Intervention de Dominique Bailly

Réunion du 9 février 2012 à 9h30
Débat sur la situation de l'industrie automobile en france

Photo de Dominique BaillyDominique Bailly :

Monsieur le secrétaire d’État, dans le Douaisis et le Valenciennois, territoires dont je suis l’élu, certaines entreprises sont en grande difficulté et l’horizon ne se dégage pas vraiment.

Sevelnord, par exemple, a dû faire face au retrait de Fiat, pendant longtemps partenaire de PSA sur le site. Je puis vous dire, monsieur le secrétaire d’État, que les salariés et leurs représentants goûtent peu le silence du Gouvernement sur ce dossier… Là-bas, comme sur d’autres sites automobiles en France, on a le sentiment que le Gouvernement est impuissant !

Quand les grands groupes industriels vont mal, une foule de PME et de sous-traitants en paient les conséquences. En effet, le modèle pyramidal de la filière automobile place de nombreuses PME dans un lien de dépendance très fort avec les donneurs d’ordre. Ainsi, les sous-traitants de capacité, c’est-à-dire ceux qui fabriquent des pièces que le constructeur pourrait produire lui-même, ont quasiment disparu dans la région Nord–Pas-de-Calais ; et partout en France, ils subissent la crise de plein fouet.

La filière automobile perd des emplois sans qu’une stratégie à l’échelle de l’État ne vienne la revitaliser. Les effectifs diminuent petit à petit, par le compactage de notre capacité de production décidé, il est vrai, par tous les constructeurs. Nous avons ainsi perdu une capacité de production de 500 000 véhicules par an depuis 2007 !

La réalité est bien là ! Ces chiffres nous rapprochent, non pas – loin s’en faut – de l’Allemagne, souvent citée ces temps-ci, mais du Royaume-Uni, que Nicolas Sarkozy a décrit comme une terre ayant perdu son industrie.

Il est étonnant de constater que, dans le même temps, les marques allemandes ont progressé sur le marché français, ce qui valide certainement une stratégie industrielle de meilleure facture.

Une des raisons de cette panne de la production de voitures en France vient du peu de débouchés, déjà souligné par les précédents intervenants. On le sait, lorsqu’il n’y a pas de débouchés, l’emploi trinque !

Nos constructeurs ont tardé à investir les nouveaux marchés extérieurs et, lorsqu’ils l’ont fait, l’activité sur notre territoire national n’a pas été accrue puisque la production est réalisée sur place, donc à l’étranger, et c’est bien le problème !

Dans le même temps, ils appliquent une stratégie inverse pour le marché français puisque celui-ci est de plus en plus approvisionné par des usines d’Europe de l’Est ou du Maghreb. Renault inaugure ainsi aujourd'hui une nouvelle usine à Tanger…

C’est là, monsieur le secrétaire d'État, tout le paradoxe : le marché de l’automobile croît à l’échelle mondiale – les chiffres le démontrent –, mais le nombre d’emplois dans l’automobile en France décroît.

Cela n’est pas acceptable : nous devons inciter à la relocalisation et au maintien des entreprises sur notre territoire, mesure que vous n’avez, hélas ! jamais prise, alors qu’elle serait un catalyseur pour l’emploi industriel automobile.

Pour notre part, nous défendons cette mesure et nous sommes prêts à la mettre en œuvre dans quelques mois.

Pourquoi en sommes-nous là, monsieur le secrétaire d'État ? Une des raisons principales tient au manque de vision globale et de stratégie industrielle pérenne. Voilà le vrai problème ! Le gouvernement auquel vous appartenez s’est laissé guider, sans obtenir de contrepartie, par les grands constructeurs, lesquels n’ont pas fait de l’emploi leur priorité.

Ainsi, l’orientation des fonds stratégiques d’investissement, que pilote l’État, que vous pilotez, monsieur le secrétaire d'État, n’a pas permis de faire de la France un pays leader pour les voitures de demain.

La transition énergétique de nos véhicules est trop peu soutenue par le Gouvernement, alors que le potentiel économique et les bénéfices environnementaux sont immenses, tout le monde le sait.

La stratégie « court-termiste » de la prime à la casse a momentanément gonflé les ventes, ce qui en soi n’a pas été une mauvaise chose, mais elle a occulté le besoin d’une ambition plus grande pour la filière automobile.

Par ailleurs, les mesures prises par le Gouvernement concernant la défiscalisation des heures supplémentaires ont abouti à de véritables aberrations dans nos usines de production automobile. Figurez-vous que, dans une même usine, – on en a des exemples dans le Nord – Pas-de-Calais – certains ouvriers peuvent être au chômage partiel tandis que d’autres sont contraints de faire des heures supplémentaires, le tout ne créant évidemment pas d’emplois, mais produisant beaucoup de frustration chez de nombreux salariés.

Monsieur le secrétaire d'État, permettez-moi de conclure par une image : le réservoir de votre imagination en matière de politique industrielle automobile est à sec !

Il est temps de promouvoir les PME qui innovent, les équipements automobiles novateurs, les nouvelles motorisations avec des énergies propres. Il est temps d’inciter nos grands constructeurs à produire en France, pour le marché français comme pour les marchés émergents.

Notre savoir-faire est immense : notre ingénierie est en pointe, les ouvriers dans nos usines sont parmi les plus compétents dans le monde. Pourtant, le constat est sans appel : notre industrie automobile traverse une crise que vous n’avez pas su résoudre.

(M. Pierre Hérisson s’exclame.) et de changer de route.

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