Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise financière a changé, semble-t-il, le regard de la communauté internationale sur les paradis fiscaux.
Alors que l’Organisation de coopération et de développement économiques tente d’attirer l’attention des dirigeants politiques sur la « concurrence fiscale dommageable » depuis la fin des années quatre-vingt-dix, ce n’est qu’après l’éclatement de la crise financière mondiale de 2008-2009 qu’une véritable prise de conscience de ce problème est intervenue.
À la suite du sommet du G20 de Londres, en avril 2009, l’OCDE a établi les fameuses listes « noire » et « grise » des États qui soit n’ont pas pris l’engagement de se conformer aux standards d’échange d’informations du Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales, soit ont pris un tel engagement mais ne l’ont pas encore concrètement mis en application. En conséquence de cette « stigmatisation » à vocation dissuasive, de vingt-trois accords d’échange de renseignements conclus en 2007, nous sommes passés à plus de sept cents depuis 2008.
Pourtant, force est de constater que, même si d’importants progrès ont été accomplis, la transparence fiscale s’avère, à l’évidence, toujours difficile à mettre en œuvre.
Alors que les conventions permettant l’échange de renseignements se multiplient et que les listes d’États non coopératifs, qu’il s’agisse de celles de l’OCDE ou de celles du Gouvernement français, se vident, l’engagement pris par certains États en matière de coopération fiscale n’est pas toujours suivi d’effet.
En effet, malgré la signature de conventions fiscales, il apparaît qu’un certain nombre de pays ne transmettent pas les renseignements demandés. Ainsi, comme l’a très bien souligné Mme Bricq, l’opacité, qui résulte le plus souvent de l’indisponibilité des informations, n’a pas encore été pleinement levée.
Certains États ne disposent pas de la capacité normative et administrative nécessaire au respect de leurs engagements. C’est d’ailleurs ce qui avait conduit la Haute Assemblée à rejeter, le 15 décembre dernier, la ratification de la convention fiscale avec la République de Panama. En effet, à quoi bon signer une convention d’assistance administrative avec un État dont on sait que son cadre normatif ne lui permettra pas de garantir l’effectivité de la coopération fiscale ? La signature d’un tel accord est d’autant plus discutable qu’elle a pour conséquence la radiation du pays concerné de la liste française des États et territoires non coopératifs.
Mme Pécresse a d’ailleurs reconnu les faiblesses de la coopération fiscale lors de sa conférence de presse du 24 novembre 2011 sur la fraude fiscale, en déclarant, à propos des conventions récemment entrées en vigueur, que « leur effectivité n’est pas encore suffisamment garantie, notamment parce que les éléments à réunir pour pouvoir interroger les administrations fiscales de ces pays sont nombreux, et la réactivité de ces administrations encore insuffisante ». Au cours de cette conférence de presse, Mme Pécresse a également admis que le taux de réponse aux deux cent trente requêtes formulées par la France en 2011 auprès de dix-huit États n’avait été que de 30 %.
Au travers du projet de loi de finances rectificative pour 2012, le Gouvernement a affiché sa volonté de lutter plus efficacement contre la fraude fiscale : les sanctions maximales ont été renforcées et une incrimination spécifique pour délit de fraude fiscale commis par l’intermédiaire d’un État ou territoire non coopératif a été créée.
Cette intention est tout à fait louable, cependant, pour lutter efficacement contre la fraude fiscale, il faut, monsieur le ministre, d’importants moyens. Or la lutte contre la fraude fiscale est actuellement affaiblie par la diminution des effectifs de l’administration fiscale et par l’inadaptation de notre système de contrôle fiscal aux évolutions rapides et complexes des formes de la fraude.
Par ailleurs, nous ne disposons d’aucun élément pour évaluer l’efficacité de la lutte contre la fraude fiscale par l’intermédiaire des paradis fiscaux. M’appuyant sur les travaux de Mme la rapporteure générale, je m’interroge avec elle sur la capacité de nos services fiscaux à contrôler les mouvements de fonds à l’échelon international.
En outre, dans son rapport annuel de 2012, la Cour des comptes a souligné, dans son analyse concernant notre cellule de renseignement financier chargée de la lutte contre le blanchiment, TRACFIN, que « l’articulation entre lutte contre la fraude fiscale et lutte anti-blanchiment » devait être renforcée.
J’en viens aux avenants aux conventions passées avec l’île Maurice, l’Arabie saoudite et l’Autriche que nous examinons aujourd’hui. Ils tendent à satisfaire aux standards récemment définis par l’OCDE en matière d’échange d’informations pour renforcer la transparence et à la volonté de la France de développer son réseau conventionnel destiné à lutter contre l’évasion fiscale.
La convention signée en 1982 avec l’Arabie saoudite ne comprend aucune clause d’échange d’informations. Celles qui nous lient à l’île Maurice et à l’Autriche en contiennent une, mais elle n’est pas conforme aux derniers standards internationaux. Il convenait donc de revoir ces conventions conformément au modèle de l’OCDE : tel est l’objet de ces trois avenants.
L’Autriche pouvait encore faire valoir son sacro-saint « secret bancaire » pour ne pas coopérer, mais elle a fait évoluer sa législation pour permettre la levée de ce dernier. L’avenant à la convention franco-autrichienne tend donc à actualiser les dispositions concernant l’échange d’informations pour tenir compte de l’interdiction d’invoquer le secret bancaire ou le manque d’intérêt fiscal national afin de ne pas coopérer. C’est là un progrès non négligeable.
Ces trois avenants vont donc dans le bon sens ; c’est pourquoi les membres de mon groupe voteront les trois projets de loi autorisant leur approbation. Cela étant dit, je m’associe à Mme Bricq pour insister sur la nécessité d’une évaluation claire et transparente de la politique conventionnelle française et de l’efficacité de la coopération fiscale, qui doit constituer une priorité.