Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme de ce débat. La qualité des interventions témoigne que nous sommes aujourd'hui prêts à aller plus loin dans le contrôle de l’application des lois et qu’il s’agit d’un véritable enjeu. Probablement, le souci particulier que nous accordons à cette mission était déjà dans les gènes du Sénat depuis quarante ans. Depuis quinze ans, les gouvernements successifs ont cherché à donner un élan en ce sens ; depuis le gouvernement de Lionel Jospin, les directives, notamment avec le Secrétariat général du gouvernement, le SGG, étaient nombreuses et précises.
Confier aux parlementaires le pouvoir de légiférer sans leur donner celui d'exercer de manière suffisante le contrôle de l’application des lois se révèle une particularité française et a une conséquence directe : une loi sur deux ne s'applique pas dans des délais raisonnables.
Sur le terrain, nos concitoyens ressentent souvent cette situation douloureusement. Ils considèrent alors que, dans nos hémicycles, nous parlons beaucoup, sans que cela ait toujours de traduction concrète. Or les forces qui alimentent l’antiparlementarisme se sont toujours nourries de ces appréciations.
S’il en est ainsi, c’est aussi parce que, sous la Ve République, l’exécutif détient un pouvoir exorbitant et qu'une certaine lecture de la Constitution a permis que seul le pouvoir réglementaire donne aux lois une réalité tangible. Cela explique sans doute que le Parlement se soit senti limité, voire se soit autolimité dans son pouvoir de contrôle. C’en est désormais fini. Tous les parlementaires, quelle que soit leur appartenance politique, ont désormais conscience qu’il faut aller plus loin.
C'est la nouvelle gouvernance voulue par le président du Sénat, M. Jean-Pierre Bel, qui a permis ce nouvel élan. Ce n'est pas le président Gérard Larcher. Certes, monsieur Louis Nègre, la création de la commission de contrôle de l’application des lois a été permise par la révision constitutionnelle, mais il aurait été possible de le faire au Sénat depuis trois ans !
Le débat d’aujourd'hui montre que nous sommes prêts à exercer cette nouvelle mission et que nous avons choisi de saisir cette opportunité.
M. Hyest a souligné le paradoxe qu’il y aurait pour nous, qui nous opposons au Gouvernement, à réclamer l’application des lois que nous avons combattues. Je citerai cette formule d'un président américain peu connu, Ulysses S. Grant : « Je ne connais pas de meilleure méthode pour faire annuler les mauvaises lois que de les mettre rigoureusement à exécution. » Il s’agit d’une boutade. Cependant, même si nous dénonçons les lois dont le Gouvernement a eu l’initiative, nous considérons, par principe, que leur application est nécessaire, pour que notre démocratie ait un sens et soit renforcée aux yeux de nos concitoyens. D’autant que, au sein des lois ne nous satisfaisant pas, ce sont souvent les meilleures dispositions qui rencontrent des difficultés d'application.
C’est pourquoi, afin que le prochain rapport de la commission sénatoriale apporte des éléments d’analyse à la fois quantitatifs et qualitatifs, nous avons choisi de nous pencher sur des lois précises.
Ainsi, la loi handicap de 2005 fera l'objet d'un examen minutieux. En effet, non seulement le nombre d’enfants handicapés scolarisés prévu par cette loi n’est pas respecté, mais le nombre antérieur est en régression, car les moyens déployés diminuent chaque année et ne permettent pas que ce droit puisse s’exercer.