Séance en hémicycle du 7 février 2012 à 22h45

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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La séance, suspendue à vingt heures quarante, est reprise à vingt-deux heures quarante.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe socialiste et apparentés, de la question orale avec débat n° 11 de Mme Nicole Bricq à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement sur le devenir des permis exclusifs de recherche d’hydrocarbures conventionnels et non conventionnels après le vote de la loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011.

Cette question est ainsi libellée :

« Mme Nicole Bricq attire l’attention de Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement sur le devenir des permis exclusifs de recherche d’hydrocarbures conventionnels et non conventionnels après le vote de la loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011 visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique.

« Elle fait observer que sur les soixante-quatre permis exclusifs de recherche octroyés, seuls trois ont été abrogés. Or, le groupe pétrolier Total, qui avait exclu de recourir à la fracturation hydraulique, a déposé le 12 décembre 2011 un recours contentieux auprès du tribunal administratif de Paris demandant l’annulation de l’abrogation de son permis de Montélimar. À cela s’ajoute le fait que la loi votée l’été dernier, outre qu’elle est permissive par rapport à l’exploration et à l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels en n’interdisant pas le recours à des techniques alternatives, est aussi contraire au droit de l’environnement - non-respect des procédures de transparence, de consultation et de participation publiques, d’études d’impacts, d’enquête publique...

« Le rapport d’Arnaud Gossement, qui a été remis au ministre le 12 octobre 2011, recommande pourtant précisément “de faire évoluer le droit minier dans le sens d’une meilleure information et participation du public et d’une évaluation environnementale renforcée”. Il souligne la nécessité d’assurer une participation “continue, directe et indirecte à tous les échelons territoriaux pertinents” et ce, en amont des projets. Or le Gouvernement a prévu un chantier de dix-huit mois pour “la refonte et la modernisation” du code minier. Et il ne souhaite pas non plus inscrire à l’ordre du jour du Parlement le projet de loi de ratification de l’ordonnance portant codification de la partie législative du code minier qui instaure pourtant, bien que a minima, une procédure de consultation du public. De leur côté, les industriels qui ont déclaré ne pas avoir recours à la technique interdite demeurent détenteurs de leur permis et rien ne les empêche d’utiliser d’autres techniques de fracturation de la roche-mère qui seraient pourtant tout aussi dommageables pour l’environnement. Tout récemment, on apprenait encore qu’une demande de prolongation d’un permis de recherche d’hydrocarbures liquides ou gazeux au large des côtes de Marseille et de Toulon serait en cours d’instruction, et ce sans que, à nouveau, le public y ait été associé.

« Aussi, le groupe socialiste, apparentés et rattachés, a déposé le 27 juillet 2011 une nouvelle proposition de loi, n°775 rectifié, visant à interdire l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures de roche-mère et à abroger les permis exclusifs de recherche de mines d’hydrocarbure. En effet, à travers ces questions de transparence et d’association des citoyens, c’est bien aussi un choix de société, celui de s’engager ou non dans une nouvelle phase d’exploitation de ressources fossiles, qui est ici posé.

« Pour toutes ces raisons, elle souhaite connaître les intentions du Gouvernement à l’égard de l’ensemble des permis exclusifs de recherche d’hydrocarbures conventionnels et non conventionnels qui n’ont pas été abrogés ou qui font l’objet d’une demande de prolongation. »

La parole est à Mme Nicole Bricq, auteur de la question.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au cas où certains l’auraient oublié, la question de l’exploration et de l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique est toujours d’actualité ; c’est le sens de notre interpellation au Gouvernement.

Ma question est motivée par trois constats.

Premièrement, la loi du 13 juillet 2011 visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique, dite « loi Jacob », n’a rien réglé.

Deuxièmement, aucune suite n’a été donnée au rapport que M. Gossement a remis au Gouvernement quant à l’intervention démocratique dans le processus.

Troisièmement, les partisans de l’exploitation des gaz et huiles de schiste reprennent l’offensive.

Je reprendrai ces trois constats.

La loi Jacob n’a rien réglé sur le fond. Elle était censée calmer la colère des élus locaux et des citoyens ayant découvert que le Gouvernement avait octroyé des permis exclusifs de recherche de gaz et d’huiles de schiste dans leur territoire sans aucune concertation. Elle devait offrir un cadre juridique suffisamment solide pour que le doute ne soit plus permis.

Depuis le vote de cette loi, trois permis exclusifs de recherche ont été annulés. L’octroi de ces permis, à Nant, à Villeneuve-de-Berg et à Montélimar, avait provoqué une vive indignation et la mobilisation des élus et citoyens des territoires qu’ils recouvraient ; certains de mes collègues le confirmeront dans quelques instants.

Pour autant, ces trois annulations font perdurer le doute. D’abord, seuls trois permis sur les soixante-quatre qui ont été déposés ont été annulés. Ensuite, l’un des trois permis abrogés, concédé au groupe Total, ne mentionnait pas le recours à la technique interdite. Enfin, les explications de Mme la ministre ne sont pas convaincantes.

En effet, Mme Kosciusko-Morizet a justifié l’annulation du permis accordé à Total par le manque de crédibilité du rapport rendu par le groupe pétrolier, dans le cadre de la loi du 13 juillet 2011. Elle a évoqué l’utilisation de la fracturation hydraulique, technique que le groupe pétrolier nie utiliser, indiquant respecter la loi et s’engageant à ne procéder qu’à des carottages verticaux pour l’exploration. Total vient d’ailleurs de déposer un recours contentieux auprès du tribunal administratif de Paris demandant l’annulation de l’abrogation de son permis.

Dans le même temps, le Gouvernement justifie le maintien des soixante et un autres permis par le fait que « les détenteurs n’ont pas prévu de rechercher des gaz et huiles de schiste ou y ont renoncé pour se limiter à des gisements conventionnels », ajoutant que tous ont pris « l’engagement formel de ne pas recourir à la fracturation hydraulique ».

Une telle césure entre les différents détenteurs de permis est assez incompréhensible. Tous les rapports sont écrits et disponibles sur le site du ministère. Certains disent même ne pas recourir à la fracturation hydraulique. Comment alors faire le tri entre les groupes industriels en qui il faudrait avoir confiance et ceux qui ne le mériteraient pas ? Pourquoi ne pas abroger les soixante et un autres permis ?

Un dernier élément, tout récent, vient s’ajouter au doute sur l’efficacité de cette loi. Il s’agit de l’achat récent de six parcelles par la société Vermilion, dont cinq sont situés dans le Bassin parisien, et certains plus précisément dans l’Essonne. Pourquoi un tel investissement, alors qu’une loi est censée empêcher la fracturation hydraulique et que nous ne connaissons pas plus en 2012 qu’en 2010 ou en 2011 de technique alternative ?

Les annulations surtout nous interpellent plus qu’elles nous rassurent. Notre méfiance est d’autant plus justifiée que, nous le savons à présent, le Gouvernement a, dans un laps de temps assez court, tenu des propos très différents sur la capacité à identifier les forages conventionnels et les forages non conventionnels : durant les débats relatifs à la loi Jacob, il était impossible de faire une telle distinction. Quelques mois plus tard, dans le cadre de l’abrogation de trois permis sur les soixante-quatre, cela devenait possible. Les techniques d’analyse ont-elles évolué ? S’agit-il d’une volonté du Gouvernement ?

Cette distinction est au cœur de la proposition de loi déposée par le groupe socialiste, car la question n’est pas de savoir, comme nous l’avons signalé très tôt, ici, au Sénat, quelle technique doit être interdite ou autorisée. Non, la question est plutôt de savoir s’il faut décider d’exploiter ou non les huiles et les gaz de schiste.

Interdire une technique, comme vous l’avez fait, c’est potentiellement en accepter une autre. Serait-elle moins polluante ? Fera-t-elle l’objet d’une plus grande concertation avec les élus et les citoyens ? Nous n’avons pas la moindre réponse à ces questions essentielles. Rien ne sera réglé, pour nous, tant que l’inscription dans le code minier de la distinction entre hydrocarbures conventionnels et non conventionnels ne sera pas à l’ordre du jour. C’est la seule façon de garantir la sécurité juridique.

La « commission nationale d’orientation, de suivi et d’évaluation des techniques d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux », créée par la loi Jacob, pose également la question de la sécurité juridique. Lorsqu’elle sera mise en place, ce qui semble compliqué d’après les échos qui nous parviennent du Conseil d’État, elle servira de caution à des expérimentations. C’est du reste pour cette raison, si j’ai bonne mémoire, que le groupe socialiste n’avait pas voulu voter la création de cette commission. Notamment, elle permettra certaines expérimentations qui testeront la fracturation hydraulique, technique dont les risques sont pourtant connus, ou toute autre technique de remplacement.

Cette commission ouvrirait donc potentiellement la voie à l’exploration et à l’exploitation, à terme, des hydrocarbures de roche-mère. L’entrain avec lequel l’Union française des industries pétrolières, l’UFIP, souhaite voir cette commission installée ne peut que renforcer nos inquiétudes, j’y reviendrai.

Comment cette commission fera-telle la distinction entre exploration et exploitation ? Nous ne le savons pas.

La réforme du code minier est donc essentielle pour éviter la moindre dérive et assurer une sécurité juridique qui, à ce jour, n’est pas garantie.

Mais pourrons-nous nous en remettre au bon vouloir du Gouvernement, qui n’est pas avare de revirements ?

Ainsi, la France avait toujours été favorable à la directive européenne sur la qualité des carburants, document où les sables bitumineux sont désignés comme constituant la forme de pétrole la plus néfaste pour le climat. Pourtant, notre pays se serait exprimé le 2 décembre dernier, lors de la réunion des experts européens, contre la définition d’une valeur d’émissions de gaz à effet de serre propre aux sables bitumineux. Si cette information était avérée, il s’agirait bien là d’un revirement, ce qui motive notre méfiance à l’égard de la position du Gouvernement, qui ne semble pas durable.

Nous devons agir afin d’analyser toutes les conséquences de l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels. Nous le savons, les logiques économiques et les logiques environnementales n’obéissent pas souvent aux mêmes règles de temporalité. Aux États-Unis, où 50 000 puits ont déjà été forés, l’exploitation d’hydrocarbures non conventionnels bouleverse l’équilibre du marché et les stratégies des entreprises.

Les enjeux économiques sont importants et la tentation de développer cette production en Europe est réelle. La Pologne professe l’ambition d’être « le Qatar de l’Europe centrale », la Bulgarie vient de refuser l’exploitation, mais le débat n’est pas tranché en France, d’où l’importance de la refonte du code minier, toujours d’actualité après la remise du rapport Gossement.

Deuxième constat, la refonte du code minier reste posée après le rapport Gossement.

La loi Jacob n’offre pas de cadre juridique solide, mais elle ne garantit pas non plus la transparence dans les procédures d’attribution des permis de recherche, la population des territoires concernés n’étant ni consultée ni a fortiori associée à la décision.

Affirmant vouloir remédier à cette situation, le Gouvernement s’était engagé à présenter au Parlement un projet de loi de ratification de l’ordonnance portant codification de la partie législative du code minier. Ce texte devait instaurer une procédure de consultation du public préalablement à la délivrance d’un permis exclusif de recherche, ainsi que sur les demandes de prolongations des permis ainsi délivrés. Il devait instaurer la même procédure pour les demandes de prolongations de concession.

Cependant, le Gouvernement n’a pas lié la parole aux actes. Un projet de loi a bien été déposé le 11 avril 2011 sur le bureau de l’Assemblée nationale, mais il n’a toujours pas été inscrit à l’ordre du jour, pour des raisons d’encombrement, nous dit-on. Nous en concluons que le Gouvernement se satisfait de la seule loi Jacob et ne compte pas favoriser l’exercice démocratique en la matière.

Pourtant, le rapport Gossement remis à la ministre de l’écologie le 12 octobre dernier ne vise-t-il pas, précisément, à articuler le droit minier et le droit de l’environnement ? Il préconise une réforme de l’État, lui-même, tant dans son organisation administrative que dans la répartition des compétences avec les collectivités territoriales.

Deux des quarante propositions du rapport prévoient, ainsi, la création de commissions départementales des mines chargées de se saisir des projets en amont et d’associer le public dès l’instruction de la demande de permis de recherche et d’un « haut conseil des ressources minières » dans le but d’instaurer un dialogue à cinq : État, collectivités locales, syndicats, organisations non gouvernementales et entreprises. Cet appel au dialogue ne semble pas soulever l’enthousiasme, ni du côté du Gouvernement ni du côté des industriels du secteur…

J’en arrive à mon troisième constat : il semble que les partisans de l’exploration reprennent l’offensive.

Un très récent colloque organisé à Paris par le Club Énergie & Développement, un des nombreux épigones de la filière pétrolière, intitulé « Le bouquet énergétique dans tous ses états », a retenu notre attention, tout particulièrement une table ronde organisée autour des hydrocarbures non conventionnels et intitulée « L’interdiction française : comment en sortir ? » On ne saurait être plus explicite !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

J’évoquais, il y a quelques minutes, le recours du groupe Total et son engagement, comme tous les autres, à ne pas recourir à la fracturation hydraulique. Or, dans un entretien diffusé le 28 janvier 2012 sur une grande radio nationale, son président-directeur général a déclaré que « le code de conduite » de Total ne lui interdisait pas de recourir à la fracturation. Pis, lors d’un petit-déjeuner du groupe d’études de l’énergie du Sénat, le même PDG a affirmé que la ministre de l’écologie « n’avait pas le monopole de l’interprétation de la loi », indiquant que le rapport du Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies donnerait raison à Total.

Cela ne ressemble pas à un signe de soumission à une loi, celle de juillet 2011, qui serait claire et offrirait la sécurité juridique voulue. C’est une preuve supplémentaire de l’insécurité dans laquelle nous nous trouvons.

Enfin, l’UFIP, toujours elle, au cours d’une conférence de presse tenue le 1er février dernier, a appelé la France « à mettre en valeur les ressources en hydrocarbures sur son territoire pour favoriser la réduction de sa dépendance en matière d’énergie » et a demandé un débat public « constructif et rationnel » sur l’exploitation des gaz de schiste – est-ce à dire que les débats menés jusqu’à présent n’étaient ni constructifs ni rationnels ? –, un débat libéré de « toute considération idéologique ». Que vient faire l’idéologie ici ? Dans les luttes qui se mènent sur le terrain, ce sont des élus de toute couleur politique qui se mobilisent ! On appréciera la place que tient l’idéologie dans ce débat…

L’UFIP poursuit en demandant la « mise en place rapide de la commission de suivi prévue par la loi de 2011 » afin que « citoyens et élus soient mieux impliqués dans les consultations sur les projets pétroliers ».

La ligne blanche est franchie, et ce que nous avions prédit se réalise. À la mobilisation citoyenne répond maintenant celle des intérêts privés. Le secteur pétrolier n’a pas désarmé et prépare, à l’évidence, l’après-présidentielle. Il s’est engagé dans une stratégie qui allie bataille judiciaire et attente de jours meilleurs, preuve manifeste de la faiblesse de la loi Jacob.

À cela s’ajoute, il faut le souligner, l’attentisme de la Commission européenne et sa lenteur à modifier la réglementation. Elle se satisfait des failles dans les règles en vigueur au sein des États, notamment de l’absence d’évaluations obligatoires de l’impact environnemental pour les activités d’exploration et de la rareté des consultations publiques.

Toutes ces raisons, chers collègues, justifient donc que le Sénat connaisse la position du Gouvernement sur les permis qui n’ont pas été abrogés ou qui font l’objet d’une demande de prolongation, ainsi que les motifs qui l’ont conduit à ne pas revenir devant le Parlement, comme il s’y était engagé, pour réformer le code minier.

Tel est le sens de cette question orale et de cette interpellation, monsieur le ministre. Nous attendons, bien sûr, de votre part des réponses motivées et documentées.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en juillet dernier est entrée en vigueur la loi visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique.

Lors de l’examen du texte, un amendement a été adopté, sur l’initiative du groupe centriste, tendant à créer une commission nationale d’orientation chargée d’évaluer les techniques d’exploitation autres que la fracturation hydraulique. Comme l’application de ces dispositions est d’ordre réglementaire, j’en profite pour vous demander, monsieur le ministre, quand et selon quelles modalités cette commission sera effectivement créée.

Pour le reste, je souhaite profiter de ce débat pour réitérer nos interrogations sur un certain nombre de points.

Tout d’abord, je rappelle que la loi interdit l’utilisation de la fracturation hydraulique pour le pétrole et le gaz non conventionnels. Mais cette technique reste a priori régulière pour le pétrole et le gaz conventionnels, ainsi que pour la géothermie. J’en déduis que ce qui pose problème aux opposants aux gaz de schiste, ce sont non pas tant les méthodes d’extraction, puisqu’elles restent régulières pour les hydrocarbures conventionnels, que l’exploration et l’exploitation de ces nouvelles sources d’énergie.

Cette opposition me paraît assez surprenante. On le sait tous, la France a encore une consommation incompressible d’hydrocarbures. Je suis d’ailleurs surpris que les partisans d’une telle interdiction totale ne soient pas choqués par le montant de la facture de nos importations d’hydrocarbures : 65 milliards d’euros en 2011, contre 45 milliards d’euros en 2010. Une facture de 65 milliards d’euros, ce n’est pas rien dans la balance commerciale, et les prix à la pompe pour nos concitoyens n’ont jamais été aussi élevés.

Ensuite, la France dispose-t-elle, oui ou non, d’un important potentiel d’hydrocarbures non conventionnels ?

Selon le rapport des députés François-Michel Gonnot et Philippe Martin, le potentiel d’hydrocarbures non conventionnels représenterait, pour ce qui est du gaz, une centaine d’années de consommation française ! Le Bassin parisien disposerait quant à lui de réserves d’huile de schiste représentant la moitié du champ pétrolifère de la mer du Nord !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Formidable ! On ne fera plus de maïs, ni de blé, ni de betterave !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

On peut avoir, madame Bricq, un avis différent du vôtre !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Dubois, et à lui seul, mes chers collègues.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

Mais, pour connaître la mesure et la cartographie précise de ces réserves, des forages d’exploration doivent être autorisés sous contrôle public.

Et si le potentiel est avéré, faut-il l’ignorer ? Nous pensons que non, …

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

… sous réserve, bien sûr, que des techniques de forage permettent d’en maîtriser l’impact sur l’environnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Il n’existe pas de technique sans impact sur l’environnement !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

Je n’ai pas terminé !

Certains soulignent effectivement la grande quantité d’eau nécessaire au forage. Si le problème est là, soyons cohérents et interdisons la fracturation hydraulique pour toutes les activités minières, ou du moins, celles qui utilisent de l’eau potable.

Le faisons-nous ? Non.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

D’autres arguments se fondent sur le risque élevé de pollution des nappes phréatiques, comme cela a pu se produire aux États-Unis.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

Pour nous, cet argument fausse le débat, puisque, dans notre pays, les conditions de forage et les normes de tubage sont beaucoup plus strictes qu’aux États-Unis. Il est en outre avéré que ces fuites provenaient de malfaçons.

Cet exemple américain a été largement utilisé pour attiser l’inquiétude de nos concitoyens, mais nous considérons que ces fuites ne sont pas une fatalité. Nous devons au contraire tirer les enseignements de ces erreurs, encadrer strictement les normes techniques, mais ne pas renoncer par peur.

Enfin, d’autres agitent le chiffon rouge de l’enrichissement des compagnies pétrolières, alors que l’intérêt du débat est technique, scientifique et bien sûr économique.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

Je pense donc, comme l’ensemble des membres de mon groupe, qu’il faut conjuguer économie et environnement dans ce débat, plutôt que de les opposer.

En revanche, il est certain que pas un euro ne sera investi dans la recherche et l’approfondissement des techniques existantes de fracturation pneumatique ou de fracturation utilisant du propane liquéfié – pourtant utilisée au Canada –, faute que soit autorisée l’exploration visant à connaître le potentiel de notre pays.

Je le répète, la France ne doit pas transiger sur ses normes environnementales, comme cela a été fait aux États-Unis. Nous sommes tous d’accord sur ce point. Mais défendons au moins une position « ouverte à la recherche », soutenant les initiatives novatrices au service de notre politique énergétique, dans le respect du « pacte environnemental » et du développement durable.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

Au lieu de cela, la majorité sénatoriale dit vouloir renoncer purement et simplement à ce potentiel énergétique.

Je préfère, pour ma part, que la France maîtrise l’impact social et environnemental de l’exploitation de ses hydrocarbures, plutôt qu’elle importe à prix fort du gaz russe, voire – vous l’avez vous-même cité, madame Bricq – du gaz de schiste polonais, qui ne devrait pas mettre trop de temps à être commercialisé sur notre territoire. Et je ne suis pas certain que, en Pologne, les règles d’exploitation soient aussi strictes que celles que l’on aurait pu exiger chez nous.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

M. Daniel Dubois. C’est pourquoi, mes chers collègues, il est impératif de ne pas nous plaquer des œillères. Restons attentifs et ouverts aux conclusions des premiers rapports que le Gouvernement voudra bien transmettre sur ce sujet. Mieux informés, nous pourrons peut-être évoluer sur cette législation.

Applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste a voté contre la loi du 13 juillet 2011 visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique.

En effet, ce texte est caractérisé par des ambiguïtés majeures s’ajoutant au manque de transparence du Gouvernement dans la conduite de ce dossier.

Ainsi, pour ne citer qu’un exemple de ces ambiguïtés, le principal critère de décision pour abroger ou non un permis exclusif de recherche, à savoir la déclaration par le titulaire du permis de l’utilisation ou non de la technique dite « de la fracturation hydraulique », laisse à l’évidence une part trop importante à l’interprétation. Le recours de Total contre la décision d’abrogation du permis de Montélimar confirme que la loi actuelle n’apporte pas la protection nécessaire aux citoyens des territoires concernés.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Cela explique que notre groupe ait déposé, à la fin de juillet 2011, une nouvelle proposition de loi dont l’objectif principal est la mise en place d’un cadre juridique sécurisé qui suppose, à notre avis, l’abrogation des permis litigieux et l’interdiction de l’exploration et de l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux.

Notre texte vise donc d’abord à modifier le code minier en introduisant la distinction entre les permis de recherche d’hydrocarbures conventionnels et les permis de recherche relatifs aux « hydrocarbures de roche-mère », pour reprendre les termes proposés par la mission interministérielle qui a été chargée d’éclairer le Gouvernement sur les enjeux sociaux, économiques et environnementaux de l’exploitation de ces hydrocarbures.

Le rapport d’étape déposé par cette mission le 21 avril 2011 souligne à plusieurs reprises l’inadaptation du code minier aux recherches d’hydrocarbures de roche-mère et, par voie de conséquence, la grande méconnaissance des procédures, des techniques et des effets, notamment environnementaux, de leurs éventuelles exploration et exploitation.

Il faut noter que le rapport final de la mission, qui devait initialement être déposé pour le 31 mai 2011, ne l’a toujours pas été. Il nous semble donc indispensable, en préalable à toute autre disposition, d’introduire une claire distinction entre les hydrocarbures de roche-mère et les hydrocarbures conventionnels, de façon à réduire le légitime doute face à toute demande de permis exclusif de recherche.

En effet, les sociétés minières qui interviennent dans la recherche d’hydrocarbures sont aujourd’hui confrontées à la raréfaction mondiale des hydrocarbures conventionnels. Elles voient dans les mines d’hydrocarbures de roche-mère non seulement d’éventuelles nouvelles ressources énergétiques, mais aussi des profits pour l’avenir.

Si le législateur ne fait pas évoluer le code minier, il n’est donc pas inenvisageable que les sociétés titulaires d’un permis de recherche d’hydrocarbures « conventionnels » en profitent pour effectuer sur le même territoire des recherches d’hydrocarbures de roche-mère, comme cela s’est probablement produit, notamment dans le Bassin parisien, en Seine-et-Marne.

À ma connaissance, dans la région Rhône-Alpes, quatre demandes de permis exclusifs de recherche d’hydrocarbures liquide ou gazeux – sans précision supplémentaire – sont actuellement en cours d’instruction : deux dans l’Ain, un en Isère et un autre entre Lyon et Annecy.

Les habitants de ces territoires ont d’ores et déjà manifesté leurs grandes inquiétudes, qui sont amplifiées par la totale imprécision de ces demandes : on ne sait ni le type d’hydrocarbures qui pourraient être recherchés ni quelles techniques seraient utilisées.

L’information des citoyens, la concertation, en particulier avec les élus locaux, sont donc absolument nécessaires. C’est la raison pour laquelle le texte de notre proposition de loi prévoit d’introduire dans le code minier des dispositions systématiques de participation et d’information des populations suffisamment en amont, ainsi que d’évaluation environnementale des projets, c’est-à-dire principalement des études d’impact et des enquêtes publiques.

Ces mesures figurent d’ailleurs parmi les recommandations du rapport remis par Arnaud Gossement au Gouvernement le 12 octobre 2011.

J’ai débuté cette intervention en soulignant le manque de transparence du Gouvernement sur ce dossier ; je la terminerai en mettant en avant le non-respect par le Gouvernement d’un engagement pris devant la représentation nationale.

Mme la ministre de l’écologie s’était engagée à soumettre au Parlement un projet de loi de ratification de l’ordonnance du 20 janvier 2011 portant codification de la partie législative du code minier. Or le texte n’a toujours pas été inscrit à l’ordre du jour du Parlement, nous privant d’un débat sur les modifications à apporter au code minier.

Monsieur le ministre, on est bien loin des bonnes intentions du Grenelle de l’environnement !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Président de la République, lors de ses vœux au monde rural le 17 janvier dernier, à Pamiers, déclarait : « Naturellement, il faut protéger l’environnement [...] mais, là encore, tout est une question de mesure. Nous allons prendre un certain nombre de décisions pour relâcher la pression ».

Ces propos font écho à ceux qu’il avait tenus en clôturant le Salon de l’agriculture de 2010. Il avait en effet déclaré, à propos des questions d’environnement : « Ça commence à bien faire »…

La question des permis liée à l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures de roche est, à ce titre, une bonne illustration de la baisse de pression sur les questions environnementales.

En effet, après avoir promis l’abrogation de tous les permis et l’instauration d’un moratoire, la loi adoptée le 13 juillet dernier a accouché d’un dispositif permettant aux industriels de poursuivre leurs activités, puisqu’il repose essentiellement sur un mode de déclaration unilatérale des exploitants quant aux méthodes utilisées pour la fracturation de la roche.

Ainsi, neuf mois plus tard, sur les 64 permis de recherche octroyés par le Gouvernement, seuls les 3 permis les plus emblématiques ont été abrogés, tous ceux ayant trait à l’exploitation des huiles de schiste étant toujours en vigueur. Mme la ministre de l’écologie a par ailleurs justifié l’abrogation du permis de Total en affirmant que « Total annonçait vouloir continuer à chercher du gaz de schiste avec des techniques qui ne sont pas la fracturation hydraulique, or on sait aujourd’hui que celles-ci ne sont pas opérationnelles ».

Nous sommes tout à fait d’accord : aucune technique alternative ne permet aujourd'hui une exploitation respectueuse de l’environnement !

De manière générale, puisque les hydrocarbures sont prisonniers de la roche, toute technique d’extraction nécessite obligatoirement une fracturation de cette roche, ce qui pose un sérieux problème. Il aurait été ainsi plus simple et plus clair d’abroger, comme nous le proposions, l’ensemble des permis, conformément au principe de précaution porté par la Charte de l’environnement.

Le dispositif juridique adopté au Parlement permet également à Total de s’engouffrer dans les failles de la loi. Cette société a ainsi déposé un recours contentieux le 12 décembre dernier en arguant du fait qu’elle n’a pas recours à la fracturation hydraulique, seule technique visée par la loi.

Alors que Mme la ministre affirmait que cette loi « pousserait les industriels à sortir du bois et à se résoudre d’eux-mêmes à l’abrogation », nous voyons bien qu’il n’en est rien et que la détermination des industriels reste intacte, comme en témoigne la table ronde, évoquée par Nicole Bricq, organisée il y a quelques semaines, sur le thème : « L’interdiction française : comment en sortir ? ».

Nous affirmons qu’il était bien du rôle de la loi d’imposer l’abrogation de l’ensemble des permis.

Plus grave encore, selon le site de Radio Totem, un dossier d’une société britannique – peut-être pourrez-vous nous apporter des précisions sur ce point, monsieur le ministre ? – serait soumis pour étude à une direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement. Des permis seraient donc, contre toute attente, en cours d’instruction.

Nous avions contesté l’opacité qui avait entouré la procédure d’obtention des permis en 2010 ; nous regrettons une nouvelle fois ce manque de transparence, et nous demandons très solennellement des éléments de réponse. Trop de communes restent concernées sans avoir été averties, ce qui constitue à nos yeux un grave déficit démocratique.

En alertant le préfet de mon département sur cette absence de consultation, celui-ci m’a confirmé, très clairement, qu’aucune obligation ne pesait aujourd’hui sur les services de l’État et que seule une évolution du code minier pourrait permettre une large information du public.

Nous appelons cette évolution de nos vœux, afin de pouvoir soumettre l’octroi de ces permis à une consultation publique, et ce conformément au principe posé par l’article 7 de la Charte de l’environnement : « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement. »

Le Gouvernement a-t-il vraiment souhaité interdire définitivement l’exploitation des hydrocarbures de roche ou espérait-il plutôt gagner du temps pour pouvoir inclure cette exploitation dans le bouquet énergétique ? À ce titre, notons que le dispositif législatif adopté ouvre également une brèche importante en permettant la poursuite de cette exploration à des fins de recherches, ce qui est révélateur de la volonté du Gouvernement de ménager l’avenir.

De plus, les explications sur le site du ministère sont éclairantes. À la question « pourquoi rechercher des ressources en gaz de schiste ? », la réponse du ministère est la suivante : « Afin de réduire notre dépendance énergétique et autant que possible notre facture pétrolière et gazière, les pouvoirs publics ont octroyé régulièrement des permis d’exploration d’hydrocarbures. » Et de conclure : « Nos besoins en hydrocarbures vont durer encore longtemps […] ».

En outre, comment croire en la volonté du Gouvernement d’interdire une telle exploitation, alors même que le Président de la République a assuré la Pologne de son soutien au niveau des instances européennes quant à l’exploitation des hydrocarbures ?

Nous avions également proposé dans cette loi d’inscrire un principe de responsabilité environnementale, dont vous n’avez pas voulu tenir compte. Pourtant, asseoir l’industrie sur le principe d’irresponsabilité de l’exploitant est complètement contraire à la notion même de développement durable. Cela conduit aujourd’hui le groupe Total à s’associer à un groupe gazier américain en prenant une participation de 25 % dans les gisements de l’Ohio pour 2, 3 milliards de dollars. Dans ce domaine, Total continue à avancer…

Au fond, les sénateurs de mon groupe estiment qu’il faut se poser une question simple : pouvons-nous encore, en contradiction avec nos engagements internationaux et ceux du Grenelle de l’environnement, faire reposer l’avenir énergétique de la France exclusivement sur l’extraction de ressources fossiles, a fortiori si celle-ci se fait au détriment de l’environnement ?

La fin annoncée du pétrole devrait pourtant être anticipée. Mais les pétroliers préfèrent exploiter, jusqu’au bout, des gisements de plus en plus coûteux, de plus en plus profonds, de plus en plus difficiles d’accès parce qu’ils espèrent faire payer le client final. Cela s’explique notamment par un déficit de recherche scientifique, mais surtout par la structuration du marché énergétique. En effet, étant orientés principalement vers la profitabilité maximale, les principaux acteurs se placent en dehors de toute responsabilité sociale et environnementale. Nous voyons là les effets pervers du modèle libéral et son incapacité à penser de manière durable l’accès aux ressources premières.

En tout état de cause, nous estimons que l’avenir énergétique repose principalement sur la recherche dans le domaine des énergies renouvelables afin d’en renforcer progressivement le poids dans le bouquet énergétique. Ainsi, la transition écologique et la garantie du droit pour tous à l’accès à l’énergie imposent de revoir les modèles libéraux appliqués par l’Union européenne et particulièrement par notre gouvernement afin de reprendre le contrôle de notre avenir énergétique.

Alors que la Bulgarie vient de décréter un moratoire sur cette question, le Gouvernement doit, selon nous, revoir sa copie et abroger l’ensemble des permis. Nous appelons également de nos vœux une réforme rapide du code minier, comme cela a été annoncé au printemps dernier, afin d’instaurer une véritable enquête publique avant tout octroi de permis et d’établir enfin une distinction entre hydrocarbures conventionnels et non conventionnels.

Vous pourrez peut-être, monsieur le ministre, nous apporter des éclaircissements sur l’action du Gouvernement et sur ses intentions.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Tropeano

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un peu plus de six mois après le vote de la loi du 13 juillet 2011, nous nous retrouvons aujourd’hui pour évoquer le devenir des permis exclusifs de recherche d’hydrocarbures conventionnels et non conventionnels.

Comme je l’avais déjà dit lors de la discussion de ce texte le 1er juin dernier, la mobilisation des élus et de nos concitoyens est forte et leur détermination, sans faille. Ces dernières semaines, les collectifs se sont à nouveau manifestés.

Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger, d’une part, sur l’abrogation de trois permis le 13 octobre 2011, d’autre part, sur l’organisation des acteurs de groupes nationaux et internationaux ayant fortement intérêt à sortir de l’interdiction française d’exploitation des hydrocarbures de schiste.

Je commencerai donc par l’abrogation de trois des permis délivrés.

Le 13 octobre dernier, le Président de la République, en déplacement en province, annonçait l’abrogation de trois permis d’exploration d’hydrocarbures visant exclusivement le gaz de schiste, conséquence de la loi du 13 juillet 2011. L’annulation des permis n’était pas à l’ordre du jour du Gouvernement en juin 2011, mais elle l’était donc, même partiellement, en octobre 2011 ! Lors de la discussion de la loi devant le Sénat, voici ce que disait Mme la ministre de l’écologie : « Il s’agit bel et bien d’empêcher toute exploration et toute exploitation du gaz de schiste. Il y a deux manières de le faire : annuler les permis, ce qui revient à annuler une autorisation administrative et donc ouvrir des droits à indemnisation, ou interdire une technologie, la seule qui soit utilisée aujourd’hui pour explorer et exploiter les gaz de schiste. C’est cette voie qui est ici proposée ». Elle clôturait son intervention en ajoutant : « On aboutit donc au même résultat, mais en empruntant un chemin plus habile, qui ne présente pas les mêmes risques financiers pour l’État ».

À ce stade, deux questions se posent : pourquoi abroger trois permis ? Quid des soixante et un permis restants ? S’ils concernent, dans leur majorité, l’exploitation d’hydrocarbures conventionnels, douze sont relatifs aux hydrocarbures non conventionnels et portent donc potentiellement sur le gaz de houille ou le pétrole de schiste, notamment dans le Bassin parisien.

Ainsi que je le rappelais au début de mon intervention, nos concitoyens sont restés très mobilisés sur ce sujet. Lorsque dernièrement le groupe Total a déposé un recours administratif pour contrer l’abrogation de ce permis d’exploration des gaz de schiste dans le sud de la France, la vigilance citoyenne s’est de nouveau manifestée.

Pour information, je tiens tout de même à rappeler que ce seul permis, dit « permis de Montélimar », couvrait 4 327 kilomètres carrés, de Montélimar à Montpellier. À l’annonce de l’abrogation de ce permis, le groupe Total a fait savoir qu’il ne comprenait pas cette décision, puisqu’il s’était engagé à ne pas utiliser la fracturation hydraulique. Mme la ministre avait alors répondu que le rapport remis par Total n’était pas crédible, reconnaissant que les techniques autres que la fracturation hydraulique n’étaient pas opérationnelles.

Le 17 janvier dernier, le club Énergie & développement organisait son neuvième colloque à la Maison de la chimie, auquel participait Mme la ministre. Placé sous le haut patronage du Premier ministre et du ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique, ce colloque avait pour thème « Le bouquet énergétique dans tous ses états ». Si les questions de l’énergie nucléaire, de l’éolien ou du solaire étaient abordées, une table ronde avait pour thème : « La France peut-elle se passer d’une ressource, les hydrocarbures de schiste ? ». Trois points précis étaient traités : la situation aux États-Unis, les différents modèles européens, et, thème le plus alarmant, « L’interdiction française : comment en sortir ? ». Bien évidemment, participait un aréopage de sommités du monde industriel.

Formuler la question de la sorte – l’interdiction française : comment en sortir ? – alors que le Parlement a voté une loi en juillet 2011, laisse à penser que la réponse est déjà contenue dans la question. Mme la ministre est intervenue en clôture de cette matinée de rencontres et j’aurais aimé qu’elle nous fasse part des propos qu’elle a tenus sur ce sujet.

Cette succession d’événements a largement ravivé la mobilisation des mouvements associatifs et des élus. C’est pourquoi il est important que vous puissiez, monsieur le ministre, nous confirmer la détermination du Gouvernement à garantir l’interdiction de l’usage de la fracturation hydraulique.

L’opposition parlementaire qui a été rencontrée sur ce dossier n’est que le reflet de ce que la société civile exprime.

Le texte de la loi, tel que nous le proposions, interdisait l’exploration et l’exploitation des huiles et gaz de schiste. Vous avez souhaité le limiter à l’interdiction de la fracturation hydraulique. Le résultat est là aujourd’hui, six mois après la promulgation de la loi : un recours du groupe Total, des industriels qui cherchent à en finir avec l’interdiction française et qui, selon l’hebdomadaire Le Point dans son édition du 26 janvier dernier, étudient des techniques encore plus destructrices de l’environnement mais naturellement beaucoup plus rentables.

Reconnaissez que ce premier bilan pourrait être meilleur !

Mettre la facture énergétique française en balance pour tenter de contourner cette loi n’est pas à la hauteur des enjeux environnementaux. Nous devons réduire notre dépendance aux énergies fossiles, poursuivre et accélérer le développement des énergies renouvelables.

Aussi, monsieur le ministre, je souhaite que vous nous répondiez clairement sur le devenir des permis non abrogés et que vous précisiez la position du Gouvernement face aux pressions et au pouvoir des groupes industriels, lesquels ne vont pas manquer d’inventivité sémantique, préférant parler de « stimulation de roche » plutôt que de fracturation hydraulique...

Alors que l’ouverture de travaux de recherche de gaz de schiste est soumise à une simple déclaration et échappe à l’enquête publique et à l’étude d’impact, il devient urgent de réformer le cadre juridique ainsi que le droit minier.

Monsieur le ministre, sachez que nous sommes et resterons tous très vigilants sur cette question. Je souhaite, en terminant, qu’une grande réflexion soit rapidement menée sur la politique énergétique de la France.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat sur l’exploration et l’exploitation des gaz de schiste a été vif et parfois confus.

Mais, si certains cherchent constamment à mettre en défaut le Gouvernement et la majorité dont il dispose à l’Assemblée nationale, il est quand même bien difficile de trouver matière à le critiquer sur ce qui a été fait.

Nous avons adopté une législation qui n’a aujourd'hui pas d’équivalent dans le monde, et ce dans un temps record.

Je conçois donc qu’il soit bien difficile à certains aujourd’hui de justifier leur refus à l’époque de voter cette loi, sans doute pour des raisons politiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

C’est surtout que cette loi ne sert à rien !

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Je pense qu’il faut reconnaître les avancées et rappeler que des élus de tous bords ont partagé la volonté d’interdire ces techniques d’exploitation.

Il est vrai – Jean Louis Borloo l’a reconnu – que l’octroi de permis d’exploration spécifiques en avril 2010 était une erreur : c’était une erreur de jugement, sur la forme, sur les techniques employées – sans doute d'ailleurs faute de connaissance et de vigilance – et peut-être aussi une erreur en termes d’objectifs.

Je ne vais pas, à mon tour, rouvrir le débat sémantique, la nécessité d’évoquer des techniques nouvelles, le code minier ou les permis abrogés : je pense, monsieur le ministre, que vous apporterez des réponses sur tous ces sujets.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

En revanche, j’aimerais que l’on puisse revenir un peu sur le fond du dossier.

Dans le cadre de la loi dite « Grenelle I », qui a été adoptée à l’unanimité, nous avons fait le choix d’un mix énergétique décarboné, essentiellement pour le thermique et l’électrique. Avec cette orientation, nous avons notre feuille de route. Il est vrai toutefois que, s’agissant des hydrocarbures, ce mix est moins clair parce que l’on ne dispose pas de visibilité absolue sur la nécessité, à moyen terme, de conserver une part plus ou moins importante d’hydrocarbures, tout particulièrement pour le transport.

Je ne doute donc pas que des pressions continueront de s’exercer pour nous convaincre de la légitimité de l’exploitation des différents gisements de gaz et d’hydrocarbures non conventionnels.

Monsieur le ministre, ma première question est finalement assez simple : disposez-vous de données objectives sur le sujet, au-delà des différents rapports qui ont été évoqués tout à l'heure ? En d’autres termes, cela a-t-il un sens d’exploiter ces ressources non conventionnelles ? Quel est leur potentiel ? Surtout, quel est leur coût ?

Je vous pose ces questions parce que, à l’occasion du Grenelle, on avait écarté l’idée d’exploiter des ressources non conventionnelles. On n’avait pas creusé cette piste parce que l’on estimait alors que le potentiel n’était pas important, que le coût économique de l’exploitation était tellement élevé que cela n’avait finalement pas d’intérêt pour la société et, surtout, que le coût environnemental était, lui aussi, très élevé.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

C’est d'ailleurs parce qu’il exploite de telles ressources que le Canada ne peut pas respecter aujourd'hui ses objectifs environnementaux.

Ma seconde série d’interrogations porte sur les travaux de la Commission nationale d'orientation, de suivi et d'évaluation des techniques d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux.

Cette commission sera-t-elle compétente pour se prononcer sur toutes les recherches d’hydrocarbures, conventionnels ou non conventionnels ?

Il s’agit d’un vieux débat, ouvert à la suite des échanges que nous avions eus sur l’exploitation minière en Guyane. La question avait alors été posée en effet de la nécessité de se doter d’un schéma d’exploitation des hydrocarbures en mer. La même question peut d'ailleurs également être posée à propos de la Méditerranée, qui souffre toujours d’un défaut de couverture et de protection.

Il me semblerait extrêmement intéressant que cette commission puisse aussi couvrir ces sujets et nous éclairer sur ces débats.

Monsieur le ministre, telles sont, très rapidement formulées, les quelques questions que je voulais vous poser.

Toutefois, je reviens à mon interrogation fondamentale, sur le sens de cette exploration. En effet, un débat existe entre, d’une part, ceux qui considèrent que s’engager dans la voie d’une exploration et donc d’une exploitation potentielle n’a vraiment aucun sens et, d’autre part, ceux qui estiment au contraire que, malgré les inconvénients économiques et environnementaux, il y a peut-être là un potentiel.

Pour ma part, je ne suis pas en mesure de trancher ce débat, qui ressemble d'ailleurs beaucoup à celui qu’ont suscité les OGM.

Ma conviction est plutôt que ce n’est pas nécessairement une voie très pertinente ; j’aimerais toutefois disposer de données objectives plutôt que de me fonder sur une simple conviction.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, plus de six mois sont passés depuis le vote de la loi dite « loi Jacob », laquelle, rappelons-le, a été adoptée à la suite d’une mobilisation sans précédent, dans toute la France, des différents collectifs et populations concernés.

Malheureusement, ce texte voté à grand renfort de communication, pour apaiser la colère, n’est qu’une loi en trompe-l’œil et laisse toujours la porte ouverte aux sociétés gazières et pétrolières.

En effet, rien n’a été résolu. La loi votée n’a fait qu’interdire une méthode : celle de la fracturation hydraulique, alors qu’il eût été préférable d’interdire purement et simplement l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures de roche, comme cela avait été proposé dans un texte déposé par les parlementaires socialistes et écologistes.

Où en sommes-nous aujourd'hui ?

Le Gouvernement avait attribué soixante-quatre permis d’exploration-exploitation, parmi lesquels trois – Nant, Villeneuve-de-Berg et Montélimar – sont tombés sous le coup de la loi.

Mais il en reste soixante et un ! Et l’on joue autant avec les nerfs des riverains qu’avec la sémantique, entre « hydrocarbures d’exploitation non conventionnelle » ou « hydrocarbures non conventionnels ».

Soyons clairs : un hydrocarbure, c’est un hydrocarbure ! Un hydrocarbure, cela contient du carbone et de l’hydrogène, et cela peut être utilisé pour le chauffage et le transport. Mais ce qui change, c’est le potentiel champ de ruine du territoire pour enrichir les exploitants, selon que l’on utilise une méthode ou une autre.

C’est le forage qui est conventionnel ou qui ne l’est pas.

Si, en l’état actuel du droit, l’exploitation des gaz de schiste par la méthode de fracturation hydraulique est interdite, rien n’empêche à ce jour l’exploitation par une méthode alternative comme la fracturation pneumatique, laquelle, je le rappelle, consiste à injecter sous pression, non pas de l’eau, mais de l’air comprimé, ou encore la fracturation par injection de propane gélifié. Ces techniques ont cours aux États-Unis ; elles peuvent traverser l’Atlantique bien plus vite qu’on ne le pense !

Si la technique pneumatique permet d’échapper aux molécules toxiques des fluides que l’on envisageait autrefois, elle engendre toujours de graves conséquences environnementales et sanitaires. Comme l’a montré la très sérieuse Association Toxicologie-Chimie, sous la direction d’André Picot, expert auprès de l’Union européenne, la pulvérisation des roches, par quelque méthode que ce soit, libère des substances auparavant enfermées. Or ce sont des substances toxiques ! En outre, on aura toujours le problème des creusets chimiques improvisés engendrés par le sable injecté pour empêcher la roche de se refermer.

Monsieur le ministre, vous avez toutefois commis une erreur – mais peut-être s’agit-il d’un mensonge par omission – en associant l’interdiction d’une méthode d’extraction à la résolution définitive du problème.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Or c’est l’exploitation même de ce type de ressources qui engendre le danger. À cet égard, le terme de « roche-mère », utilisé par notre ami Michel Teston, est fort utile pour éclairer les modifications dont nous aurons besoin dans le code minier.

L’objectif des bureaux d’étude des industriels n’est pas de trouver une méthode propre. Au contraire, ils recherchent la manière de créer dans la roche les fissures les plus longues, les plus profondes et les plus nombreuses : c’est la garantie de faire sortir plus de gaz, d’éviter les pertes et de maximiser les profits.

Je tiens à souligner le remarquable travail des collectifs et des associations, qui n’ont jamais cessé de se mobiliser et qui demandent encore et toujours que l’arrêté du 12 octobre dernier soit complété de manière à abroger d’autres permis litigieux. C’est d’ailleurs en ce sens que des recours gracieux ont été déposés.

Que ce soit à Foix ou à Alès, les hydrocarbures sont situés dans des roches-mères très profondes et représentent un véritable risque.

Monsieur le ministre, comment expliquez-vous, au vu de la géologie de ces territoires et de la profondeur de ces réserves, que ces gisements puissent être exploités sans recourir à la fracturation ? Quel crédit donnez-vous au principe de précaution ? Celui-ci a quand même été voté pour être appliqué !

Dernière conséquence fâcheuse de la loi du 13 juillet 2011, qui signe le début d’une longue bataille juridique, le recours administratif déposé par Total, visant à annuler l’abrogation du permis de recherche de Montélimar, peut malheureusement créer un précédent. Soyez en tout cas assurés, monsieur le ministre, mes chers collègues, que, désormais, chaque abrogation de permis donnera lieu à contestation…

Les écologistes s’étaient prononcés pour une interdiction pure et simple de cette exploration-exploitation des hydrocarbures de roche-mère mais, pour des motifs plus ou moins avouables, votre vision, monsieur le ministre, semble être de promouvoir comme solution opportune l’utilisation d’une nouvelle ressource fossile, quand bien même elle serait désastreuse sur le plan environnemental.

Nous ne pouvons pas courir ce risque, ni pour nous, ni pour les générations futures.

Avec les gaz de schiste, les lobbies tentent une recette usée : c’est « eux ou la pénurie » ; c’est l’absence de concertation ; c’est la rétention de l’information ; c’est le mensonge sur les risques encourus. Il ne manque plus que les « coûts réels exorbitants » et l’accusation faite aux opposants de « gêner la recherche ». Nous avons connu tout cela dans le débat sur le nucléaire !

Il y a à peine quelques heures, nous avons débattu du rapport annuel du contrôle de l’application des lois. La loi dont nous dressons aujourd'hui en quelque sorte le bilan n’est pas entièrement entrée en application. Ainsi, cela a été évoqué tout à l'heure, le décret en Conseil d’État relatif à la Commission nationale d’orientation, de suivi et d’évaluation des techniques d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux n’est pas encore paru.

Monsieur le ministre, vous n’avez pas su prendre les responsabilités qui incombent aux pouvoirs publics ; vous avez tenté de faire croire que les gaz de schiste étaient la solution permettant de garantir l’indépendance énergétique.

Les écologistes ne transigeront pas : nous promouvons toujours la pertinence d’une transition alliant responsabilité, sobriété, protection des ressources de la planète et développement d’énergies propres et renouvelables.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en juin dernier, le Parlement était appelé à adopter en procédure accélérée une proposition de loi sur l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures non conventionnels.

Cette loi, nous le savons tous, n’était qu’un modeste paravent. En effet, plutôt que de refuser fermement, de manière catégorique et définitive, l’exploration et l’exploitation des gaz de schiste, le Gouvernement a temporisé.

Monsieur le ministre, d’un côté, vous annoncez la suspension de la délivrance des permis mais, de l’autre, vous ne vous interdisez rien, et surtout pas d’autoriser dans le futur le recours à la fracturation hydraulique.

Je ne reviendrai pas sur les dangers liés à cette technique. J’insisterai en revanche sur les faux-semblants de votre gouvernement et sur les dangers d’une telle position.

En effet, si votre position était claire et sans ambiguïté, on verrait les groupes pétroliers renoncer à l’idée d’exploiter un jour les gaz et huiles de schiste. Or il n’en est rien. On le voit avec l’affaire Melrose : l’annulation, en octobre dernier, de trois permis de recherche n’a, de ce point de vue, rien changé. Total conteste même devant la juridiction administrative l’annulation de son permis de Montélimar…

Mieux, seuls trois permis de ce type ont été annulés, sur un total de soixante-quatre. Il semble bien que l’État cherche à gagner du temps, là où il devrait se montrer énergique et catégorique.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

On peut d’ailleurs s’interroger sur les raisons de l’annulation de ces trois permis et sur le sort qui sera réservé aux autres tant que la distinction entre hydrocarbures conventionnels et hydrocarbures non conventionnels ne sera pas définitivement inscrite dans la loi.

Peut-être ces annulations, à défaut d’être parfaitement fondées, sont-elles dues à la forte mobilisation locale contre les permis octroyés ?

Devant les contradictions de la loi Jacob, il est donc plus que jamais nécessaire que les associations, les citoyens et les élus continuent de se mobiliser.

Sachez, monsieur le ministre, que tel est le cas en Dordogne : tous les acteurs de la société civile et tous les élus du département sont et resteront fermement mobilisés contre les deux permis de recherche qui frappent notre territoire, le permis de Cahors et le permis de Beaumont-de-Lomagne.

L’instruction de ces permis est pour l’instant suspendue. Nous attendons qu’ils soient purement et simplement annulés. Je voudrais d’ailleurs souligner ici l’ampleur de la mobilisation contre ces permis, afin que vous vous rendiez bien compte du rejet qu’ils suscitent auprès des Périgourdins.

L’association qui anime le collectif « Non au gaz de schiste » est particulièrement active contre ces projets. J’ai eu l’occasion de rencontrer ses responsables et de juger du sérieux tant de leur démarche que de leur motivation. Ce collectif a, par exemple, organisé plusieurs manifestations réunissant à chaque fois plusieurs fois centaines de personnes.

Le 17 février dernier, lors de la visite de Mme la ministre à Sarlat, ville de dix mille habitants emblématique du patrimoine de notre département, ils étaient près de cinq cents à manifester contre le permis de Cahors.

Ce collectif a participé également à la manifestation qui a rassemblé à Cahors, le 17 avril 2011, quatre mille manifestants ; il a également lancé une pétition qui a déjà été signée par plus de deux mille personnes et il a organisé plusieurs réunions d’information dans les communes concernées par un éventuel permis d’exploration, réunions qui ont toutes été très suivies.

Vous le voyez, l’inquiétude légitime quant aux conséquences de ces permis reste très forte et la mobilisation citoyenne ne faiblit pas. Soyez persuadé qu’elle perdurera jusqu’à ce que nous obtenions gain de cause, car, aujourd’hui, cette mobilisation citoyenne est fortement relayée par les élus du territoire, comme en témoignent les motions votées par le conseil général de la Dordogne et par le conseil régional d’Aquitaine.

La situation exige donc une clarification juridique que vous vous refusez à réaliser. La question dépasse en réalité la méthode même d’exploitation ; il s’agit en fait de savoir si nous acceptons ou si nous refusons d’exploiter ces gisements fossiles.

Aujourd’hui, nous sommes dans une impasse. Nous attendons toujours le projet de ratification de l’ordonnance réformant le code minier, tandis que la Commission nationale d’orientation, de suivi et d’évaluation des techniques d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures liquides ou gazeux n’est toujours pas constituée ; nous ne saurions non plus nous satisfaire du seul rapport Gossement.

Autrement dit, monsieur le ministre, il n’est plus temps de tergiverser : si vous admettez leur dangerosité, quand allez-vous enfin interdire définitivement l’exploration et l’exploitation des gaz de schiste, sous quelque forme que ce soit ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Houel

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat d’aujourd’hui me donne l’occasion d’une mise au point à laquelle je tiens tout particulièrement : j’ai été, en effet, le rapporteur, au Sénat, de la loi du 13 juillet dernier visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures par fracturation hydraulique. Cette loi était très attendue, notamment dans mon département, la Seine-et-Marne.

Dans l’exposé des motifs de la proposition de loi que vous avez déposée après le vote de la loi avec vos collègues socialistes, madame Bricq, vous osez dire qu’il n’existe pas, à ce jour, de législation spécifique pour ce nouveau type de ressource que constituent les huiles et gaz de schiste. Comment pouvez-vous nier la loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011 qui, non seulement, constitue une législation spécifique, mais représente une première mondiale ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Houel

Nous avons voté cette loi, mais vous ne nous avez pas suivis, tout simplement peut-être parce que cette loi a pour origine une proposition de loi déposée par des membres de l’UMP, en l’occurrence notre collègue député Christian Jacob. Or il s’agit de la seule loi qui interdit l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures par fracturation hydraulique.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Houel

Nous avons jugé souhaitable d’améliorer l’information et la consultation du public : cette préoccupation trouve sa traduction juridique dans le projet de loi de ratification de l’ordonnance de codification de la partie législative du code minier, d’ores et déjà appliquée par l’administration.

Que les élus locaux, les associations environnementales, les citoyens des territoires concernés se soient mobilisés pour manifester leur inquiétude quant à l’exploitation de gisements de cette « nouvelle » ressource fossile, rien n’est plus légitime. Il est indispensable, avant d’entamer toute exploitation minière, de s’assurer qu’il n’y a aucune incidence sur l’environnement et sur la santé humaine. Je m’en suis d’ailleurs moi-même inquiété, comme vous le savez, puisque la Seine-et-Marne renferme dans ses sous-sols de nombreuses ressources fossiles de ce type.

Malgré tout, l’information était certainement défaillante dans mon département, puisque j’ai vu partout fleurir des pancartes dénonçant les gaz de schiste, alors que, tout le monde le sait, on n’en trouve pas en Île-de-France !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Houel

Cette préoccupation m’a poussé à déposer une proposition de loi avec mes collègues de l’UMP. Face à ces inquiétudes, pas moins de sept propositions de loi, et non deux, ont été déposées à l’Assemblée nationale et au Sénat, émanant tant de l’opposition que de la majorité. Toutes visent à interdire la fracturation hydraulique, seule technique aujourd’hui connue et opérationnelle pour exploiter les huiles de schiste.

Sur ce point, nous sommes donc tous d’accord. Alors, pourquoi remettre en cause cette loi, adoptée définitivement par le Sénat le 30 juin dernier, que les populations des territoires concernés appelaient de tous leurs vœux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Ce n’est pas nous qui la remettons en cause, c’est Total !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Houel

Vous avancez divers arguments : la loi omettrait de définir la technique de la fracturation hydraulique ; la loi n’interdirait absolument pas le recours à d’autres techniques d’exploitation de mines d’hydrocarbures de schiste, comme la « fracturation pneumatique » ou la fracturation avec injection de propane gélifié, deux techniques actuellement utilisées aux États-Unis, au Canada ou dans d’autres pays.

Tout cela est faux : contrairement à ce que vous affirmez, la fracturation hydraulique est parfaitement définie pour les professionnels et n’utilise que deux mots de la langue française qui sont très clairs, tandis que des définitions qui ont été proposées au cours des débats parlementaires n’ont fait qu’embrouiller le concept. D’ailleurs, votre proposition de loi n’est pas cohérente avec son exposé des motifs, puisqu’elle ne conteste ni ne redéfinit l’expression.

La fracturation hydraulique, tout le monde en convient, est à ce jour la seule technique opérationnelle pour l’exploration complète et l’exploitation des hydrocarbures de schiste, mais elle est interdite par la loi que nous avons votée. En tout état de cause, l’administration ne permettrait pas l’utilisation de techniques nouvelles qui n’auraient pas fait leurs preuves, qu’il s’agisse des travaux soumis à déclaration, pour l’exploration, ou soumis à autorisation, pour l’exploitation.

Relisons donc la loi du 13 juillet 2011 : elle interdit bien la technique de la fracturation hydraulique, y compris pour des expérimentations. La loi organise en outre l’abrogation des permis de recherche de gaz et d’huiles de schiste en limitant les risques juridiques et financiers liés à une telle abrogation.

La loi donnait deux mois aux titulaires de permis pour rendre un rapport et trois mois à l’administration pour publier au Journal officiel la liste des permis exclusifs de recherches abrogés. Cette liste a pris la forme d’un arrêté, publié, vous le savez tous, le 13 octobre 2011. Les rapports demandés aux détenteurs de permis ont permis de consolider juridiquement les abrogations qui ont été faites ensuite et les permis litigieux ont été annulés.

Le Gouvernement, monsieur le ministre, a fait un effort sans précédent en faveur des énergies renouvelables et décarbonées, comme en faveur de l’efficacité énergétique. §Nous savons qu’une réforme du code minier est en cours et la loi que nous avons votée en juin dernier y aura largement contribué.

Un véritable chantier de modernisation de ce code a été mené à bien par le Gouvernement afin d’accroître la transparence des attributions de permis et des ouvertures de travaux. Il permettra également de mieux prendre en compte la préservation de l’environnement comme la réduction des nuisances. Pour cela, nous vous faisons confiance, monsieur le ministre, et nous vous réitérons notre entier soutien !

Je voudrais soumettre un dernier élément à votre réflexion, mes chers collègues : le 19 janvier dernier, le prix du gaz aux États-Unis a atteint son niveau le plus bas depuis dix ans : il est désormais trois fois inférieur à celui que paient les Européens. Cette baisse spectaculaire s’explique par la mise en exploitation des gaz de schistes…

Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialise.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quand nous serons à la retraite, nous nous livrerons peut-être à des travaux d’écriture. Nous pourrons alors rédiger un essai qui s’intitulerait De la duplicité dans l’administration des affaires publiques. À cette fin, nous remémorant soigneusement tous les faits, nous conterons par le menu l’histoire des permis d’explorer les gaz de schiste qui, depuis plus de cinq ans, révèle de la part du Gouvernement des méthodes d’administration ni franches ni loyales à l’égard des citoyens français.

Je vois un premier exemple de duplicité dans l’attitude du ministre Borloo qui, pendant qu’il occupe la scène politique et environnementale avec le Grenelle de l’environnement, délivre en catimini plus de soixante permis d’exploration, au mépris total de l’esprit même du Grenelle, c’est-à-dire la codécision, la gouvernance partagée et citoyenne ainsi que la transparence.

Je vois un deuxième exemple de duplicité dans le comportement de la majorité gouvernementale, qui prône une politique énergétique décarbonée, le plus souvent d’ailleurs pour justifier son choix du nucléaire, mais n’hésite pas, en même temps, à laisser la porte ouverte à l’exploration des gaz de schiste, alors que cette énergie émet trois à cinq fois plus de gaz à effet de serre que le pétrole conventionnel !

Je vois un dernier exemple de duplicité dans le fait que, depuis que ces permis sont connus, depuis que le Gouvernement a eu affaire à des mouvements citoyens, environnementaux et à une mobilisation des élus locaux dans les territoires, le Premier ministre a déclaré, le 13 avril dernier, en réponse à une question d’actualité, que les autorisations qui avaient été données l’avaient été dans des conditions qui n’étaient pas satisfaisantes.

Et le Premier ministre de déplorer notamment le fait que la concertation et l’information aient été insuffisantes assurant, la main sur le cœur, « pour qu’il n’y ait aucun doute, dans le débat, entre les Français et le Gouvernement sur ce sujet », qu’il fallait « tout remettre à plat », « annuler les autorisations déjà accordées » et, pour finir, que le Gouvernement soutiendrait les propositions de loi déposées en ce sens. Alors que se multipliaient les manifestations contre les permis exclusifs de recherche – octroyés, il faut bien le dire, dans la plus grande opacité par le Gouvernement –, le Premier ministre ne pouvait pas faire moins !

Mais, alors que le Gouvernement s’était pourtant engagé à déplacer les montagnes, nous n’avons finalement assisté qu’à l’accouchement d’une petite souris : la loi promulguée le 13 juillet dernier ne règle en rien les problèmes soulevés par l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels, pas même d’ailleurs les problèmes soulevés par le Premier ministre et le Gouvernement !

Sur soixante-quatre permis octroyés, seuls trois ont été annulés : nous sommes bien loin du compte ! S’agissant de la mise en place des structures de consultation et de participation du public aux décisions, sur lequel le Gouvernement avait pris un engagement, rien n’a été fait. Je suis moi-même l’élue d’un département concerné par le permis d’exploitation évoqué par Nicole Bricq : nous n’avons vu aucune structure se mettre en place.

De même, nous attendons toujours le projet de loi de ratification de l’ordonnance portant codification de la partie législative du code minier, annoncé il y a des mois par la ministre de l’écologie.

Quant à l’engagement pris par le Premier ministre de soutenir les propositions de loi relative à l’exploration et l’exploitation des gaz de schiste, il semble qu’il n’avait tout simplement pas encore pris connaissance de ces textes. Il lui aurait pourtant suffi d’en lire le titre : la proposition de loi déposée ici même, le 7 avril 2011, par les sénateurs du groupe UMP visait en effet « à abroger les permis exclusifs de recherches d’hydrocarbures non conventionnels et à interdire leur exploration et leur exploitation sur le territoire national ».

Si nous débattons aujourd’hui à nouveau de la question, c’est parce que la loi du 13 juillet 2011 n’a pas répondu à l’inquiétude des Français. Elle interdit le recours à la fracturation hydraulique, mais tout laisse à penser, comme l’a rappelé tout à l’heure Nicole Bricq, que le Gouvernement ne cherche qu’à gagner du temps : on autorise l’exploration et on attend.

Bien que mes collègues l’aient déjà fait plusieurs fois, permettez-moi de citer, parmi les indications et les expertises dont nous disposons sur la nocivité de cette source d’énergie, le rapport examiné le 3 octobre dernier par la commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire du Parlement européen. On y conclut au caractère « inévitable » des conséquences environnementales de l’extraction des hydrocarbures de schiste, à commencer par « une occupation de terrain importante » nécessaire aux opérations de forage et de transport et l’on souligne également « les impacts potentiels importants » sur la pollution de l’air et de l’eau, ainsi que le risque d’accidents, comme ce fut le cas aux États-Unis.

J’évoque cette réflexion du Parlement européen parce que, dernière manifestation de la duplicité de la majorité gouvernementale, il semblerait que la France ait aussi mis fin à son soutien à une directive européenne visant à désigner les sables bitumineux canadiens comme la forme de pétrole de loin la plus néfaste pour le climat.

Plus grave encore, la France demanderait à la Commission européenne des études complémentaires n’ayant d’autre objet que de retarder les applications éventuelles de la directive de 2009. Il faut dire que les dirigeants du groupe Total passeraient beaucoup de temps dans le bureau de M. Besson, qui est généralement un bon relais pour défendre les groupes de production d’énergie…

Monsieur le ministre, ma question sera simple : quelle est exactement la position de la France à Bruxelles ? A-t-elle ou non rejoint le groupe des pays favorables à l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels ? Avec la réponse à cette question, nous en saurons davantage sur ce que vous voulez exactement faire de ces permis !

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en vous écoutant et en intervenant ce soir, il me semble revenir quelques mois en arrière, lorsque nous débattions, l’été dernier, d’une loi visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique.

L’exploration des gaz et huiles de schiste avait alors donné lieu à une série de débats parlementaires de qualité et à l’expression forte d’inquiétudes légitimes de la part d’une partie des populations locales. Cette loi a ensuite été adoptée, puis promulguée, et aujourd'hui le groupe socialiste, qui a refusé de voter le texte, mais qui, au lendemain de son adoption, avait immédiatement déposé une nouvelle proposition de loi quasi identique, le groupe socialiste, donc, revient à la charge.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Elle n’est pas identique : vous ne l’avez pas lue !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

À quoi bon un nouveau texte ? Dans quel but ? Que dire de plus et que demander de plus que les riches discussions que nous avions eues il y a quelques mois ?

Comme beaucoup d’entre vous au cours du premier semestre de l’année dernière, j’avais été saisi de ce problème, de cette inquiétude que représentaient, pour certains maires de mon département, ce nouveau modèle d’énergie et l’utilisation de ses gisements.

Comme beaucoup d’entre vous, j’ai perçu les craintes et les interrogations des membres de certains conseils municipaux, j’ai été le destinataire de courriers, voire de pétitions, de certaines associations de populations vivant à proximité des zones potentielles de forage.

Comme beaucoup d’entre vous, j’ai écouté, entendu, fait remonter les appréhensions des uns et des autres, puis expliqué à mes interlocuteurs le contenu de la loi du 13 juillet 2011. Ce texte les a en grande partie rassurés.

La loi permet en effet d’interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures par des forages suivis de fracturation hydraulique de souche sur le territoire national ; elle prévoit la création d’une commission nationale d’orientation, de suivi et d’évaluation des techniques d’exploration et d’exploitation de ces hydrocarbures composée d’élus, de représentants de l’État, des collectivités locales et d’associations directement concernées ; elle entraîne l’abrogation des permis de recherche de gaz et huiles de schiste en limitant les risques juridiques et financiers liés à de telles abrogations ; elle prévoit enfin la remise par le Gouvernement d’un rapport de suivi annuel sur l’évolution des techniques et la connaissance du sous-sol en matière d’hydrocarbures, ainsi que sur les conditions de mise en œuvre d’expérimentations réalisées à seule fin de mener des recherches scientifiques, sous contrôle public.

Ainsi la loi votée a-t-elle apporté des éléments rassurant pour les collectivités locales et les associations qui, à juste titre, s’inquiétaient. Elle a interdit toute technique de fracturation hydraulique, y compris pour des expérimentations, ce que souhaitaient en particulier les élus vauclusiens que j’avais rencontrés, répondant ainsi aux diverses pétitions et mouvements de protestation.

La question du gaz de schiste a effectivement inquiété, et nous sommes nombreux à y avoir été attentifs, mais la loi votée le 13 juillet dernier apporte des éléments de réponse suffisants dans un premier temps, puisque désormais chaque initiative devra être assortie d’un encadrement strict, et surtout aucune nouvelle expérimentation impliquant l’utilisation de la fracturation hydraulique – technique d’extraction qui a suscité la crainte et la contestation des populations – ne pourra être réalisée sans une nouvelle loi.

Il est clair que nous ne pouvions autoriser n’importe qui à faire n’importe quoi, n’importe où. Cependant, la discussion de ce soir n’apportera aucun élément supplémentaire, car la promulgation de la loi est trop récente et nous ne bénéficions d’aucun recul pour y apporter des modifications ou des améliorations.

Je veux bien admettre que, à l’approche d’une période électorale riche et intense, tous les sujets redeviennent d’actualité. Pour ma part, comme la majorité des sénateurs du groupe UMP, je me félicite du contenu de la loi votée l’année dernière, première loi qui interdit l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures par fracturation hydraulique.

Nous assurons M. le ministre de notre solidarité dans le domaine de la recherche sur les énergies renouvelables lesquelles, quoi qu’en disent certains, ne sont pas laissées pour compte par le Gouvernement, puisqu’il n’est pas question que les gaz de schiste soient l’occasion d’un quelconque recul environnemental.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.

Debut de section - Permalien
Thierry Mariani, ministre auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports

Monsieur le président, madame Nicole Bricq, auteur de cette question orale avec débat, mesdames, messieurs les sénateurs, vous me permettrez tout d’abord d’excuser Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement ; elle aurait aimé participer à ce débat qui lui tient à cœur, mais elle a été retenue ce soir.

Nous sommes réunis de nouveau aujourd’hui pour débattre des gaz et huiles de schiste, une véritable saga que nous aurions pu croire sortie du débat parlementaire après le vote de la loi du 13 juillet 2011 qui a pris en compte les inquiétudes légitimes du public en interdisant la fracturation hydraulique et en permettant l’abrogation des permis de recherche correspondants.

C’était une première mondiale, et je salue ici le travail de Michel Houel, qui a été votre rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, et qui vient de faire une intervention remarquable. Le groupe socialiste du Sénat a cependant refusé de voter cette loi sous le prétexte – je vous cite, madame Bricq – « qu’elle permet aux sociétés extractrices d’attendre des jours meilleurs ».

Debut de section - Permalien
Thierry Mariani, ministre

Eh bien, ce n’est pas l’avis de l’entreprise Schuepbach, qui a renoncé de facto à ses permis de Villeneuve-de-Berg et de Nant. Ce n’est pas non plus l’avis de Total, qui a engagé un recours contentieux contre l’abrogation de son permis de Montélimar. Ce n’est pas plus l’avis des autres industriels, dont les permis de recherche sont d’une durée limitée – de trois à cinq ans –, ce qui est bien court pour « attendre des jours meilleurs » !

Aujourd’hui, vous m’interrogez sur les intentions du Gouvernement à l’égard de l’ensemble des permis exclusifs de recherche d’hydrocarbures conventionnels et non conventionnels qui n’ont pas été abrogés ou qui font l’objet d’une demande de prolongation. Avant de répondre précisément à votre question, je tiens à rectifier vos propos introductifs.

D’abord, vous vous étonnez que seuls trois permis sur soixante-quatre aient été abrogés. Or la proposition de loi que vous avez déposée le 27 juillet 2011 avec les membres du groupe socialiste et apparentés ne permettrait pas d’en abroger plus, puisqu’elle vise les « mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux de roche-mère ».

Juridiquement, vous le savez, cela a été suffisamment dit dans cet hémicycle, les permis sont délivrés pour toutes les recherches de mines d’hydrocarbures, sans distinguer particulièrement les hydrocarbures situés dans la roche-mère, que l’on appelle communément « hydrocarbures non conventionnels ».

Debut de section - Permalien
Thierry Mariani, ministre

En pratique, après vérification non seulement des dossiers déposés lors des demandes de permis mais aussi des rapports remis par les industriels en application de la loi du 13 juillet 2011, tous les permis visant spécifiquement la recherche d’hydrocarbures de roche-mère ont été abrogés.

Debut de section - Permalien
Thierry Mariani, ministre

Ensuite, vous affirmez que la loi du 13 juillet est permissive « en n’interdisant pas le recours à des techniques alternatives », mais il n’y a pas actuellement de technique opérationnelle qui serait une alternative à la fracturation hydraulique.

Cela étant, ce que la loi du 13 juillet n’interdit pas n’est pas pour autant autorisé.

En effet, nous parlons des permis de recherche, mais ce n’est que la première étape. Un détenteur de permis de recherche doit ensuite faire une déclaration de travaux au préfet s’il veut réaliser, par exemple, un forage. Le préfet en informe alors les maires et prescrit les conditions de ces travaux. Vous pensez bien que les préfets n’accepteraient pas une technique alternative d’avant-garde alors que la fracturation hydraulique est interdite par la loi !

Vous affirmez également que la loi du 13 juillet est contraire au code de l’environnement, notamment parce qu’elle ne respecte pas les procédures de transparence, de consultation et de participation du public. Si vous avez demandé, comme le Gouvernement, que le code minier prévoie plus de transparence et de participation du public, vous n’aviez encore jamais dit dans cet hémicycle que la loi était contraire au code de l’environnement ! Et pourquoi pas aussi, tant que vous y êtes, contraire à la Constitution ? Vous auriez dû saisir le Conseil constitutionnel !

Dans votre propos introductif, vous citez, pour critiquer le Gouvernement, le rapport d’Arnaud Gossement qui recommande « de faire évoluer le droit minier dans le sens d’une meilleure information et participation du public et d’une évaluation environnementale renforcée ».

N’oubliez pas que c’est Mme la ministre Nathalie Kosciusko-Morizet qui a commandité ce rapport, justement pour réfléchir sur l’évolution du droit minier.

Debut de section - Permalien
Thierry Mariani, ministre

Le rapport formule des propositions concrètes qui ont été présentées en décembre, sur son initiative, au Comité national du développement durable et du Grenelle de l’environnement, le CNDDGE, c’est-à-dire le comité de suivi du Grenelle de l’environnement. Certaines seront reprises dans le cadre de la réforme en cours du code minier.

Debut de section - Permalien
Thierry Mariani, ministre

Vous devriez donc féliciter le Gouvernement plutôt que de le critiquer !

D’ailleurs, vous critiquez également le Gouvernement parce qu’« il a prévu un chantier de dix-huit mois pour la refonte et la modernisation du code minier » et parce qu’« il ne souhaite plus inscrire à l’ordre du jour du Parlement le projet de loi de ratification de l’ordonnance portant codification de la partie législative du code minier ».

Mais c’est ce gouvernement qui a lancé la refonte du code minier, en commençant bien entendu par sa partie législative ; et cela a demandé plusieurs années ! Alors ne vous étonnez pas qu’il faille dix-huit mois pour la partie réglementaire, d’autant plus que le public doit être consulté, comme le prévoit la loi, dans l’esprit du Grenelle.

Quant au projet de loi de ratification de l’ordonnance, s’il n’est pas encore inscrit à l’ordre du jour, c’est que le Gouvernement a soumis au Parlement des textes plus prioritaires.

Debut de section - Permalien
Thierry Mariani, ministre

Il a été déposé à l’Assemblée nationale en avril ; il est ainsi appliqué depuis dix mois déjà, comme le veut la jurisprudence en la matière. En particulier, douze demandes de permis à l’instruction sont sur le site du ministère de l’écologie pour recueillir l’avis du public.

Tous ces préliminaires vous servent à justifier le dépôt, par le groupe socialiste et apparentés, d’une nouvelle proposition de loi. Mais c’est la troisième au Sénat et la septième en tout !

Debut de section - Permalien
Thierry Mariani, ministre

C’est de l’acharnement ou de l’aveuglement !

Debut de section - Permalien
Thierry Mariani, ministre

C’est de l’aveuglement par rapport à tout ce qui a déjà été fait, et de l’acharnement parce que notre pays a vraiment d’autres urgences à traiter, alors que le temps parlementaire est compté.

Debut de section - Permalien
Thierry Mariani, ministre

Cette proposition de loi est d’autant plus inappropriée qu’elle est inapplicable et mal rédigée.

Je ne vais pas en faire la critique détaillée aujourd’hui mais, par exemple, l’article 3 prévoit que « tout permis exclusif de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux est abrogé », avec effet rétroactif. Il s’agit bien des soixante-quatre permis, et pas seulement des permis relatifs à la roche-mère puisqu’ils n’existent pas en tant que tels !

Or, je vous le rappelle, une abrogation avec effet rétroactif n’a pas d’existence juridique. Ce qu’il y aurait de plus proche, ce serait l’annulation des permis, mais cela voudrait dire que l’administration a fauté en les délivrant, …

Debut de section - Permalien
Thierry Mariani, ministre

… ce qui est juridiquement faux, car le code minier de 2010 a été appliqué, et cela ouvrirait la porte aux industriels qui pourraient demander des dédommagements financiers particulièrement coûteux pour le contribuable.

Voilà rectifiés vos propos introductifs, madame Bricq. J’ai ainsi largement répondu à Mmes Évelyne Didier, Marie-Christine Blandin et Laurence Rossignol, ainsi qu’à MM. Michel Teston, Robert Tropeano et Claude Bérit-Débat.

Je vais maintenant apporter des réponses complémentaires, mais, au préalable, je tiens à remercier Michel Houel et Alain Milon de la confiance et de la solidarité dont ils ont assuré ce soir Nathalie Kosciusko-Morizet.

Monsieur Dubois, vous souhaitez obtenir des informations sur la mission de préfiguration. Deux commissions, dont la structure respectera l’esprit du Grenelle de l’environnement, seront en fait créées.

La loi du 13 juillet 2011 prévoit un décret en Conseil d’État pour la mise en place d’une commission nationale d’orientation, de suivi et d’évaluation des techniques d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux. Le projet de décret est en cours d’examen au Conseil d’État. Il pourrait être signé à la fin du mois de février ou au début du mois de mars. En parallèle, une commission de modernisation du code minier sera instaurée afin de faire participer la société civile à ce grand chantier.

Vous avez également indiqué que la fracturation hydraulique était possible pour les hydrocarbures conventionnels. Relisez la loi : ce n’est pas vrai ! L’article 1er de la loi prévoit que « l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche sont interdites sur le territoire national ». L’interdiction s’applique donc à tous les hydrocarbures.

Madame Didier, vous vous êtes étonnée que le site du ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement rappelle que des permis ont été attribués il y a longtemps et que nous aurons encore longtemps besoin d’hydrocarbures. Oui, des permis de recherches d’hydrocarbures ont été attribués par des gouvernements de gauche ! Et l’effort sans précédent accompli par l’actuel gouvernement §en faveur de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables n’enlève rien au fait que nous aurons encore longuement besoin d’hydrocarbures, notamment pour les transports.

Monsieur Tropeano, vous avez évoqué le colloque « Le bouquet énergétique dans tous ses états ! » et sa table ronde intitulée « La France peut-elle se passer d’une ressource, les hydrocarbures de schiste ? », au cours de laquelle a été posée la question : « L’interdiction française, comment en sortir ? ».

Nous sommes dans une démocratie et le Gouvernement dialogue avec tout le monde, mais il s’opposera bien entendu à tout détournement éventuel de la loi du 13 juillet, loi qu’il a souhaitée et approuvée.

Madame Jouanno, vous souhaitez savoir si les gaz et huiles de schiste ont du sens dans notre mix énergétique, pour la phase de transition écologique ou à plus long terme.

Nous ne connaissons pas réellement le potentiel de notre sous-sol. Le gaz de schiste est déjà un élément essentiel du mix énergétique aux États-Unis et il est à l’origine, avant même la catastrophe de Fukushima, d’un moindre intérêt pour l’énergie nucléaire.

Pour autant, nous avons vu les graves inconvénients environnementaux et sociaux de son exploitation aux États-Unis, ce qui a conduit à l’adoption de la loi du 13 juillet 2011. Celle-ci est très claire : il n’y aura pas en France d’exploration et d’exploitation de gaz ou d’huiles de schiste, ni même d’expérimentation avec fracturation hydraulique, sans une autre loi. À cet égard, le Gouvernement doit présenter un rapport annuel au Parlement, notamment sur l’évolution des techniques et sur la connaissance des sous-sols.

Par ailleurs, vous souhaitez savoir si la commission prévue par la loi du 13 juillet 2011 s’intéressera également aux hydrocarbures non conventionnels. La loi a créé la Commission nationale d’orientation, de suivi et d’évaluation des techniques d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux, c’est-à-dire une commission qui s’intéressera à tous les hydrocarbures. Toutefois, la commission ayant été créée par une loi relative aux hydrocarbures non conventionnels, ces hydrocarbures seront son premier sujet de travail.

Madame Rossignol, vous souhaitez connaître la position de la France à Bruxelles sur les schistes bitumineux. La France n’est pas opposée aux projets de la Commission visant à améliorer la qualité environnementale des carburants consommés en Europe – ce texte a d’ailleurs été adopté sous présidence française –, mais nous avons demandé des explications à la Commission sur les modalités, en particulier sur les questions de traçabilité.

Pour conclure, j’en viens à votre question, madame Bricq, sur « les intentions du Gouvernement à l’égard de l’ensemble des permis exclusifs de recherche d’hydrocarbures conventionnels et non conventionnels qui n’ont pas été abrogés ou qui font l’objet d’une demande de prolongation ».

Tout d’abord – pardonnez-moi de le dire –, la question est mal posée…

Debut de section - Permalien
Thierry Mariani, ministre

… puisque, comme cela a été dit à de nombreuses reprises, il n’y a pas des permis conventionnels et des permis non conventionnels, il y a des permis tout court. La loi du 13 juillet 2011 prévoit que seront exclusivement utilisées des techniques classiques, quel que soit le permis délivré.

Toutefois, je comprends que vous souhaitiez savoir ce que deviennent les soixante et un permis qui n’ont pas été abrogés.

Certains font l’objet de recours devant les tribunaux formés par des associations de protection de l’environnement. Dans l’attente d’une éventuelle décision de justice contraire, ces permis continuent d’être valides. Pour autant, l’administration est très vigilante lorsque les industriels passent aux travaux pratiques, si je puis m’exprimer ainsi, c’est-à-dire lorsqu’ils veulent réaliser des travaux miniers, par exemple des forages.

Oui, comme vous l’avez dit, madame Bricq, il s’agit là d’un choix de société : il nous faut choisir entre avoir peur de l’avenir et croire en lui sans pour autant faire preuve de naïveté. Mesdames, messieurs les sénateurs, il s’agit de faire un choix de cohérence intellectuelle et éthique.

C’est pourquoi Mme Kosciusko-Morizet a personnellement soutenu l’inscription de la Charte de l’environnement et du principe de précaution dans la Constitution.

Alors que la plupart des socialistes se sont abstenus lors du vote de cette charte, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

J’ai fait partie de ceux qui l’ont votée. Mauvaise pioche !

Debut de section - Permalien
Thierry Mariani, ministre

Certains ont fait exception, heureusement !

Alors donc que la plupart d’entre eux se sont abstenus, les socialistes proposent aujourd'hui d’adopter une loi qui est non seulement mal rédigée, mais également inutile après cette première mondiale qu’a constituée l’interdiction de la fracturation hydraulique !

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Nous en avons terminé avec cette question orale avec débat sur le devenir des permis exclusifs de recherche d’hydrocarbures conventionnels et non conventionnels après le vote de la loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 8 février 2012 :

À quatorze heures trente :

1. Question orale avec débat n° 9 de Mme Anne-Marie Escoffier à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés sur le droit à la protection de la vie privée.

2. Question orale avec débat n° 10 de Mme Nicole Bonnefoy à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement sur la lutte contre la prolifération du frelon asiatique.

À dix-huit heures trente :

3. Dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes par M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes.

À vingt et une heures trente :

4. Débat sur la biodiversité.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée le mercredi 8 février 2012, à zéro heure vingt.