Monsieur le sénateur, je tiens à vous assurer que Frédéric Mitterrand comme moi-même sommes particulièrement attachés aux métiers d’art et à la défense de nos savoir-faire.
Le Gouvernement est particulièrement attentif à la situation des artisans d’art : beaucoup a été fait pour eux au cours de ces dernières années ; vous le savez, et tous les professionnels le savent aussi.
Pour ma part, j’ai rencontré un certain nombre des artisans auxquels vous faites allusion, et je travaille à mettre en place une indication géographique protégée – une IGP –, dispositif permettant de protéger les produits artisanaux et industriels, à l’instar de celui qui a permis de sauver un certain nombre de produits alimentaires ; je pense au Brie de Meaux au Pruneau d’Agen, mais je pourrais multiplier les exemples.
Nous menons aujourd'hui cette bataille pour un certain nombre de raisons.
Face à la globalisation, qui souvent rime avec uniformisation, les consommateurs et les citoyens du monde entier sont à la recherche d’authenticité et de qualité, à la recherche de sens.
À cet égard, la France a la chance d’être le pays de l’intelligence, le pays de l’immatériel, le pays des savoir-faire, savoir-faire que nous devons protéger.
Parmi les 38 000 entreprises de l’artisanat d’art, les tapissiers d’art occupent naturellement une place éminente, reconnue dans notre pays.
Lors d’un récent déplacement en Creuse, j’ai tenu à me rendre dans un certain nombre d’entreprises qui bénéficient du label « Entreprise du patrimoine vivant » – lequel a été créé sous l’impulsion du Président de la République – et qui sont donc reconnues à ce titre comme détenteurs des savoir-faire d’excellence de notre pays.
Vous connaissez la situation des finances publiques de la France – situation dont les gouvernements qui se sont succédé depuis trente ans, de droite comme de gauche, sont d'ailleurs responsables ; vous êtes donc conscient de la nécessité de mettre fin à la dérive de la dépense publique permanente et de l’obligation qui pèse en la matière sur le Gouvernement. À cet égard, je vous ferai remarquer qu’il faut beaucoup de courage pour prendre les mesures nécessaires, à quelques mois d’échéances importantes. Ce courage n’est pas très répandu dans le monde politique, mais le Président de la République n’en manque pas.
En l’occurrence, vous avez fait allusion aux mesures que nous avons été amenés à prendre afin de freiner le déficit, et notamment à l’augmentation du taux réduit de TVA. Cet ensemble de mesures est juste : en effet, monsieur le sénateur, tous les secteurs ont été traités de la même façon, qu’il s’agisse de la culture, du logement social, de l’agriculture ou de la restauration.
On aurait pu imaginer, comme cela a été le cas dans d’autres pays, de faire passer un certain nombre d’activités au taux normal ! Or tel n’est pas le choix du Gouvernement. Ce traitement juste et égal pour tous les secteurs ne peut évidemment pas être remis en cause ; chacun en est parfaitement conscient et les professionnels eux-mêmes.
Si l’un ou l’autre des secteurs avait bénéficié d’un traitement différent, la question aurait effectivement pu se poser. Mais tel n’est pas le cas : tout le monde a été traité à égalité.
En ce qui concerne plus particulièrement la situation des lissiers du bassin aubussonnais, je peux vous dire que le ministre de la culture, très attaché à la préservation de ce secteur d’activités, dont la valeur culturelle et artistique n’est pas à démontrer, sera très attentif aux effets de la mesure sur la profession.
Il convient également de noter que l’État lance chaque année un appel à consultation, pour un budget d’environ 70 000 à 80 000 euros, visant à financer l’étude d’un artiste ainsi que sa réalisation par un lissier, le plus souvent originaire d’Aubusson.
Ainsi, la réalisation d’une œuvre de Françoise Quardon a récemment été confiée à l’atelier Patrick-Guillot, installé à Aubusson, comme des œuvres de Gérard Garouste l’avaient été, par le passé, à la manufacture Saint-Jean, elle aussi aubussonnaise.
L’État est donc pleinement impliqué dans le soutien à ces artisans.
Par ailleurs, la direction générale de la création artistique, la DGCA, recevra, le 14 mars prochain, une délégation – vous en ferez partie, monsieur le sénateur – pour évoquer le projet de Cité internationale de la tapisserie et de l’art tissé. Cette rencontre sera l’occasion d’aborder l’ensemble des questions liées à la situation d’Aubusson et à l’implication – dont, j’espère, vous ne doutez pas – du ministère de la culture.
Enfin, le Gouvernement continuera à soutenir fortement les métiers d’art.
De nombreux cursus de formation relèvent directement du ministère de la culture : Institut national du patrimoine, pour les restaurateurs d’œuvres d’art ; centres de formation du Mobilier national, pour la menuiserie en siège, l’ébénisterie, la bronzerie et la lustrerie, les tapis et tapisseries, la dentelle..., et de Sèvres, pour la céramique.
Plusieurs centaines d’emplois de maîtres d’art sont mobilisés pour la restauration des collections publiques et des monuments historiques. Pour avoir eu une discussion avec des professionnels, en Creuse, je sais qu’ils sont parfaitement conscients du rôle et de l’implication très forte de l’État.
La commande publique et le 1 % artistique soutiennent fortement cette activité. En outre – vous le savez, monsieur le sénateur –, mon ministère tout comme celui de la culture consacrent chaque année près de 2 millions d’euros au financement de l’Institut national des métiers d’art, lequel structure le secteur et organise les Journées européennes des métiers d’art, formidables vitrines des talents.
Comme vous pouvez le constater, en dehors de l’élévation du taux de TVA – sur lequel, je vous le rappelle, la décision qui a été prise était juste –, le Gouvernement est particulièrement engagé dans une action déterminée pour soutenir ces secteurs d’activité, lesquels, à la fois, représentent l’une des chances de la France dans la mondialisation, mais aussi, vous le savez mieux que quiconque, sont essentiels pour le développement de nos territoires et le respect de nos traditions.
Il me faut conclure : sachez également que nous sommes en train de favoriser le rapprochement entre des artisans, porteurs de savoir-faire, et des designers, dont l’activité s’inscrit dans le temps présent. En effet, nous devons préparer le futur : aujourd'hui, dans ces métiers, tradition et innovation sont également nécessaires.
En outre, lorsque ces productions, comme les tapisseries d’Aubusson, deviennent quasiment un nom commun dans un certain nombre de pays, vous pouvez mesurer le risque de pillage qui menace ce capital. C'est la raison pour laquelle il nous appartient de le protéger et de le valoriser.