Intervention de Jean-Louis Carrère

Réunion du 7 février 2012 à 14h30
Débat sur le rapport annuel du contrôle de l'application des lois

Photo de Jean-Louis CarrèreJean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission sénatoriale, mes chers collègues, cela fait plus de quarante ans que le Sénat s’intéresse à la question de la mise en application des lois que nous votons.

Cette année, pour la première fois, une commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, présidée par notre collègue David Assouline, a été créée, et un débat en séance plénière sur ce contrôle est à l’ordre du jour de notre assemblée. C’est dire toute l’importance que nous accordons à ce thème : voter une loi est une chose, mais nous devons aussi veiller à ce qu’elle soit effectivement mise en application.

La commission que j’ai l’honneur de présider présente une spécificité par rapport aux autres. En effet, l’essentiel de son action législative consiste en l’examen de projets de loi autorisant la ratification ou l’approbation de traités ou d’accords internationaux.

Au cours de l’année parlementaire 2010-2011, le Sénat a adopté en séance plénière 31 accords internationaux relevant de la compétence de la commission des affaires étrangères ; ces conventions et accords ne sont toutefois pas pris en compte dans le contrôle de la mise en application des lois.

La commission susvisée a également été saisie au fond de quatre projets de loi intéressant les questions de défense.

Monsieur le ministre, depuis la circulaire du 29 février 2008 relative à l’application des lois, le Gouvernement s’est fixé comme objectif un délai de six mois pour la publication de toutes les mesures réglementaires. On ne peut que se réjouir que notre préoccupation soit partagée par l’exécutif.

Mais, en pratique, est-ce le cas ? Pas tout à fait…

Pour ce qui concerne le bilan de l’application des lois relevant de la compétence de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, le qualificatif qui me vient à l’esprit est « mitigé ».

Pourtant, en la matière, il n’y a pas de demi-mesure : soit le résultat est excellent, soit il est médiocre. En fait, il est excellent pour deux des quatre lois soumises à la commission que je préside, et médiocre pour les deux autres.

Le bilan est excellent pour la loi relative à la lutte contre la piraterie et à l’exercice des pouvoirs de police de l’État en mer. Un seul décret était attendu ; il a été pris à la fin du mois de septembre. Si le délai de six mois a été légèrement dépassé, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat ne peut néanmoins que se féliciter des efforts consentis afin que cette loi soit rapidement applicable dans sa totalité.

Quant à la loi relative au contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre et de matériels assimilés, à la simplification des transferts des produits liés à la défense dans l’Union européenne et aux marchés de défense et de sécurité, elle a vu 95 % de ses textes d’application publiés dans un délai inférieur à quatre mois après sa promulgation. Il conviendra de publier rapidement la mesure restante, monsieur le ministre, pour que notre satisfaction soit totale, et je suis sûr que vous n’y manquerez pas !

J’en arrive au plus mauvais, car le bilan est médiocre pour les deux autres lois. Qu’il s’agisse de la loi relative à la reconversion des militaires ou de celle relative à la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs, elles ont un point commun : celui d’être inappliquées. M. Serge Lasvignes, secrétaire général du Gouvernement, lors de son audition devant la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, a reconnu que ces deux lois n’avaient fait l’objet d’aucune mesure d’application et a attribué ce retard à « certaines lenteurs administratives imputables au ministère de la défense ».

« Lenteurs » : le mot est juste ! En effet, un seul décret est nécessaire pour la mise en application de la loi relative à la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs. L’échéancier adressé par le secrétariat général du Gouvernement prévoyait sa publication au 1er octobre 2011. Au 31 décembre 2011, rien encore n’avait été publié. Selon les termes du rapport sur la mise en application de la loi qui a été adressé au Parlement, le Conseil d’État devrait être saisi très prochainement du projet de texte. On passe d’octobre 2011 à « très prochainement » : au retard s’ajoute donc, pour le moins, l’imprécision.

Quant à la loi relative à la reconversion des militaires, aucun calendrier ne nous a été communiqué, hormis celui disponible sur le site Légifrance, qui indique une publication au mois de juillet 2011 !

Monsieur le ministre, nous avons bien conscience que la publication de mesures d’application n’est pas une science exacte. Plus que les retards, c’est le manque d’information que nous regrettons. Vos services disposent de données que nous ignorons, d’informations sur les procédures en cours, sur les difficultés rencontrées et les retards éventuels. Pourquoi ne pas nous les transmettre ? J’espère, en tout cas, que vous les communiquerez à la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, ce qui mettra un terme à de nombreuses incompréhensions.

Il est dans l’intérêt de l’exécutif comme du législatif de travailler en meilleure harmonie sur ce sujet. Tel est, du moins, le vœu que je forme, monsieur le ministre, et je suis certain que la volonté et la ténacité de M. Assouline et des membres de la commission qu’il préside contribueront à assurer une meilleure application des lois promulguées, malgré le satisfecit que vous vous octroyez ! De là à imaginer – ou plutôt, rêver, mais pourquoi ne pas rêver, puisque la période s’y prête un peu ? – une commission de sages chargée d’apprécier la pertinence d’une intervention du législateur sur certains sujets… Une telle idée reste assurément du domaine du rêve et sa mise en œuvre pourrait priver les parlementaires que nous sommes d’une part de leur pouvoir !

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos concitoyens ont conscience que nous légiférons parfois trop, en réaction aux événements, même s’ils sont importants. Nous devons donc constamment nous interroger sur la pertinence et l’opportunité des lois que nous votons.

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