Intervention de Mireille Schurch

Réunion du 9 février 2012 à 9h30
Débat sur la situation de l'industrie automobile en france

Photo de Mireille SchurchMireille Schurch :

Dans le même temps, le marché automobile mondial est florissant : de 1997 à 2010, la production des deux constructeurs français a augmenté de 57 %.

Les immatriculations en France sont passées de 2 millions en 1997 à 2, 7 millions en 2010. Cette progression est identique à l’échelon européen. Nous remarquons une inversion depuis le début de l’année, à cause de la dégradation du pouvoir d'achat.

Pourtant, la sous-traitance ne profite pas de cette progression, puisque la pression sur les prix est toujours plus forte, avec des gains de productivité imposés tous les ans qui sont de plus en plus difficiles à atteindre.

Cela se traduit dans la plupart des entreprises par une pression sur les employés à qui l’on demande toujours plus pour des salaires qui stagnent, sans reconnaissance. Leurs carrières, leurs classifications, leurs salaires sont souvent bloqués, entraînant une véritable déqualification de l’emploi ouvrier, déqualification amplifiée par le recours massif à l’intérim.

M. Estrosi ne le rappelait-il pas ? « Nous avons aidé les constructeurs automobiles à ne pas disparaître à la condition qu’à leur tour ils aident leurs sous-traitants à passer le cap de la crise. Donnant-donnant. » Rien n’y fait : les sous-traitants sont toujours au bord du gouffre. La saignée des effectifs ne donne pas les moyens à la filière de saisir la croissance de la production prévue à l’horizon 2013, alors que des compétences nouvelles, donc des emplois nouveaux, sont nécessaires pour porter les innovations associées aux véhicules de demain, à la lutte contre le changement climatique, à la promotion d’une mobilité verte.

Les problèmes de la sous-traitance industrielle ne sont pas seulement conjoncturels. La situation actuelle a aussi pour cause ce que d’aucuns ont appelé le manque de solidarité au sein des filières ou la « maltraitance dans la sous-traitance ».

Ainsi, tout comme le déclin de l’industrie automobile dans notre pays, la non-protection des PMI apparaît comme le produit d’un choix, celui d’une économie postindustrielle, une économie fondée sur les services. La réforme du droit des affaires et des relations industrielles a pour seul but de satisfaire les entreprises du CAC 40, dont Renault et PSA font partie aujourd’hui.

Parmi ces choix, nous trouvons les éléments constitutifs de la relation entre donneurs d’ordre et sous-traitants, qui repose sur des comportements abusifs.

Alors que de nombreux débats d’initiatives diverses se font jour pour sauver l’industrie automobile et nos PME, à aucun moment les liens entre les donneurs d’ordre et les sous-traitants ne sont remis en cause. N’est pas non plus remise en cause l’idée simpliste selon laquelle le renforcement de la compétitivité ne passe que par l’abaissement du coût du travail. Les sous-traitants, surtout dans le secteur automobile, n’ont jamais été considérés comme des partenaires : ils sont vus comme un réservoir de productivité à exploiter pour conforter unilatéralement les marges des donneurs d’ordre.

Ainsi, le médiateur de la sous-traitance a relevé pas moins de trente-six pratiques illégales. Je n’en citerai que quelques-unes : désengagement brutal du donneur d’ordre, exploitation de brevet ou de savoir-faire sans l’accord du sous-traitant, baisse de prix imposée unilatéralement sur des programmes pluriannuels, travail non rémunéré, incitation à la délocalisation. Monsieur le secrétaire d'État, gardez à l’esprit le cas des salariés de Bosal que j’ai évoqué voilà quelques instants : ils attendent vos propositions !

Ce n’est plus le principe de bonne foi énoncé à l’article 1134 du code civil qui prévaut. C’est désormais le rapport de force, voire un système féodal entre sous-traitant et donneur d’ordre, comme le souligne justement Thierry Charles dans son ouvrage Plaidoyer pour la sous-traitance industrielle.

Pourtant, la plupart des grandes réussites industrielles de ces dernières années s’expliquent précisément par le dynamisme des sous-traitants. Ceux-ci demeurent un jalon déterminant dans le processus de gestion de la qualité et de la traçabilité. La sous-traitance est un facteur essentiel de l’aménagement du territoire non seulement pour développer le tissu industriel régional, mais également pour attirer les investissements !

Ainsi, en Auvergne, la carte des différents sites montre que c’est tout le territoire qui est irrigué par l’industrie automobile : Dunlop ou AMIS à Montluçon, Michelin à Clermont-Ferrand, Preciturn, entreprise spécialisée dans la visserie pour l’automobile, à Monistrol-sur-Loire, ou encore Bosch à Yzeure pour les dispositifs de freinage et d’assistance.

Dans l’Allier, 4 350 salariés travaillent dans 96 entreprises du commerce et de l’industrie automobile. Dans le Puy-de-Dôme, on compte près de 14 000 salariés et 154 entreprises. Dans la Haute-Loire, on dénombre 4 650 employés.

C’est pourquoi il est aujourd’hui impératif que les pouvoirs publics instituent un véritable statut de la sous-traitance industrielle.

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