Intervention de Isabelle Pasquet

Réunion du 7 février 2012 à 14h30
Débat sur le rapport annuel du contrôle de l'application des lois

Photo de Isabelle PasquetIsabelle Pasquet :

Nous examinerons bientôt ce texte. En tout cas, de telles dérogations nous éloigneraient un peu plus de l’objectif, fixé en 2005, pour 2015, ce qui n’est pas souhaitable.

Le Parlement doit pouvoir non seulement vérifier que le Gouvernement applique les lois, mais aussi apprécier la façon dont il procède concrètement, autrement dit mesurer l’effectivité des textes législatifs pour nos concitoyens. Cette dernière renvoie, par exemple, aux moyens financiers qui sont alloués à la loi, mais aussi à la volonté politique d’appliquer concrètement un texte.

Nous avons tous en tête la loi DALO, qui est applicable en droit, mais pas en fait. Toutefois, je pense aussi à la loi pénitentiaire, qui impliquait l’embauche de 1 000 conseillers d’insertion et de probation, un recrutement improbable faute de programmation financière. Et que dire de la situation de nos concitoyens, par hypothèse les plus modestes, qui sont éligibles aux tarifs sociaux pour le gaz et l’électricité mais qui se voient objecter l’absence de publication d’un décret promis il y a quatre mois par le ministre de l’économie ? Je ne mets pas en doute la bonne foi des membres du Gouvernement, mais avouez, mes chers collègues, que cette situation accroît le sentiment d’insécurité et d’abandon d’une population déjà fragilisée.

Un certain nombre de propositions sont évoquées dans le rapport afin d’améliorer la vitesse de publication des décrets. J’y souscris globalement. Toutefois, plus largement, je pense que la question de l’effectivité réelle des lois a beaucoup à voir avec les conditions dans lesquelles celles-ci sont présentées et adoptées.

Il faut souligner déjà la nécessité d’études d’impact complètes. Pour la réforme des collectivités locales, par exemple, des économies étaient annoncées grâce à la création du conseiller territorial, mais les coûts à prévoir pour les régions n’étaient pas évoqués.

Par ailleurs, s’il est une exigence essentielle, c’est celle de stabilité, de sécurité et de lisibilité de la loi. Or, précisément, notre législation est devenue sur bien des points peu lisible. D’année en année, de plus en plus nombreux sont les professionnels du droit qui s’en émeuvent.

Le 8 décembre dernier, lors de la Conférence nationale des procureurs de la République, une résolution votée à une large majorité dénonçait « une sécurité juridique et une cohérence qui font de plus en plus défaut à la matière pénale », une « avalanche des textes » parfois contradictoires, pesant sur la capacité des magistrats à appliquer la loi. J’ajoute que cette insécurité met également en cause le principe de l’égalité de nos concitoyens devant une loi qu’ils sont censés connaître.

Durant ces cinq dernières années, trop de textes, souvent en matière pénale en effet, ont été détournés de leur objet, avec des lois de circonstance ou d’affichage.

Il n’est pas acceptable de revenir encore et encore sur les mêmes dispositions, comme on le voit de manière incessante à propos de l’ordonnance de 1945 sur la justice des mineurs ou de la lutte contre la récidive, et même à propos des retraites, puisque, en la matière, la réforme a déjà été réformée !

De même, nous devons refuser toute remise en cause de principes fondamentaux du droit, comme celui de l’individualité des peines avec les peines plancher.

Quant aux lois fourre-tout dites « de simplification du droit » ou « d’allégement des procédures », entre autres appellations, elles enflent à chaque lecture devant les assemblées et, en réalité, elles contribuent à l’inflation normative et complexifient le droit. Ces textes cachent, trop souvent sous la forme de propositions de loi et de mesures apparemment techniques, des dispositions de fond, comme l’article 40 de la dernière proposition de loi de M. Warsmann, qui rend caduque la protection apportée au salarié par les clauses de son contrat en matière de temps de travail.

Mes chers collègues, vous connaissez notre opposition à la multiplication des procédures accélérées. Certes, le nombre de ces dernières a diminué en 2010-2011. Il n’en reste pas moins que près d’une loi sur trois est adoptée selon cette procédure, qui dessaisit le Parlement et nuit à la qualité des textes législatifs.

Au travers du contrôle de l’application des lois, des questions importantes nous sont donc posées, qui doivent nous aider à réfléchir plus précisément aux textes que nous votons. Il ne fait nul doute qu’une telle réflexion aurait des conséquences positives sur les mesures d’application des lois.

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