Intervention de Robert Tropeano

Réunion du 7 février 2012 à 22h45
Devenir des permis exclusifs de recherche d'hydrocarbures conventionnels et non conventionnels — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Robert TropeanoRobert Tropeano :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un peu plus de six mois après le vote de la loi du 13 juillet 2011, nous nous retrouvons aujourd’hui pour évoquer le devenir des permis exclusifs de recherche d’hydrocarbures conventionnels et non conventionnels.

Comme je l’avais déjà dit lors de la discussion de ce texte le 1er juin dernier, la mobilisation des élus et de nos concitoyens est forte et leur détermination, sans faille. Ces dernières semaines, les collectifs se sont à nouveau manifestés.

Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger, d’une part, sur l’abrogation de trois permis le 13 octobre 2011, d’autre part, sur l’organisation des acteurs de groupes nationaux et internationaux ayant fortement intérêt à sortir de l’interdiction française d’exploitation des hydrocarbures de schiste.

Je commencerai donc par l’abrogation de trois des permis délivrés.

Le 13 octobre dernier, le Président de la République, en déplacement en province, annonçait l’abrogation de trois permis d’exploration d’hydrocarbures visant exclusivement le gaz de schiste, conséquence de la loi du 13 juillet 2011. L’annulation des permis n’était pas à l’ordre du jour du Gouvernement en juin 2011, mais elle l’était donc, même partiellement, en octobre 2011 ! Lors de la discussion de la loi devant le Sénat, voici ce que disait Mme la ministre de l’écologie : « Il s’agit bel et bien d’empêcher toute exploration et toute exploitation du gaz de schiste. Il y a deux manières de le faire : annuler les permis, ce qui revient à annuler une autorisation administrative et donc ouvrir des droits à indemnisation, ou interdire une technologie, la seule qui soit utilisée aujourd’hui pour explorer et exploiter les gaz de schiste. C’est cette voie qui est ici proposée ». Elle clôturait son intervention en ajoutant : « On aboutit donc au même résultat, mais en empruntant un chemin plus habile, qui ne présente pas les mêmes risques financiers pour l’État ».

À ce stade, deux questions se posent : pourquoi abroger trois permis ? Quid des soixante et un permis restants ? S’ils concernent, dans leur majorité, l’exploitation d’hydrocarbures conventionnels, douze sont relatifs aux hydrocarbures non conventionnels et portent donc potentiellement sur le gaz de houille ou le pétrole de schiste, notamment dans le Bassin parisien.

Ainsi que je le rappelais au début de mon intervention, nos concitoyens sont restés très mobilisés sur ce sujet. Lorsque dernièrement le groupe Total a déposé un recours administratif pour contrer l’abrogation de ce permis d’exploration des gaz de schiste dans le sud de la France, la vigilance citoyenne s’est de nouveau manifestée.

Pour information, je tiens tout de même à rappeler que ce seul permis, dit « permis de Montélimar », couvrait 4 327 kilomètres carrés, de Montélimar à Montpellier. À l’annonce de l’abrogation de ce permis, le groupe Total a fait savoir qu’il ne comprenait pas cette décision, puisqu’il s’était engagé à ne pas utiliser la fracturation hydraulique. Mme la ministre avait alors répondu que le rapport remis par Total n’était pas crédible, reconnaissant que les techniques autres que la fracturation hydraulique n’étaient pas opérationnelles.

Le 17 janvier dernier, le club Énergie & développement organisait son neuvième colloque à la Maison de la chimie, auquel participait Mme la ministre. Placé sous le haut patronage du Premier ministre et du ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique, ce colloque avait pour thème « Le bouquet énergétique dans tous ses états ». Si les questions de l’énergie nucléaire, de l’éolien ou du solaire étaient abordées, une table ronde avait pour thème : « La France peut-elle se passer d’une ressource, les hydrocarbures de schiste ? ». Trois points précis étaient traités : la situation aux États-Unis, les différents modèles européens, et, thème le plus alarmant, « L’interdiction française : comment en sortir ? ». Bien évidemment, participait un aréopage de sommités du monde industriel.

Formuler la question de la sorte – l’interdiction française : comment en sortir ? – alors que le Parlement a voté une loi en juillet 2011, laisse à penser que la réponse est déjà contenue dans la question. Mme la ministre est intervenue en clôture de cette matinée de rencontres et j’aurais aimé qu’elle nous fasse part des propos qu’elle a tenus sur ce sujet.

Cette succession d’événements a largement ravivé la mobilisation des mouvements associatifs et des élus. C’est pourquoi il est important que vous puissiez, monsieur le ministre, nous confirmer la détermination du Gouvernement à garantir l’interdiction de l’usage de la fracturation hydraulique.

L’opposition parlementaire qui a été rencontrée sur ce dossier n’est que le reflet de ce que la société civile exprime.

Le texte de la loi, tel que nous le proposions, interdisait l’exploration et l’exploitation des huiles et gaz de schiste. Vous avez souhaité le limiter à l’interdiction de la fracturation hydraulique. Le résultat est là aujourd’hui, six mois après la promulgation de la loi : un recours du groupe Total, des industriels qui cherchent à en finir avec l’interdiction française et qui, selon l’hebdomadaire Le Point dans son édition du 26 janvier dernier, étudient des techniques encore plus destructrices de l’environnement mais naturellement beaucoup plus rentables.

Reconnaissez que ce premier bilan pourrait être meilleur !

Mettre la facture énergétique française en balance pour tenter de contourner cette loi n’est pas à la hauteur des enjeux environnementaux. Nous devons réduire notre dépendance aux énergies fossiles, poursuivre et accélérer le développement des énergies renouvelables.

Aussi, monsieur le ministre, je souhaite que vous nous répondiez clairement sur le devenir des permis non abrogés et que vous précisiez la position du Gouvernement face aux pressions et au pouvoir des groupes industriels, lesquels ne vont pas manquer d’inventivité sémantique, préférant parler de « stimulation de roche » plutôt que de fracturation hydraulique...

Alors que l’ouverture de travaux de recherche de gaz de schiste est soumise à une simple déclaration et échappe à l’enquête publique et à l’étude d’impact, il devient urgent de réformer le cadre juridique ainsi que le droit minier.

Monsieur le ministre, sachez que nous sommes et resterons tous très vigilants sur cette question. Je souhaite, en terminant, qu’une grande réflexion soit rapidement menée sur la politique énergétique de la France.

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