Intervention de Michel Mercier

Réunion du 31 janvier 2012 à 14h30
Exécution des peines — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte qui vient en discussion aujourd’hui devant votre assemblée n’a pas grand-chose à voir avec le projet de loi déposé par le Gouvernement ni avec le texte adopté par l’Assemblée nationale.

Votre commission des lois en a changé jusqu’au titre, puisqu’il s’agit désormais du « projet de loi de programmation relatif aux moyens nécessaires à la mise en œuvre de la loi pénitentiaire ». Du texte issu de la première assemblée saisie, la commission des lois a seulement conservé la partie relative aux saisies et confiscations, ce qui est, certes, important, mais qui, vous en conviendrez, n’a pas de lien très évident avec le nouveau titre du texte !

Je connais l’attachement du Sénat à la loi pénitentiaire, qu’il avait contribué à profondément remanier. J’avais moi-même participé au débat. C’est la raison pour laquelle je veux, avant toute chose, vous assurer, mesdames, messieurs les sénateurs, que le projet de loi présenté par le Gouvernement s’inscrit dans la continuité de la loi pénitentiaire, en ce qu’il donne des moyens complémentaires pour sa bonne application.

Il ne peut y avoir de politique pénale efficace sans exécution des peines. C’est au fondement même de la justice. Les magistrats, je le répète, font leur travail avec sérieux et conviction. Nullement laxistes, ils appliquent strictement les lois que vote le Parlement. Mais, pour le bon fonctionnement de notre société, il est indispensable que les sanctions qu’ils prononcent soient exécutées.

C’est pourquoi j’ai lancé, il y a un an, un plan national d’exécution des peines. Il fixait des objectifs aux juridictions ayant accumulé le plus de retard et, dans cette perspective, renforçait leurs moyens. Le nombre de peines en attente d’exécution a ainsi baissé de 15 000 entre la fin de l’année 2010 et le milieu de l’année 2011, passant de 100 000 à 85 000, ce qui veut dire qu’il reste à peu près, en flux, 85 000 peines non exécutées.

En outre, les délais de mise à exécution ont pu être raccourcis : deux tiers des peines d’emprisonnement ferme prononcées sont désormais exécutées, en moyenne, dans les six mois de leur prononcé.

Le respect dû aux lois votées par le Parlement et au travail des magistrats ainsi que la crédibilité de la justice exigent non seulement une réduction plus substantielle encore des délais d’exécution des décisions de justice, mais également une mise en œuvre toujours plus efficace de l’ensemble des principes qui président à nos politiques pénales et notre politique pénitentiaire, tels qu’ils sont définis par la loi du 24 novembre 2009.

Pour cela, deux conceptions s’opposent : celle, réaliste et pragmatique, défendue par le Gouvernement, qui consiste à permettre une exécution rapide et effective des peines, sous forme aménagée, quand cela est possible, et sous forme d’incarcération, quand cela apparaît nécessaire. Cette politique équilibrée ne peut aboutir que si nous déployons les moyens nécessaires et adaptés pour y parvenir ; telle est notre conception de la justice. À cette conception s’oppose celle de la commission des lois du Sénat, qui postule que les peines courtes ne doivent jamais être exécutées en détention.

En premier lieu, le projet de loi du Gouvernement, je le dis avec conviction, n’est pas dans la logique du « tout carcéral ». Contrairement à ce que vous affirmez dans votre rapport, madame le rapporteur, le texte du Gouvernement est conforme à la lettre et l’esprit de la loi pénitentiaire, car il donne les moyens de mettre en application ses principales avancées.

D’abord, l’encellulement individuel.

Aujourd’hui le nombre de détenus est de 65 000, sachant que près de 85 000 décisions d’emprisonnement ne sont pas exécutées et que nous disposons, à ce jour, d’un peu plus de 58 000 places dans les établissements pénitentiaires. Le taux de surencombrement, qui est de 113 %, peut aller jusqu’à 136 % dans les maisons d’arrêt. Augmenter la capacité du parc carcéral, diversifier les établissements, c’est donc répondre à la réalité des besoins et, surtout, favoriser des conditions de détention dignes et adaptées, qui permettent un véritable travail de réinsertion.

Je souligne que le candidat socialiste à l’élection présidentielle propose, dans ses soixante engagements pour la France, que « les peines prononcées seront toutes effectivement exécutées et les prisons seront conformes à nos principes de dignité ». Je suis heureux de souligner ce point d’accord avec le Gouvernement, certain que le groupe socialiste pourra nous rejoindre sur l’amendement que je défendrai sur le sujet.

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