Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le bilan 2010-2011 de l’application des lois relevant de la compétence de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication révèle trois particularités : un faible nombre de textes, des lois exclusivement d’origine parlementaire et des délais de mise en application plus performants pour les lois récentes.
Au cours de la dernière session ont ainsi été promulguées la loi relative aux activités immobilières des établissements d’enseignement supérieur, aux structures interuniversitaires de coopération et aux conditions de recrutement et d’emploi du personnel enseignant et universitaire, la loi relative au prix du livre numérique et la loi relative à l’organisation du championnat d’Europe de football de l’UEFA en 2016.
Notre activité n’a pas diminué : la période de référence a changé, et des textes importants comme la loi relative à la régulation du système de distribution de la presse ou celle visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs, texte qui vient d’être adopté conforme par l’Assemblée nationale, ne sont pas pris en compte dans ces statistiques, sans compter celles qui sont en instance à l’Assemblée nationale, qu’elles concernent les œuvres visuelles orphelines ou le patrimoine.
On observe une montée en puissance de notre capacité d’initiative parlementaire depuis la révision constitutionnelle. Aucun projet de loi n’a été envoyé par le Gouvernement à la commission de la culture au cours de la dernière session. En effet, les textes traitant de sujets politiquement sensibles ont été présentés dès le début du quinquennat, qu’il s’agisse des universités, de l’audiovisuel ou encore de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet.
Nous avons constaté, pour la période récente, des délais plus courts de parution des décrets.
Ainsi, 16 textes d’application sont parus depuis le 1er octobre 2010 dans les secteurs de compétence de la commission, qui ont permis de rendre applicables ou quasi-applicables l’ensemble des lois promulguées depuis le début de la treizième législature.
Si, dans le domaine de l’éducation, les lois de 2009 tendant à garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat d’association lorsqu’elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence et de 2010 visant à lutter contre l’absentéisme scolaire ont vite été déclinées, pour le secteur culturel et la loi du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, dite « loi HADOPI », il aura fallu attendre le décret du 11 avril 2011 encourageant une offre légale de téléchargement !
Pour ce qui est de la loi du 30 septembre 2010 relative à l’équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques, la parution du décret relatif au comité de suivi de la loi, composé notamment de deux sénateurs, nous permet de suivre sur le terrain les difficultés rencontrées.
Quant à la loi du 18 mai 2010 visant à autoriser la restitution par la France des têtes maories à la Nouvelle-Zélande et relative à la gestion des collections, les restitutions ont commencé depuis la publication du décret en Conseil d’État relatif à la commission scientifique nationale des collections.
La loi du 9 juin 2010 encadrant la profession d’agent sportif est devenue applicable dans l’année. Cinq décrets et arrêtés déclinent la loi du 10 mars 2010 relative au service civique.
Hélas, force est de constater que les décrets parus ne concernent jamais, à de rares exceptions près, les lois adoptées auparavant. Ces lois, votées sur l’initiative des précédents gouvernements, ne relèvent manifestement plus des priorités gouvernementales.
Ainsi, pour la loi du 13 juillet 1995 de programmation du « nouveau contrat pour l’école », le décret censé déterminer les conditions d’application des « contrats d’association à l’école » fait toujours défaut.
J’évoquerai également la loi du 6 mars 2000 visant à renforcer le rôle de l’école dans la prévention et la détection des faits de mauvais traitements à enfants. Il est consternant que le décret d’application devant fixer les modalités exactes d’organisation des visites médicales ayant pour objet de détecter les cas d’enfants maltraités et des séances annuelles d’information et de sensibilisation n’ait toujours pas été pris, malgré nos demandes répétées.
Quant à la loi du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école, pourtant défendue à l’époque par l’actuel Premier ministre, trois décrets en Conseil d’État sont toujours attendus concernant les conditions de recrutement, de formation et d’exercice des fonctions spécifiques des directeurs d’école maternelle et élémentaire, les conditions d’indemnisation de la formation continue des enseignants ou les conditions d’application du code de l’éducation dans les établissements français d’enseignement à l’étranger.
La loi du 4 janvier 2002 relative à la création d’établissements publics de coopération culturelle, les EPCC, initiative du Sénat, a rencontré un grand succès sur le terrain puisque 100 EPCC ont été créés. Or nous attendons toujours le décret concernant les écoles et l’arrêté relatif aux directeurs de ces établissements.
Le secteur de la communication n’est pas épargné. Il manque un décret et un arrêté pour l’application de la loi de 2000.
Pour la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, il manque le dernier décret relatif à la fixation des obligations spécifiques en matière de diffusion et de production des futures chaînes « bonus » dont bénéficieront les opérateurs historiques. Certes, le Gouvernement a déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale un projet de loi tendant à abroger ces dispositions, afin de prendre en compte l’avis motivé rendu par la Commission européenne.
Je vous ai interrogé à plusieurs reprises sur ce sujet, monsieur le ministre, mais sans succès. Il me paraît surprenant que le Sénat soit tenu à l’écart du débat alors que le CSA a lancé en octobre dernier un appel à candidatures pour la diffusion de six nouvelles chaînes en haute définition sur la TNT et qu’il délivrera les autorisations avant la fin du mois de mai 2012. Ou bien le CSA les rend éligibles, et des doutes se feront jour sur les chances égales des autres candidats, ou bien le risque existe que de coûteuses indemnisations soient demandées.
En ce qui concerne la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, si une dizaine de décrets ont été publiés en 2010, le décret fixant le cahier des charges de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, lequel est en piteux état, et le décret relatif au comité de suivi sont toujours attendus. Je me réjouis donc que la nouvelle commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, présidée par David Assouline, ait décidé d’être attentive à ces décrets.
Dans le secteur du sport, il manque encore des décrets à la loi du 16 juillet 1984 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives.
Enfin, il y a des lois dont l’application se heurte aux réalités du terrain. La loi sur le service minimum d’accueil illustre cette situation. Certaines municipalités ne sont pas en mesure de l’appliquer, d’autres refusent de le faire. Par ailleurs, plusieurs propositions de loi ont été déposées pour l’abroger pour les communes de moins de 2 000 habitants.
Quant aux rapports qui doivent être déposés sur le bureau du Parlement, vingt-deux sont en attente depuis l’année 2000. La loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures en a supprimé quatre.
Il est donc permis de s’interroger sur le peu de cas que le Gouvernement fait du vote du Parlement et du besoin exprimé par les élus de disposer de données fiables.
Où en est l’application de la DADVSI, la loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information ? Qu’en est-il du projet de plateforme publique de téléchargement ? Pas de rapports !
Où en sont les négociations conduites avec les partenaires sociaux et tendant à la création d’un congé de service civique ? Pas de rapport !
Le contrôle s’effectue également grâce aux tables rondes, aux auditions sur l’exécution des contrats d’objectifs et de moyens ou grâce aux comités de suivi, qu’il s’agisse des comités internes à la commission ou de ceux qui sont prévus par la loi.
Il est nécessaire que le Gouvernement installe ces derniers, associant professionnels et élus, en les dotant d’un secrétariat indépendant du Parlement, à la manière des comités de suivi de la loi LRU, la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, ou de la préparation des ordonnances sur le cinéma qui ont été très utiles. §