Premièrement, et c’est là notre principal motif d’inquiétude, l’application des lois et des dispositions issues d’initiatives parlementaires n’est pas satisfaisante.
Sur les six lois suivies par la commission de l’économie et promulguées au cours de l’année parlementaire, trois sont issues de propositions de loi d’origine sénatoriale. Cette proportion importante traduit la place nouvelle désormais réservée à l’initiative parlementaire dans le partage de l’ordre du jour des assemblées, tel qu’il résulte de la révision constitutionnelle de 2008.
Nous devons cependant nous montrer extrêmement attentifs à l’avenir sur la mise en application des textes d’initiative sénatoriale. Il ne faudrait pas que les lois issues d’initiatives parlementaires soient moins bien traitées que les textes du Gouvernement par les départements ministériels en charge d’élaborer les textes réglementaires.
Pour ne mentionner qu’un seul exemple incitant à la vigilance, je me contenterai de vous rappeler, monsieur le ministre, qu’aucun des quatre articles – une loi parfaite ! – de la loi du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d’habitat informel et à la lutte contre l’habitat indigne dans les départements et régions d’outre-mer qui prévoient simplement des mesures réglementaires n’est aujourd’hui applicable !
Le Gouvernement n’a même pas transmis dans les temps le rapport sur la mise en application de cette loi. Or ce rapport aurait permis, six mois après la promulgation de la loi, de disposer au moins d’un échéancier prévisionnel d’adoption des mesures encore attendues.
Au-delà de ce cas particulier, je souhaiterais avoir l’assurance, monsieur le ministre, que, de façon générale, les services ministériels sont correctement mobilisés pour assurer la pleine application des textes d’initiative parlementaire et que les projets de loi et les propositions de loi ne bénéficient pas d’un traitement différencié.
Deuxièmement, de trop nombreuses lois plus anciennes, partiellement applicables, n’ont fait l’objet d’aucune mesure réglementaire d’exécution cette année. C’est ainsi que treize lois n’ont pas vu leur taux d’application s’améliorer cette année. Quatre articles de la loi LME attendent toujours, par exemple, leurs mesures réglementaires d’application.
Le Gouvernement, qui a pris des engagements ambitieux concernant l’application des lois récentes, ne risque-t-il pas de négliger les textes réglementaires d’application des lois plus anciennes ? Autrement dit, vous traitez le flux, monsieur le ministre, mais il existe un problème de stock.
Troisièmement, je dois, cette année encore, comme mon prédécesseur Jean-Paul Emorine, déplorer les très nombreuses lacunes dans le dépôt des rapports au Parlement par le Gouvernement. Au mieux, ces rapports sont toujours remis très tardivement, au pire, ils sont inexistants. À cet égard, je donnerai deux exemples : seul un rapport sur les douze prévus par la loi Grenelle II a été remis à ce jour. Neuf rapports de la loi LME sont encore attendus, cinq d’entre eux auraient dû paraître avant le 31 décembre 2011.
S’il revient en premier lieu aux parlementaires d’être raisonnables dans leurs demandes de rapports – j’y veille pour les textes relevant de la commission que je préside –, il me semble que le Gouvernement devrait consentir un réel effort de suivi en la matière. Peut-être serait-il également judicieux de s’assurer que nos propositions de loi ne nécessitent pas de mesures réglementaires pour être appliquées. Ce serait beaucoup plus simple : le problème serait réglé en amont.
Plusieurs pistes d’amélioration pourraient être explorées, et il appartiendra naturellement à la nouvelle commission d’en étudier l’opportunité.
Pourquoi ne pas inciter le Gouvernement à communiquer aux commissions permanentes plus souvent et en amont les projets de décret d’application ? Nous nous assurerions ainsi que les administrations centrales respectent non seulement la lettre, mais surtout l’esprit des lois que nous votons. Je pense en particulier aux textes sur l’urbanisme, dont les dispositions sont fréquemment interprétées de façon différente sur le plan local, et ce selon les humeurs ou la pression atmosphérique...
Ne faudrait-il pas recourir à des « clauses couperet », prévoyant la caducité des dispositions législatives non mises en application dans un délai raisonnable ? C’est ce que j’appellerai la loi « biodégradable » !
Mes chers collègues, pour conclure, je tiens à souligner combien, sous des abords parfois arides, le suivi de la mise en application des lois est une composante importante de notre pouvoir de contrôle de l’action du Gouvernement. Je souhaite bon courage au président Assouline et aux membres de la nouvelle commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, qui doivent s’atteler à cette tâche. Je forme le vœu que leur travail permette au Parlement de contribuer à l’amélioration tant de la qualité normative que de la sécurité juridique, auxquels nos concitoyens, sur le terrain, sont attachés.