La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-deux heures cinq, sous la présidence de M. Thierry Foucaud.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de programmation relatif à l’exécution des peines.
Mes chers collègues, je vous rappelle que nous avons prévu de lever la séance à minuit. Je vous demande donc de respecter vos temps de parole, afin que nous puissions achever la discussion générale dans ce délai.
Marques d’assentiment sur un grand nombre de travées.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est M. Jacques Mézard.
Monsieur le garde des sceaux, il me semble que vous êtes le ministre de la justice et des libertés…
Or l’incarcération constitue manifestement l’objectif prioritaire du projet de loi de programmation relatif à l’exécution des peines que vous défendez aujourd'hui. Cet objectif ne nous paraît pas en adéquation avec la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, qui a – il faut le reconnaître – marqué la mandature et fait l’objet d’un consensus assez général.
Je commencerai par une remarque de forme.
Encore une fois, le Gouvernement abuse de la procédure accélérée, et nous impose en outre des délais comprimés à l’extrême, qui ne nous permettent pas d’organiser le débat de fond que justifierait pourtant pleinement un sujet aussi important.
Oui, la politique pénale mérite réflexion ; elle mérite également de la sérénité, et vous savez instaurer un tel climat, monsieur le garde des sceaux. La politique pénale ne saurait répondre à des objectifs essentiellement médiatiques en période préélectorale. Or nous connaissons les initiateurs de ce texte et certaines de leurs positions excessives en faveur d’un « tout répressif » dont ceux qui sont au contact des réalités savent qu’il est irréaliste, inefficace, voire contraire à l’intérêt général...
Je crois qu’il faut donner aux magistrats les véritables moyens de prononcer des sanctions alternatives à la détention.
Nous aurions pu penser, naïvement, qu’un texte sur l’exécution des peines viserait à corriger les imperfections, voire à remédier aux dysfonctionnements actuels, c’est-à-dire le nombre trop important de peines non exécutées plusieurs années après leur prononcé, qu’il ne faut surtout pas confondre avec la question des aménagements de peines, ni avec celle, fondamentale, des moyens humains indispensables dans la magistrature, les greffes et les services pénitentiaires d’insertion et de probation, les SPIP.
Si mes souvenirs sont bons, dès votre prise de fonction, monsieur le garde des sceaux, vous avez attiré l’attention sur l’exécution, ou plutôt la non-exécution des peines. Celle-ci constitue effectivement un réel problème. Toutefois, nous ne sommes pas d'accord avec les remèdes que vous préconisez. En effet, votre programme, tel qu’énoncé dans ce projet de loi, nécessiterait la création de 6 000 postes supplémentaires, mais vous ne prévoyez que 88 nouveaux postes pour les SPIP, ce qui est dérisoire au regard des besoins qu’emporterait l’application de la loi pénitentiaire.
Le rôle des psychiatres – ce point a fait l’objet d’un débat important, mentionné dans le rapport de Nicole Borvo Cohen-Seat – constitue à lui seul un vrai problème, qu’il faut résoudre par une nouvelle politique et non par les quelques mesures qui nous sont proposées ici.
En réalité – je m’adresse également à vos prédécesseurs –, ce projet de loi est la signature de l’échec d’une politique.
Au cours de ces cinq dernières années, monsieur le garde des sceaux, l’état de notre justice s’est dégradé ; il suffit, pour en apporter la preuve quasi-irréfragable, de relire les discours des magistrats lors des audiences solennelles de rentrée de l’année 2012.
Exécution des peines et quartiers pénitentiaires sont étroitement liés. À notre sens, deux instruments auraient dû être au cœur de la préparation de ce projet de loi : la loi pénitentiaire, dont le vote est à mettre au crédit du Gouvernement et de parlementaires - au premier chef, notre collègue Jean-René Lecerf -, et les rapports du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, M. Delarue.
Or il est clair, selon notre analyse, que la politique sous-tendue par ce projet de loi va à l’encontre tant de la réalisation des objectifs de la loi pénitentiaire que des préconisations contenues dans les rapports du Contrôleur général.
Monsieur le garde des sceaux, votre objectif d’augmenter considérablement le nombre de places de prison, pour atteindre 80 000, constitue simplement la démonstration de l’échec de la politique de prévention de la délinquance et l’aveu que le Gouvernement envisage, pour les années à venir, une augmentation importante de la criminalité ou un recul de la politique d’aménagement des peines, ou encore – c’est le plus vraisemblable – les deux à la fois !
Selon l’annexe du projet de loi, « le scénario le plus probable d’évolution de la population carcérale aboutit à une prévision d’environ 96 000 personnes écrouées, détenues ou non, à l’horizon 2017 ». Nous connaissons tous la situation actuelle : 56 000 ou 58 000 places de prison, 65 000 détenus et 80 000 peines « non exécutées », ce dernier chiffre faisant débat.
Le point clef de votre projet de loi est un nouveau programme immobilier destiné à augmenter le parc pénitentiaire pour le porter à 80 000 places, alors même que le précédent programme de construction de 13 200 places n’est pas encore achevé. Vous savez fort bien – les quelques années passées nous l’ont encore démontré – qu’il s’agit très certainement d’un objectif d’affichage médiatique.
Surtout, nous considérons que votre texte – Mme le rapporteur l’a très bien souligné – va à l’encontre de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, laquelle avait fait l’objet d’un assez large consensus.
Vous affirmez, pour justifier votre programme, que le nombre de détenus pour 100 000 habitants en France est inférieur à la moyenne européenne. Cela sous-entend que nous devrions nous aligner sur cette moyenne, et que le progrès pour notre pays consisterait en une augmentation du nombre de détenus et donc de places dans nos prisons…
Encore faudrait-il comparer ce qui est comparable. Curieusement – Mme le rapporteur a également insisté sur ce point –, vous oubliez de vous référer au pays qui est devenu le modèle au quotidien du gouvernement que vous représentez, l’Allemagne, où le nombre de détenus a baissé au point que son taux de détention est devenu inférieur au nôtre : nos courbes se sont croisées. On nous explique tous les jours combien le modèle allemand est merveilleux ; je suis donc étonné que, pour ce projet de loi, le Gouvernement ne se « cale » pas sur ce merveilleux modèle…
Cette petite observation étant faite, j’en viens à votre programme immobilier.
Toutes les études, tous les rapports, dont ceux de notre commission et, plus encore, ceux du Contrôleur général Delarue, démontrent qu’il faut éviter de construire de très grands établissements. Les directeurs de prison vous le disent eux-mêmes : c’est dans des prisons à effectifs raisonnables que l’on peut mener les politiques de réinsertion les plus efficaces.
Or, c’est manifestement l’inverse qui est fait, tant pour des raisons budgétaires qu’en fonction de choix de politique pénale que nous ne partageons pas.
Encellulement individuel, rénovation des équipements… Vous le savez, monsieur le ministre, le 12 janvier dernier, la cour administrative d’appel de Paris a, encore, condamné l’État concernant trois détenus de la prison de la Santé. Ces condamnations itératives nuisent grandement à l’image de la justice de notre pays.
Il existe dans le projet de loi une confusion entretenue entre non-exécution et aménagement des peines, ce qui est profondément regrettable.
Certes, vous avez raison quand vous dites qu’il est intolérable que des sanctions pénales ne soient pas du tout exécutées plusieurs années après leur prononcé. C’est en effet néfaste à tout point de vue, tant sous l’angle du respect des victimes, du respect de l’autorité de l’État que du respect des magistrats.
En revanche, nous ne pouvons approuver la remise en cause des objectifs principaux de la loi pénitentiaire. Je pense en particulier au dispositif d’aménagement de peines, qui avait reçu l’assentiment général ici. On l’a dit, même aménagées, les peines demeurent des peines, et c’est à juste titre que notre collègue Jean-René Lecerf a rappelé à la commission des lois que certains condamnés préféraient exécuter une peine de prison plutôt que certaines sanctions alternatives.
Bien sûr, le développement des alternatives à l’incarcération est la solution de sagesse en même temps que d’avenir, parce que l’évolution de la société, du droit et des technologies non seulement le permet mais aussi le favorise ; parce que c’est un moyen de faire réellement exécuter les sanctions pénales ; parce qu’une partie des quelque 3 milliards d’euros qui devraient être engagés pour construire 20 000 places de prison pourrait ainsi être beaucoup mieux utilisée à sortir notre justice de son marasme actuel.
Le Parlement, en 2009, a exprimé clairement un choix concernant les sanctions en matière délictuelle. Sauf récidive légale, la prison ferme ne doit être que la sanction de dernier recours en fonction de la personnalité de l’auteur et de la gravité du délit, et cette sanction doit faire l’objet d’une mesure d’aménagement de peine. Sauf cas très particulier, quel sens en effet peut avoir une incarcération de quelques semaines ?
Quant à la solution du partenariat public-privé pour l’immobilier pénitentiaire, elle est inéluctablement très onéreuse pour les deniers publics et privilégie le court terme sans égard pour les budgets futurs.
Au regard de l’ensemble de ces considérations, très majoritairement, les membres de mon groupe se conformeront aux conclusions de la commission des lois.
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, l’occasion est venue de discuter, dix ans après la loi Perben, de la modernisation de notre politique pénale ; le présent projet de loi fixe les objectifs relatifs à l’exécution des peines pour la période 2013-2017.
Vous nous proposez, monsieur le garde des sceaux, une réforme de fond, sur le long terme, qui privilégie trois axes, trois objectifs.
Le premier objectif est de garantir l’effectivité de l’exécution des peines, en réduisant le délai entre le prononcé et l’exécution.
Le deuxième objectif s’inscrit dans une stratégie de prévention de la récidive, passant, d’une part, par l’instauration d’outils innovants et performants pour l’évaluation des profils des condamnés et la prise en charge des délinquants, d’autre part, par l’allocation de moyens supplémentaires aux services pénitentiaires.
Troisième objectif enfin, l’accent doit être mis sur la jeunesse et la prise en charge plus rapide des mineurs délinquants.
Vous formulez ainsi des propositions pertinentes et constructives et nous présentez un ensemble de mesures assorties de moyens importants. Je le redis, l’importance de l’effort financier qui va être consenti en faveur de la justice nous donne satisfaction.
Sont ainsi programmés plus de 3, 6 milliards d’euros, qui seront consacrés à la création de près de 7 000 postes, dont 6 000 postes de surveillant de prison, 210 d’éducateur, 120 de juge de l’application des peines, ainsi que des postes de conseiller d’insertion et de probation, de psychologue et de psychiatre.
Ces crédits permettront, vous l’avez rappelé, la généralisation des bureaux d’exécution des peines, lesquels ont démontré leur pertinence et leur efficacité, ainsi que la mise en place de nouveaux bureaux d’aide aux victimes.
Mes chers collègues, vous le savez, de récents faits divers ont mis en évidence des dysfonctionnements, et parfois des lacunes, dans notre système judiciaire et pénitentiaire ; c’est précisément pourquoi ce texte programmatique est utile. Nous devons en permanence non seulement agir, bien sûr, mais aussi innover.
Nous devons agir pour les victimes, qui souhaitent que les condamnations soient rapidement et véritablement suivies d’effets. Combien d’entre nous, professionnels du droit, ont vu des victimes découvrir que la peine prononcée à l’audience n’avait pas été appliquée dans un délai rapide, voire pas appliquée du tout ?... Où est l’exemplarité de la sanction quand la décision judiciaire est à ce point galvaudée ?
Nous devons agir pour que les condamnés comprennent la portée de leur sanction, qui ne saurait demeurer virtuelle, mais aussi pour que la peine leur soit mieux adaptée.
Pour être efficace, crédible, dissuasive, la sanction pénale doit être certaine et rapide. L’objet même de la sanction est la dissuasion en amont. Or, si l’on sait par avance que les sanctions prononcées par un tribunal ne sont que virtuelles ou peu appliquées, que même les peines d’emprisonnement ne sont pas ou partiellement exécutées, il n’existe plus aucune limite.
Pour être efficace, la justice doit être comprise. Or les Français ne comprennent pas que les décisions ne soient pas exécutées dans un délai raisonnable, et cela même si – est-il besoin de le dire ? – nos magistrats accomplissent un travail considérable.
Vous nous avez cependant rappelé de manière encourageante, monsieur le garde des sceaux, que le nombre de peines de prison ferme non exécutées est passé de 100 000 à la fin de 2010 à 85 600 à la fin juin de 2011 et que l’on pouvait espérer qu’il soit ramené à 35 000 en 2017.
Légiférer sur l’exécution des peines, c’est s’intéresser à ce qui se passe dans la prison, mais aussi à ce qui se passe en dehors. C’est s’assurer que la violence, la détresse et les troubles psychologiques des détenus sont pris en charge, que les citoyens sont libres de mener leur vie en toute sécurité et ne sont pas lésés de leur droit à la sûreté. L’État doit être le garant des valeurs républicaines à l’intérieur comme à l’extérieur des prisons : nous ne saurions nous en remettre à une quelconque fatalité.
Si la prise en charge des détenus s’améliore au sein du milieu carcéral, la récidive ne pourra que diminuer.
Si la justice punit, elle permet surtout au condamné de « payer sa dette à la société », ce qui ne peut être effectif que si la sanction s’applique, et celle-ci ne peut s’appliquer que si le lieu de la sanction lui-même existe.
La France ne saurait faire abstraction des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Comment appliquer le droit si la prison elle-même devient une zone de non-droit ?
Notre pays a déjà lancé de nombreuses réformes, notamment avec la création du contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Nos valeurs républicaines nous imposent de soigner ceux qui ont besoin de soins en améliorant les diagnostics et les expertises psychiatriques, à tous les stades de la procédure judiciaire.
Elles nous imposent également de favoriser la resocialisation de ceux qui ont la capacité et, surtout, la volonté de revenir à la vie civile en faisant en sorte qu’ils puissent maintenir des liens familiaux et grâce à la réinsertion par le travail.
Pour donner plus de sens à la peine, nous avons développé des mesures d’aménagement qui permettent une réinsertion progressive, comme la surveillance électronique de fin de peine, c'est-à-dire le placement du condamné sous bracelet électronique pendant les six derniers mois de sa détention.
Prendre conscience de l’ampleur de la tâche de l’administration pénitentiaire est également un élément extrêmement important.
Le projet de loi, monsieur le garde des sceaux, permettra d’augmenter notre parc pénitentiaire à la hauteur des besoins qui sont les nôtres, et cela en vue de renforcer les moyens des services de l’exécution et de l’application des peines.
Une des mesures essentielles de ce texte consiste ainsi à porter à 80 000 le nombre de places de prison à l’horizon 2017. À cet effet, vous proposez de construire dans les cinq prochaines années 24 000 places de prison supplémentaires, dont près de 6 000 seront réservées aux courtes peines, au sein de quartiers ou d’établissements spécifiques adaptés à la dangerosité des détenus.
Cette proposition était très attendue. Rappelons en effet que la France est l’un des pays d’Europe qui disposent de la capacité carcérale la plus faible. Il est incontestable, quel que soit le regard que l’on porte sur l’emprisonnement, que l’extension du parc pénitentiaire est nécessaire : la justice prononce, en application de la loi, des peines, peines que notre pays doit être en mesure de mettre correctement à exécution.
L’extension du parc pénitentiaire doit s’accompagner de sa diversification. À l’évidence, placer des détenus aux profils très éloignés dans les mêmes établissements ou cellules ne comporte que des aspects négatifs : c’est coûteux, improductif, voire dangereux.
La question de la diversification m’amène au sujet sensible des troubles psychiatriques, sujet qui ne peut plus être ignoré ou minoré.
Le taux de récidive dépend largement du diagnostic psychiatrique initial du détenu. C'est la raison pour laquelle vous avez souhaité, monsieur le garde des sceaux, développer l’évaluation de la dangerosité des détenus en amont puis à toutes les étapes du parcours carcéral par un suivi psychiatrique lui-même renforcé. Sur ce point encore, le texte est pertinent.
La nouveauté réside également dans la construction de trois nouveaux centres d’évaluation qui permettront aux détenus d’être envoyés dans des prisons qui leur sont adaptées.
Cette adaptation du milieu carcéral aux spécificités des détenus se justifie surtout à l’égard des délinquants sexuels, pour lesquels plus de moyens et plus de prévention sont de rigueur.
La question du traitement de la délinquance sexuelle est importante en ce qu’elle ne concerne pas que le détenu : les pouvoirs publics ont à cet égard une responsabilité envers la société.
Les pouvoirs publics s’engageront, vous l’avez rappelé, à rendre la profession d’expert en psychiatrie plus attractive pour mobiliser les moyens nécessaires à l’élaboration de cette politique pénale. Chaque maillon de la chaîne pénale pourra ainsi connaître le dossier du patient et mieux appréhender la situation. Cette communication est essentielle.
Enfin, la spécificité de la justice des mineurs ne pouvait être ignorée. S’atteler à répondre à la délinquance des mineurs, c’est aussi lutter contre la fatalité, contre un destin déjà tout tracé.
Si l’ordonnance de 1945 reste la référence en la matière, son texte ne saurait rester figé lorsque la société évolue et qu’évolue, en même temps qu’elle – c’est une lapalissade ! –, la jeunesse. Le droit se doit de suivre les changements sociologiques et sociétaux. La justice pénale ne peut l’ignorer, tant elle doit évoluer avec son temps et s’adapter précisément aux nouveaux profils des délinquants.
La rapidité de l’application de la sanction dès son prononcé est la clé dans une société où l’immédiateté devient la norme. Vous proposez, monsieur le garde des sceaux, un délai de cinq jours maximum après la décision du juge, avec un suivi éducatif immédiat ; nous ne pouvons que vous suivre.
La diversification de la réponse pénale dans la prise en charge des mineurs est un principe, comme en témoigne la création, en 2002, des centres éducatifs fermés. Nous considérons que la construction de nouveaux centres du même type est une nécessité, car il faut pouvoir continuer dans cette voie.
La diversification de la réponse pénale à la délinquance des mineurs passe aussi par le recours au service citoyen dans le cadre d’un établissement public d’insertion de la défense pour les mineurs ayant commis les délits les moins graves, formule dont l’efficacité a été largement prouvée.
Ces réponses ont avant tout vocation à aider les jeunes en grande difficulté. L’objectif est de faire comprendre à ces derniers que la délinquance – ce choix qu’ils ont fait, volontairement ou non – ne les enferme pas dans une voie sans issue, pas plus qu’elle ne constitue une solution, mais que la société leur offre des opportunités qu’ils doivent saisir.
Pour toutes ces raisons, nous soutenons le choix de mettre l’accent sur le traitement de la délinquance des mineurs. Cependant, n’oublions pas de déployer des moyens à la hauteur de cet enjeu majeur qu’est l’avenir de notre jeunesse.
C’est pourquoi, monsieur le garde des sceaux, le groupe UMP soutiendra le texte que vous venez de présenter devant la Haute Assemblée. Ce projet de loi de programmation revêt une dimension structurelle : il s’inscrit dans la continuité du travail mené depuis plusieurs années, le complète, propose des adaptations et tient compte de la situation, celle qui s’impose à nous et non celle dont nous rêvons. §
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à rendre hommage à l’excellent travail de la commission des lois et de notre rapporteur, Mme Borvo Cohen-Seat, grâce auquel nous pouvons discuter aujourd’hui d’un texte progressiste et respectueux des droits des personnes détenues, qu’elles soient majeures ou mineures.
Les sénatrices et sénateurs écologistes regrettent la multiplication des lois punitives, notamment contre les mineurs délinquants. Elles sont le signe d’une société vieillissante, qui refuse de miser sur ses jeunes et sur leur formation. Une société croyant en son avenir devrait s’ouvrir sur des projets d’insertion opérationnels au lieu de se corseter dans des textes tels que celui qui nous a été proposé dans sa version initiale.
Plutôt que d’essayer de donner aux Français, en cette saison électorale, l’illusion que le Gouvernement veille à leur sécurité en enfermant les mineurs délinquants et en augmentant le nombre de places en prison, il serait plus judicieux de prévoir des mesures favorisant la prise en charge des mineurs délinquants par des professionnels de l’éducation et des psychologues et améliorant les conditions de séjour des personnes incarcérées. À quoi sert-il de légiférer sur des dispositions d’affichage qui sont vouées à l’échec à moyen terme et qui s’ajoutent à la liste déjà bien longue des illisibles réformes de l’ordonnance de 1945, mettant à mal les principes fondateurs de cette dernière ?
La réforme du droit pénal des mineurs ne peut que s’inscrire dans une dynamique plus vaste, en concertation avec la magistrature et les professionnels de la jeunesse. Une politique pénale ambitieuse, qu’il s’agisse des mineurs ou des majeurs, ne peut que mettre l’accent sur la prévention et sur une réinsertion polymorphe et innovante et prôner des mesures de détention réellement respectueuses des droits des détenus.
On s’en souvient, durant les débats sur la loi pénitentiaire qui se sont déroulés en 2009, les écologistes avaient fait adopter onze de leurs amendements permettant d’améliorer ces droits et intégrant le concept de dignité de la personne détenue. L’état d’application de cette loi n’est d’ailleurs que partiel, le Gouvernement devant toujours publier deux mesures réglementaires importantes.
Le texte issu de la commission des lois dont nous débattons aujourd’hui, qui supprime les articles du texte initial, à l’exception de l’article 1er qu’il modifie, va bien au-delà de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009. Il abroge, notamment, les dispositions relatives aux peines plancher, ce dont les écologistes se félicitent.
Notre groupe est également satisfait par le principe de l’aménagement systématique des peines d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à trois mois que pose ce texte. Il est en effet nécessaire que les peines d’emprisonnement sans sursis ne soient prononcées qu’en dernier recours. Quand elles le sont, il faut que soient privilégiées, pour les courtes peines, les solutions alternatives à l’emprisonnement, telles que le placement sous surveillance électronique, le fractionnement des peines ou le placement à l’extérieur. Voilà qui complète parfaitement les dispositions instituant un mécanisme destiné à prévenir la surpopulation pénitentiaire.
Pour toutes ces raisons, je suis évidemment favorable au texte tel qu’il a été adopté par la commission des lois. Le groupe écologiste le votera, s’il lui est soumis en l’état.
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence de François Zocchetto, qui ne peut être présent ce soir.
Pour bien comprendre la philosophie des travaux menés par la commission des lois sur ce texte, je tiens à vous faire partager une phrase très claire du rapport de notre collègue Nicole Borvo Cohen-Seat : « La commission des lois a souhaité retenir des orientations inverses de celles proposées par le Gouvernement. » En d’autres termes, le projet de loi a été vidé de sa substance par la rapporteur et la commission. Je regrette que ce texte serve, une fois encore, de support à une attitude politicienne sur un sujet aussi important.
Comment ne pas soutenir les deux objectifs majeurs de ce texte, l’amélioration des conditions de détention et celle de l’exécution des peines qui ont été prononcées par les tribunaux ? Le texte complet et ambitieux voulu par le Gouvernement apportait, dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, des réponses importantes sur ces deux thèmes.
J’évoquerai ici le texte tel qu’il a été approuvé par les députés. Ce projet de loi de programmation devait fixer les principaux objectifs de notre politique d’exécution des peines pour les prochaines années ; il a pour ambition de mettre fin à certains dysfonctionnements tout à fait réels de notre système judiciaire. Il dresse un diagnostic lucide et pertinent sur les problèmes qui persistent en matière d’exécution des peines, tout en y apportant des réponses très concrètes pour tenter de remédier à cette situation d’ici à 2017.
Tout d’abord, un constat s’impose. Le stock de peines non exécutées est dû pour beaucoup, voire pour l’essentiel, à l’insuffisance de nos capacités carcérales. L’une des principales mesures du projet de loi de programmation que nous examinons consiste donc à porter à 80 000 le nombre de places de prison à l’horizon 2017.
La création de places de prison supplémentaires n’est sans doute pas une décision facile, mais elle est aujourd'hui indispensable. Il s’agit d’une réforme ambitieuse, mais avant tout nécessaire.
Monsieur le garde des sceaux, je tiens à saluer votre action déterminée en la matière. Elle a porté ses fruits et s’inscrit dans le volontarisme qui marque votre gestion de la chancellerie.
Le problème est réel : plusieurs dizaines de milliers de peines d’emprisonnement prononcées chaque année ne sont jamais exécutées. Ce texte tente d’y répondre.
Le projet de loi de programmation qui nous est soumis vise à donner à la justice les moyens nécessaires pour atteindre l’objectif d’une exécution efficace des peines prononcées par les magistrats.
Intimement liée à la confiance que chacun place dans la justice de notre pays, la garantie d’une réponse pénale effective implique notamment de prendre en compte, dans un souci de protection de la société, la prévention de la récidive. Le projet de loi cherche à atteindre cet objectif en renforçant le système d’évaluation de la dangerosité des personnes condamnées, dont l’expert est précisément l’un des acteurs essentiels. Il s’agit donc d’un texte pragmatique et réaliste, qui permet à la justice d’être crédible et efficace.
Il n’y a pas de « tout carcéral ». Contrairement à ce qui est affirmé, ce texte s’inscrit dans la droite ligne de la loi pénitentiaire à laquelle le Sénat est profondément attaché. Il s’agit simplement de prendre en compte les évolutions de notre société et du droit pénal. Aujourd’hui, notre pays compte 65 000 détenus, près de 85 000 décisions d’emprisonnement ne sont pas exécutées et le taux de surencombrement est de 113 % et atteint même 136 % en maison d’arrêt !
Or, mes chers collègues, je vous rappelle que la loi pénitentiaire, dont la commission prétend aujourd’hui être le défenseur, impose l’encellulement individuel à l’horizon 2014. L’objectif de 80 000 places prévu par le Gouvernement est donc parfaitement justifié. Il nous situe d’ailleurs dans la moyenne des pays du Conseil de l’Europe.
Ce projet de loi donne les moyens de mettre en application les lignes directrices de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 sur des points cruciaux, notamment le développement des activités pour les détenus. Ainsi, les nouveaux établissements tripleront la surface consacrée aux activités des détenus, ce qui permettra de proposer cinq heures d’activité par jour et par détenu. Nous en sommes loin aujourd'hui.
Ce texte prévoit également le développement des aménagements de peine. C’est en renforçant les moyens des SPIP que nous y parviendrons. Ce texte concentre encore davantage ces services sur cette mission.
De nombreuses dispositions importantes du texte ont été supprimées par la commission, à tort, me semble-t-il. Je tiens à en rappeler quelques-unes.
L’article 4 bis, abrogé par la commission des lois, prévoyait l’information des médecins ou des psychologues chargés des soins d’une personne poursuivie ou condamnée sur la nature des faits reprochés. Il est indispensable de permettre au médecin psychiatre ou au psychologue traitant de la personne poursuivie ou condamnée de savoir pour quelles infractions la justice a estimé que des soins devaient lui être imposés et de connaître les éléments utiles du dossier, principalement les expertises psychiatriques et psychologiques.
Pourtant, en l’état actuel du droit, le médecin ou le psychologue auxquels la justice demande de prodiguer des soins doit se contenter des renseignements que son patient veut bien lui fournir sur les faits qui lui sont reprochés. Il n’est pas compréhensible de s’opposer à ce partage de l’information entre la justice, le médecin et le psychologue introduit dans le projet de loi par les députés.
Autre exemple, l’article 7, relatif au contrat d’engagement des médecins psychiatres, a été également supprimé par la commission des lois. Nous le savons tous, la justice manque d’experts psychiatres et de médecins coordonnateurs : on estime à 117 le nombre de médecins coordonnateurs manquants pour suivre l’ensemble des 5 398 mesures d’injonction de soins en cours.
Le texte prévoit la mise en place de bourses pour attirer les internes de médecine psychiatrique vers les activités d’expert judiciaire et de médecin coordonnateur, sur le modèle du dispositif déjà en vigueur pour lutter contre la désertification médicale. Les étudiants signeront à ce titre un contrat d’engagement ouvrant droit à une allocation ; en contrepartie, une fois leurs études terminées, ils solliciteront leur inscription sur les listes d’experts judiciaires et de médecins coordonnateurs, là où il en manque par rapport aux besoins.
Ce dispositif incitatif répond à une impérieuse nécessité au regard de l’insuffisance des experts. La commission des lois l’a supprimé, mais n’a proposé aucune solution pour remédier à cette pénurie.
Le Gouvernement défendra un certain nombre d’amendements visant à rétablir le texte initial du projet de loi, notamment sur les points que je viens d’évoquer. Dans la logique des remarques que j’ai formulées précédemment, il va de soi que je les soutiendrai.
Aussi, sauf s’il était profondément remanié lors de l’examen en séance publique afin de lui rendre son équilibre initial, ce que nous souhaitons, le groupe de l’Union centriste et républicaine votera contre ce texte issu des travaux de la commission.
Applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP.
Monsieur le garde des sceaux, le projet de loi que vous nous présentez est inadmissible tant au regard des conditions dans lesquelles il est présenté que sur le fond. C’est ce que je vais montrer au nom du groupe socialiste.
Votre projet de loi est inadmissible, car, une fois encore – c’est une habitude depuis bientôt cinq ans –, il est mis explicitement en relation avec un fait divers, en l’occurrence le drame de Chambon-sur-Lignon. Le Gouvernement entend profiter d’un contexte propice à la surenchère répressive. La recette est éprouvée, nous la connaissons. Malheureusement, elle n’en demeure pas moins indigne d’un gouvernement de la République.
Votre projet de loi est inadmissible, car, conséquence logique de ce qui précède, ce texte est élaboré sans aucune concertation avec les professionnels, syndicats, associations de magistrats, syndicats pénitentiaires. C’est consternant ! Ils nous l’ont dit, et je ne pense pas qu’ils aient menti.
Votre projet de loi est inadmissible, car, une fois encore – la dernière, j’en suis persuadé, et je ne suis d’ailleurs pas le seul à l’être –, ce gouvernement demande au Parlement de légiférer dans l’urgence, ce que l’on peut comprendre, au demeurant, car il lui reste peu de temps.
Votre projet de loi est inadmissible, …
… car, alors que vous ne serez peut-être plus au pouvoir dans trois mois, vous engagez la politique d’exécution des peines, sur le plan tant quantitatif que qualitatif, jusqu’en 2017, en proposant de construire 24 000 places de prison supplémentaires d’ici là.
Votre projet de loi est inadmissible…
Oui, cher collègue ! Et ce n’est pas fini. Ce texte repose sur un postulat faux et dangereux. En effet, vous faites le constat que, au 1er octobre 2011, le parc pénitentiaire comptait 57 540 places pour 64 147 personnes incarcérées.
Vous ajoutez que le scenario le plus probable d’évolution de la population carcérale aboutit à une prévision d’environ 96 000 personnes écrouées, détenues ou non, à l’horizon 2017.
Vous en déduisez bien sûr, de façon simpliste, que le nombre de personnes écrouées détenues s’élèvera à 80 000 à cette échéance, comme si toutes les peines de prison prononcées devaient être appliquées par incarcération. Votre projet de loi tend donc à prévoir de porter la capacité du parc carcéral à 80 000 places d’ici à 2017.
Ce raisonnement mécaniste ne saurait d’ailleurs surprendre. Le Gouvernement dont vous faites partie se satisfait, par principe, de l’augmentation du nombre de peines d’emprisonnement et souhaite que cette tendance se prolonge coûte que coûte. Qu’importent, au fond, l’évolution de la délinquance et l’appréciation des juges, la France doit atteindre son quota de détenus, lequel, pour vous, a vocation à être sans cesse revu à la hausse.
Votre projet de loi est inadmissible, car il révèle un choix de société dangereux pour la paix sociale. Plutôt que d’envisager une décroissance carcérale qui passerait, notamment, par l’instauration d’un véritable numerus clausus pénitentiaire, vous choisissez la facilité, la fuite en avant, au risque d’aggraver le problème que vous prétendez combattre.
Il est urgent de repenser profondément les conditions de détention de l’ensemble des personnes privées de liberté, afin que la mission de garde de l’administration pénitentiaire ne prévale plus, comme aujourd’hui, sur celle de réinsertion.
Certes, monsieur le garde des sceaux, de nouveaux établissements doivent être conçus, mais l’objectif de réinsertion doit valoir pour tous les détenus. Tel est notamment l’avis, essentiel selon moi, des organisations représentatives des personnels pénitentiaires, auditionnées par la commission des lois.
Votre projet de loi est inadmissible…
Monsieur le sénateur, cela n’est pas acceptable !
C’est la vérité, monsieur le garde des sceaux !
Votre projet de loi est inadmissible, …
... car vous ne vous préoccupez que de flux et de stocks. Et pour stocker vite, vous n’hésitez pas à recourir à des procédures dérogatoires du droit commun : partenariats public-privé, exceptions au droit de la construction, établissements incluant l’exploitation et la maintenance par le secteur privé.
Les personnels pénitentiaires sont très inquiets de ces perspectives. À cet égard, il serait intéressant que vous précisiez ce que recouvrent les termes « exploitation et maintenance des établissements par le secteur privé ».
Votre projet de loi est inadmissible, …
… car il comporte une analyse totalement erronée de la notion de dangerosité. En effet, vous le savez, aucune évaluation, qu’elle soit clinique, criminologique ou statistique ne permettra jamais de prévoir avec certitude le devenir d’une personne et sa propension au passage à l’acte criminel.
Il est politiquement irresponsable d’entretenir, comme vous avez l’habitude de le faire, l’illusion d’une science prédictive en la matière.
Votre projet de loi est inadmissible, car l’appréciation de la dangerosité qu’il revendique repose sur l’expertise psychiatrique. Or vous envisagez de pallier la pénurie d’experts psychiatres en recourant à des psychologues. Pourtant, chacun sait que les troubles psychologiques ne s’assimilent pas à la maladie mentale. Malheureusement, vous mélangez tout.
Par ailleurs, vous prévoyez que les internes en psychiatrie pourront faire des expertises. Je dois vous dire que ceux que je rencontre dans l’établissement psychiatrique que je préside s’estiment absolument incapables d’assumer de telles tâches.
Votre projet de loi est inadmissible, car, cerise sur le gâteau empoisonné, il n’oublie évidemment pas les mineurs. Du reste, comment aurait-il pu en être autrement, puisqu’ils sont votre hantise ?
Les centres éducatifs fermés sont, certes, utiles dans certains cas, …
… pour éviter la prison aux mineurs. Mais ils ne sauraient épuiser la question de la prise en charge des mineurs délinquants.
Or, depuis des années, ces structures sont l’unique réponse brandie par la Gouvernement dans le débat public sur la délinquance juvénile, laquelle fait l’objet d’une instrumentalisation politique honteuse.
En résumé, votre projet de loi est inadmissible, car il va à l’encontre de la loi pénitentiaire que nous avons votée il y a trois ans à peine, dans un quasi-consensus.
Par exemple, pourquoi ne pas nous informer du taux de récidive par établissement, comme ladite loi le prévoit expressément ? Vous ne l’avez jamais fait, alors que cette communication aurait été véritablement utile pour l’examen de ce texte.
Monsieur le garde des sceaux, fort heureusement, grâce à l’excellent travail de Mme la rapporteur, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, et des autres membres de la commission des lois, votre projet nocif n’existe plus. Le groupe socialiste votera donc le texte issu des travaux de la commission. §
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la rapporteur, mes chers collègues, entre août 2005 et novembre 2010, nous avons adopté pas moins de dix-huit lois pénales, avec l’objectif affiché de lutter contre la récidive. Ces textes constituent autant de reculs et de régressions.
Les gouvernements successifs sont restés sourds aux alertes de l’Observatoire international des prisons, l’OIP, et de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, que nous avons pourtant relayées tant bien que mal au travers de nos amendements, mais que la majorité sénatoriale d’hier, arc-boutée sur ses positions et sur celles du Gouvernement, a repoussé chaque fois d’un revers de main.
Toutes ces lois pénales ont donné à l’opposition sénatoriale d’aujourd’hui l’impression d’avoir agi. Mais ce n’est là qu’une simple impression, car cette frénésie législative masque en réalité une inefficacité patente, une incapacité à comprendre et résoudre des problèmes aussi importants que ceux qui nous réunissent aujourd’hui.
Mes chers collègues, si, comme le disait Albert Camus, « une société se juge à l’état de ses prisons », nous avons bien du souci à nous faire !
Afin de rétablir la vérité, je me ferai l’écho de toutes ces critiques que vous n’avez pas entendues, en dénonçant, tout d’abord, la généralisation de régimes différenciés de détention au sein d’un même établissement.
Ces régimes, qualifiés de « pure et simple ségrégation » par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, reviennent à effectuer un tri entre les détenus que l’institution choisit de favoriser et ceux qu’elle abandonne à leur sort.
Comment ne pas dénoncer aussi une politique qui s’est accommodée, et qui s’accommode toujours, d’ailleurs, de conditions de détention indignes dans de nombreux établissements ?
La succession de condamnations de l’État par les juridictions administratives, pour avoir imposé des « conditions de détention n’assurant pas le respect de la dignité inhérente à la personne humaine », est là pour nous le rappeler.
Pas plus tard qu’hier, l’État a de nouveau été condamné à indemniser quatre détenus logeant dans une seule cellule de douze mètres carrés, avec des toilettes dans un coin de la pièce.
À l’heure où le Gouvernement met tous les moyens financiers en œuvre pour mener à bien sa politique d’enfermement, …
J’en ai d’autres en réserve, madame Férat !
Les conditions d’hygiène et de surpopulation dans certains établissements nuisent à la santé des détenus, comme le montrent de nombreux rapports de la DDASS.
De même, l’accès aux soins reste difficile en détention, alors que les besoins sanitaires de la population incarcérée sont bien plus importants que ceux de la population générale.
Votre politique pénale a abouti à un transfert de prise en charge des personnes les plus marginalisées et atteintes de troubles psychiques sévères de l’hôpital vers la prison. Saturé, et souffrant d’un manque patent de solutions d’accueil adaptées, le secteur de la psychiatrie générale laisse à la rue nombre de personnes atteintes de troubles mentaux, jusqu’à ce que leurs symptômes les fassent basculer dans la criminalité ou la délinquance. Le résultat est que plus de 20 % des détenus seraient atteints de troubles psychotiques. Or la prison ne peut être considérée comme un lieu de soins !
La figure du « fou criminel », que vous véhiculez, gagne les esprits et l’approche sécuritaire contamine les politiques de santé publique, quand bien même le passage à l’acte serait davantage favorisé par les ruptures de soins et l’isolement social que par les troubles psychiques en eux-mêmes.
S’agissant des droits de communiquer avec l’extérieur ou de recevoir des visites, la législation reste marquée par une accumulation de restrictions et de mesures de surveillance.
La réglementation française continue de méconnaître les droits des personnes détenues à la liberté d’opinion et d’expression, l’administration étant notamment autorisée à censurer tout écrit des détenus en vue d’une publication.
Soustrait à l’application du droit commun, le travail carcéral s’exerce dans des conditions dignes du XIXe siècle. Comme l’indique le règlement intérieur de certaines maisons d’arrêt, « la personne détenue qui travaille n’est pas un salarié ». Elle n’est donc pas susceptible de bénéficier de la protection du droit du travail.
Les règles du salaire minimum ne s’appliquant pas aux détenus, leurs rémunérations mensuelles nettes en 2010 n’ont pas dépassé, en moyenne, 318 euros par mois pour un équivalent temps plein. La loi pénitentiaire a été, par votre faute, une nouvelle occasion manquée de satisfaire aux exigences de l’Organisation internationale du travail, tendant à offrir aux personnes détenues des garanties similaires aux travailleurs libres en matière de rémunération, de protection sociale et de sécurité au travail. Le travail carcéral reste ainsi aux antipodes de l’objectif visé, à savoir favoriser la réinsertion des détenus.
Majoritairement issue de milieux défavorisés, la population pénale se trouve souvent dans une situation de grande précarité en détention et sort appauvrie, économiquement et socialement, de son expérience carcérale.
En refusant aux détenus l’accès aux « moyens convenables d’existence » dont bénéficient les personnes exclues du travail ou les travailleurs pauvres, vous avez pris la responsabilité de les maintenir dans une situation de grande pauvreté pendant leur incarcération et à leur libération.
Par là même, vous fabriquez ces récidivistes et ces exclus que vous montrez du doigt, encore une fois, avec cette nouvelle loi d’affichage.
La justice des mineurs n’a bien évidemment et malheureusement pas échappé à ces régressions. Confrontée à d’incessantes modifications et en proie à votre obstination, l’ordonnance du 2 février 1945 a été vidée de ses principes essentiels, qui étaient la primauté de l’éducatif sur le répressif et la spécialisation de la justice des mineurs.
Dans le présent projet de loi, il était question de multiplier les centres éducatifs fermés, lesquels devenaient la réponse unique à tous les problèmes, alors que leur fonctionnement a fait l’objet de nombreuses critiques, notamment de la part du Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Cette multiplication se serait faite au détriment des foyers classiques, des lieux de vie ou des familles d’accueil.
Le placement en centre éducatif fermé est certainement une alternative à l’incarcération qui aurait pu être intéressante, mais il est dommage que le caractère fermé de ces centres prenne le dessus sur l’aspect éducatif, en raison des très faibles moyens qui leur sont accordés.
Les structures éducatives alternatives à ces centres font aussi les frais de cette pénurie de crédits. Il y a déjà eu 68 fermetures en 2011 et 28 autres structures de ce type vont fermer en 2012. Or elles permettent aux mineurs d’être extraits de leur milieu habituel, ce qui peut être primordial pour un jeune en reconstruction.
Malheureusement, la politique que vous menez en matière d’enfance consiste plutôt à agiter la délinquance des mineurs comme un épouvantail et à s’auto-congratuler ensuite. Mais les services spécialisés, comme la Protection judiciaire de la jeunesse, n’ont de cesse de dénoncer un abandon de la justice des mineurs, une politique vidant de tout contenu une justice adaptée et marquant un recul de plusieurs siècles de notre conception de la place de la justice dans la société.
Mes chers collègues, aujourd’hui, le chiffre de 85 000 peines non exécutées est brandi pour justifier ce nouveau projet de loi, alors qu’il s’agit à 95 % de courtes peines en attente d’aménagement dans des services d’application des peines engorgés.
Les annonces de programmes de construction se sont succédé et c’est désormais un objectif de 80 000 places de prison qui est annoncé, soit une augmentation de 60 % en douze ans.
Pourtant, le phénomène est connu : l’accroissement du parc carcéral a tendance à susciter une augmentation des incarcérations, si bien qu’il n’apporte pas en soi une réponse durable au problème de la surpopulation et de la récidive.
Cette annonce sous-tend en réalité un renoncement à l’exécution des courtes peines en milieu ouvert, là encore en dépit des études montrant que les aménagements de peines sont plus favorables à la prévention de la récidive que la détention.
En matière tant pénale que pénitentiaire, vous avez donc nagé à contre-courant, si je puis dire, et témoigné à plusieurs reprises de votre méconnaissance des problèmes.
Nous proclamons, pour notre part, que la peine doit être un temps pour se reconstruire et se réinsérer. Nous souhaitons pour cette raison que la législation en matière pénitentiaire se fonde sur une approche éducative, sur la responsabilisation et le respect des droits et de l’expression des détenus comme des personnels.
Comme nous le rappellent les normes européennes, les contacts avec le monde extérieur sont indispensables pour lutter contre les effets potentiellement néfastes de l’emprisonnement. Plus concrètement, les règles pénitentiaires européennes indiquent que les personnes détenues doivent pouvoir « communiquer aussi fréquemment que possible – par lettre, par téléphone ou par d’autres moyens de communication – avec leur famille, des tiers et des représentants d’organismes extérieurs, et recevoir des visites des dites personnes » ; « se tenir régulièrement informées des affaires publiques » ; « communiquer avec les médias » ; « participer aux élections, aux référendums et aux autres aspects de la vie publique ».
Une première étape pour limiter la récidive réside dans le fait d’éviter l’emprisonnement le plus possible, en ce qu’il aggrave la situation sociale, psychique, familiale des personnes et qu’il a tendance à perpétuer les phénomènes de violence et à renforcer les personnes dans un « statut de délinquant ». En ce sens le prononcé de peines alternatives doit être privilégié et l’emprisonnement constituer un dernier recours, comme le réaffirme la loi pénitentiaire que vous remettez implicitement en cause avec ce texte.
La sécurité passe, notamment, par le fait d’aménager la vie en prison de manière aussi proche que possible de la vie en société. Il faut offrir aux détenus des conditions matérielles appropriées et des occasions de développement physique, intellectuel et émotionnel, leur donner la possibilité de faire des choix personnels dans autant de domaines que possible.
Par exemple, participent tant de la prévention des violences que de la réinsertion le fait de permettre aux détenus de bénéficier d’activités les occupant en dehors de leur cellule au moins huit heures par jour, de percevoir une rémunération conforme aux salaires pratiqués dans l’ensemble de la société ou de se voir proposer un travail conforme aux normes et techniques contemporaines.
De même, concourt à la sécurité et à l’apprentissage de la responsabilité le fait d’autoriser les détenus à discuter collectivement de questions relatives à leurs conditions générales de détention et de communiquer à cet égard avec les autorités pénitentiaires. Les groupes de travail sur la violence en prison, qui se sont constitués en France au sein de la direction de l’administration pénitentiaire ou sur ordre de mission de la Chancellerie, ne disent pas autre chose : la prévention des tensions passe par « une humanisation des rapports sociaux » et le développement de « la vie sociale en détention », notamment par la mise en place « d’espaces de parole ».
Sans acceptation de ces principes, et sans remise en cause de votre politique pénale en œuvre, la fuite en avant continuera.
Je voudrais saluer les nombreux efforts accomplis par Nicole Borvo Cohen-Seat, notre rapporteure – j’insiste sur le féminin –, pour refondre complètement ce projet de loi, même si la procédure accélérée, sur un sujet aussi important, ne nous permet pas de travailler dans des conditions permettant de revenir complètement sur plus d’un quinquennat de lois destructrices.
Néanmoins, nous y reviendrons très vite et nous réussirons, avec l’aide des organisations spécialisées, telles que l’Observatoire international des prisons ou la Protection judiciaire de la jeunesse, à donner à la politique pénitentiaire une orientation qui concilie humanité, respect des droits des détenus et sécurité des citoyens. §
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, j’ai souhaité m’exprimer dans cette discussion générale en qualité de rapporteur pour avis, depuis de nombreuses années, du budget de l’administration pénitentiaire…
… comme en qualité de rapporteur de nombreux textes touchant à l’univers carcéral et, surtout, en qualité de rapporteur de la loi pénitentiaire.
Comment ne pas rappeler, une fois encore, les travaux simultanés menés en 2000 par les commissions d’enquête des deux assemblées, qui faisaient écho à l’ouvrage du docteur Véronique Vasseur, médecin-chef à la prison de la Santé, et à l’émotion qu’il avait suscité dans l’opinion ?
Comment ne pas rappeler, une fois encore, le rapport sénatorial Prisons : une humiliation pour la République, dont le titre traduit dans sa brutalité l’opinion très largement partagée des parlementaires et l’ardente obligation de réformes que l’on souhaitait aussi ambitieuses qu’urgentes ?
Pourtant, les paroles prononcées par le Président de la République à Versailles devant le Congrès, près de dix ans plus tard, le 22 juin 2009, montraient bien l’étendue du chemin restant à parcourir.
Permettez-moi de citer Nicolas Sarkozy : « Comment accepter à l’inverse que la situation dans nos prisons soit aussi contraire à nos valeurs de respect de la personne humaine ? La détention est une épreuve dure, elle ne doit pas être dégradante. Comment espérer réinsérer dans la société ceux qu’on aura privés pendant des années de toute dignité ?
« L’état de nos prisons, nous le savons tous, est une honte pour notre République […] »
Bien sûr, un certain nombre de progrès ont été réalisés. C’est ainsi que, au cours des trois dernières décennies, trois programmes de construction de nouvelles places de prison ont été mis en œuvre : le programme Chalandon de 13 000 places, le programme Méhaignerie de 4 000 places, enfin le programme Raffarin-Perben de 13 200 places, qui a été décidé par la loi d’orientation et de programmation pour la justice de 2002 et qui n’est pas encore totalement achevé aujourd’hui.
Toutefois, l’avancée la plus fondamentale, du moins j’en suis convaincu, réside dans le vote de la loi pénitentiaire par laquelle le Parlement, après des débats constructifs auxquels participèrent l’ensemble des sensibilités représentées, transforma largement le projet de loi en demi-teinte qui lui était présenté et apporta des améliorations considérables immédiates à la condition pénitentiaire, tout en ouvrant la voie à des progrès futurs.
Sur bien des aspects – attention renouvelée au travail et à la formation, conseils de discipline, unités de vie familiale et parloirs familiaux, encellulement individuel –, je constate lors de mes visites des progrès significatifs, quoique fragiles, alors même que tous les décrets d’application de cette loi du 24 novembre 2009 ne sont pas encore publiés à ce jour.
Nous attendons toujours la mise en œuvre de l’évaluation du taux de récidive par établissement pour peines, qui nous permettrait d’approcher les incidences du régime de détention sur la réinsertion. Pour évoquer, par exemple, le cas des délinquants sexuels, je suis persuadé que l’on récidive moins à Casabianda qu’à Mauzac et moins à Mauzac qu’à Caen. Toutefois, si cela était scientifiquement démontré, nous pourrions en tirer un certain nombre d’enseignements.
Nous attendons toujours l’élaboration d’un règlement intérieur-cadre selon les grands types d’établissements – maisons d’arrêt, centres de détention, maisons centrales – qui viendrait limiter l’extrême variété des régimes de détention, souvent ressentie à l’occasion d’un transfert comme l’expression d’une forme d’arbitraire, et qui pourrait fixer un certain nombre d’usages, comme l’obligation de vouvoyer les personnes détenues qui le souhaitent.
J’ose à peine rappeler, car cela ne relève pas du domaine de la loi, la promesse du Gouvernement d’une réforme du code des marchés publics permettant d’instaurer un droit de préférence, à équivalence d’offres, aux entreprises donnant du travail aux personnes détenues.
Il m’arrive de songer à un État de droit où le Parlement ne pourrait légiférer de nouveau sur une même question avant que l’ensemble des textes d’application de la loi antérieure n’aient été pris.
Ce projet de loi de programmation relatif à l’exécution des peines me pose avant tout problème, mes chers collègues, au regard de son articulation, de sa compatibilité avec la loi pénitentiaire.
Voilà deux ans, nous avions fait de notre volonté de développer les alternatives à l’incarcération et les aménagements de peines la clef de voûte, la pierre angulaire de notre réflexion. La loi pénitentiaire fixe ainsi deux principes fondamentaux et simples : en matière correctionnelle et en dehors des condamnations en récidive légale, une peine d’emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu’en dernier recours ; lorsqu’une telle peine est prononcée, elle doit, si la personnalité et la situation du condamné le permettent, faire l’objet d’une mesure d’aménagement.
C’est ainsi que le projet de loi pénitentiaire lui-même, c’est-à-dire le Gouvernement, portait d’un an à deux ans le quantum de peine susceptible de faire l’objet d’un aménagement. J’ai bien constaté sur ce point, çà et là, l’encre de la loi n’étant pas encore sèche, quelques tentatives de retour en arrière, mais sans succès jusqu’à présent.
De cette politique, nous attendions tout d’abord les garanties d’une meilleure réinsertion et d’une lutte plus efficace contre la récidive. Récemment encore, en mai dernier, une étude statistique de l’administration pénitentiaire confirmait l’impact positif des aménagements de peines et plus particulièrement de la libération conditionnelle. Elle constatait que les personnes condamnées dont les peines sont aménagées et qui n’effectuent pas de détention ont des taux de récidive nettement moindres que les personnes incarcérées. De même, parmi ces dernières, celles qui ont obtenu un aménagement de peine voient leur taux de récidive largement minoré par rapport à celles qui connaîtront des sorties sèches.
Néanmoins, bien évidemment, cette même politique permettait aussi de lutter contre l’inflation carcérale et la surpopulation pénale, donc de considérer que l’effort – hier essentiel, je le reconnais – de construction de nouvelles places d’emprisonnement était désormais derrière nous et de consacrer une part significative des moyens financiers disponibles au recrutement des personnels d’insertion et de probation indispensables à la réussite, sur la durée, de nos ambitions.
Nous proposer aujourd’hui de porter la capacité du parc pénitentiaire à 80 000 places à l’horizon 2017 inversera nécessairement les priorités, la quasi-totalité des moyens allant à l’investissement, car le coût d’une place supplémentaire oscille tout de même entre 120 000 euros et 152 000 euros, hors foncier, et au recrutement des personnels de surveillance, au détriment, bien évidemment, des conseillers d’insertion et de probation.
Ce dernier vendredi encore, en visitant la prison d’Annœullin et en m’informant des modalités de suivi du placement sous surveillance électronique à la direction interrégionale des services pénitentiaires, j’ai pu constater le remarquable travail mené par des équipes restreintes pour suivre des centaines, presque des milliers de personnes sous bracelet. Toutefois, ce dernier n’est qu’un outil, et sans l’accompagnement de personnels qualifiés, la récidive, l’échec, l’inflation carcérale, le désarroi des victimes risquent d’être au bout du chemin.
Je n’ignore pas l’importance du stock de peines d’emprisonnement ferme en attente d’exécution, mais je sais aussi que la moitié de ces peines sont inférieures à trois mois, 90 % inférieures à un an, 95 % aménageables. Combien de fois faudra-t-il répéter que les aménagements ne sont pas des cadeaux, bien au contraire, que de nombreux détenus préfèrent les refuser, qu’une peine aménagée est une peine exécutée et qu’il ne faut pas confondre une peine inexécutée et une peine en cours d’aménagement ?
Je tente aussi avec persévérance d’approcher le coût considérable d’une politique qui viserait de nouveau à faire de l’encellulement la règle et de l’aménagement de peine l’exception.
Nos compatriotes savent-ils que le coût moyen, hors investissement, d’une journée de détention en établissement pénitentiaire est supérieur à 71 euros, plus de 2 000 euros par mois, que ce prix de journée monte à 500 euros par mineur dans un établissement de placement éducatif, à 512 euros dans un centre éducatif renforcé et à 614 euros dans un centre éducatif fermé ? Une somme de 120 000 euros pour un séjour de six mois, cela incite aussi à l’imagination pour trouver des solutions alternatives.
Je ne voudrais pas que, face au prix fort payé par la société pour les centres éducatifs fermés ou pour les établissements pénitentiaires pour mineurs, face également au coût important des partenariats public-privé, nous ne soyons un jour contraints de renverser la célèbre citation de notre illustre collègue Victor Hugo pour dire que chaque fois que nous voudrons ouvrir une prison, il nous faudra fermer une école.
Cependant, il est bien sûr aussi, dans ce projet de loi, de nombreuses dispositions intéressantes et porteuses d’avenir.
Je me permettrai simplement de souligner deux d’entre elles et je conclurai par là mon intervention.
Tout d'abord, j’approuve sans réserve la volonté de créer, aux côtés de la maison d’arrêt de Fresnes et du centre pénitentiaire de Réau, trois nouveaux centres régionaux d’évaluation.
Je suis convaincu qu’il s’agit là de l’une des mesures les plus pertinentes pour lutter contre la récidive et que bien des drames récents auraient pu être évités si s’était substituée à l’expertise nécessairement très limitée dans le temps d’un psychiatre l’évaluation pluridisciplinaire de six semaines, qui rend incomparablement plus difficile la manipulation.
De même, je me félicite de la volonté de lancer une seconde ou une deuxième – le Gouvernement choisira ! – expérience, telle que celle qui a été mise en place à Château-Thierry, comme mes collègues Gilbert Barbier, Christiane Demontès, Jean-Pierre Michel et moi-même l’avions d’ailleurs recommandé dans un rapport commun. Nous pensons qu’il s’agit là aussi d’une piste très intéressante.
Telles sont, mes chers collègues, les quelques réflexions, parfois contradictoires, que m’inspire ce projet de loi, dont je crains, cependant, qu’il ne rouvre de vieilles querelles partisanes sur la question si importante de la prison. Or des progrès décisifs ne pourront être obtenus que par la recherche d’un très vaste consensus dépassant les clivages traditionnels, un consensus auquel nous étions presque parvenus lors de la discussion de la loi pénitentiaire.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la rapporteur, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord vous faire part de ma solidarité la plus totale avec la commission des lois du Sénat, qui, je tiens à le souligner, a réalisé un travail important, malgré des délais presque intenables.
Monsieur le garde des sceaux, vous nous présentez, une fois de plus, un projet de loi fourre-tout, préparé à la hâte à la suite d’un fait divers, certes tragique.
Malgré quelques timides avancées, le texte, tel qu’il a été transmis au Sénat, restait guidé par l’idéologie selon laquelle le « tout répressif » et l’incarcération constituent les meilleurs remèdes à la récidive.
Bien au contraire, la lutte contre la récidive nécessite de travailler prioritairement à la réinsertion et à l’aménagement des peines. Or votre projet prévoyait d’augmenter significativement le nombre de places en prison, le portant à 80 000 à l’horizon de 2017. Cette stratégie aurait pour conséquence d’accroître la taille des prisons existantes : selon les projections, le nombre moyen de places par établissement passerait ainsi de 532 à 650.
Or, de manière évidente, plus l’établissement est important, plus il est difficile d’y individualiser le suivi et l’accompagnement des détenus et, par conséquent, moins la lutte contre la récidive y est efficace.
Par ailleurs, votre projet de loi prévoyait une nouvelle typologie des établissements pénitentiaires, comprenant quatre catégories. Toutefois, une telle spécialisation favorise l’éloignement des détenus par rapport à leur famille, les personnes étant susceptibles d’être affectées dans un établissement situé dans un rayon géographique beaucoup plus large.
Votre projet de loi prévoyait également de créer de nouveaux centres de détention spécialement conçus pour les courtes peines, alors que, en l’espèce, l’aménagement des peines est nettement préférable en termes de réinsertion, notamment.
En résumé, ce projet de loi, dans sa version initiale, privilégiait la répression et la détention. Alors que l’État demande à tous les Français de consentir des efforts dans un contexte de crise particulièrement difficile, le ministère de la justice se paie le luxe de proposer des mesures à la fois coûteuses et inefficaces.
À la veille des élections, cette stratégie politicienne est d’autant plus choquante que les sommes considérables ainsi fléchées pour l’ouverture de places supplémentaires en prison auraient pu être très utiles pour améliorer les conditions de vie des détenus et favoriser leur réinsertion.
Nous, écologistes, appelons plutôt de nos vœux le respect du droit à l’encellulement individuel et l’amélioration des conditions matérielles de détention, afin de respecter enfin les normes internationales.
Nous préconisons également un moratoire sur la construction de nouvelles places de prison, ainsi que la limitation des nouvelles constructions au remplacement des établissements vétustes et indignes. L’architecture de ces nouveaux établissements prendrait bien sûr en compte les impératifs de réinsertion, et il serait mis fin aux partenariats publics-privés dans l’administration pénitentiaire.
Madame la rapporteur, par votre important travail d’amendement, vous avez modifié le projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis.
Un certain nombre de points m’avaient inquiétée en tant que membre de la commission des affaires sociales, mais je suis aujourd’hui rassurée.
Ainsi, les peines de prison de longue durée ne sont pas du tout adaptées aux personnes atteintes de troubles psychiatriques graves. Or je suis soulagée de voir intégrées au projet de loi les propositions de notre collègue Jean-René Lecerf, sénateur du Nord, sur l’atténuation de la responsabilité pénale des auteurs d’infractions dont le discernement était altéré au moment des faits.
En outre, le projet initial prévoyait que, pour les personnes bénéficiant d’un aménagement de peine subordonné au suivi d’un traitement, les attestations de suivi du traitement soient directement transmises par le médecin traitant au juge de l’application des peines, une proposition que les professionnels de santé ont unanimement dénoncée comme étant contraire au lien de confiance avec leurs patients. Heureusement, les députés ont intégré au texte un amendement prévoyant la transmission directe de ce type de certificat de la personne détenue au juge de l’application des peines.
Mon attention a été également attirée par la situation de certains mineurs délinquants souffrant de troubles du comportement et par le traitement qui leur est réservé.
Le rapport de ma collègue le souligne, la faiblesse des relations entre la Protection judiciaire de la jeunesse et le secteur pédopsychiatrique est l’une des principales difficultés dans la prise en charge des mineurs délinquants les plus difficiles. Il y a un manque cruel de places dans les instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques.
Enfin, je regrette que les délais extrêmement resserrés dans lesquels la commission des lois du Sénat a dû examiner ce texte et le recours à l’article 40 de la Constitution, qui restreint l’initiative parlementaire, n’aient pas permis à nos collègues d’aller au bout de leur démarche. Pourtant, les conditions de travail des personnes intervenant tout au long de la procédure judiciaire mériteraient que l’on s’y attarde.
Les conseillers d’insertion et de probation, cheville ouvrière de l’aménagement de la peine, suivent actuellement, en moyenne, 88, 4 dossiers, alors que les recommandations de l’étude d’impact annexée à la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 préconisaient qu’ils n’en suivent au maximum que 60.
Les 237 médecins coordonnateurs constatent un manque alarmant dans leurs effectifs : ils doivent traiter 5 398 injonctions de soins par an.
Enfin, alors que, en 2002, chaque psychiatre était, en moyenne, responsable de 61 expertises par an, il devait en traiter 151 en 2009.
Dans ces conditions, comment les professionnels du suivi et de la réinsertion peuvent-ils assurer sereinement leur mission ? Cette situation est préjudiciable en termes aussi bien de réinsertion pour les détenus que de conditions de travail pour les professionnels du secteur, menacés par le burn out à force d’injonctions contradictoires : ils sont sans cesse poussés à faire mieux avec moins de moyens et une charge de travail plus importante.
En l’état actuel, le projet de loi augmente certains effectifs, mais je doute malheureusement que cela soit suffisant et de nature à aider réellement les conseillers d’insertion et de probation, les médecins coordonnateurs, les psychiatres experts et tant d’autres. Néanmoins, je n’allongerai pas davantage mon propos.
Mes chers collègues, je vous invite à voter ce texte, tel qu’il a été modifié par la commission des lois, et à poursuivre le travail sur les points que je viens d’évoquer, car la situation est réellement inquiétante.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui un projet de loi bâti sur un modèle que nous commençons à bien connaître. La recette du chef de l’État est finalement toujours la même : un fait divers, une intervention publique, une loi.
De même, la méthode qui consiste à faire passer en force des textes dont l’inefficacité est patente ne change pas.
Il est ainsi regrettable d’observer qu’aucune concertation n’a été engagée avec les organisations de la société civile ni avec les organisations professionnelles du monde judiciaire, alors que ce sujet les concerne au premier chef.
De plus, cette procédure accélérée, avec laquelle vous nous faites voter au pas de course, ne trompe personne sur la visée électoraliste de ce texte.
Pour satisfaire les annonces formulées par le Président de la République à Réau en septembre dernier, l’essentiel du budget pour la justice sera englouti dans la construction de 24 397 nouvelles places de prison d’ici à 2017.
Nous en convenons, la réhabilitation de certains bâtiments pénitentiaires est indispensable pour accueillir les détenus dans des conditions décentes. L’État a d’ailleurs été condamné récemment, ainsi que l’ont rappelé certains de nos collègues, « pour conditions d’hygiène et de salubrité insuffisantes ».
Il aurait pu en être de même pour la maison d’arrêt de Majicavo, avant la publication, en 2009, d’un rapport particulièrement alarmant du contrôleur général des lieux de privation de liberté. Le taux d’occupation de 180 % de cette prison située à Mayotte, majoritairement composée de passeurs, est singulier en ce qu’il nécessite un effort particulier eu égard à la politique inadaptée de lutte contre l’immigration clandestine menée sur place.
En revanche, la construction de nouvelles prisons, toujours plus grandes, pour satisfaire votre politique d’incarcération massive est inconsciente.
Tout d’abord, cette politique pénale coûte cher et grèvera pour longtemps le budget, avec le recours aux contrats de partenariat public-privé, que le président Jean-Pierre Sueur qualifiait à juste titre de « crédit revolving des acteurs publics ».
Le coût de ces constructions est estimé à 3, 08 milliards d’euros, auxquels s’ajouteront les frais de fonctionnement annuels, évalués à 748 millions d’euros.
La prison elle-même revient plus cher au contribuable que les réponses pénales alternatives : 84 euros par jour en moyenne, contre 27 euros pour un placement extérieur et 12 euros pour une surveillance électronique.
Ensuite, une telle politique favorise la récidive.
Monsieur le garde des sceaux, vous jouez dangereusement avec ce mythe qui consiste à croire – et à faire croire ! – que l’exemplarité de la peine dissuade les délinquants.
Pourtant, de nombreuses études ont montré que les taux de récidive les plus élevés se retrouvaient chez les détenus ayant purgé l’intégralité de leur peine en prison…
… soit 63 %, contre 39 % pour les libérés conditionnels, 55 % pour les bénéficiaires d’un aménagement de peine et 45 % pour les condamnés à une peine alternative.
Enfin, en procédant ainsi, vous faites vous-même l’aveu de votre échec en matière de lutte contre la délinquance. Depuis dix ans, toutes les lois successives, plus répressives les unes que les autres, n’ont pas permis d’enrayer la délinquance ; elles n’ont servi qu’à entraîner de manière quasiment automatique une surpopulation carcérale.
Pis, pour les cinq années qui arrivent, vous partez perdant d’avance ! Vous affichez votre renoncement à mettre en œuvre une réelle politique de prévention de la délinquance en tablant sur une augmentation constante de cette dernière. Et vous faites de la crise et de la lutte contre l’insécurité votre cheval de bataille !
Nous vous le répétons, la peine privative de liberté doit être réservée aux infractions les plus graves. Ainsi, 96 % des condamnations en attente d’exécution sont des peines inférieures à deux ans, qui pourraient être converties après leur prononcé en mise sous surveillance électronique, en placement à l’extérieur ou en semi-liberté. Pour de telles condamnations, on devrait privilégier les aménagements de peine. Dès lors, pourquoi le Gouvernement propose-t-il de créer des établissements spécifiques pour ce type de peines ?
Si des moyens importants et des personnels en nombre satisfaisant étaient affectés aux services de l’application des peines et aux services pénitentiaires d’insertion et de probation et si les condamnés à des courtes peines effectuaient celles-ci en milieu ouvert, le parc carcéral actuel serait suffisant. On pourrait même appliquer dès à présent le principe de l’encellulement individuel.
Monsieur le garde des sceaux, il faut reconnaître au moins une vertu à votre texte : vous admettez, enfin, que le problème relatif à l’exécution des peines provient d’un cruel manque de moyens et non pas, comme le Président de la République aimait à le déclarer jusqu’alors, d’un défaut de travail ou d’un excès de laxisme de la part de nos magistrats.
La mise en cause permanente des personnels de la justice, de la police et de l’administration pénitentiaire ne saurait tenir lieu de politique. Après un mouvement d’une ampleur inédite en février 2011, vous avez, enfin, fini par le comprendre, ce qui est une excellente nouvelle !
Néanmoins, cela ne saurait suffire, et pour toutes les raisons que mes collègues et moi-même venons d’évoquer, nous voterons pour ce texte, dans sa version amendée par la commission des lois grâce à l’excellent travail de Mme la rapporteur. §
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la rapporteur, mes chers collègues, ce projet apporte une nouvelle pierre à un édifice qui se construit depuis la loi du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice.
Cette loi a permis la création des centres éducatifs fermés, qui font aujourd’hui l’unanimité, sauf au Sénat. Elle a également rendu possible la création du juge de proximité et le lancement d’un programme de construction de places de prison, qui est aujourd’hui en voie d’achèvement.
Monsieur le garde des sceaux, votre réforme vient aussi, non pas modifier les principes, mais compléter et prolonger la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, qui a profondément humanisé les règles et les conditions de la détention dans notre pays et donné un nouvel élan aux alternatives aux peines de prison.
Ce soir, je n’interviendrai que sur le cœur de la réforme qui nous est proposée et dont les équilibres ont, à l’évidence, été radicalement bousculés par le texte de la commission des lois.
La première question que nous pouvons nous poser est celle de savoir si, oui ou non, nous avons une propension à préférer la prison à d’autres sanctions. À l’évidence, la réponse est non ! Il n’y a pas de préférence pour l’incarcération en France. La loi pénitentiaire en est garante et le taux de détention de notre pays, comparé à celui de ses voisins, le prouve à l’évidence.
Par ailleurs, avons-nous suffisamment, trop ou pas assez de places de prison ? La réponse peut-être discutée et d’ailleurs elle l’est. En tout cas, il est clair que la capacité carcérale – comme l’on dit – de notre pays est de beaucoup inférieure à la capacité moyenne des autres pays membres du Conseil de l’Europe : 83, 5 places pour 100 000 habitants en France contre 138 places pour 100 000 habitants dans les autres pays !
Dans ces conditions, les modalités de la détention dans notre pays sont-elles toujours respectueuses de la dignité de la personne détenue ? Hélas, je ne crois pas qu’on puisse l’affirmer. Là encore, les chiffres de la densité carcérale l’attestent. Celle-ci est de plus de 15 % supérieure en France à ce qu’elle est dans d’autres pays. Il y a donc bien une surpopulation carcérale.
Sur ces constats et sur les chiffres, nous sommes d’accord les uns et les autres. Là où nous nous séparons, de manière parfois radicale, c’est sur la question de savoir comment remédier aux problèmes.
Chers collègues de la majorité sénatoriale, vous considérez qu’il faut multiplier les alternatives à la prison ; nous aussi ! C’est d’ailleurs l’objet même de la loi du 24 novembre 2009, que la majorité actuelle du Sénat n’a pas votée. Toutefois, ce faisant, nous ne sommes pas obligés d’en conclure qu’il ne faut pas, en même temps, augmenter les places de prison, et cela sans céder, à aucun moment, à une sorte d’option pour le « tout carcéral », qui est actuellement reproché au Gouvernement.
Non seulement les dispositions de la loi pénitentiaire empêchent ce « tout carcéral », avec une multiplication des alternatives à l’emprisonnement, mais les efforts qui sont actuellement accomplis – près de huit mille personnes bénéficient d’un aménagement de peine sous forme de surveillance électronique, c’est-à-dire plus 50 % pour la seule année 2011 – montrent bien que tel n’est pas le choix du Gouvernement.
S’agissant par ailleurs des centres éducatifs fermés, autre solution de rechange à l’emprisonnement pour les mineurs, ils sont aujourd’hui un succès que la plupart des experts admettent. D’ailleurs, puisque l’ombre de la campagne présidentielle semble planer sur nos débats, je rappelle cet engagement de François Hollande...
« Je doublerai le nombre de centres éducatifs fermés pour les mineurs condamnés par la justice en les portant à 80 durant le quinquennat. » C’est ambitieux ! Nos ambitions, il est vrai, ne vont pas jusque-là, puisque le projet de loi que nous présente M. le garde des sceaux se borne à la création de vingt nouveaux centres. Ce ne serait déjà pas mal, car, après tout, il faut rester réaliste en la matière.
Faut-il, parce que l’on refuse, comme c’est notre cas, le « tout carcéral », opter pour le « tout aménagement des peines » afin de vider systématiquement nos prisons ? Je crois qu’il serait dangereux de tomber dans cet excès inverse. Malheureusement, j’observe que le texte adopté par la commission cède à ce péché.
Mme la rapporteur s’exclame.
La prison existe ; elle constitue un puissant levier pour faire accepter les aménagements de peines. Il ne faut pas baisser la garde. Vouloir à tout prix relâcher les condamnés pour éviter la surpopulation carcérale en mettant en cause tous les principes régissant l’individualisation et l’accompagnement personnalisé des condamnés dans l’exécution de leur peine serait extrêmement dangereux et contraire à tous les principes qui guident notre politique de réinsertion.
C’est pourquoi le mécanisme de prévention de la surpopulation pénitentiaire que vous avez envisagé, assorti du crédit de réduction de peine qui permettrait de libérer, au petit bonheur la chance...
... et de manière totalement mécanique, arbitraire et aveugle des prisonniers en surnombre dans les prisons, est un système insupportable.
M. Philippe Bas. La voie que nous devons choisir est, bien sûr, tout autre ; c’est celle du développement des alternatives à l’emprisonnement, y compris les centres éducatifs fermés, et de l’augmentation simultanée et raisonnable de nos capacités carcérales, qui permettra de développer l’encellulement individuel et de créer des structures dédiées à l’accueil de ceux qui ont été condamnés à de petites peines. C’est ce que nous propose le Gouvernement et nous soutenons cette réforme, car elle est utile et équilibrée.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, beaucoup de choses ont déjà été dites. Il a notamment été répété par notre collègue Jean-Pierre Michel que votre projet était inadmissible, monsieur le garde des sceaux, pour des raisons qui tiennent à la procédure accélérée, à la non-concertation avec les professionnels, aux calendriers raccourcis, aux conséquences de faits divers qui, certes, sont graves pour les familles concernées, mais qui conduisent à des discours, puis à des annonces et à des lois.
Le Gouvernement est en état de récidive légale, monsieur le garde des sceaux. Pardonnez-moi, mais il est peut-être temps d’envisager une peine plancher !
Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Je vous pardonne tout et même la suite !
Cela étant, l’accumulation des textes conduit à une insécurité juridique grave en termes de procédure.
Allez donc expliquer aux victimes cette insécurité juridique liée aux procédures, vous qui prétendez sans cesse vouloir les défendre ! Allez leur expliquer que, pour un problème de procédure, parce qu’un texte n’a pas été appliqué, parce qu’un décret n’est pas sorti ou pour je ne sais quelle autre raison, on ne va plus poursuivre la personne qui a commis un acte de délinquance. Allez leur expliquer que vous êtes le défenseur des victimes quand les ressources des associations qui se consacrent à ces dernières ont diminué de 30 % !
Votre projet est un programme presque purement immobilier, utilisant le partenariat public-privé et le crédit revolving, donc le report de charges, rendant même peut-être insincères les budgets de l’État, avec un report de dépenses d’investissement sur les dépenses de fonctionnement.
En matière pénitentiaire, l’exploitation privée des centres de détention va encore diminuer les possibilités de travail pour les détenus. Je ne suis pas certaine que ce soit une excellente chose.
Tout cela ayant déjà été plus ou moins dit avant mon intervention, je concentrerai plutôt mon propos sur les mineurs. En effet, on me reconnaît en général une qualité – ou un défaut, c’est selon ! –, monsieur le garde des sceaux : la ténacité. La délinquance des mineurs a déjà été évoquée souvent ici, y compris assez récemment.
Vous prétendez que vous créez des centres éducatifs fermés. Non, non et non, ce n’est pas vrai ! Vous transformez des places de centres ouverts, dont vous conservez les moyens, en places de centres fermés, auxquels vous consacrez quelques ressources supplémentaires. Ce n’est pas tout à fait la même chose !
M. le garde des sceaux le conteste.
En effet, si l’on veut qu’un mineur réussisse sa réinsertion au sortir d’un centre éducatif fermé, il faut qu’il passe par un établissement transitoire qui pourrait, par exemple, être un centre éducatif ouvert. Toutefois, il n’y a plus de place ! Dans ces centres ouverts, on compte en effet deux cents places de moins pour la Protection judiciaire de la jeunesse.
Cela me rappelle quelque chose, monsieur le garde des sceaux : le nombre de places que vous avez ouvertes dans les centres EPIDE – les établissements publics d’insertion de la défense –, qui ne sont pas des centres PJJ et qui ne sont pas animés par des éducateurs ayant l’habitude des délinquants. Ce sont des centres de formation et d’insertion pour des jeunes majeurs non délinquants. Vous aviez promis des moyens supplémentaires pour ces centres, mais j’attends toujours la réponse... Quant à leurs moyens de fonctionnement, même usuels, ils ont été diminués.
Joli tour de passe-passe, en tout cas sur le papier. Je ne suis pas certaine que cela permette de traiter efficacement la délinquance des mineurs. Je ne suis pas non plus certaine que ce soit un succès ou une méthode réellement efficace s’agissant du respect des éducateurs et des jeunes en centres EPIDE !
Oui, nous sommes défavorables à ces vases communicants, qu’il s’agisse des transformations de centres éducatifs ouverts en centres éducatifs fermés ou des placements, du moins sur le papier, de jeunes mineurs délinquants en centres EPIDE.
Toutefois, cela ne veut pas dire que nous sommes défavorables aux centres éducatifs fermés ou à un projet éducatif global. Au contraire, l’éducation est bien pour nous la première pierre de la prévention, monsieur le garde des sceaux ! Toutefois, les centres éducatifs fermés doivent faire partie d’un projet global dont l’objectif est que moins de mineurs y entrent et que ceux qui en sortent trouvent ensuite des places en milieu ouvert pour une réinsertion complète et globale. Voilà ce qu’est un véritable projet éducatif, un véritable projet de lutte contre la délinquance des mineurs !
Votre projet comporte un grand nombre d’autres confusions, incohérences ou incompréhensions en matière de délinquance des mineurs.
Par exemple, on nous parle beaucoup de cohérence, de coordination des parcours, de secrets mis en commun et de partage de l’information. Mais qu’ont permis sur ce sujet les différents textes que le Gouvernement a fait voter en 2002, 2007, et j’en passe ?
Partage de l’information entre qui et dans quel cadre ? Vous n’avez de cesse de faire du mineur délinquant une entité très différente du mineur ou de l’enfant en danger.
À force de créer des cloisons entre les mineurs en danger et les mineurs délinquants et de faire voter des textes différents en matière de partage de l’information, selon qu’il s’agit de l’enfance en danger confiée aux conseils généraux ou de l’enfance délinquante confiée à la PJJ, sans jamais établir aucun lien entre les deux, on crée encore de l’insécurité juridique dans nos conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance. On y pratique le secret partagé, certes, mais parfois dans une grande insécurité juridique, qui suscite de la part des professionnels des réticences. Ces dernières peuvent se comprendre, mais elles se font toujours au détriment des jeunes mineurs, enfants ou adolescents, qui sont suivis.
Monsieur le garde des sceaux, que sont, pour vous, des gamins maltraités qui transgressent la règle en retournant contre les autres la violence qu’ils ont eux-mêmes subie ? Des enfants en danger ou des délinquants ? Personnellement, il y a des moments où je ne sais plus ! J’aimerais bien que chacun d’entre nous se rappelle qu’il s’agit d’abord et avant tout d’enfants, et d’enfants à protéger. Or, en la matière, la protection passe par l’éducation, avant l’enfermement.
Vous proposez de convoquer les gamins cinq jours après que le juge a pris une décision, pour prendre contact, avant de fixer un rendez-vous, qui marquera le début, trois, cinq ou six mois après, d’une réelle prise en charge éducative sur la durée. Mais ce n’est pas cela prendre immédiatement en charge quelqu’un ! Vous confondez vitesse et précipitation.
Vous souhaitez également que des pédopsychiatres interviennent dans les centres éducatifs fermés. Soit, mais il en faudrait beaucoup plus ! Pourquoi n’interviennent-ils pas également en amont, pour aider les jeunes dans leur parcours ? Connaissez-vous les délais d’attente, en tout cas dans nos campagnes, pour bénéficier d’un suivi dans un centre médico-psycho-pédagogique ? Avez-vous conscience du nombre de places manquant aujourd’hui dans les ITEP, les instituts éducatifs, thérapeutiques et pédagogiques, et de la faible importance accordée à la pédopsychiatrie en France ? Et je ne parle pas seulement de ses rapports avec la justice ! Les pédopsychiatres manquent énormément, partout, et pas seulement en bout de chaîne dans les centres éducatifs fermés.
Monsieur le garde des sceaux, le texte que vous nous présentez ne peut bien évidemment pas emporter notre adhésion. En revanche, nous sommes en total accord avec notre candidat à l’élection présidentielle sur la priorité à accorder à l’éducation, qui est la plus belle et la meilleure des préventions.
Nous adhérons à un projet global, dans lequel l’éducatif prime vraiment sur le répressif, qui allie autorité, fermeté et écoute, dans lequel le verbe « éduquer » se conjugue à tous les temps, tous les modes et toutes les personnes, dans lequel l’on a recours à la sanction et à la contrainte en tant que de besoin, comme un moyen et non une fin.
Alors que nous n’adhérions pas au texte initial, Mme la rapporteur, par son excellent travail, a réussi à le transformer, en le faisant sortir de la spirale de l’enfermement où s’enfonce votre gouvernement, qui se cogne pourtant à son inefficacité depuis deux ans. Cette nouvelle mouture du texte, oui, j’y adhère !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Ce qui frappe, monsieur le garde des sceaux, quand on reprend le fil des textes examinés et votés au Parlement au cours de cette mandature, c’est l’évidente détérioration de la qualité de la loi. Le rythme effréné avec lequel les textes se succèdent – c’est particulièrement vrai s’agissant de votre ministère – se fait au prix d’une absence de concertation avec les organisations professionnelles, d’un défaut d’analyse et d’une rédaction souvent médiocre des textes précédemment votés.
Néanmoins, ce qui frappe plus que tout, aujourd’hui, c’est qu’à la détérioration de la qualité de la loi ce projet de loi de programmation ajoute la faute démocratique.
En effet, l’inscription à l’ordre du jour des travaux du Parlement, à quelques semaines d’échéances majeures, d’un projet de loi de programmation, qui engage le budget jusqu’en 2017, est tout à fait malvenue. C’est une très mauvaise manière à l’endroit non seulement du Parlement, mais aussi de nos concitoyens. Vous signifiez à ces derniers que leur vote, quel qu’il soit, sera sans effet sur la définition des orientations de la politique pénale et pénitentiaire du prochain quinquennat.
Chacun voit bien la stratégie suivie par le Président de la République avec le présent texte : focaliser l’attention des Français sur l’horizon 2017, pour ne pas parler de 2012 et du bilan de l’actuel quinquennat et favoriser l’évitement des responsabilités et la dénégation des échecs.
Pourtant, les faits sont là. Pouvait-il en être autrement ? Le Gouvernement a multiplié les textes d’opportunité et d’affichage politique, sans analyse de la cohérence des dispositifs votés ni étude de leur efficience réelle.
Ce projet de loi de programmation vient tirer, en urgence, les conséquences des ratés de cette politique. Je ne prendrai qu’un exemple, celui des services pénitentiaires d’insertion et de probation.
L’insuffisance des moyens dévolus aux SPIP est connue de longue date. Déjà, l’étude d’impact réalisée en vue de l’adoption de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 fixait à 1 000 le nombre de créations de postes nécessaires pour faciliter la mise en œuvre des aménagements de peines.
Plus récemment, dans le cadre de son avis budgétaire, présenté au nom de la commission des lois, sur les crédits du programme « Administration pénitentiaire » au sein de la mission « Justice » du projet de loi de finances pour 2012, notre collègue Jean-René Lecerf soulignait l’absolue nécessité d’un rééquilibrage des recrutements en faveur des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation.
Officiellement, selon le rapport de la mission menée conjointement par l’Inspection générale des finances et l’Inspection générale des services judiciaires, les effectifs alloués aux SPIP « ont augmenté plus rapidement encore que le nombre des personnes et des mesures suivies ». Mme la rapporteur a fait part de ses réserves sur ces conclusions, et je les partage.
Au fil des textes votés et des mutations de la procédure pénale, les missions des conseillers pénitentiaires se sont considérablement alourdies. En outre, le contexte de surpopulation carcérale et l’accroissement des flux d’entrées en détention sont générateurs d’importantes charges de travail et d’une pression accrue pour les SPIP.
Cette pénurie s’observe aussi sur le terrain. Jean-René Lecerf, dans l’avis budgétaire déjà cité, évoquait le cas de Dunkerque, où, sur 17 emplois théoriques, 10 seulement sont effectivement pourvus.
L’état des lieux est tout aussi préoccupant dans mon département des Yvelines : chaque conseiller intervenant pour la maison d’arrêt de Bois-d’Arcy traite, par manque d’effectifs, 144 dossiers ! Des renforts temporaires ont bien été obtenus, mais il s’agit d’une réponse à courte vue dans la mesure où la moitié de ces renforts sont affectés par le biais de redéploiements.
Si le Gouvernement s’évertue à contester cette situation de pénurie, le présent texte, de fait, la reconnaît, puisqu’il s’emploie à en gérer les conséquences. À cette fin, il entend retirer aux services d’insertion et de probation, pour les confier au secteur associatif habilité, les enquêtes pré-sentencielles.
Sous prétexte de « recentrer » les missions des conseillers sur le suivi des personnes condamnées, le Gouvernement en abandonne un pan entier. Là où il faudrait renforcer les équipes avec des personnels permanents, formés et expérimentés, il choisit de mutualiser la pénurie.
Ce choix appelle une observation. Le transfert opéré entre le secteur associatif et les services d’insertion et de probation ne se fonde à aucun moment sur une appréciation qualitative ou une évaluation des missions accomplies et de leurs spécificités. Il repose exclusivement sur la nécessité de répartir des effectifs insuffisants.
Monsieur le garde des sceaux, vous laissez ainsi entendre que la nature des missions et la qualité des enquêtes réalisées sont équivalentes, ce que je conteste. Les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation bénéficient d’une formation d’une durée de vingt-quatre mois, qui associe cours théoriques et stages pratiques en réglementation pénitentiaire, sociologie, psychiatrie et criminologie. Le choix du Gouvernement revient à déconsidérer la formation, les compétences et l’expérience de ces professionnels. C’est un très mauvais signal que vous leur adressez.
Le dispositif proposé appelle deux observations complémentaires.
La première concerne la situation financière et matérielle des associations concernées, dans un contexte de sous-budgétisation des frais de justice. Comme je l’indiquais dans mon avis budgétaire, rendu lui aussi au nom de la commission des lois, sur les crédits pour 2012 des programmes « Justice judiciaire » et « Accès au droit et à la justice », les retards de paiement des frais de justice aux prestataires du service public de la justice grèvent lourdement leur trésorerie et menacent leur existence. Ces difficultés de paiement risquent même de dissuader les associations de continuer à collaborer à ce service public.
Les retards sont loin d’être résorbés, et, surtout, pour ce qui nous concerne aujourd’hui, il n’est envisagé, dans ce projet de loi de programmation, aucun budget complémentaire pour indemniser les associations habilitées, dont le périmètre d’action serait pourtant élargi.
Seconde observation : le projet de loi de programmation, sous prétexte de recentrer les missions des services pénitentiaires d’insertion et de probation, paraît renoncer à placer ces deux objectifs au cœur de la politique pénale et pénitentiaire de l’État.
Pourtant, au travers de l’insertion et de la probation, c’est la question de l’aménagement des peines et de la récidive qui est en jeu. De ce point de vue, le texte montre une certaine cohérence : clairement, la priorité est accordée au « tout carcéral » plutôt qu’à l’aménagement des peines.
D’ailleurs, si le Gouvernement est capable d’engager autant de moyens, c'est-à-dire plus de 3 milliards d’euros, en faveur du carcéral, c’est bien parce qu’il n’en consacre pas assez aux aménagements de peine et aux services pénitentiaires d’insertion et de probation.
Si j’ai choisi, monsieur le garde des sceaux, de pointer les problèmes des SPIP, c’est parce que leurs missions sont au cœur de notre conception des buts de l’incarcération. Pour nous, il s’agit de donner au condamné, dans son intérêt et dans celui de la société, les moyens de faire ses preuves et de retrouver les chemins d’une insertion réussie. Pour vous, il s’agit prioritairement d’accroître les capacités d’enfermement. Cette politique, à l’œuvre depuis 2007, a amplement montré qu’elle menait à une impasse.
La suppression de l’article 4 proposée par Mme la rapporteur, Nicole Borvo Cohen-Seat, et adoptée par la commission des lois répond à notre préoccupation de donner toute leur place aux services pénitentiaires d’insertion et de probation. Je souhaite que l'examen du texte en séance confirme les choix de la commission.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Je serai bref, puisqu’il est prévu que la séance soit levée à minuit.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je n’accepte pas qu’on nous reproche de promouvoir le « tout carcéral » avec ce texte.
Monsieur Lecerf, j'aurais aimé qu'on soulignât que c'est ce gouvernement qui, pour la première fois, a réduit le nombre des mineurs incarcérés. Car telle est la vérité ! Certes, mettre un mineur en prison coûte moins cher que de le placer en centre éducatif fermé, mais telle n’est pas la voie pour laquelle nous avons opté : clairement, le Gouvernement a fait le choix de rester fidèle au principe de l'ordonnance de 1945 et de payer le prix de la solution éducative, qui coûte toujours plus cher, je le répète, que la solution carcérale.
C'est aussi ce gouvernement qui, grâce à la loi du 14 avril 2011, a réduit le nombre de placements en garde à vue.
On nous fait également le procès de vouloir mettre tout le monde en prison. Notre pays compte à ce jour 56 000 places de prison, cependant que nos établissements pénitentiaires accueillent 10 000 personnes de plus. La loi pénitentiaire de 2009 a fait de l'encellulement individuel un principe, et c’est une bonne chose. Aussi, sur les 24 000 places qui vont être construites, 10 000 seront occupées par les détenus qui sont actuellement incarcérés en surnombre dans les établissements pénitentiaires.
Il n’a jamais été question de mettre 85 000 personnes en prison ! Ce chiffre est celui des décisions d’emprisonnement qui ne sont pas exécutées. Je le précise une nouvelle fois : parmi ces 85 000 condamnés, seuls 15 000 dont la condamnation est définitive exécuteront leur peine d’emprisonnement en établissement pénitentiaire ; tous les autres verront leur peine aménagée.
Monsieur Lecerf, vous nous dites que, selon les statistiques, un condamné ayant bénéficié d’un aménagement de sa peine est moins enclin à récidiver que celui qui a purgé l’intégralité de sa peine en prison. Mais c’est heureux ! En effet, telle est la logique même de la loi pénitentiaire. Je rappelle que c’est un juge qui décide d’un aménagement de peine, selon des critères tenant à la personnalité du condamné et à sa capacité à se réinsérer. Si la récidive était plus fréquente parmi ceux qui ont vu leur peine aménagée par un juge, ce serait un grave échec !
Madame Tasca, nous avons créé, entre 2007 et 2011, quelque 1 000 postes dans les services pénitentiaires d’insertion et de probation. Libre à vous de considérer que ce n’est pas suffisant – j'accepte tout à fait cette critique –, mais je n’admets pas que vous nous reprochiez de n’avoir rien fait, parce que c'est faux.
S’agissant de ces questions pénitentiaires, rien n’est jamais tout blanc ni tout noir. Épargnons-nous ces postures ! C’est ensemble que nous trouverons de vraies solutions. Lorsqu’a été examinée la loi pénitentiaire, je siégeais sur ces travées en tant que sénateur et j’ai voté ce texte. En tant que garde des sceaux, je n'ai nullement l'intention de le contrecarrer. Le texte que le Gouvernement soumet aujourd’hui à votre examen, mesdames, messieurs les sénateurs, s’inscrit dans la continuité de la loi pénitentiaire.
Lorsqu’ils prononcent des condamnations, les magistrats font leur travail et ne font qu'appliquer les lois pénales que le Parlement a votées. Ils n’en inventent point ! Aussi, ils méritent le respect.
Pour finir, je veux répéter aux deux oratrices du groupe écologiste que je ne suis pas pour le « tout carcéral » et qu’il n’est nullement dans mes intentions d’emprisonner tout le monde. À cet égard, je leur ferai observer qu'elles soutiennent une candidate qui n'a jamais hésité à mettre des gens en prison, même quand ils étaient de simples prévenus et qu’ils n'étaient pas encore condamnés. §Il faut faire attention à la cohérence de ses choix dans le temps !
La continuité dans l'action étant une nécessité, je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à voter le présent texte dans sa rédaction initiale, qui, je le répète, se situe dans la droite ligne de la loi pénitentiaire.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 1er février 2012, à quatorze heures trente et le soir :
1. Désignation des vingt et un membres de la commission d’enquête sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales
2. Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de programmation relatif à l’exécution des peines (n° 264, 2011–2012)
Rapport de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 302, 2011–2012).
Texte de la commission (n° 303, 2011–2012).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à minuit.