Intervention de Aline Archimbaud

Réunion du 31 janvier 2012 à 22h00
Exécution des peines — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Aline ArchimbaudAline Archimbaud :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la rapporteur, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord vous faire part de ma solidarité la plus totale avec la commission des lois du Sénat, qui, je tiens à le souligner, a réalisé un travail important, malgré des délais presque intenables.

Monsieur le garde des sceaux, vous nous présentez, une fois de plus, un projet de loi fourre-tout, préparé à la hâte à la suite d’un fait divers, certes tragique.

Malgré quelques timides avancées, le texte, tel qu’il a été transmis au Sénat, restait guidé par l’idéologie selon laquelle le « tout répressif » et l’incarcération constituent les meilleurs remèdes à la récidive.

Bien au contraire, la lutte contre la récidive nécessite de travailler prioritairement à la réinsertion et à l’aménagement des peines. Or votre projet prévoyait d’augmenter significativement le nombre de places en prison, le portant à 80 000 à l’horizon de 2017. Cette stratégie aurait pour conséquence d’accroître la taille des prisons existantes : selon les projections, le nombre moyen de places par établissement passerait ainsi de 532 à 650.

Or, de manière évidente, plus l’établissement est important, plus il est difficile d’y individualiser le suivi et l’accompagnement des détenus et, par conséquent, moins la lutte contre la récidive y est efficace.

Par ailleurs, votre projet de loi prévoyait une nouvelle typologie des établissements pénitentiaires, comprenant quatre catégories. Toutefois, une telle spécialisation favorise l’éloignement des détenus par rapport à leur famille, les personnes étant susceptibles d’être affectées dans un établissement situé dans un rayon géographique beaucoup plus large.

Votre projet de loi prévoyait également de créer de nouveaux centres de détention spécialement conçus pour les courtes peines, alors que, en l’espèce, l’aménagement des peines est nettement préférable en termes de réinsertion, notamment.

En résumé, ce projet de loi, dans sa version initiale, privilégiait la répression et la détention. Alors que l’État demande à tous les Français de consentir des efforts dans un contexte de crise particulièrement difficile, le ministère de la justice se paie le luxe de proposer des mesures à la fois coûteuses et inefficaces.

À la veille des élections, cette stratégie politicienne est d’autant plus choquante que les sommes considérables ainsi fléchées pour l’ouverture de places supplémentaires en prison auraient pu être très utiles pour améliorer les conditions de vie des détenus et favoriser leur réinsertion.

Nous, écologistes, appelons plutôt de nos vœux le respect du droit à l’encellulement individuel et l’amélioration des conditions matérielles de détention, afin de respecter enfin les normes internationales.

Nous préconisons également un moratoire sur la construction de nouvelles places de prison, ainsi que la limitation des nouvelles constructions au remplacement des établissements vétustes et indignes. L’architecture de ces nouveaux établissements prendrait bien sûr en compte les impératifs de réinsertion, et il serait mis fin aux partenariats publics-privés dans l’administration pénitentiaire.

Madame la rapporteur, par votre important travail d’amendement, vous avez modifié le projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis.

Un certain nombre de points m’avaient inquiétée en tant que membre de la commission des affaires sociales, mais je suis aujourd’hui rassurée.

Ainsi, les peines de prison de longue durée ne sont pas du tout adaptées aux personnes atteintes de troubles psychiatriques graves. Or je suis soulagée de voir intégrées au projet de loi les propositions de notre collègue Jean-René Lecerf, sénateur du Nord, sur l’atténuation de la responsabilité pénale des auteurs d’infractions dont le discernement était altéré au moment des faits.

En outre, le projet initial prévoyait que, pour les personnes bénéficiant d’un aménagement de peine subordonné au suivi d’un traitement, les attestations de suivi du traitement soient directement transmises par le médecin traitant au juge de l’application des peines, une proposition que les professionnels de santé ont unanimement dénoncée comme étant contraire au lien de confiance avec leurs patients. Heureusement, les députés ont intégré au texte un amendement prévoyant la transmission directe de ce type de certificat de la personne détenue au juge de l’application des peines.

Mon attention a été également attirée par la situation de certains mineurs délinquants souffrant de troubles du comportement et par le traitement qui leur est réservé.

Le rapport de ma collègue le souligne, la faiblesse des relations entre la Protection judiciaire de la jeunesse et le secteur pédopsychiatrique est l’une des principales difficultés dans la prise en charge des mineurs délinquants les plus difficiles. Il y a un manque cruel de places dans les instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques.

Enfin, je regrette que les délais extrêmement resserrés dans lesquels la commission des lois du Sénat a dû examiner ce texte et le recours à l’article 40 de la Constitution, qui restreint l’initiative parlementaire, n’aient pas permis à nos collègues d’aller au bout de leur démarche. Pourtant, les conditions de travail des personnes intervenant tout au long de la procédure judiciaire mériteraient que l’on s’y attarde.

Les conseillers d’insertion et de probation, cheville ouvrière de l’aménagement de la peine, suivent actuellement, en moyenne, 88, 4 dossiers, alors que les recommandations de l’étude d’impact annexée à la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 préconisaient qu’ils n’en suivent au maximum que 60.

Les 237 médecins coordonnateurs constatent un manque alarmant dans leurs effectifs : ils doivent traiter 5 398 injonctions de soins par an.

Enfin, alors que, en 2002, chaque psychiatre était, en moyenne, responsable de 61 expertises par an, il devait en traiter 151 en 2009.

Dans ces conditions, comment les professionnels du suivi et de la réinsertion peuvent-ils assurer sereinement leur mission ? Cette situation est préjudiciable en termes aussi bien de réinsertion pour les détenus que de conditions de travail pour les professionnels du secteur, menacés par le burn out à force d’injonctions contradictoires : ils sont sans cesse poussés à faire mieux avec moins de moyens et une charge de travail plus importante.

En l’état actuel, le projet de loi augmente certains effectifs, mais je doute malheureusement que cela soit suffisant et de nature à aider réellement les conseillers d’insertion et de probation, les médecins coordonnateurs, les psychiatres experts et tant d’autres. Néanmoins, je n’allongerai pas davantage mon propos.

Mes chers collègues, je vous invite à voter ce texte, tel qu’il a été modifié par la commission des lois, et à poursuivre le travail sur les points que je viens d’évoquer, car la situation est réellement inquiétante.

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