Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les dispositifs d’allocation fluctuent parfois au gré des majorités politiques. Ils sont également abscons, bien souvent, pour celles et ceux qui ne s’y intéressent pas.
Pourtant, derrière ces allocations se trouvent des hommes et des femmes dont la vie est bien réelle, et dont la situation personnelle peut tanguer au fil de réformes plus ou moins sociales.
Tel est le cas pour les hommes et les femmes concernés par l’ancienne allocation équivalent retraite, ou AER.
Au mois de décembre dernier, les salariés de l’ancienne entreprise Jabil, basée à Brest, dont la plupart sont des femmes qui y ont travaillé plus de trente ans avant d’être licenciées, m’ont fait part de leur immense désarroi face au brutal changement des règles d’allocation. Victimes d’un plan social, ils pensaient bénéficier d’un revenu décent jusqu’à leur retraite. Or le cumul de la réforme des retraites et de la suppression de l’AER remet en cause toutes les espérances de ces salariés et les poussent dans la précarité.
Créée par le gouvernement socialiste en 2001, l’AER concernait les demandeurs d’emplois âgés de moins de 60 ans en fin de droit qui avaient atteint la durée de cotisation pour bénéficier de la retraite à taux plein.
La loi de finances pour 2008 a supprimé l’allocation équivalent retraite, mettant ainsi un terme aux nouvelles entrées dans ce dispositif à compter du 1er janvier 2009. Toutefois, dans le contexte de crise économique mondiale, qui rend particulièrement difficile la situation de certains demandeurs d’emploi âgés de plus de 55 ans, le Gouvernement a prolongé l’existence du dispositif AER, à titre exceptionnel, en 2009 puis en 2010. Ainsi, depuis le 1er janvier 2011, l’AER n’accepte plus de nouveaux entrants.
Vous avez justifié cette politique en disant vouloir privilégier l’emploi des seniors. Or le chômage des personnes âgées de plus de 50 ans a augmenté de 0, 3 point en 2011.
Face à des revendications syndicales fortes et aux protestations des élus, le Gouvernement a mis en place un nouveau dispositif : l’allocation transitoire de solidarité, ou ATS, valable seulement pour les chômeurs âgés de 60 ans au moins. Cela signifie que les demandeurs d’emploi seniors sont désormais contraints de vivre dans la précarité, parce qu’ils n’ont pas l’âge requis pour partir en retraite, alors que la plupart ont déjà suffisamment cotisé pour bénéficier d’une retraite à taux plein.
Cette situation est inacceptable, monsieur le secrétaire d'État. Elle pousse dans la précarité de nombreux foyers. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 11 000 personnes seraient concernées par la nouvelle allocation, alors que 50 000 personnes étaient éligibles à l’AER en 2010.
Le nouveau dispositif ATS est un premier pas, certes, mais un pas insuffisant. Il est porteur d’injustice sociale. Nombreux sont ceux qui vont rester sur le carreau, avec pour seule consolation les minima sociaux, qui représentent, la plupart du temps, moins de 500 euros par mois.
L’amendement voté par le Sénat lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2012, amendement qui tendait à une évaluation par le Gouvernement du coût pour les comptes publics du rétablissement de l’AER, a été « retoqué ». Il semble donc que vous fassiez la sourde oreille.
Ma question est pourtant simple, monsieur le secrétaire d'État. Dans quelles conditions pourriez-vous envisager un retour à l’AER ou, tout du moins, la mise en place d’un dispositif moins restrictif permettant aux seniors qui ne retrouvent pas un emploi de vivre décemment jusqu’à leur retraite ?