Intervention de Chantal Jouanno

Réunion du 9 février 2012 à 15h00
Filière industrielle nucléaire française — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Chantal JouannoChantal Jouanno :

Deuxièmement, le rapport montre que, à court terme, le développement des seules énergies renouvelables ne permettrait pas de compenser la fermeture des réacteurs.

Des obstacles technologiques demeurent, les filières des énergies renouvelables n’ayant pas encore toutes atteint le même degré de maturité. Si l’hydroélectricité et l’éolien terrestre sont aujourd’hui des technologies matures et presque compétitives, tel n’est pas encore le cas du photovoltaïque ou de l’éolien en mer.

Par ailleurs, il existe encore, pour les énergies renouvelables, des problèmes de déconnexion entre sites de production et lieux de consommation, dont le règlement impose un très fort développement des réseaux. Or les délais de construction des lignes à très haute tension sont d’environ dix ans, et donc bien supérieurs à ceux de mise en route des infrastructures.

Enfin et surtout, pour massifier le recours aux énergies renouvelables, les solutions de stockage de l’électricité et les smart grids devront progresser. Pour l’heure, les technologies ne sont pas encore au point.

Par conséquent, la substitution d’énergies renouvelables à l’énergie nucléaire n’est pas envisageable à moyen terme : le rapport de l’OPECST estime qu’une transition entre sources d’énergie prend au moins vingt-cinq ans.

Catherine Procaccia, qui s’est rendue au Japon après l’accident de Fukushima, souhaitait vous indiquer que la sortie rapide de ce pays du nucléaire devrait se traduire par une hausse de 20 % des émissions de gaz à effet de serre.

Dans ces conditions, l’OPECST envisage un ajustement du parc nucléaire au terme de la vie des réacteurs, au moment préconisé par l’ASN, dont tout le monde reconnaît aujourd’hui la compétence et l’indépendance. Si l’on substituait un réacteur de nouvelle génération à deux d’ancienne génération, la part de l’électricité d’origine nucléaire dans la production totale diminuerait pour s’établir entre 50 % et 60 % vers 2050, puis entre 20 % et 30 % à l’horizon 2100.

La filière nucléaire devra donc continuer à jouer un rôle au côté des autres sources d’énergie, qui ne pourront s’y substituer qu’au fur et à mesure de leur maturation. Il va naturellement de soi que la trajectoire équilibrée préconisée par les auteurs du rapport n’est crédible que si la sécurité fait figure de priorité absolue, quel qu’en soit le coût.

Dans un avis récent portant sur les évaluations complémentaires de sûreté après l’accident de Fukushima, l’ASN a préconisé une amélioration de la robustesse des centrales.

La mission a aussi formulé plusieurs recommandations visant à renforcer l’organisation de la sûreté nucléaire dans notre pays. Elles portent sur l’unification des moyens de l’ASN et, surtout, sur la limitation du recours aux cascades de sous-traitance. La mission en appelle à des efforts supplémentaires en termes de formation des personnels, de transmission de compétences, ainsi qu’à un recours maîtrisé à la sous-traitance, qui ne doit pas entraîner une dilution des responsabilités.

Troisièmement, la réalisation d’économies d’énergie est la première priorité citée dans le rapport de l’OPECST. Si cette problématique est aujourd’hui bien prise en compte dans le secteur du bâtiment, elle doit être considérée comme un enjeu fondamental au regard de la forte croissance des besoins en électricité induite par les évolutions technologiques, notamment le développement d’internet et de la voiture électrique, dont la définition de notre mix énergétique doit tenir compte. Je sais, monsieur le ministre, qu’un rapport sur ce sujet doit vous être remis.

Mes chers collègues, emprunter un autre chemin que celui de la raison se paiera soit par une augmentation de nos émissions de gaz à effet de serre, soit par une perte de points de croissance. On ne peut nier cette réalité.

Entre éthique de la conviction et éthique de la responsabilité, entre légitimes réserves face au nucléaire et conscience des risques d’une transition précipitée, une voie est possible, que présente le rapport de l’OPECST. Celle-ci ne satisfera peut-être pas les extrémistes des deux bords, mais elle me semble tout à fait conforme à l’intérêt général.

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