Intervention de David Assouline

Réunion du 7 février 2012 à 14h30
Débat sur le rapport annuel du contrôle de l'application des lois

Photo de David AssoulineDavid Assouline, président de la commission :

Voilà ce à quoi nous allons nous atteler !

D’évidence, l’application des lois, dans sa dimension réglementaire, est une discipline juridique complexe. Néanmoins, pour parvenir à l’envisager dans sa globalité, nous devons nous poser certaines questions simples : la loi est-elle appliquée ? Si tel n’est pas le cas, pourquoi ? Où sont les blocages ? Comment les résoudre ? Si elle est appliquée, les effets recherchés sont-ils réellement obtenus ? Répondent-ils aux besoins ciblés ? Les moyens programmés ont-ils été apportés ? Suffisent-ils ? Sans sombrer dans l’itération, peut-on améliorer le dispositif ? En d’autres termes, le contrôle de l’application des lois doit évaluer la loi à l’aune de la réalité et du terrain.

J’en viens au bilan qui nous occupe aujourd’hui.

Pour l’année 2010-2011, des 33 lois requérant un suivi réglementaire, 8 lois, soit 24 %, ont reçu l’intégralité de leurs textes d’application ; 21 lois, soit 64 %, sont partiellement mises en application et 4 lois, soit 12 %, attendent la totalité de leurs décrets.

S’agissant de la treizième législature dans son ensemble, 59 % des 131 lois promulguées nécessitant des décrets d’application sont totalement appliquées, 37 % le sont partiellement et 3 % ne le sont pas du tout.

Monsieur le ministre, à propos de ce bilan chiffré, permettez-moi de formuler une remarque, en réalité presque un rappel de ce qu’il était convenu de faire ensemble pour éviter que ne se reproduisent les malentendus de l’année dernière. En effet, il avait été convenu entre votre ministère et les services du Sénat que la période considérée pour établir ce bilan annuel s’arrêterait au 31 décembre 2011. Or si notre rapport respecte cet accord tacite, dirons-nous, tant dans votre communication solennelle en conseil des ministres que dans vos interventions dans la presse, vous annoncez des chiffres allant jusqu’au 31 janvier 2012.

Je comprends la précipitation d’une fin de législature et votre ardeur à vouloir rattraper le retard accumulé, parfois par vos prédécesseurs, mais, à l’avenir, il serait bienvenu d’en rester à des bases communes. Comment comparer les pointages de la Haute Assemblée et ceux de votre ministère si ce dernier ne respecte pas les bornes qui avaient été posées ?

D’ailleurs, cet épisode met drastiquement en lumière l’urgence qu’il y a à harmoniser les bases de données de votre ministère et du Sénat. C’est une demande officielle de notre part : les tableaux de bord du suivi de la mise en application des lois devraient être transmis au Sénat spontanément, sans que nous ayons à les quémander auprès de vous, et en temps réel. Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à prendre cet engagement aujourd’hui ?

Bien entendu, quand un décret est publié, nous l’avons en temps réel, grâce au Journal Officiel, au site Légifrance, mais le processus de suivi, que vous maîtrisez, monsieur le ministre, doit nous être transmis. Quand tel décret est enlisé au Conseil d’État ou dans telle administration, vous saisissez vos propres collègues ministres et leur demandez d’agir. C’est bien ainsi que vous procédez. Nous avons besoin de savoir, décret par décret, à quelle étape en est le texte pour jouer notre rôle de contrôle, pour demander à telle ou telle administration d’accélérer le processus. C’est à cette condition que nous pourrons exercer notre mission de contrôle en toute indépendance sans être obligés de nous en remettre à vos décisions et aux résultats de vos actions. Nous ne voulons pas jouer un rôle de contrôle « après coup ».

Par ailleurs, et pour en finir avec la question des dates à prendre en considération, la commission recommande une nouvelle fois, compte tenu de l’objectif des six mois que vous avez retenu pour la publication des décrets – c’est l’objectif du Premier ministre que vous avez réaffirmé –, que les bornes fixées soient davantage en relation avec le calendrier parlementaire. Il serait donc opportun que soient retenues les dates du 30 septembre et du 31 mars plutôt que celles du 30 juin et du 31 décembre, qui ne sont guère pertinentes par rapport au calendrier parlementaire.

Cela étant, un examen plus détaillé de ces chiffres révélerait le caractère en partie « optique » de cette consolidation, mais je vous accorde volontiers que ce rapport et vos résultats témoignent d’une amélioration significative. La création du comité de suivi, la régulation que vous avez entreprise, les réunions interministérielles, la nomination d’un commissaire à l’application des lois, ou encore l’incitation à tenir le délai de six mois sont autant d’initiatives qui, sans aucun doute, ont pesé sur ce résultat.

Admettez avec moi que le Parlement a contribué à cette amélioration. Les douze rapports de l’Assemblée nationale, les questions écrites ou orales au Gouvernement, les débats organisés au cours des semaines de contrôle, la création même de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois participent également de ce bon résultat pour cette année.

Toutefois, malgré cette avancée, je le répète, significative, je ne vois pas de motif à verser dans le triomphalisme. Une telle attitude est de toute façon mauvaise, car, même en cas de bons résultats, le triomphalisme est démobilisateur. En tout état de cause, nous sommes encore loin du compte. Passer d’un taux d’application des lois de 20 % à 64 % n’est pas mal, mais à l’aune d’un objectif de 100 %, 64 %, cela reste insuffisant.

L’objectif principal, à savoir la publication des décrets dans un délai de six mois après la promulgation de la loi, demeure très insuffisamment rempli : il l’est à 42 %, pourcentage très éloigné de l’objectif de 100 % que s’est fixé le Gouvernement.

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