Intervention de Philippe Marini

Réunion du 7 février 2012 à 14h30
Débat sur le rapport annuel du contrôle de l'application des lois

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, président de la commission des finances :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier Mme la présidente Annie David de sa courtoisie, car elle m’a autorisé à prendre la parole avant elle afin de me permettre de satisfaire à un impératif incontournable.

Mes chers collègues, le contrôle annuel du Sénat de l’application des lois est issu d’une tradition déjà longue qui fait honneur à notre assemblée. Cette tradition, le bureau du Sénat a décidé de l’incorporer dans le droit positif en créant une commission sénatoriale spécifiquement dédiée à cette activité : je m’en réjouis et je salue cette commission, son président et le premier rapport qu’elle vient de déposer.

Monsieur le ministre, le gouvernement auquel vous appartenez s’est fixé un objectif ambitieux : 100 % de mesures d’application prises d’ici à la fin de l’année 2012 pour les lois votées avant le 13 juillet 2011. Il est arrivé que les délais de mise en œuvre de certains textes votés soient longs, parfois trop longs, voire beaucoup trop longs. Pour ce qui concerne la commission des finances, je pense à des textes récents comme la loi pour le développement économique des outre-mer, la LODEOM, ou la loi de régulation bancaire et financière, dont un large pan vient seulement d’entrer en vigueur, grâce à deux décrets parus au mois de janvier dernier, et dont certaines mesures restent encore en souffrance.

Quoi qu’il en soit, le volontarisme ainsi affiché fait déjà sentir ses premiers effets sur les textes les plus récents, et je me réjouis, comme le président Assouline, que les chiffres de la mise en application des lois examinées l’an dernier par la commission des finances reflètent cette évolution positive. Pour une analyse précise des chiffres, je me permets de vous renvoyer à l’excellent rapport de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois.

Je voudrais toutefois souligner en cet instant, devant le ministre chargé des relations avec le Parlement, quelques zones d’ombre qui subsistent, notamment quelques cas où la volonté du Parlement est malheureusement mise en échec en raison de préjugés tenaces au sein des administrations dépendant du pouvoir exécutif.

Un exemple à mon avis emblématique est le dispositif relatif à la lutte contre les vols de métaux, qui doit être précisé par un décret prévu à l’article 51 de la loi du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011.

Il s’agit d’un sujet de première urgence. Les vols de métaux connaissent une croissance constante, qui a justifié la mise en place d’une nouvelle obligation déclarative pour les personnes se livrant, à titre habituel, à l’achat de métaux ferreux et non ferreux. Compte tenu des enjeux, le Sénat a adopté, sur mon initiative, lorsque j’étais encore rapporteur général de la commission des finances, un amendement tendant à avancer l’entrée en vigueur du dispositif au 1er janvier 2012 : il était donc nécessaire que le décret définissant le contenu de la déclaration soit publié avant cette date. Hélas, il n’en a rien été et il m’a été dit que ce texte était encore en cours d’élaboration. Notre amendement est ainsi privé d’effet pour le moment et l’application du dispositif retardée d’une année, faute d’une mesure d’application publiée à temps. Or je pense que l’élaboration de celle-ci ne posait pas de problème réellement complexe.

Par ailleurs, le retard pris dans la publication du décret inquiète légitimement les professionnels de l’achat de métaux. En effet, ils ignorent encore à ce jour non seulement le contenu de la nouvelle obligation déclarative à laquelle ils seront soumis, mais aussi sa date d’application effective, et même la définition retenue des métaux ferreux et non ferreux. Pour moi, et c’était l’une de mes plus fortes motivations lorsque j’ai déposé l’amendement susvisé, l’or doit en faire partie. Telle est la volonté du Parlement, explicitée par les travaux préparatoires, mais je sais que des avis divergents se font encore entendre au sein des services concernés, ce que j’avoue ne pas comprendre, monsieur le ministre.

Au-delà des délais et de la qualité de la mise en application des lois, permettez-moi de faire une observation complémentaire, qui ira dans le sens des réflexions de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois : elle est relative aux rapports que le Gouvernement doit souvent – peut-être même trop souvent ! – nous remettre en vertu d’une loi.

Certes, le rapport peut s’avérer le parent pauvre de la discussion parlementaire, fruit d’un compromis qui ménage l’impatience des parlementaires et les réticences souvent compréhensibles de l’exécutif. Le renvoi à un rapport peut nous dispenser de faire des choix dans l’immédiat, mais le rapport est aussi un instrument utile à la continuité du débat, à l’information du Parlement et au suivi des politiques publiques.

Il me semble, monsieur le ministre, qu’il n’est pas normal de devoir systématiquement relancer le Gouvernement pour la remise de certains rapports de première importance. En matière de lutte contre la fraude fiscale, je pense notamment au rapport sur le système dit « Rubik », qui doit nous éclairer sur l’opportunité de créer une taxe forfaitaire sur les revenus des placements financiers en Suisse de résidents français n’ayant pas fait l’objet de déclaration. Ce rapport, prévu par la loi de finances rectificative du 19 septembre 2011, devait être remis avant le 31 décembre dernier. J’ai eu la surprise d’en lire hier un résumé dans les pages économiques d’un excellent journal du matin, sans que la substance même du rapport nous ait été transmise au préalable. Vous comprendrez que je m’en étonne ! Je peux, sur ce sujet, avoir des divergences d’opinion avec l’actuel rapporteur général de la commission des finances, on le comprendra, mais le rapport est un outil d’information qui nous est tout aussi indispensable à tous les deux !

De même, la loi de finances rectificative du 29 juillet 2011 prévoyait la remise d’un rapport sur les conditions de mise en œuvre d’une fusion progressive de l’impôt sur le revenu et de la cotisation sociale généralisée et sur l’instauration du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu. Mme le rapporteur général n’a pas manqué de le rappeler à Mme la ministre du budget lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2012. Là encore, quelles que soient nos opinions et nos options sur le fond, ce rapport nous serait utile, à l’un comme à l’autre, afin d’étayer nos argumentations et nos initiatives.

Enfin, je pense à un rapport parmi d’autres – car je ne saurais tous les citer ! – qui devrait, dans la période actuelle, tenir à cœur aux membres de notre assemblée : il s’agit du rapport sur l’agence de financement des investissements des collectivités territoriales. Alors que les financements longs se réduisent sur les marchés, que les prêts-relais ne sont plus accessibles aux collectivités territoriales – le maire de Rueil-Malmaison le sait bien, comme tous ceux d’entre nous qui exercent des responsabilités locales –, il est urgent de redonner aux collectivités territoriales une visibilité sur les possibilités qu’elles auront d’emprunter pour financer leurs projets. Ce rapport est donc de la première importance et je rappelle que nous l’attendons pour le 15 février – mais nous sommes que le 7 février. J’espère d’ailleurs que, dans ce domaine, les mesures urgentes indispensables pour établir la continuité du financement des investissements locaux pourront être prises et annoncées.

Pour conclure, je voudrais revenir sur les perspectives qui s’ouvrent pour l’activité de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, en lien avec la commission des finances. J’ai cherché un texte sur lequel il pourrait être opportun d’effectuer un contrôle ciblé.

En accord avec le rapporteur général, j’ai proposé la loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, et ce avec d’autant plus de conviction que je présidais la commission spéciale chargée d’examiner ce texte. Je suis heureux qu’elle fasse effectivement partie du programme de travail de la commission sénatoriale.

C’est une loi assez technique, qui affiche un excellent taux de mise en application, monsieur le ministre. Cependant, ses délais de mise en œuvre peuvent paraître assez longs et nous avons pensé que par son domaine – le crédit à la consommation et la lutte contre le surendettement –, elle faisait partie des textes aux conséquences les plus concrètes et les plus immédiatement visibles pour nos concitoyens.

Nous progressons, me semble-t-il, dans notre organisation législative. Je remercie par avance Mmes Dini et Escoffier.

Je voudrais terminer ce propos en assurant la commission pour le contrôle de l’application des lois de l’entier soutien de la commission des finances dans cette indispensable tâche de veille et d’analyse qui lui incombe. §

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