Mme Campion, qui pilotera l'élaboration de ce rapport, en a conscience. Et je ne parle pas de l’accessibilité universelle en 2015, irréalisable dans ce délai, tout le monde le sait, car, là encore, les moyens mis en œuvre ne permettent pas qu'il en soit autrement.
Il en est de même pour le Grenelle II : sur environ 200 dispositions réglementaires prévues, seules 100 ont été publiées, soit 50 %. Mme Rossignol, qui étudiera plus en détail ce texte, a cité quelques chiffres dans son intervention.
Je pourrais tout aussi bien prendre l’exemple de la loi sur l’audiovisuel dont nous avons largement débattu et sur laquelle nous nous sommes longuement exprimés dans cet hémicycle. Si la plus grande partie des décrets sont parus, je constate que tout ce qui a suscité notre opposition et nos confrontations est appliqué autrement que prévu dans la loi. Cette dépense d'énergie a donc été vaine ! Les taxes qui devaient compenser la suppression de la publicité ne rentrent pas dans les caisses, les dispositions qui les concernent ont été modifiées en cours de route. Alors que l’arrêt de la publicité devait être total, il ne prend effet qu'après vingt heures.
De nombreuses autres mesures prévues par le texte législatif n'ont finalement pas pu être mises en application, certaines parce que des modifications sont intervenues, d’autres parce que les évaluations étaient erronées. Ainsi, on a pensé que, pour compenser les recettes publicitaires, il suffisait de créer une taxe sur les fournisseurs d’accès à Internet ; or la Commission européenne en a contesté le bien-fondé. De la même façon, on a cru pouvoir taxer la publicité diffusée sur les chaînes privées pour compenser l'arrêt de la publicité sur les chaînes de service public ; or cela ne s'est pas passé ainsi. En outre, la crise n’a pas permis que les rentrées financières soient conformes aux prévisions.
Par conséquent, sur ce sujet, nous avons discuté et légiféré en nous appuyant sur des études d'impact et des estimations qui n'étaient peut-être pas exactes, mais, surtout, cette réforme n’avait à mes yeux qu’un seul but, satisfaire le souhait du Président de la République, quitte à faire fi des arguments qui pouvaient s'y opposer ; cet impératif supplantait tout le reste. Cette réalité n'a pas été suffisamment évoquée, mais je veux le dire, puisqu’un débat sur l'aspect qualitatif des lois aura lieu ici.
Et que dire des lois d'affichage ? Nous avons légiféré six ou sept fois sur l'immigration sans jamais commencer l'examen d'un nouveau texte par un débat d'évaluation de la loi précédente, empilant mesures sur mesures et travaillant alors même que les décrets d'application de la précédente loi n'avaient pas été publiés ou n'avaient pas pu montrer leurs effets. Je pense aux lois sur la sécurité. Cette façon de faire, le nez collé aux journaux télévisés ou les yeux rivés sur la prochaine échéance électorale, n'est pas bonne. Nous œuvrons pour améliorer la vie de nos concitoyens et pour faire en sorte que de nouveaux droits soient créés. C'est de cela qu'il s'agit.
Les polémiques sur le pourcentage de mise en application des lois ne m’intéressent pas. Je l'ai souligné en conférence de presse, je vous l'ai dit, monsieur le ministre, tous les rapporteurs ont insisté sur ce point : sur le plan normatif et réglementaire, on note une amélioration. Vous-même, monsieur le ministre, ainsi que M. le secrétaire général du gouvernement avez donné des impulsions en ce sens. Je pense que cette démarche se poursuivra sous les prochains gouvernements.
Ce n’est pas le seul problème. En matière de rapidité, nous avons encore beaucoup de progrès à accomplir : entre un taux de mise en application de 80 % et un taux de 42 % dans les six mois suivant la promulgation de la loi, la marge est importante ! Or l'objectif est bien qu'une loi puisse être complètement mise en application dans les six mois.
Par volonté de transparence, monsieur le ministre, vous m’avez transmis des éléments d’informations supplémentaires. Savez-vous, mes chers collègues, que treize étapes sont nécessaires pour qu’un décret puisse paraître ?
Ces treize étapes sont les suivantes :
1. Identification des décrets nécessaires ;
2. Élaboration par le ministère chef de file d’un projet ;
3. Concertation interservices ; consultation des autres ministères concernés ;
4. Vérification des accords et, le cas échéant, demande d’arbitrage au cabinet du Premier ministre et organisation d’une réunion interministérielle ;
5. Saisine des instances consultatives obligatoirement consultées ;
6. Saisine du Conseil d’État, le cas échéant parallèlement à l’étape 5 ;
7. Le Conseil d’État délivre au ministère porteur son avis ;
8. Choix de version : le Gouvernement doit déterminer s’il retient la version du Conseil d’État ou son projet initial ;
9. Le projet de décret est présenté aux contreseings des ministres chargés de son exécution par les soins du ministère pilote ;
10. Le ministère pilote adresse le dossier au SGG en vue d’une présentation à la signature du Premier ministre et d’une publication au JORF ;
11. Recueil de l’accord juridique du chargé de mission du SGG et du visa politique du conseiller ministre compétents ;
12. Présentation à la signature du Premier ministre ;
13. Publication au Journal officiel de la République française.
Comment s'étonner ensuite qu'il faille plus de six mois pour publier un décret ? Il est nécessaire pour notre démocratie que cette procédure soit allégée et simplifiée.
La commission pour le contrôle de l'application des lois sera vigilante. Les interventions des présidents de commission ont montré à quel point les commissions permanentes étaient attachées à ce travail. C'est fort d'une collaboration avec ces commissions et leurs présidents que le Sénat poursuivra dans cette voie, qui a permis ce débat et a donné de premiers résultats. C'est nécessaire pour notre démocratie et pour la vitalité de notre Parlement. §