lien avec les membres concernés du Gouvernement et leurs services, les régions, les communautés d’agglomération et l’ensemble des forces vives du territoire, sans oublier les salariés et les syndicats qui sont au cœur du dispositif.

Certes, des efforts de compétitivité sont nécessaires. Mais, pour avancer, il faut aussi savoir anticiper et évoluer, c’est-à-dire bâtir une stratégie, conclure de nouveaux partenariats et trouver de nouveaux gisements d’activité. Cette adaptation permanente est d’autant plus nécessaire que l’univers automobile est mondialisé et en perpétuelle évolution.

Il n’en demeure pas moins qu’il existe un différentiel entre les coûts de production. M. Tavares, dirigeant de Renault, nous a expliqué que la fabrication d’une Clio IV coûtait 1 300 euros de plus en France qu’en Turquie. Cette réalité relance une nouvelle fois le débat sur le coût du travail, qui sera assurément un enjeu des prochaines échéances électorales. C’est une question extrêmement complexe, qui nécessite de prendre en considération de nombreux paramètres, à commencer bien entendu par le paramètre humain.

De leur côté, les entreprises mentionnent volontiers les contraintes administratives. Il faut neuf mois pour monter une usine en Chine, alors qu’il en faut le double en France dans le meilleur des cas… C’est un point sur lequel il faut absolument évoluer. Pour faire venir Toyota à Valenciennes, nous avions réussi à obtenir des dérogations aux démarches administratives classiques ; sans cela, le constructeur japonais ne serait pas venu s’implanter chez nous, car les délais auraient été trop longs ! Il est donc indispensable de faciliter l’organisation et de simplifier les démarches administratives.

La qualité du climat social est également citée comme l’un des facteurs qui encouragent ou dissuadent les investisseurs, surtout s’ils sont étrangers.

Dans ma région, en 2010, on a dénombré dix-sept ruptures de livraison d’usine, dont quinze avaient pour origine des conflits sociaux chez des fournisseurs. Cet exemple illustre la nécessité de renforcer encore le dialogue social. Patronat et syndicats, tous les acteurs du monde du travail doivent se parler et travailler ensemble afin de prévenir les difficultés de ce type, qui nuisent aux salariés comme au développement des entreprises.

Les concertations issues des déclinaisons régionales du Pacte automobile contribuent au renforcement du dialogue social. Il est essentiel que l’adoption d’un code de bonnes pratiques se traduise par une amélioration pérenne des relations entre les donneurs d’ordre et les sous-traitants.

Enfin, on ne peut occulter l’effondrement du marché automobile en Europe occidentale et le déplacement des zones de croissance vers les pays émergents. Songez qu’il y a seulement 15 voitures pour 1000 habitants en Inde, contre 700 en Europe : la marge de progression est tout simplement fantastique ! Nos constructeurs doivent se positionner sur ces nouveaux marchés ultracompétitifs.

Le constat de l’existence de difficultés ne doit pas nous rendre défaitistes, bien au contraire. Certes, nous avons perdu des parts de marché et notre compétitivité s’est érodée par rapport à celle de nos voisins allemands. Mais la crise a eu l’effet bénéfique de nous pousser à réagir !

Pour rendre à la filière automobile la compétitivité qui lui fait défaut, il faut agir dans quatre directions.

Tout d’abord, il faut améliorer la formation initiale pour redonner aux jeunes le goût de l’industrie, développer la formation en alternance et rendre les carrières plus attractives. En Allemagne, les emplois industriels sont mieux rémunérés que les emplois de la finance !

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