Intervention de Yves Détraigne

Réunion du 31 janvier 2012 à 22h00
Exécution des peines — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Yves DétraigneYves Détraigne :

Le problème est réel : plusieurs dizaines de milliers de peines d’emprisonnement prononcées chaque année ne sont jamais exécutées. Ce texte tente d’y répondre.

Le projet de loi de programmation qui nous est soumis vise à donner à la justice les moyens nécessaires pour atteindre l’objectif d’une exécution efficace des peines prononcées par les magistrats.

Intimement liée à la confiance que chacun place dans la justice de notre pays, la garantie d’une réponse pénale effective implique notamment de prendre en compte, dans un souci de protection de la société, la prévention de la récidive. Le projet de loi cherche à atteindre cet objectif en renforçant le système d’évaluation de la dangerosité des personnes condamnées, dont l’expert est précisément l’un des acteurs essentiels. Il s’agit donc d’un texte pragmatique et réaliste, qui permet à la justice d’être crédible et efficace.

Il n’y a pas de « tout carcéral ». Contrairement à ce qui est affirmé, ce texte s’inscrit dans la droite ligne de la loi pénitentiaire à laquelle le Sénat est profondément attaché. Il s’agit simplement de prendre en compte les évolutions de notre société et du droit pénal. Aujourd’hui, notre pays compte 65 000 détenus, près de 85 000 décisions d’emprisonnement ne sont pas exécutées et le taux de surencombrement est de 113 % et atteint même 136 % en maison d’arrêt !

Or, mes chers collègues, je vous rappelle que la loi pénitentiaire, dont la commission prétend aujourd’hui être le défenseur, impose l’encellulement individuel à l’horizon 2014. L’objectif de 80 000 places prévu par le Gouvernement est donc parfaitement justifié. Il nous situe d’ailleurs dans la moyenne des pays du Conseil de l’Europe.

Ce projet de loi donne les moyens de mettre en application les lignes directrices de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 sur des points cruciaux, notamment le développement des activités pour les détenus. Ainsi, les nouveaux établissements tripleront la surface consacrée aux activités des détenus, ce qui permettra de proposer cinq heures d’activité par jour et par détenu. Nous en sommes loin aujourd'hui.

Ce texte prévoit également le développement des aménagements de peine. C’est en renforçant les moyens des SPIP que nous y parviendrons. Ce texte concentre encore davantage ces services sur cette mission.

De nombreuses dispositions importantes du texte ont été supprimées par la commission, à tort, me semble-t-il. Je tiens à en rappeler quelques-unes.

L’article 4 bis, abrogé par la commission des lois, prévoyait l’information des médecins ou des psychologues chargés des soins d’une personne poursuivie ou condamnée sur la nature des faits reprochés. Il est indispensable de permettre au médecin psychiatre ou au psychologue traitant de la personne poursuivie ou condamnée de savoir pour quelles infractions la justice a estimé que des soins devaient lui être imposés et de connaître les éléments utiles du dossier, principalement les expertises psychiatriques et psychologiques.

Pourtant, en l’état actuel du droit, le médecin ou le psychologue auxquels la justice demande de prodiguer des soins doit se contenter des renseignements que son patient veut bien lui fournir sur les faits qui lui sont reprochés. Il n’est pas compréhensible de s’opposer à ce partage de l’information entre la justice, le médecin et le psychologue introduit dans le projet de loi par les députés.

Autre exemple, l’article 7, relatif au contrat d’engagement des médecins psychiatres, a été également supprimé par la commission des lois. Nous le savons tous, la justice manque d’experts psychiatres et de médecins coordonnateurs : on estime à 117 le nombre de médecins coordonnateurs manquants pour suivre l’ensemble des 5 398 mesures d’injonction de soins en cours.

Le texte prévoit la mise en place de bourses pour attirer les internes de médecine psychiatrique vers les activités d’expert judiciaire et de médecin coordonnateur, sur le modèle du dispositif déjà en vigueur pour lutter contre la désertification médicale. Les étudiants signeront à ce titre un contrat d’engagement ouvrant droit à une allocation ; en contrepartie, une fois leurs études terminées, ils solliciteront leur inscription sur les listes d’experts judiciaires et de médecins coordonnateurs, là où il en manque par rapport aux besoins.

Ce dispositif incitatif répond à une impérieuse nécessité au regard de l’insuffisance des experts. La commission des lois l’a supprimé, mais n’a proposé aucune solution pour remédier à cette pénurie.

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