La séance est ouverte à quatorze heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
L’ordre du jour appelle la discussion de trois conventions fiscales tendant à éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, adoptées par l’Assemblée nationale :
- entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’île Maurice (projet n° 181, texte de la commission n° 296, rapport n° 294) ;
- entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume d’Arabie saoudite (projet n° 182, texte de la commission n° 295, rapport n° 294) ;
- et entre la République française et la République d’Autriche (projet n° 183, texte de la commission n° 293, rapport n° 292).
La conférence des présidents a décidé que ces trois projets de loi feraient l’objet d’une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le ministre.
Monsieur le président, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les sénateurs, nous soumettons aujourd’hui à votre approbation trois avenants à des conventions bilatérales tendant à éviter les doubles impositions. Ils visent à permettre l’échange de renseignements en matière fiscale entre la France et, respectivement, l’Arabie saoudite, l’Autriche et l’île Maurice.
Ces accords mettent en place un cadre juridique général qui permettra un échange de renseignements effectif et sans restriction, notamment par la levée d’un éventuel secret bancaire. Ils sont tous conformes aux standards internationaux en matière de transparence et d’échange d’informations fiscales, en particulier au modèle élaboré par l’OCDE en 2008.
Je tiens également à vous assurer, mesdames, messieurs les sénateurs, que, lors des négociations, la France a pris toutes les précautions nécessaires pour garantir la mise en application effective et rapide de ces accords. Pour l’avenant franco-autrichien, par exemple, nous avons attendu que l’Autriche ait adopté les mesures nécessaires de droit interne permettant aux autorités fiscales d’accéder aux informations bancaires des établissements de crédit.
En outre, l’Autriche et l’île Maurice ont déjà été évaluées lors de la « revue » par les pairs du Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales et ont reçu des avis positifs.
Je souhaiterais insister aussi sur le fait que ces accords sont une étape nécessaire à la mise en place d’un véritable dispositif de lutte contre les pratiques fiscales dommageables. Ils viennent en effet compléter le réseau conventionnel de la France en la matière, qui est l’un des plus denses au monde.
Sur le plan bilatéral, la France est l’un des pays les plus proactifs, avec plus d’une quarantaine d’accords relatifs à l’échange de renseignements fiscaux signés à ce jour.
La France s’est par ailleurs dotée de sa propre « liste noire » d’États et territoires non coopératifs. Ces derniers sont soumis à des sanctions fiscales lourdes, telles que le refus d’accorder aux sociétés françaises le bénéfice du régime mère-fille pour leurs filiales situées dans ces territoires.
Sur le plan multilatéral, la France a opté pour une politique dynamique et ambitieuse. La revue par les pairs du Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales est présidée par M. François d’Aubert, délégué général à la lutte contre les paradis fiscaux. Ce mécanisme d’évaluation permet d’apprécier la réalité des engagements pris par les États, qu’ils soient membres de cette instance ou pas. Les résultats de ces évaluations ont d’ailleurs été repris par le Président de la République lors de son discours de clôture du G 20 à Cannes, à l’occasion duquel il a exhorté les onze États n’ayant pas réussi la première phase de l’examen par les pairs à se mettre au plus vite en conformité avec les standards internationaux.
Comme vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, l’approbation et l’entrée en vigueur de ces accords constituent une étape importante qui permettra au Gouvernement et aux instances multilatérales chargées de ces questions d’évaluer concrètement les progrès accomplis par les pays concernés. La conclusion de ces trois accords représente une avancée non négligeable dans la lutte contre les pratiques fiscales dommageables.
Telles sont, monsieur le président, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu’appellent les accords faisant l’objet des projets de loi aujourd’hui proposés à votre approbation. §
La parole est à Mme la rapporteure générale de la commission des finances.
onsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des finances a adopté, le 25 janvier dernier, trois projets de loi visant à approuver des avenants à des conventions fiscales de suppression des doubles impositions conclus entre la France et, respectivement, l’Arabie saoudite, l’Autriche et l’île Maurice.
Je comprends les interrogations de nos collègues communistes au sujet des quarante-neuf accords fiscaux relatifs à l’échange de renseignements examinés par notre assemblée ces trois dernières années, interrogations qui les ont conduits à demander l’inscription à l’ordre du jour de notre débat d’aujourd’hui.
L’évaluation de l’efficacité du réseau conventionnel doit être l’une de nos préoccupations majeures et permanentes. Au-delà du présent débat, l’initiative du groupe CRC de demander la constitution d’une commission d’enquête sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales, présidée par Philippe Dominati et dont Éric Bocquet est le rapporteur, était bienvenue.
Je présenterai brièvement l’économie de ces accords et leurs enjeux avant de revenir plus largement sur l’efficacité de la politique conventionnelle française, qu’il est important de mesurer au terme du mandat présidentiel et de la législature.
Les trois accords, qui ont été conclus avec des États qui semblent n’avoir pas grand-chose en commun, ont pour objet d’imposer à l’île Maurice, à l’Arabie saoudite et à l’Autriche une obligation de transmission des renseignements conforme aux derniers standards de l’OCDE.
En effet, la rédaction actuelle des conventions franco-mauricienne et franco-autrichienne, conclues respectivement en 1980 et en 1993, n’exige pas de ces pays qu’ils communiquent des informations détenues par une banque. Ces États peuvent également s’opposer à une demande de renseignements qui ne présenterait pas d’intérêt national propre pour l’application de leur fiscalité. Une fois ratifiées les conventions ainsi amendées, ces refus seront interdits.
Quant à la convention franco-saoudienne, elle ne contient pas à ce jour de clause d’échange de renseignements ; le présent accord a vocation à y remédier.
Si les clauses d’échange de renseignements sont similaires et conformes au modèle de l’OCDE, notre commission s’est interrogée sur les enjeux de leur ratification.
Tout en constituant un certain progrès, la mise en conformité de l’avenant autrichien n’a qu’une portée mineure en termes de lutte contre l’opacité fiscale. Je rappelle que le vecteur principal de la diffusion de la transparence fiscale est l’échange automatique, et non l’échange sur demande.
Quant aux avenants signés avec l’Arabie saoudite et l’île Maurice, ils marquent une étape formelle de définition des conditions de la coopération fiscale.
Nous avions eu l’occasion, lors de l’examen du projet de loi visant à ratifier la convention signée avec le Panama, de contrôler la réalité du lien conventionnel qui se nouait. En effet, la ratification demandée intervenait avant l’évaluation du Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales de l’OCDE, qui permet généralement de confirmer la capacité normative du pays concerné à échanger des renseignements. En toute logique, nous avions donc en l’occurrence conclu négativement, puisque l’examen concernant Panama n’était pas achevé.
La situation est différente s’agissant de l’île Maurice, puisque le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales a confirmé, certes au terme de deux examens, que ce pays disposait bien d’un cadre juridique suffisant pour coopérer.
Quant à l’Arabie saoudite, il est vrai que le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales ne s’est pas encore prononcé. Cependant, force est de constater que la convention actuelle qui nous lie à cet État ne l’oblige nullement à échanger des renseignements. De surcroît, la ratification de l’avenant n’entraînera pas la radiation de l’Arabie saoudite de la liste des États et territoires non coopératifs puisqu’elle n’y figure pas.
C’est bien là toute la différence entre le refus de ratifier la convention avec le Panama qu’avait exprimé le Sénat et l’autorisation des avenants conclus avec l’île Maurice et l’Arabie saoudite.
La ratification de l’accord avec le Panama devrait emporter prochainement la radiation de ce pays de la liste française et donc la levée des sanctions fiscales, tandis que, en l’espèce, aucune radiation de la liste française n’est en jeu. Au contraire, les présentes ratifications permettent de renforcer les obligations d’assistance fiscale. En revanche, en l’absence de coopération, nous veillerons à ce que ces pays soient inscrits sur notre liste.
Mais, au-delà de ces trois avenants, il faut apprécier l’efficacité de la « politique de négociation sans frontières » menée depuis plus de trois ans.
Tout d’abord, monsieur le ministre, l’opacité des informations disponibles ne permet pas au Parlement d’être suffisamment informé sur le phénomène contre lequel nous luttons.
Nous attendons toujours le « jaune » budgétaire dressant un bilan du contrôle des filiales détenues à l’étranger par les entreprises françaises qui devait accompagner le projet de loi de finances pour 2012. Le Gouvernement devait nous transmettre des éléments tangibles d’évaluation, tels que le nombre de réponses à nos demandes d’assistance.
Monsieur le ministre, je ne me lasse pas de poser cette question : quand disposerons-nous de cette annexe ? Je rappelle que la loi de finances pour 2011, qui l’a créée, précise que le bilan ainsi dressé doit permettre « d’actualiser la liste nationale des territoires non coopératifs ».
Cela m’amène à vous interroger également sur la date de publication de la liste nationale, qui doit être mise à jour annuellement à compter du 1er janvier, ainsi que sur les États qui en seront radiés ou y seront inscrits.
En ces domaines, l’information du Parlement est soit rare, soit tardive, quelquefois les deux à la fois ! Le bilan relatif au réseau conventionnel de la France en matière d’échange de renseignements, dressé dans une autre annexe au projet de loi de finances, ne nous est parvenu que récemment, avec près de quatre mois de retard.
Sur le fond, ce bilan est inquiétant : le taux de réponse aux demandes françaises de renseignements est de 30 %, et la plupart des éléments fournis étaient déjà connus de nos services. Il ne marque aucun progrès et révèle les limites de cette politique conventionnelle.
Pour aller plus loin, il faudrait notamment envisager que les obligations déclaratives des entreprises soient renforcées et que les manquements soient plus fermement condamnés. Je le dis tout particulièrement à l’intention du rapporteur de la commission d’enquête sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales, ici présent.
Par ailleurs, il n’est nul besoin de s’évader dans un paradis lointain pour constater que certains de nos voisins continuent d’avoir des pratiques fiscales dommageables. Je l’ai déjà évoqué : la voie la plus efficace vers la suppression de telles stratégies nationales est l’échange automatique d’informations, a fortiori, monsieur le ministre, au sein de l’Union européenne !
La directive « Épargne » de 2003 prévoit un tel mécanisme entre les États membres. Cependant, son champ est trop restreint quant aux personnes et aux produits visés. L’opposition à sa révision du Luxembourg et de l’Autriche, bénéficiaires d’un mécanisme transitoire de retenue à la source en lieu et place de l’échange automatique d’informations, doit être surmontée ; nous attendons que la France rouvre ce chantier.
Le blocage s’appuie sur la conclusion, avec l’Allemagne et le Royaume-Uni, des accords dits « Rubik ». Ces derniers permettent à la Suisse de maintenir le secret bancaire, en contrepartie d’un impôt libératoire prélevé sur les avoirs allemands et anglais détenus dans les banques suisses.
Là encore, le Parlement n’a reçu que très récemment le rapport sur les avantages et inconvénients de ces accords, alors qu’il devait nous être remis avant le 1er décembre dernier.
Ce rapport conclut que la mise en œuvre d’un tel accord « procurerait une rentrée budgétaire aléatoire », estimée à 1 milliard d’euros pour la seule régularisation des avoirs, mais qu’elle « amputerait la capacité de contrôle de [notre] administration ». Un tel accord serait enfin « peu compatible avec nos principes républicains » – en particulier celui du consentement à l’impôt – « et avec nos engagements, tant européens qu’internationaux ».
Il faut donc faire prévaloir le point de vue selon lequel la possibilité de retenue à la source qui est aujourd’hui prévue par la directive « Épargne » a vocation à disparaître. Cette possibilité n’est que transitoire et ne saurait être considérée comme durablement équivalente à l’échange automatique, contrairement à ce qu’affirme le Luxembourg.
L’occasion de réviser la directive se représentera certainement. À court terme, certains facteurs bloquants pourraient être surmontés : d’une part, des interrogations demeurent sur la conformité au droit européen des accords « Rubik », que la Commission européenne examine actuellement de manière approfondie ; d’autre part, la ratification de l’accord « Rubik » concernant l’Allemagne rencontre dans ce pays même des oppositions qui ne manqueront pas de grandir ; enfin, la réglementation américaine dite « FATCA » – Foreign Account tax compliance act –, laquelle prévoit un échange automatique d’informations sur tous les comptes détenus par des contribuables américains dans le monde, sera appliquée dès le 1er janvier 2013.
À ce jour, nous ne connaissons pas l’impact de cette réglementation, dont la mise en œuvre est en marche puisque, eu égard au coût qu’elle engendrera éventuellement pour les groupes bancaires, la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Italie, l’Espagne et les États-Unis ont publié, le 8 février dernier, une déclaration commune sur ce sujet. Ces États sont convenus d’explorer une approche commune pour la mise en œuvre de la réglementation FATCA, ainsi qu’une réciprocité fondée sur les conventions bilatérales existantes.
À cet égard, monsieur le ministre, où en sont les démarches pour permettre la transmission des informations au fisc américain par les autorités administratives plutôt que directement par les établissements ? En quoi consisteraient les adaptations de cette réglementation pour les établissements financiers, les clients ou les produits ? Quels éléments vous permettent de penser que les Américains accepteraient de se soumettre aux règles qu’ils imposent aux établissements financiers non américains, conformément au principe de réciprocité ?
En tout état de cause, la réglementation FATCA peut constituer un vecteur mondial de la diffusion de l’échange automatique d’informations et s’oppose directement à la logique de conservation du secret bancaire des accords « Rubik ». Des mesures favorables à la transparence fiscale peuvent donc nous arriver d’outre-Atlantique : saisissons-nous-en !
J’observe d’ailleurs que si la Suisse envisage de présenter d’ici à septembre des mesures destinées à atténuer son image en matière d’évasion fiscale, elle n’accepte toujours pas le principe de l’échange automatique et continue de promouvoir la conclusion d’accords de type Rubik.
Dans ces rapports de force où des intérêts puissants s’affrontent, il importe que la France joue tout son rôle pour faire prévaloir la cause de la transparence et de l’échange automatique d’informations. « Les paradis fiscaux, c’est fini », avait déclaré le Président de la République. §
Je sais bien que la lutte contre les paradis fiscaux n’est plus à ses yeux une priorité, mais je tenais à rappeler cette annonce !
L’approbation des trois projets de loi que nous examinons aujourd'hui doit nous conduire à demeurer vigilants. Je le répète : l’efficacité des accords que nous signons est conditionnée par la capacité normative des États à coopérer et leur volonté politique de le faire.
Or, force est de constater que, à côté des portes que nous offre la convention de l’OCDE, demeurent de trop nombreuses fenêtres ouvertes, qu’il nous faudra fermer une à une avant que l’on puisse affirmer qu’il n’existe plus de paradis fiscaux. Autrement dit, nous avons du travail devant nous…
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. En conclusion, sous réserve des observations précédentes, la commission des finances vous propose d’adopter les présents projets de loi visant à approuver les avenants aux conventions fiscales avec, respectivement, l’île Maurice, le Royaume d’Arabie saoudite et la République d’Autriche.
Applaudissements
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, « les paradis fiscaux, le secret bancaire, c’est terminé », affirmait Nicolas Sarkozy le 23 septembre 2009.
Pourtant, la dernière étude du réseau Tax justice network, publiée le 4 novembre 2011, estime à soixante-treize le nombre d’États répondant aux critères de définition des paradis fiscaux. La lutte contre l’évasion fiscale est donc toujours d’actualité.
Mais, de la part de l’actuel Président de la République, …
… ce type de déclaration hâtive et sans réel fondement n’a rien de surprenant ; nous y sommes désormais habitués…
La définition des paradis fiscaux du Tax justice network s’appuie sur de nombreux paramètres, tels que l’existence de politiques anti-trusts ou la sincérité dont font preuve les États en matière de coopération contre le secret bancaire.
Ainsi, la lutte contre les paradis fiscaux doit faire l’objet d’une politique globale et ne s’arrête pas à la ratification d’une liste de conventions, contrairement à ce qu’a voulu nous faire croire l’actuel Président de la République en faisant adopter des mesures de façade dans le cadre du sommet du G20 de Londres, en 2009.
Ce sommet avait donné lieu à l’établissement par l’OCDE de trois listes, permettant de classer les pays selon leur degré de coopération en matière de lutte contre la fraude fiscale : une liste noire recensait les États qui refusaient de respecter les règles ; une liste grise regroupait les pays qui, sans appliquer les nouvelles règles, promettaient de s’y conformer à l’avenir ; une liste blanche distinguait les États les plus vertueux.
La condition à remplir pour passer de la liste grise à la liste blanche était simple : il suffisait, pour un État, de renégocier les conventions le liant à certains de ses voisins, au moyen d’accords l’engageant à transmettre des renseignements bancaires aux autorités qui le demandent en cas de soupçon d’évasion fiscale.
Quelle audace il a dû falloir à M. Sarkozy et au G20 pour mettre en place un dispositif aussi contraignant ! Il est tellement contraignant qu’il suffit qu’un État signe douze accords de ce type pour sortir de la liste grise… C’est ainsi qu’en septembre 2009 le Gouvernement monégasque avait pu être blanchi par la signature d’accords de transparence fiscale avec douze États, dont l’Andorre, l’Autriche ou les Bahamas –eux-mêmes inscrits sur la liste grise –, mais aussi la France.
Pour ne pas cautionner ce qui s’apparente à un véritable blanchiment des paradis fiscaux, la majorité sénatoriale avait refusé, à la fin de l’année dernière, d’approuver la signature d’un tel accord avec le Panama, par exemple.
La situation est différente pour les avenants qui nous sont soumis aujourd’hui, puisque l’Autriche, l’Arabie saoudite et l’île Maurice ne figurent pas sur la liste française des États non coopératifs et ne peuvent donc pas, en l’état actuel des choses, être soumis à des sanctions spécifiques. Ainsi, nous suivrons les recommandations de la rapporteure générale, en partant du principe que, la signature de ces avenants n’entraînant la radiation d’aucune liste, nous n’avons rien à perdre à approuver l’adoption de ces trois textes.
Concernant le Royaume d’Arabie saoudite, l’adoption d’un tel avenant est d’autant plus utile et légitime que la convention actuelle ne comprend pour l’heure aucune clause d’échange de renseignements.
S’agissant de la convention qui nous lie à la République d’Autriche, l’avenant vise à permettre un échange automatique de renseignements. Un tel mécanisme est censé être garanti par la directive « Épargne » de 2003, mais il ne s’applique pas aux sociétés, ce qui limite considérablement son effet. Cette disposition bilatérale nous apparaît donc comme un pis-aller, dans l’attente de la révision – qui semble de plus en plus compromise – de la directive européenne.
Si nous voterons en faveur de la signature de ces trois avenants, nous ne sommes toutefois pas dupes. Nous savons en effet que, sans garantie quant à l’efficacité des administrations fiscales, de telles dispositions resteront lettre morte.
Ainsi, l’évaluation du cadre juridique mauricien par le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales est globalement satisfaisante, mais de nombreuses améliorations restent à apporter, notamment concernant les renseignements relatifs aux trusts non résidants.
Par ailleurs, l’évaluation du système fiscal saoudien est en cours. C’est seulement quand les résultats seront publiés que nous pourrons porter un jugement mieux fondé sur l’opportunité de la coopération fiscale avec l’Arabie saoudite.
Mes chers collègues, je ne cache pas ma frustration de voter aujourd’hui des demi-mesures de lutte contre l’évasion fiscale, alors que tout reste à faire dans ce domaine.
Il est regrettable de faire reposer la politique de lutte contre le secret bancaire sur un réseau conventionnel d’échange de renseignements dont l’efficacité n’est pas garantie. En effet, Mme la rapporteure générale nous a alertés, à la fin du mois de janvier, sur la médiocrité du bilan de notre réseau conventionnel, le taux de réponse à nos demandes d’informations n’excédant pas 30 %. Nous ne pouvons pas nous contenter de cette politique conventionnelle pour lutter contre l’évasion fiscale.
Outre-Atlantique, le Congrès américain a adopté, en mars 2010, une loi sanctionnant les institutions financières étrangères qui ne faisaient pas preuve de coopération, communément appelée « FATCA ». Dès 2013, cette législation permettra au fisc des États-Unis d’obtenir des informations sur les résidents américains ayant des comptes à l’étranger. Les établissements bancaires qui refuseront de communiquer ces informations se verront taxés à hauteur de 30 % sur l’ensemble de leurs revenus locaux : voilà un véritable acte volontariste contre l’évasion fiscale !
Au sein même de notre administration, nous pouvons également actionner de nombreux leviers. Ainsi, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2012, la majorité sénatoriale avait adopté un amendement visant à ce que l’État prenne en compte, dans le choix des banques avec lesquelles il contracte, la situation de leurs avoirs issus de pays « non coopératifs », ainsi que leur politique de lutte contre le secret bancaire. Par ailleurs, l’amendement tendait à contraindre les banques contractant avec l’État à rendre compte annuellement du détail de leurs avoirs, pays par pays. Mais ce mécanisme de transparence, déjà mis en place par la région d’Île-de-France, a été rejeté par la majorité présidentielle, qui juge sans doute plus opportun de s’attaquer à la fraude sociale et au montant de l’indemnisation des chômeurs, par exemple, qu’aux pratiques d’évasion fiscale des plus riches… §
Il est vrai que lutter contre l’évasion fiscale, au risque de déplaire aux entreprises du CAC 40 et à nos grandes fortunes, demande un certain courage. Il est plus facile de s’attaquer à la fraude sociale et de dresser les Français les uns contre les autres !
Mes chers collègues, la lutte contre l’évasion fiscale n’en est qu’à ses débuts ; ne nous trompons pas de combat et donnons-nous les moyens de la mener. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui réunis pour examiner trois avenants à des conventions fiscales liant la France à trois pays de nature en apparence fort différente.
Le premier d’entre eux est l’un de nos partenaires européens : l’Autriche, cette étrange nation où l’on compte six fois plus de comptes en banque que de résidents et qui, à l’instar du Luxembourg, semble bel et bien constituer, sous les dehors d’une prospérité de bon aloi, une forme de paradis fiscal en plein cœur de la zone euro.
Le deuxième est l’île Maurice, paradis des vacanciers relativement fortunés, pays qui, malgré la grande misère d’une bonne partie de sa population, tend de plus en plus à devenir non seulement une espèce d’arrière-cour des hommes d’affaires, singulièrement britanniques, mais aussi une plateforme offshore des services financiers dans l’océan Indien.
Le troisième est le féodal et arriéré royaume d’Arabie saoudite
Mme Nathalie Goulet proteste.
… avec ses millions d’immigrés affectés aux activités économiques assurant la fortune des clans familiaux qui mènent le pays depuis sa création, son absence totale de vie démocratique, la persistance de conditions d’exploitation de la main-d’œuvre relevant d’un autre temps.
Bref, si ces trois pays sont différents, ils présentent des caractéristiques communes, dont la moindre n’est pas d’apparaître comme de bons élèves d’une classe financière internationale où l’on affiche une volonté de transparence sans toujours lui donner le plus petit début de traduction concrète.
Ce n’est pas la première fois, mes chers collègues, que nous débattons de conventions fiscales internationales, en général fondées sur un avenant permettant d’assurer l’échange de renseignements. En ce qui nous concerne, nous tenons à exprimer les plus grandes réserves quant à l’adoption de telles conventions.
Nous sentons d’ailleurs, à la lecture du rapport de Mme la rapporteure générale, que l’examen des textes qui nous sont soumis aurait gagné à être encore plus approfondi. Les précautions de langage auxquelles elle recourt semblent montrer que nous restons éloignés de l’absolue et nécessaire transparence.
Mme Bricq nous a apporté les précisions suivantes en commission des finances :
« Deux annexes au projet de loi de finances pour 2012 devaient être transmises au Parlement, au moment de la discussion du budget : un bilan sur le contrôle des filiales détenues à l’étranger par les entreprises françaises ; ensuite, un bilan du réseau conventionnel français en matière d’échange de renseignements.
« Nous attendons toujours le premier. Il devrait nous livrer des éléments tangibles d’évaluation tels que le nombre de réponses à nos demandes d’assistance. La loi de finances pour 2011, qui a créé cette annexe, précise même que ce bilan doit permettre “ d’actualiser la liste nationale des territoires non coopératifs ”. Le second nous est parvenu avant-hier soir. Or il fournit des informations qui avaient été en partie communiquées dès le 24 novembre 2011 par Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement, lors de sa conférence de presse sur la fraude fiscale.
« Ce bilan est inquiétant : le taux de réponse aux demandes françaises de renseignements est de 30 %, dont la plupart des éléments fournis étaient déjà connus de nos services. Il ne marque aucun progrès et révèle les limites de cette politique conventionnelle. La ministre a, par ailleurs, renouvelé son constat lundi dernier sur une antenne privée et envisage de durcir les sanctions.
« La méthode est curieuse. Je rappelle que les sanctions s’appliquent automatiquement aux États qui figurent sur la liste. Pourquoi, d’un côté, durcir les sanctions si, de l’autre, la politique du Gouvernement consiste à vider la liste de nos États non coopératifs pour les sortir du champ même d’application de ces sanctions ?
« Ne serait-il pas plus judicieux d’attendre la mise en place des capacités administratives et juridiques à coopérer des territoires avant de signer, afin de ne pas être amené à radier un pays de la liste puis devoir l’inscrire à nouveau, une fois constaté l’échec de la coopération ? Pourquoi tant de hâte à signer ces accords fiscaux ? Quels sont les critères qui conduisent le Gouvernement à sélectionner un pays plutôt qu’un autre ? »
J’ai tendance à penser, mes chers collègues, que poser les questions soulevées par Mme la rapporteure générale revient à y répondre !
Quand on constate que les accords d’échange de renseignements débouchent sur un taux de réponse de seulement 30 % – et ce ne sont pas forcément des pays émergents ou en voie de développement à administration défaillante qui négligent de répondre, puisque les cas de la Belgique, de la Suisse et du Luxembourg sont directement évoqués –, on peut s’interroger sur l’intérêt de tels avenants et conventions fiscales !
Alléger quelque peu la liste des territoires et pays non coopératifs pose toute une série de problèmes. Non seulement nous donnons quitus à des pays aux administrations fiscales défaillantes et aux règles fiscales fondées en général sur un dumping déloyal du point de vue de la concurrence économique, mais surtout nous conférons l’onction de la légalité et de la régularité à toutes les méthodes et procédures utilisées par nos entreprises implantées dans ces pays et territoires pour y dissimuler des avoirs, des biens, y localiser des services, y optimiser des bénéfices…
C’est bien de cela qu’il s’agit, outre le fait qu’éviter la double imposition de revenus saoudiens profitera davantage au fils cadet d’un prince de la famille régnante qu’à un Philippin employé dans l’un de ses palais
Mme Nathalie Goulet s’exclame.
J’observerai d’ailleurs que si la rente pétrolière et gazière est très lourdement taxée en Arabie saoudite, il n’en va manifestement pas de même des revenus tirés de tout placement financier ou immobilier financé grâce aux profits engendrés par cette activité !
Pour l’ensemble de ces raisons, nous ne pouvons évidemment que voter contre les trois projets de loi qui nous sont soumis aujourd’hui. Leur objet est connu : faire entrer « au chausse-pied » les territoires et pays concernés dans la liste « blanche » de la finance globale et transparente. Cette évolution est d’ailleurs moins dans leur intérêt – même si, dans le cas de l’Arabie saoudite, le lien organique entre État et famille régnante est pour le moins solide ! – que dans celui de tous ceux qui, dans des pays comme le nôtre, cherchent à bénéficier d’un label de virginité pour couvrir leurs petites affaires menées sur place. Nous ne pensons pas que notre législation fiscale gagne beaucoup à se borner à assurer de petits arrangements entre amis, aux dépens de l’intérêt général.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise financière a changé, semble-t-il, le regard de la communauté internationale sur les paradis fiscaux.
Alors que l’Organisation de coopération et de développement économiques tente d’attirer l’attention des dirigeants politiques sur la « concurrence fiscale dommageable » depuis la fin des années quatre-vingt-dix, ce n’est qu’après l’éclatement de la crise financière mondiale de 2008-2009 qu’une véritable prise de conscience de ce problème est intervenue.
À la suite du sommet du G20 de Londres, en avril 2009, l’OCDE a établi les fameuses listes « noire » et « grise » des États qui soit n’ont pas pris l’engagement de se conformer aux standards d’échange d’informations du Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales, soit ont pris un tel engagement mais ne l’ont pas encore concrètement mis en application. En conséquence de cette « stigmatisation » à vocation dissuasive, de vingt-trois accords d’échange de renseignements conclus en 2007, nous sommes passés à plus de sept cents depuis 2008.
Pourtant, force est de constater que, même si d’importants progrès ont été accomplis, la transparence fiscale s’avère, à l’évidence, toujours difficile à mettre en œuvre.
Alors que les conventions permettant l’échange de renseignements se multiplient et que les listes d’États non coopératifs, qu’il s’agisse de celles de l’OCDE ou de celles du Gouvernement français, se vident, l’engagement pris par certains États en matière de coopération fiscale n’est pas toujours suivi d’effet.
En effet, malgré la signature de conventions fiscales, il apparaît qu’un certain nombre de pays ne transmettent pas les renseignements demandés. Ainsi, comme l’a très bien souligné Mme Bricq, l’opacité, qui résulte le plus souvent de l’indisponibilité des informations, n’a pas encore été pleinement levée.
Certains États ne disposent pas de la capacité normative et administrative nécessaire au respect de leurs engagements. C’est d’ailleurs ce qui avait conduit la Haute Assemblée à rejeter, le 15 décembre dernier, la ratification de la convention fiscale avec la République de Panama. En effet, à quoi bon signer une convention d’assistance administrative avec un État dont on sait que son cadre normatif ne lui permettra pas de garantir l’effectivité de la coopération fiscale ? La signature d’un tel accord est d’autant plus discutable qu’elle a pour conséquence la radiation du pays concerné de la liste française des États et territoires non coopératifs.
Mme Pécresse a d’ailleurs reconnu les faiblesses de la coopération fiscale lors de sa conférence de presse du 24 novembre 2011 sur la fraude fiscale, en déclarant, à propos des conventions récemment entrées en vigueur, que « leur effectivité n’est pas encore suffisamment garantie, notamment parce que les éléments à réunir pour pouvoir interroger les administrations fiscales de ces pays sont nombreux, et la réactivité de ces administrations encore insuffisante ». Au cours de cette conférence de presse, Mme Pécresse a également admis que le taux de réponse aux deux cent trente requêtes formulées par la France en 2011 auprès de dix-huit États n’avait été que de 30 %.
Au travers du projet de loi de finances rectificative pour 2012, le Gouvernement a affiché sa volonté de lutter plus efficacement contre la fraude fiscale : les sanctions maximales ont été renforcées et une incrimination spécifique pour délit de fraude fiscale commis par l’intermédiaire d’un État ou territoire non coopératif a été créée.
Cette intention est tout à fait louable, cependant, pour lutter efficacement contre la fraude fiscale, il faut, monsieur le ministre, d’importants moyens. Or la lutte contre la fraude fiscale est actuellement affaiblie par la diminution des effectifs de l’administration fiscale et par l’inadaptation de notre système de contrôle fiscal aux évolutions rapides et complexes des formes de la fraude.
Par ailleurs, nous ne disposons d’aucun élément pour évaluer l’efficacité de la lutte contre la fraude fiscale par l’intermédiaire des paradis fiscaux. M’appuyant sur les travaux de Mme la rapporteure générale, je m’interroge avec elle sur la capacité de nos services fiscaux à contrôler les mouvements de fonds à l’échelon international.
En outre, dans son rapport annuel de 2012, la Cour des comptes a souligné, dans son analyse concernant notre cellule de renseignement financier chargée de la lutte contre le blanchiment, TRACFIN, que « l’articulation entre lutte contre la fraude fiscale et lutte anti-blanchiment » devait être renforcée.
J’en viens aux avenants aux conventions passées avec l’île Maurice, l’Arabie saoudite et l’Autriche que nous examinons aujourd’hui. Ils tendent à satisfaire aux standards récemment définis par l’OCDE en matière d’échange d’informations pour renforcer la transparence et à la volonté de la France de développer son réseau conventionnel destiné à lutter contre l’évasion fiscale.
La convention signée en 1982 avec l’Arabie saoudite ne comprend aucune clause d’échange d’informations. Celles qui nous lient à l’île Maurice et à l’Autriche en contiennent une, mais elle n’est pas conforme aux derniers standards internationaux. Il convenait donc de revoir ces conventions conformément au modèle de l’OCDE : tel est l’objet de ces trois avenants.
L’Autriche pouvait encore faire valoir son sacro-saint « secret bancaire » pour ne pas coopérer, mais elle a fait évoluer sa législation pour permettre la levée de ce dernier. L’avenant à la convention franco-autrichienne tend donc à actualiser les dispositions concernant l’échange d’informations pour tenir compte de l’interdiction d’invoquer le secret bancaire ou le manque d’intérêt fiscal national afin de ne pas coopérer. C’est là un progrès non négligeable.
Ces trois avenants vont donc dans le bon sens ; c’est pourquoi les membres de mon groupe voteront les trois projets de loi autorisant leur approbation. Cela étant dit, je m’associe à Mme Bricq pour insister sur la nécessité d’une évaluation claire et transparente de la politique conventionnelle française et de l’efficacité de la coopération fiscale, qui doit constituer une priorité.
Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?…
La discussion générale commune est close.
Nous passons à la discussion de l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de l’île Maurice tendant à éviter les doubles impositions en matière d’impôt sur le revenu et sur la fortune.
Est autorisée l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’île Maurice tendant à éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, signé à Port-Louis, le 23 juin 2011, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Je vais mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
Je rappelle que ce vote sur l’article unique a valeur de vote sur l’ensemble du projet de loi.
Y a-t-il des demandes d’explication de vote ?...
Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
Le projet de loi est définitivement adopté.
Nous passons à la discussion de l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume d’Arabie saoudite en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu, sur les successions et sur la fortune.
Est autorisée l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume d’Arabie saoudite en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu, sur les successions et sur la fortune, signé à Paris le 18 février 2011, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Je vais mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
Je rappelle que ce vote sur l’article unique a valeur de vote sur l’ensemble du projet de loi.
Y a-t-il des demandes d’explication de vote ?...
Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
Nous passons à la discussion de l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant la ratification de l’avenant à la convention entre la République française et la République d’Autriche en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôt sur le revenu et sur la fortune.
Est autorisée la ratification de l’avenant à la convention entre la République française et la République d’Autriche en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôt sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole), signé à Paris, le 23 mai 2011, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Je vais mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
Je rappelle que ce vote sur l’article unique a valeur de vote sur l’ensemble du projet de loi.
Y a-t-il des demandes d’explication de vote ?...
Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
Le projet de loi est définitivement adopté.
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de la décision du Conseil européen modifiant l’article 136 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne en ce qui concerne un mécanisme de stabilité pour les États membres dont la monnaie est l’euro (projet n° 393, texte de la commission n° 396, rapport n° 395) et du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du traité instituant le mécanisme européen de stabilité (projet n° 394, texte de la commission n° 397, rapport n° 395).
La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l’objet d’une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le ministre.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les textes qui vous sont soumis ont un objet simple : sauver la Grèce aujourd’hui, sauver l’Europe demain.
Depuis 2008, une crise sans précédent frappe le monde industrialisé. L’Union européenne a été particulièrement touchée, notamment les plus fragiles de ses membres : la Grèce, le Portugal, l’Irlande. Nous avons la responsabilité d’arrêter cet incendie qui peut atteindre l’édifice européen tout entier.
Il nous faut rétablir la confiance, la confiance mutuelle entre les États, la confiance en nous-mêmes, en faisant preuve de discipline et de solidarité.
C’est le choix du courage et de la responsabilité, face au monde de la finance dérégulée et à la fragilité d’un certain nombre d’États surendettés. La discipline, c’est la garantie que tous les États européens feront les efforts nécessaires pour résoudre la crise. La solidarité, c’est l’assurance que personne ne sera abandonné. Nous, États européens, partageons le même destin, appartenons à la même famille et défendons les mêmes valeurs de démocratie et de liberté. Cette union est profonde ; nous ne pouvons pas la laisser se défaire.
Avec la discipline et la solidarité, nous avons trouvé le juste équilibre, et plus encore l’équilibre juste.
Les deux textes sur lesquels vous êtes appelés à vous prononcer aujourd’hui concernent le Mécanisme européen de stabilité, le MES, qui constitue le volet « solidarité » de cet accord global, le « pare-feu » de la zone euro face aux attaques des marchés financiers. Plus encore que l’aide qu’il permettra de verser, c’est le message de confiance et d’unité qu’il porte qui est essentiel. « Ce n’est pas tant l’aide de nos amis qui nous aide que la confiance en cette aide », disait Épicure.
L’épicurisme a souvent été dévoyé de sa signification originelle : je vous rappelle qu’Épicure, face à la Méditerranée, se contentait d’un morceau de pain avec un peu d’huile d’olive et considérait que c’était là un plaisir droit. Revenons donc aux choses simples, mais aussi à l’Europe concrète.
Le premier projet de loi vise à la ratification de la décision du 25 mars 2011 par laquelle le Conseil européen est convenu de modifier l’article 136 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
Cette modification de l’article 136 contribuera à améliorer la sécurité juridique du Mécanisme européen de stabilité. Elle garantit la compatibilité de celui-ci avec la clause de non-renflouement figurant à l’article 125 du même traité.
Le second projet de loi permet d’autoriser la ratification du traité instituant le Mécanisme européen de stabilité, qui constituera en quelque sorte un fonds monétaire européen.
Le Mécanisme européen de stabilité est appelé à remplacer le Fonds européen de stabilité financière, le FESF, et le Mécanisme européen de stabilisation financière, le MESF. Il présente cependant des garanties supplémentaires : il s’agira d’une structure pérenne, d’une organisation financière internationale qui disposera d’une capacité de prêt maximale de 500 milliards d’euros reposant sur la garantie des États, ainsi que de 80 milliards d’euros de capital libéré. Notons qu’il a été convenu que la question du plafond global FESF-MES sera réexaminée lors du prochain Conseil européen.
La part de la France au capital du MES est d’environ 20 % : sa souscription s’élève à 142, 7 milliards d’euros pour le capital autorisé et à 16, 3 milliards d’euros pour le capital libéré. L’engagement de la France atteindra 6, 5 milliards d'euros cette année. Voilà la preuve, s’il en était besoin, que la France, une fois de plus, s’engage clairement sur le chemin de la solidarité !
Les instruments d’intervention du Mécanisme européen de stabilité seront puissants et diversifiés.
Ils seront plus forts, puisque le MES pourra agir par des prêts directs, des lignes de crédit, l’intervention sur le marché primaire comme sur le marché secondaire, la recapitalisation d’institutions financières via des prêts aux États.
Ils seront aussi plus simples, puisqu’une procédure de décision en urgence a introduit la possibilité d’un recours à une majorité qualifiée de 85 %.
Ils seront enfin plus rapides, puisque le MES entrera en vigueur dès juillet 2012, et non pas en 2013, comme envisagé initialement.
Je voudrais maintenant répondre par avance, de manière argumentée et, si possible, sereine, à certaines critiques.
La première d’entre elles, c’est que le MES ignorerait la croissance. En fait, la croissance fait l’objet d’un autre dispositif, qui sera examiné lors du prochain Conseil européen : la discipline et la solidarité ont vocation à permettre de créer de la croissance et de l’emploi. §
Je rappelle au passage que 82 milliards d'euros ont été débloqués au bénéfice de l’emploi des jeunes et des petites et moyennes entreprises.
J’entends aussi dire que la discipline exigée serait insupportable. Il nous paraît logique que la mise en jeu du MES s’accompagne de l’instauration, par le pays concerné, de mécanismes correcteurs susceptibles de permettre un redressement de sa situation. Il doit y avoir un équilibre entre droits et devoirs : il ne doit plus y avoir de solidarité sans discipline, comme cela a pu être le cas dans le passé, quand la Grèce recevait 50 milliards d’euros en dix ans pour aboutir au résultat que l’on sait.
Il nous est par ailleurs reproché de mettre en place un mécanisme technocratique. Or il est contrôlé par les ministres des finances des États membres de la zone euro, qui ont la légitimité démocratique pour prendre des décisions.
J’entends également dire que la France aurait abandonné la Grèce. Je puis pourtant témoigner que, à Bruxelles, le ministre grec a salué l’action de la France, qui a réussi – tardivement, certes, au prix de beaucoup d’efforts – à convaincre l’ensemble de ses partenaires européens d’aider la Grèce, à hauteur de plus de 200 milliards d'euros, en effaçant une partie de la dette détenue par les créanciers privés.
On prétend enfin que le Mécanisme européen de stabilité ne serait qu’un pare-feu insuffisant. Je rappelle que le MES servira à défendre les pays endettés, en difficulté, contre la finance !
Voilà quelques heures, le Bundestag a approuvé le nouveau plan d’aide à la Grèce, avec l’appui de l’opposition. En effet, les socialistes allemands savent qu’il faut défendre la Grèce pour défendre l’Europe, que le MES a pour objet de défendre les peuples contre la finance. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Aujourd'hui, j’appelle chacun d’entre vous à la raison.
Certes, la fébrilité due à l’approche des échéances électorales peut amener à choisir de suivre les consignes de son parti plutôt que ses convictions…
Perrette et le pot au lait… Attendez avant de vous répartir les places !
Je sais qu’un grand nombre d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, sur toutes les travées, pensent que nous devons instaurer une gouvernance économique de la zone euro pour faire face à la crise financière, pour défendre l’Europe et l’euro. Sur toutes les travées, des hommes et des femmes sincères pensent que nous devons passer à un stade supérieur d’intégration, afin de pouvoir lutter contre les marchés financiers et les spéculateurs, et que défendre la Grèce, au nom d’une certaine idée de l’Europe, est une obligation morale, économique et politique.
Je sais aussi que, sur toutes les travées, des hommes et des femmes pensent que la création du Mécanisme européen de stabilité est la démarche logique pour aller vers une Europe intégrée, une Europe plus forte.
M. Jean Leonetti, ministre. J’espère que, tout à l’heure, personne ne se réfugiera dans une abstention coupable.
Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.
M. Jean Leonetti, ministre. Un jour, on demandera : qui a sauvé la Grèce de la faillite ? Qui a soutenu la création du Mécanisme européen de stabilité et permis le franchissement d’une étape supplémentaire vers une Europe intégrée, plus forte ? Serez-vous de ceux-là ou de ceux qui se seront réfugiés dans une abstention coupable ?
Applaudissements
La parole est à Mme la rapporteure générale de la commission des finances.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Monsieur le ministre, il s’agit ici non pas de la Grèce, mais du Mécanisme européen de stabilité. Je vous rappelle qu’au Sénat, chaque fois qu’il a été question d’apporter un soutien à la Grèce, le groupe socialiste a voté pour !
Applaudissementssur les travées du groupe socialiste.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Vous avez évoqué la position adoptée par nos camarades du parti social-démocrate d’Allemagne, le SPD. Or il existe une différence majeure entre l’Allemagne et la France : la Chancelière allemande négocie sur la base d’un mandat de son Parlement, auquel elle rend ensuite compte ; en France, le Parlement n’est pas consulté avant les négociations, ni informé après !
Nouveaux applaudissements
À en croire certains propos que l’on vous prête, monsieur le ministre, les socialistes seraient désinformés et ignorants s’agissant du MES. J’espère que, à la fin de mon intervention, vous regretterez ces paroles.
Je voudrais dire d’emblée que je suis favorable au Mécanisme européen de stabilité.
Je suis favorable à ce que les États de la zone euro se dotent d’un instrument propre à apporter un soutien financier à un pays dont la situation menacerait celle-ci dans son ensemble, et je trouve normal que la discipline budgétaire soit la contrepartie de ce soutien. D’ailleurs, depuis le début de la crise, toutes les aides apportées par les Européens aux États en difficulté ont été assorties d’une conditionnalité.
Nous avons besoin d’un instrument susceptible d’aider les États en difficulté en raison de la nature même de la crise que traverse la zone euro.
Certes, les États fragilisés connaissent des déséquilibres macroéconomiques ou des crises de leur modèle de croissance, mais, en dehors de la Grèce, ceux qui ont perdu l’accès au marché des capitaux – le Portugal et l’Irlande – se trouvent dans cette situation parce qu’un mécanisme d’anticipation autoréalisatrice de hausse des taux s’est enclenché.
En d’autres termes, en dehors de toute rationalité, les conditions auxquelles ces États se finançaient sont devenues insupportables. Le FESF, avec tous ses défauts de taille, de structure financière, n’a pas réussi à endiguer ces réactions exagérées, pour ne pas dire plus, des marchés, les atermoiements des États ne l’y ayant pas aidé…
La Banque centrale européenne, intervenant à la limite de son mandat, a pris ses responsabilités pour contenir les évolutions des marchés. En un mot, elle a fait ce que n’ont pas fait les chefs d’État.
Le MES a vocation à clarifier les choses : les investisseurs sauront que la zone euro dispose d’un outil permettant d’honorer la dette de tous les États membres. Le risque disparaissant, il n’y aura plus de raison que s’enclenchent des spirales de hausses des taux. C’est pourquoi je suis favorable à l’instauration d’un tel instrument.
Quant à soumettre l’attribution des concours du MES à conditionnalité, cela n’a de sens que si l’on entend réussir à construire une véritable politique budgétaire européenne. Or tel n’est pas le cas aujourd'hui, on en conviendra.
Les déséquilibres macroéconomiques manifestés par certains États ont été rendus possibles par les faibles taux dont ils bénéficiaient depuis la création de l’euro, ce qui a conduit à la création de bulles. En effet, pour simplifier, depuis l’instauration de l’euro, les marchés ont consenti à tous les États les taux faibles accordés à la France et à l’Allemagne. C’est conforme à la logique d’une union monétaire, mais celle-ci était bancale. Lorsqu’il est apparu que toutes les conséquences d’une union monétaire n’avaient pas été tirées par tout le monde, la crise a éclaté. Pour leur part, les socialistes ont toujours réclamé la mise en place d’un gouvernement économique, au moins pour la zone euro.
Or la conséquence ultime de l’instauration d’une véritable union économique et monétaire, c’est un taux d’intérêt unique, la mutualisation des dettes publiques, avec les euro-bonds. Si nous voulons que les pays qui se financent dans de bonnes conditions acceptent de partager cet avantage avec ceux pour lesquels s’endetter coûte plus cher, il faut qu’ils aient l’assurance que la mutualisation des dettes ne se fera pas à leur détriment. Il faut donc que les États qui bénéficieraient de la mutualisation donnent des gages de sérieux économique.
Le sérieux économique est une exigence pour les États aidés, mais également pour ceux qui entendent éviter de devoir l’être un jour. À cet égard, l’engagement de François Hollande de respecter en 2013 l’objectif de solde arrêté par le Conseil européen, soit 3 % du PIB, prend tout son sens, de même que l’objectif qu’il a fixé d’atteindre l’équilibre en 2017.
La question qui se pose maintenant, mes chers collègues, est de savoir si cet instrument est bien conçu et si les conditions posées sont adaptées.
Sur l’instrument lui-même, le débat a été ouvert la semaine dernière, au Sénat, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2012, qui inclut les deux premières tranches de capital que la France versera au MES. Je rappelle que doter le fonds de capital est un choix judicieux, même s’il pèse, comme je l’ai démontré, sur notre déficit budgétaire.
Quant au mécanisme, je lui trouve deux limites.
La première tient à sa taille : 500 milliards d’euros. Je sais qu’elle sera rediscutée en mars, et j’ai bien noté que le ministre allemand des finances, M. Schäuble, a été obligé d’en convenir après le sommet des ministres de l’économie et des finances du G20 à Mexico, où une forte pression s’est exercée sur l’Allemagne. Quoi qu’il en soit, 500 milliards d’euros, c’est trop peu pour prévenir la contagion et le risque systémique qui ébranlerait la zone euro si demain l’Espagne, par exemple, était défaillante.
La solution la plus efficace serait de donner au MES une force de frappe accrue, à la mesure de la crise systémique que pourrait provoquer le défaut d’un État aussi important que l’Espagne, voire l’Italie. Cela étant, il est possible et souhaitable que l’Allemagne accepte d’additionner la force de frappe du MES et la capacité résiduelle du FESF ; la discussion se poursuivra sur ce point durant le mois de mars.
En tout état de cause, quel que soit le schéma retenu – je n’adresse pas de reproche au Gouvernement, parce que je sais qu’il partage cette analyse –, je pense qu’il faut que l’addition des capacités existantes – MES, FESF, effet de levier du FESF et FMI, avec ou sans augmentation des contributions des États extérieurs à la zone euro – atteigne un niveau permettant véritablement d’écarter les augmentations de taux liées à des anticipations autoréalisatrices.
La seconde limite, qui m’apparaît essentielle, c’est l’absence d’adossement du MES à la Banque centrale européenne.
Le Sénat avait été le premier, au début de septembre 2011, à formuler dans le débat politique français une proposition à ce sujet, sur l’initiative de M. Marini.
En cas de crise majeure sur les marchés obligataires souverains, le MES ne pourra pas trouver sur ces mêmes marchés les ressources qui lui seraient nécessaires. Ce débat est connu.
J’en viens maintenant à la conditionnalité.
Lorsque l’on se penche sur le plan de soutien à la Grèce, on est amené à s’interroger, monsieur le ministre, sur la logique économique qui peut le fonder. La Grèce va consentir des sacrifices économiques, sociaux, démocratiques pour mettre en œuvre un plan dont l’effet récessif sera tel que, à son issue, en 2020, la dette représentera encore, dans le meilleur des cas, 120 % du PIB, soit un niveau quasiment insupportable. Hier, au Bundestag, nos collègues du SPD ont d’ailleurs déclaré qu’il fallait se préparer à un troisième plan de soutien à la Grèce…
Surtout, je porte un jugement très sévère sur le choix qui a été fait de prévoir, dans un considérant du traité, que l’un des éléments de cette conditionnalité serait la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l’Union économique et monétaire, le TSCG.
Ce choix est aberrant pour trois raisons.
Tout d’abord, ce considérant est à mes yeux une provocation – une déclaration d’intention des parties, en langage diplomatique –, puisqu’il n’a pas de valeur juridique.
On nous dit que, pour l’Allemagne, ce point n’est pas négociable. Je demande à voir !
Mes chers collègues, si la stabilité de la zone euro dans son ensemble était menacée par la situation d’un État de grande taille tel que l’Italie ou l’Espagne – celle-ci a annoncé, la semaine dernière, qu’elle ne pourrait respecter sa trajectoire budgétaire compte tenu de la récession qui l’affectera en 2012 –, qui peut croire que l’Allemagne s’opposerait à l’intervention du MES, au seul motif que cet État n’aurait pas ratifié le TSCG ? Personne ! Votre argumentation ne tient pas debout : si la stabilité de la zone euro est réellement menacée, le MES interviendra, que le TSCG ait été ratifié par le pays concerné ou pas, et l’Allemagne l’acceptera.
Au demeurant, s’il s’agissait d’aider l’Espagne par le biais du MES, il faudrait que ce pays revoie sa « règle d’or », car elle n’est pas compatible avec le TSCG, dans la mesure où elle prévoit que le remboursement de la dette a la priorité sur les autres dépenses.
Une autre provocation tient au fait que les règles de discipline budgétaire qui figurent dans le TSCG sont déjà en vigueur, y compris leur volet répressif, depuis le 16 novembre, depuis que la réforme du pacte de stabilité et de croissance contenue dans le « paquet gouvernance » – le fameux « six pack » – a vu le jour, malgré, je le rappelle, l’opposition des socialistes au Parlement européen.
Mais le TSCG en rajoute en prévoyant l’obligation d’inscrire ces règles dans le droit national, « de préférence » dans la Constitution. La Chancelière allemande l’a fait et le Président de la République sortant prévoit de le faire s’il est réélu, comme l’indique son programme de campagne. Il s’agit là de considérations purement politiques ; il n’y en a pas d’autres !
Conditionner la mise en jeu du MES à la ratification et à l’application du TSCG montre bien que ce qui est recherché, c’est non pas la discipline budgétaire, puisque, qu’on le veuille ou non, elle est déjà inscrite dans le pacte de stabilité et de croissance, mais l’adhésion à une conception de la politique économique privilégiant l’austérité, au détriment de la croissance.
Si François Hollande est élu Président de la République, il pourra s’appuyer sur la légitimité que lui aura conférée le peuple français pour obtenir une modification de la teneur du lien entre les deux traités, en proposant de compléter le TSCG par des dispositions relatives à la croissance. Contrairement à ce que l’on a pu affirmer ici ou là, François Hollande sera en position de force.
M. le ministre rit.
Oui, cela me fait rire, et je ne suis pas le seul à rire !
Que vaudrait, monsieur le ministre, un traité européen qui ne serait pas ratifié par la France ? Rien ! Mme Merkel le sait. Elle devra donc négocier avec la France, qui ne sera pas isolée, …
… car elle pourra être suivie par d’autres États et sera soutenue par la majorité du Parlement européen.
Je le réaffirme, le TSCG sera renégocié après les élections, à la demande non pas de M. Hollande, mais de la Chancelière allemande.
Je l’ai dit, la principale nouveauté apportée par le TSCG est l’inscription des règles existantes dans la Constitution. Or, dès que l’on touche à la Constitution, on ouvre des débats passionnés dans de nombreux États. On fragilise ainsi le message selon lequel, avec le MES, la zone euro pourrait honorer ses engagements en toutes circonstances. On nuit à la crédibilité de l’instrument, on écarte un peu moins sûrement le risque d’augmentation des taux par anticipation autoréalisatrice, sans rien gagner du point de vue de la discipline budgétaire : on perd sur les deux tableaux.
C’est au regard de ce risque de mise en péril d’un instrument essentiel que j’ai proposé à la commission des finances, qui m’a suivie, de recommander au Sénat de s’abstenir sur ces deux projets de loi. §
La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis quelques mois, la crise de la dette souveraine européenne s’accélère vertigineusement et les sommets de la dernière chance, mis en scène avec la dramaturgie qui s’impose, se succèdent.
C’est dans ce contexte agité que nous sommes appelés à nous prononcer aujourd'hui sur deux textes ayant de très lourdes implications non seulement pour nos finances publiques, mais aussi pour le devenir du projet européen.
J’évoquerai tout d’abord le recours à la procédure accélérée. Depuis le mois d’octobre, mes chers collègues, le Gouvernement l’a engagée pour pas moins de dix-neuf textes ! Et dire que la révision constitutionnelle de 2008 était censée revaloriser les droits du Parlement et améliorer les conditions du travail législatif…
En fait, il ne s’agit que de la dernière étape d’un processus qui a conduit à un évitement presque systématique du Parlement sur un sujet central et fondamental, celui de la gouvernance de la zone euro.
Nous sommes aujourd’hui devant un véritable « millefeuille » législatif, avec le pacte de stabilité et de croissance, les textes relatifs à la gouvernance économique et les traités signés en février, qui tous portent sur les mêmes sujets, sans que leurs dispositions ni leurs calendriers soient identiques.
La situation institutionnelle n’est pas non plus très claire : les parlements ont un droit de regard sur le droit communautaire dérivé, mais aucun sur la négociation des traités. Ainsi, le Parlement français n’a été ni informé ni consulté au cours du processus de négociation.
Dans la gouvernance future de la zone euro, qui peut dire aujourd’hui précisément quelle sera la place des parlements nationaux ?
Or quel est l’enjeu ? Il n’est pas technique, il est éminemment politique. Il s’agit de rien de moins que d’engager, à l’échelle européenne, une autre politique économique, non plus essentiellement fiscale et budgétaire, comme aujourd’hui, mais une politique d’investissement, de croissance et d’emploi, pour permettre à l’Europe de sortir de la crise. Mes chers collègues, cette question engage l’avenir et sa réponse devrait découler d’un grand choix de société, publiquement débattu et démocratiquement assumé.
Mais venons-en plus précisément aux deux textes qui nous occupent aujourd’hui. Mme la rapporteure générale a fort bien décrit leur objet : ils portent sur l’établissement d’une structure pérenne de réponse aux crises, une sorte de fonds monétaire européen destiné à remplacer le mécanisme provisoire du Fonds européen de stabilité financière. Ces deux textes ne sont en réalité que les deux premiers actes d’une séquence en trois temps, dont le dernier, encore à venir, soulève bien des questions.
Le premier acte, ce fut la révision de l’article 136 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, décidée par le Conseil européen de mars 2011. Cette révision « simplifiée », dictée par l’urgence, n’en a pas moins conduit, de fait, à l’absence de convocation d’une convention où auraient siégé des parlementaires, ce qui est la procédure de révision « normale ».
Le deuxième acte, c’est la signature par les pays de la zone euro du traité établissant le Mécanisme européen de stabilité.
Le MES sera une instance de coopération intergouvernementale autonome de l’Union européenne, qui viendra en aide aux États de la zone euro en difficulté. Cette nouvelle institution financière internationale siégera à Luxembourg et disposera d’une capacité initiale de prêt de 500 milliards d’euros. La contribution de la France sera de 16, 3 milliards d’euros, étalés sur cinq ans. Notre pays sera le deuxième contributeur après l’Allemagne, dont la participation sera supérieure à 20 milliards d’euros.
Bien sûr, nous ne demandons qu’à croire le Gouvernement – je le dis en souriant, monsieur le ministre ! –lorsqu’il nous affirme que c’est le bon remède à la crise.
Je m’interroge tout de même, je l’avoue, sur la capacité de résistance du MES si un « gros » pays de la zone euro venait, un jour que je souhaite ne jamais voir arriver, à faire défaut. Le fait que la BCE ait injecté en quelques jours 489 milliards d’euros de prêts aux banques – soit la capacité d’intervention prévue du MES ! – n’est-il pas la véritable explication de la détente récemment constatée sur les marchés ? §
Mais c’est naturellement, mes chers collègues, sur le dernier volet du triptyque que nous devons porter nos regards, même si nous n’en sommes pas formellement saisis aujourd’hui : je veux parler du traité à vingt-cinq sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, le TSCG.
Ce traité, monsieur le ministre, validé en marge du Conseil européen du 30 janvier dernier et qui doit être signé incessamment, nous est présenté comme la réponse juridique et politique à la crise de la dette souveraine au sein de la zone euro. En réalité, convenez-en, il s’agit d’un texte négocié en quelques semaines, en dehors de la méthode communautaire et sous la pression des partisans de la stricte orthodoxie budgétaire, qui ont obtenu, en échange de la solidarité financière avec les États en difficulté de la zone euro, le renforcement des mécanismes nationaux et supranationaux de contrôle des États signataires.
Ce traité consacre une doctrine « budgétariste » si stricte qu’elle étoufferait à coup sûr tout début de reprise économique. Son article 3 prévoit que « les budgets des administrations publiques seront à l’équilibre ou en excédent ». En cas de dérapage, « le mécanisme de correction sera déclenché automatiquement ». Je ne reviens pas sur le contrôle juridictionnel prévu pour vérifier le respect des engagements des États ; il a déjà fait couler beaucoup d’encre…
Ce traité pose aussi problème sur le plan du contrôle démocratique. Le Parlement européen n’est pas compétent s’agissant des politiques budgétaires, qui relèvent du domaine national. Certes, l’article 13 du projet de TSCG prévoit bien une conférence des représentants des commissions compétentes des parlements nationaux, afin de discuter des politiques budgétaires et des autres questions couvertes par ce traité. Mais en dehors de la possibilité de débattre, quels seront les pouvoirs de cette conférence sur les décisions intergouvernementales ou nationales ? Très concrètement, comment pourra-t-on justifier demain, aux yeux de nos concitoyens, des sacrifices dont ils n’auront pas débattu démocratiquement et qu’ils n’auront pas volontairement consentis ? C’est là un point très important.
Mes chers collègues, le projet européen ne saurait se définir en dehors des peuples, non plus qu’à l’aune du seul impératif de rigueur budgétaire ! La solution à la crise de l’Europe se trouve ailleurs, notamment dans des mesures en faveur de la croissance et de l’emploi. Au lieu de cela, le futur traité préempte les grands choix démocratiques que vont bientôt être amenés à faire les Français et entraîne l’Europe dans l’austérité généralisée.
Permettez-moi, pour conclure, de tenter de replacer nos débats dans une perspective plus géostratégique, en considérant les effets de la crise des dettes souveraines sur l’Europe et sa place dans le monde.
Aujourd’hui, nous avons besoin de plus d’Europe, ainsi que d’un projet économique et politique partagé qui, seul, nous permettra de peser sur les évolutions du monde. Il ne faudrait pas que l’Europe se délite et qu’elle éclate finalement par cercles concentriques successifs. Nous savons bien qu’il peut exister des rythmes différents, mais nous devons être attentifs à notre cohésion. Quelle articulation trouver entre les différents niveaux : l’Europe à vingt-sept, la zone euro à dix-sept, les signataires du nouveau traité, qui sont aujourd'hui vingt-cinq mais seront sans doute moins nombreux à l’arrivée ?
Plus globalement, le fait majeur de ce début du XXIe siècle est la fin du monopole occidental de la richesse et de la puissance. Le centre de gravité de la planète se déplace, lentement mais inéluctablement, vers l’Asie. Si nous n’arrivons pas à la résoudre, la crise européenne ne fera qu’accélérer le grand mouvement de rééquilibrage avec les pays émergents. La vraie question qui se pose est la suivante : quelle politique l’Europe entend-elle mener pour faire en sorte que ce rééquilibrage ne signe pas notre déclin ?
L’Union européenne reste encore aujourd’hui le deuxième moteur de l’économie mondiale, elle dispose d’atouts immenses. Mais, à l’heure de la mondialisation et de la montée en puissance des pays émergents, que sera demain la France sans une Europe forte, rassemblée, unie autour d’un projet économique et politique, pleinement consciente de son rôle dans le monde ?
En ce qui concerne l’euro, nous sommes passés tout près du naufrage et nous avons apporté un début de réponse.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. La crise actuelle doit nous offrir l’occasion d’aller plus loin, mais sans renier les fondements de notre modèle social européen, car ce n’est qu’en restant nous-mêmes que nous pourrons peser dans le monde.
Applaudissements
La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis, comme Mme la rapporteure générale, favorable au Mécanisme européen de stabilité.
En effet, le Mécanisme européen de stabilité va constituer le filet de sécurité de l’Union européenne en cas de difficultés financières majeures pour un État membre de la zone euro.
Il va se substituer au Fonds européen de stabilisation financière, après avoir coexisté provisoirement avec lui.
Ce nouvel instrument apparaît après bien des tâtonnements. Au cours de deux années de gestation, le MES a vu son mode de fonctionnement et ses compétences largement modifiés. En même temps, le FESF passait du format d’une ambulance à celui d’un hôpital de campagne… §
Alors qu’il ne devait entrer en fonction qu’en juillet 2013, le Mécanisme européen de stabilité sera finalement opérationnel un an plus tôt. Cette accélération du calendrier vient souligner une nouvelle fois que la crise de la dette est loin d’être terminée. La situation de la Grèce, voire celles du Portugal et de l’Espagne, nous rappellent que les remèdes administrés depuis deux ans n’ont pas guéri les malades.
Le risque de contagion est toujours là, avec, en toile de fond, la question de savoir jusqu’où on peut aller en matière de rigueur budgétaire sans que le remède ne devienne pire que le mal.
Les termes de l’équation sont connus : l’Union européenne n’accorde de financements que si les États concernés pratiquent des coupes claires dans les dépenses publiques, en augmentant parallèlement la pression fiscale ; or cette austérité paralyse la croissance et empêche l’enclenchement d’un cercle vertueux. C’est la quadrature du cercle ! Le FESF, aujourd’hui, et le MES, demain, sont là pour limiter les dégâts, mais ne constituent pas une solution au problème.
En effet, la relative modestie des moyens accordés à ces instruments limite par avance leur ambition. Le FESF et le MES répondent à une logique simple : celle du sauvetage, sans autre considération que d’éviter la banqueroute aux pays concernés. Il ne s’agit pas de permettre à ces États de renouer durablement avec la croissance, ni le FESF ni le MES n’en ont les moyens. Ont-ils même la crédibilité suffisante pour juguler une extension de la crise ? Que se passerait-il, par exemple, si la situation de l’Espagne s’aggravait ? Rappelons que la dette espagnole atteint aujourd’hui, à elle seule, 800 milliards d’euros. Le MES, avec 500 milliards d’euros seulement, peut-il constituer un pare-feu suffisant ?
Cette faiblesse des moyens contraste d’ailleurs avec l’allongement continu de la liste des fonctions dévolues au FESF et au MES : assistance financière à titre de précaution, contribution à la recapitalisation des banques, soutien sur le marché primaire, soutien sur le marché secondaire et, enfin, attribution de prêts classiques, à l’image de ceux qui ont été accordés à la Grèce, à l’Irlande et au Portugal.
Monsieur le ministre, l’adoption formelle de la création du MES n’aura de sens, en réalité, que si elle s’accompagne, d’une manière ou d’une autre, d’une révision du plafond de 500 milliards d’euros.
À cet égard, on peut se demander s’il est bien souhaitable que le FESF cesse son activité dès la mi-2013, même s’il a été fragilisé par la dégradation de sa signature par Standard & Poor’s, le 16 janvier dernier.
Le texte qui nous est soumis ne nous offre pas les moyens de mettre en place une véritable politique de sauvetage et de relance. Prenons le cas de la Grèce, le plus dramatique : où sont les moyens qui permettraient d’aider ce pays sinistré à rebondir ? Le nouvel accord, comme le précédent, n’a vocation qu’à empêcher une faillite, sa contrepartie étant une austérité implacable.
Renforcer la force de frappe du MES, ce serait aussi se donner les moyens de mener une action plus positive, afin de permettre aux pays en grande difficulté de redresser leur économie en même temps qu’ils assainissent leur budget.
L’écueil est le suivant : comment demander aux États d’alimenter un peu plus cet instrument, alors que chacun de nos pays est engagé dans un effort de réduction de son déficit ? Cette difficulté devrait nous conduire à réfléchir à une évolution du rôle de la Banque centrale européenne.
M. Pierre-Yves Collombat applaudit.
La BCE est la clé pour conférer au Mécanisme européen de stabilité une véritable crédibilité. Puisque le MES va disposer d’un capital fixe de 80 milliards d’euros, accordons-lui le statut d’institution spéciale de crédit. Il pourra ainsi accéder au guichet de la Banque centrale européenne et démultiplier sa capacité d’action.
La Banque centrale européenne est aujourd’hui notre meilleur vaccin pour éviter la contagion, et c’est même sans doute le seul dont nous disposions. Jusqu’à présent, malheureusement, nous ne l’avons pas utilisé, ou à dose trop faible.
En clair, il faut que la BCE joue pleinement le rôle de prêteur en dernier ressort qu’assume aujourd’hui la FED aux États-Unis.
Sur cette base, nous pourrions rendre efficace un mécanisme qui ne constitue pas, sous sa forme actuelle, une réponse suffisante.
Les autres solutions avancées pour accroître la taille du MES me paraissent manquer quelque peu de crédibilité. Le véhicule ad hoc, qui doit apporter une garantie aux investisseurs privés, peut-il être totalement convaincant dès lors qu’il ne couvrira que 30 % des pertes éventuelles ?
On peut également avoir des doutes sur l’ouverture du Mécanisme européen de stabilité aux pays tiers. Les pays émergents ne se sont pas montrés très enthousiastes, à l’automne dernier, à l’idée de participer au sauvetage de la Grèce.
La visite de Mme Merkel à Pékin, le 3 février dernier, a donné lieu à une déclaration du Premier ministre chinois selon laquelle son pays envisage de participer indirectement au Mécanisme européen de stabilité, par l’intermédiaire du Fonds monétaire international, mais il n’y a pas eu davantage de précisions à ce jour sur ce point.
Pour l’instant, le succès de cette ouverture aux pays tiers reste donc incertain. On ne sait rien non plus des contreparties qui pourraient être demandées par les pays prêteurs. En tout cas, ne croyons pas qu’il n’y aura pas de contreparties !
J’ajoute que le format trop réduit du Mécanisme européen de stabilité n’est pas le seul problème. La crédibilité de la zone euro sur les marchés dépend aussi et surtout, nous le savons tous, de sa capacité à créer les conditions d’un retour à la croissance.
Or, si les résultats sont plutôt encourageants en Irlande, ils le sont beaucoup moins au Portugal et, bien évidemment, en Grèce. Depuis deux ans, chaque Conseil européen ou presque est présenté comme celui de la dernière chance, mais la réalité est différente : si l’apocalypse ne se produit pas, les problèmes ne sont pas non plus réglés.
La création du Mécanisme européen de stabilité ne peut avoir de sens que si elle s’inscrit dans un ensemble plus vaste, celui d’une coordination dynamique de nos politiques économiques, fiscales et budgétaires. En l’absence d’un accord sur ce point, les marchés auront toujours un temps d’avance sur nous, et le MES s’apparentera à une ligne Maginot.
Reste à savoir comment nous concevons cette coordination. À cet égard, il me paraît inquiétant que l’accès aux prêts octroyés par le Mécanisme européen de stabilité soit subordonné à la ratification par le pays concerné du TGCS. Cela revient à forcer la main aux pays en difficulté et à consacrer une conception de la coordination des politiques restant à peu près uniquement axée sur la rigueur budgétaire.
Mes chers collègues, nous devons être très vigilants : au sein des opinions publiques se développe l’idée que le destin économique et financier des États est désormais dans les mains d’un pouvoir abstrait et non identifié, dictant ses ordres depuis Bruxelles.
La convergence budgétaire ne vaudra que si elle est expliquée à nos concitoyens et si ces derniers ont le sentiment que leurs représentants élus ont leur mot à dire, notamment les parlements nationaux.
C’est en ce sens que j’ai déposé voilà quelques semaines une proposition de résolution pour un renforcement du contrôle démocratique de la gouvernance économique et budgétaire de l’Union européenne. Les parlements ne doivent pas être de simples chambres d’enregistrement des réponses intergouvernementales à la crise.
En conclusion, il me semble que la création du mécanisme de stabilité financière ne doit pas nous inciter à déborder d’optimisme, …
… tant sa mise en place pose encore de nombreuses questions et tant cet outil pourrait se révéler incomplet. C’est peut-être mieux que rien, …
… mais si nous voulons sortir la zone euro de l’ornière, il nous faudra aller bien plus loin.
On ne peut pas s’empêcher de relever le contraste entre l’inertie européenne et ce que le président Obama vient de proposer pour les États-Unis : 350 milliards de dollars pour stimuler l’emploi et 476 milliards de dollars pour moderniser les infrastructures.
Permettez-moi de citer le président Obama :
« Nous avons le choix. Nous pouvons nous contenter d’un pays où quelques personnes s’en sortent très bien, et toutes les autres sont à la peine. Ou nous pouvons rétablir une économie où tout le monde a une chance, où tout le monde fait son dû, et tout le monde joue suivant les mêmes règles : Washington, Wall Street, et la classe moyenne. »
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. Je regrette que les institutions européennes ne soient pas en mesure de faire passer un message aussi clair et d’en tirer les conséquences pour la politique économique de l’Union européenne et de ses États membres. Ma conviction est qu’il n’y aura pas de sortie de crise sans une Europe plus ambitieuse.
Applaudissements
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pardonnez-moi de le dire d’entrée de jeu : l’Europe institutionnelle peut et doit faire son mea culpa.
Si les difficultés sont grandes, c’est d’abord parce que la gouvernance de la zone euro n’a jamais atteint jusqu’à présent son point d’équilibre. La responsabilité de cette situation nous incombe à tous !
Mieux vaut le reconnaître pour tâcher d’avancer.
À mon avis, parmi les erreurs qui ont été faites, il en est une dont on ne parle pas assez souvent. C’est notamment l’économiste Patrick Artus qui nous a suggéré cette analyse lors d’une récente table ronde organisée par la commission des finances.
Mes chers collègues, il faut bien distinguer les pays qui subissent une crise de liquidité de ceux qui traversent une crise de solvabilité.
Les réponses à apporter sont très différentes.
À la fin des années quatre-vingt-dix, la Corée du Sud, le Brésil ou la Russie ont connu de lourdes crises de liquidité. La solution est alors de mobiliser des prêts pour empêcher les États concernés de tomber dans l’insolvabilité.
En revanche, quand un pays est insolvable – c’est un constat de fait, que l’on doit établir sans complaisance –, il ne sert à rien de lui prêter de l’argent, car il ne pourra pas rembourser.
Mon cher collègue, ayez la bonté d’attendre la fin de mon intervention. Certains de mes propos vous seront agréables, d’autres moins, ce qui est assez normal dans un débat !
Il faut certainement adopter une stratégie qui identifie les causes de l’insolvabilité, annuler une partie de la dette du pays concerné pour l’aider à redevenir solvable et vérifier que les politiques mises en place lui permettent d’emprunter un chemin vertueux, un chemin soutenable.
Il faut le marteler : aujourd'hui, seule la Grèce est insolvable. Tous les autres pays, y compris le Portugal, quoi qu’en pensent certains analystes, sont solvables et ne font face qu’à une crise de liquidité. Ces pays sont victimes – vous connaissez l’expression – d’une « crise auto-réalisatrice » : les craintes des investisseurs quant à un possible défaut de certains États suscitent une augmentation des taux d’intérêt pour ces derniers, ce qui renforce encore davantage les craintes des investisseurs, un tel effet « boule de neige » permettant à la hausse des taux de s’auto-entretenir.
Il aurait été préférable d’admettre dès le départ – nos chers ministres de la zone euro n’ont certainement pas eu la lucidité nécessaire au bon moment – la distinction entre crise de solvabilité et crise de liquidité. Nous aurions réduit les risques et les coûts pour la zone euro.
J’ai évoqué les ministres de la zone euro, mais je pourrais aussi mentionner le gouverneur de la Banque centrale européenne de l’époque, …
… dont la vision rigide est, à mon sens, à l’origine d’un retard non négligeable dans la prise de conscience du sujet.
La situation de la Grèce est évidemment très inquiétante. La totalité de l’argent prêté à ce pays devrait aider à relancer l’économie, or il sert très prioritairement à rembourser les différents prêteurs. Il eût été préférable d’admettre son insolvabilité et d’accepter de réduire sa dette dès le début, en 2010. Cela aurait permis de réaliser une opération de sauvetage très sensiblement moins coûteuse.
L’accord du 21 février prévoit à ce stade un retour de la dette publique grecque à 120, 5 % du PIB en 2020, mais le détail de sa mise en œuvre n’est pas encore précisé, monsieur le ministre. À cet égard, je comprendrais que l’on soit un peu comme saint Thomas, si vous me permettez une telle analogie ! §
À cela s’ajoute un grave problème de rupture du lien démocratique : rupture entre le peuple grec et ses élites – les députés grecs, me dit-on, doivent se déplacer sous la protection de gardes de sécurité – et rupture de la Grèce avec l’Europe, c'est-à-dire rupture psychologique de l’un des États fondateurs avec l’ensemble de l’Union européenne.
Mes chers collègues, il n’y a pas, me semble-t-il, d’autre scénario de sortie de crise que celui d’une réduction drastique de la dette publique. L’accord du 21 février oriente vers cette solution ; nous verrons bien s’il s’agit du dernier épisode de l’histoire.
Mais il est un élément qu’il faut bien noter : que ce soit ou non le dernier épisode, le cas de la Grèce est différent de celui des autres pays. Il faut absolument combattre l’idée fausse du « château de cartes » et de la « contagion ».
L’Irlande est dans une situation très particulière, dont elle est totalement responsable, du fait de la gestion aventureuse de ses propres banques, dont le capital était entièrement contrôlé par les milieux économiques dirigeants du pays.
Il n’y a aucune raison qu’un défaut de la Grèce entraîne celui des autres États, y compris du plus fragile d’entre eux en apparence, à savoir le Portugal. Ce pays devrait afficher un déficit de 4, 5 % du PIB pour 2011 : c’est mieux que l’objectif initial, qui était de 5, 9 %. Sa dette publique est, selon l’OCDE, légèrement supérieure à 100 % du PIB, celle de l’Italie étant au-dessus de ce seuil. Le seul véritable point noir est le commerce extérieur, mais c’est malheureusement également le cas pour un certain nombre d’autres États de la zone euro.
Nous sommes là confrontés à l’une des conséquences potentiellement dramatiques de l’instauration de la monnaie unique. L’impossibilité de dévaluer les monnaies nationales a conduit des pays comme le Portugal et l’Espagne, dont les finances publiques étaient saines – elles n’étaient ni plus ni moins dégradées que celles de la France –, à subir des déficits extérieurs courants de l’ordre de dix points de PIB. Et c’est cette panne de modèle économique qui explique le désastre, en tout cas les difficultés et les problèmes de liquidité rencontrés par ces pays, qui peuvent sans doute retrouver un chemin de compétitivité.
On nous propose un système comportant trois piliers.
Étonnamment, le premier pilier est la Banque centrale européenne. La BCE est parvenue, grâce à une solution innovante, à savoir le programme de refinancement bancaire à trois ans, à ramener le calme sur les marchés. Elle l’a fait en toute indépendance. Cette intervention a été cruciale ; elle a permis de rassurer les marchés sur le fait que le système bancaire n’allait pas exploser par manque de liquidités en 2012. Je rappelle qu’il y avait 600 milliards d’euros de dette bancaire arrivant à maturité en 2012. La Banque centrale européenne a offert la possibilité aux banques de revenir sur le marché des dettes souveraines.
Ainsi, quoi qu’il y paraisse et quoi que l’on dise, le premier pilier, c’est la Banque centrale européenne, dans le respect de son indépendance.
Le deuxième pilier, mes chers collègues, ce sont les États eux-mêmes. Il ne faut pas les oublier et nous ne devons pas éluder nos responsabilités. Même si la facilité de refinancement de la Banque centrale européenne a constitué un choc, qui a rassuré les investisseurs sur la viabilité et la pérennité de l’union monétaire, il n’en reste pas moins que les États doivent réduire leurs déficits publics. « Six pack » ou non, traité ou non, il y va de l’indépendance nationale à l’égard de nos créanciers ; c’est une simple question de bon sens.
Dans ce pays, l’on agit difficilement à froid, et il faut être poussé par les événements pour prendre certaines décisions. Pourtant, monsieur le ministre, vox clamans in deserto, la commission des finances du Sénat demande depuis de longues années que l’on procède aux changements qui s’imposent avant qu’un système européen et une législation européenne ne nous contraignent à le faire.
Il faut dire ça à Sarkozy : 500 milliards d’euros de dette supplémentaire en cinq ans !
Il n’y a pas de miracle : il faut réduire le déficit public, reconstituer des marges de manœuvre contracycliques et maintenir la dette à un niveau soutenable.
Hier et aujourd’hui, j’étais à Bruxelles avec notre excellente rapporteure générale pour participer à une réunion des commissions des finances et du Parlement européen sur ces questions. Que d’illusions demeurent dans les esprits : le salut viendrait d’emprunts européens, d’euro-bonds, d’un nouvel endettement !
Avec quelles recettes, quels impôts, payés par qui ? Nécessairement par des citoyens européens, c'est-à-dire par des citoyens nationaux, chaque État assurant sa quote-part de garantie.
Je ne critique pas cette méthode par principe, j’affirme simplement que lorsque l’on a trop de dettes, proposer de contracter davantage d’emprunts représente une fuite en avant !
Le troisième pilier, c’est le pare-feu.
Le texte qui nous est soumis prévoit un MES anticipé et renforcé, avec un ratio de 15 % entre le capital versé et l’encours des émissions. Ce mécanisme peut bénéficier de la note « triple A », même si la plupart des États participants sont notés « double A ».
La capacité d’émission, cela a été souligné, est légèrement supérieure à 500 milliards d’euros.
À mon sens, mes chers collègues, compte tenu de tout ce que vous avez dit, les uns et les autres, du progrès que représente cet accord, du fait que l’Europe, dans son fonctionnement institutionnel, s’est toujours construite à petits pas et que le « grand soir » européen relève d’une vision idyllique, ne pas voter ce texte serait difficilement compréhensible, même si l’on formule des réserves techniques, ce qui est mon cas.
Il constitue un progrès et un facteur de confiance.
J’avoue avoir été admiratif, comme très souvent, devant la dialectique de notre excellente rapporteure générale : tous ses arguments étaient en faveur du texte, mais elle a conclu qu’il fallait s’abstenir ! §
Elle a souligné de manière très juste que, notamment à la suite des observations de la commission des finances du Sénat, la disposition relative à la constitutionnalisation de la règle d’or a été inscrite non pas dans le corps du projet de traité, mais dans le préambule. Or un préambule s’interprète, mes chers collègues, nous le faisons depuis des siècles !
Très sincèrement, il ne s’agit donc pas d’une disposition contraignante.
Le texte lui-même va, me semble-t-il, dans le sens de votre argumentation, ce qui me conduit à être à la fois admiratif et incrédule quand je vous entends préconiser l’abstention !
En conclusion, nous avons besoin d’un instrument qui empêche les États de la zone euro de diverger sur le plan budgétaire et qui dissuade les investisseurs d’utiliser le risque de défaut comme facteur de différenciation entre les économies. Nous avons besoin d’un instrument qui redonne confiance aux investisseurs.
Selon moi, le premier obstacle à éviter est de mettre en place une sorte de fédération budgétaire…
… qui serait peu respectueuse du droit des parlements nationaux et de nos assemblées.
Par ailleurs, il faut éviter que les contribuables des pays du « cœur » de la zone euro aient le sentiment de payer pour renflouer les États les moins vertueux.
Je terminerai sur une réflexion formulée ce matin par Jean Arthuis lors de notre visite au Parlement européen.
Dans le collectif, que vous n’avez pas voté mais qui sera néanmoins adopté, 6, 5 milliards d’euros sont prévus pour contribuer au MES, plus les engagements hors bilan correspondant à ce qu’il faudra payer par la suite.
Cela signifie que la surveillance des programmes d’ajustement des pays bénéficiaires ne doit pas être assurée seulement par la Banque centrale européenne, par la Commission européenne ou par le Fonds monétaire international, dont ce n’est d’ailleurs pas le rôle.
Elle doit être assurée par les parlements nationaux, en particulier par ceux des pays contributeurs.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. C’est à notre tour d’être admiratifs !
Sourires
J’ai déjà dit que ce texte constituait une étape favorable, c’est la raison pour laquelle je le voterai. Je préconise naturellement un vote unanime, mais pour autant ce n’est pas la fin de l’histoire !
S’agissant du rôle des parlements nationaux, il conviendra certainement de le revaloriser, …
… car nous devons éviter, mes chers collègues, de devenir un théâtre d’ombres, un lieu où l’on se contenterait de voir passer les balles.
Face à des financements d’une telle ampleur, nous devons véritablement exercer nos responsabilités. C’est une question qui intéresse l’ensemble des Françaises et des Français, et c’est une simple affaire de démocratie ! §
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, à l’heure où les Grecs souffrent, sous la pression des gouvernements de leurs voisins, sans doute n’est-il pas superflu de rappeler que ce sont eux qui ont inventé l’Europe. Le terme « Europe » a initialement désigné le territoire de la Grèce continentale, et c’est dans ce berceau que sont nés notre civilisation et les fondements de la démocratie que nous chérissons aujourd’hui.
Dans la crise globale que nous vivons, l’Europe apparaît comme le seul horizon politique pertinent. Les réponses exclusivement nationales ne sont plus à la hauteur de l’enjeu. C’est si évident, pour les écologistes, que nous avons choisi de faire figurer le mot « Europe » dans le nom de notre mouvement.
Les difficultés financières que connaît le monde aujourd’hui ne doivent pas nous abuser. Les racines de cette crise ne sont pas seulement financières : nous vivons le déclin irrémédiable d’un modèle de développement qui avait simplement omis de tenir compte des limites physiques du monde, de la finitude de notre environnement et de ses ressources.
Ce constat ne relève pas d’un quelconque attachement émotionnel ou contemplatif à la nature. Au-delà des dommages infligés à la santé des hommes et à leur bien-être, il s’agit d’une réalité économique : la croissance est désormais intrinsèquement limitée, par exemple, par le coût de l’énergie, celui du pétrole en particulier, qui explose à la moindre reprise d’activité.
À cette crise de la rareté s’en ajoute une seconde, tout aussi déterminante, que l’on pourrait qualifier de crise de répartition ; c’est la crise sociale.
Pendant plusieurs décennies, les libéraux ont justifié le renforcement des inégalités par une hypothèse d’abondance, que l’on entend encore parfois défendre : « puisque le gâteau augmente, chacun verra sa part croître, même si d’aucuns s’octroient des morceaux léonins ».
Cette accumulation inéquitable de capital, réalisée au détriment de l’investissement et des salaires du plus grand nombre, a dû être compensée par un recours incontrôlé à l’endettement, qui est à l’origine, notamment, de la crise des subprimes.
Cette course à la démesure, avant même de se muer en une crise financière, aura donc trouvé sa limite structurelle précisément là où elle avait prospéré : dans la pression immodérée exercée sur les ressources naturelles et la trop inégale répartition des richesses. Tel est l’héritage terrible que nous abandonne aujourd’hui le libéral-productivisme moribond.
Ce diagnostic est capital, car s’il peut ponctuellement y avoir urgence à desserrer l’étau financier qui étrangle tel ou tel pays, aucune réponse exclusivement financière ne pourra amorcer une rémission durable de la crise. C’est un leurre que de croire qu’en réglant la question financière sans s’attaquer aux racines écologiques et sociales de la crise, on réglera le problème économique.
À l’heure de la mondialisation, seules une intégration européenne et une harmonisation de nos politiques environnementales, fiscales et économiques peuvent aujourd’hui apporter une réponse à la triple crise que nous traversons.
Pour commencer à résoudre la crise écologique, rien ne sera possible sans la mise en place d’un véritable budget européen alimenté par des ressources propres, telles qu’une véritable taxe sur les transactions financières et une contribution climat-énergie.
Le Trésor européen, ainsi doté, pourrait financer d’indispensables investissements pour la mise aux normes environnementales des industries européennes, le développement des énergies renouvelables et des transports collectifs, la rénovation thermique des bâtiments, bref pour la transition écologique de la société européenne.
Sur le plan social, il faudra admettre et faire admettre à nos partenaires, notamment à l’Allemagne, que nous ne pouvons plus nous autoriser une politique économique de compétition intra-européenne, qui creuse les écarts de richesse au lieu de les réduire. Comme l’a très récemment démontré l’Organisation internationale du travail, l’OIT, l’Allemagne joue, à cet égard, un rôle dévastateur, en paupérisant sa propre population pour concurrencer les pays les plus pauvres. Or le Président de la République ne nous propose pas autre chose, avec sa « TVA sociale », que de nous aligner sur les moins-disants.
En matière financière, mes chers collègues, nous appelons de nos vœux la création d’un véritable outil de mutualisation des dettes par l’émission d’euro-obligations et la création d’une vraie réserve fédérale européenne pour les gérer. L’objectif principal serait de financer les investissements européens, plutôt que de garantir les risques des créanciers privés.
En début d’année, la Banque centrale européenne a en effet injecté beaucoup de liquidités dans le système bancaire, contribuant d’ailleurs ainsi à apaiser la conjoncture financière. Il est dès lors difficilement compréhensible que le MES ne puisse pas bénéficier de la même facilité, et que l’on envisage plutôt de lui ouvrir la faculté de se financer sur les marchés en recourant à un effet de levier.
Cette politique européenne globale, indispensable à l’ébauche d’une sortie de crise, devra nécessairement aller de pair avec davantage d’intégration politique, c’est-à-dire avec l’abandon de certaines prérogatives nationales et la construction d’une co-souveraineté, démocratique et fédérale, partagée entre les peuples et les États.
Cette gouvernance rénovée, reposant principalement sur le Parlement élu, permettra de gérer démocratiquement les convergences fiscales et macroéconomiques nécessaires à l’harmonisation européenne. Plutôt que de se voir imposer par la Commission européenne une absurde politique de contraction de son économie, la Grèce devrait, par exemple, avoir à engager une réforme de son administration fiscale…
… pour pouvoir bénéficier de la solidarité fédérale. Mais l’Allemagne devrait également être contrainte de cesser d’assécher les échanges commerciaux intra-européens en jouant d’une compétitivité assise sur de fortes inégalités intérieures.
Malheureusement, le MES, tel qu’il nous est proposé ici, est imprégné de la vision ultralibérale qui prédomine aujourd’hui au sein du couple franco-allemand. Sans même parler du lien avec le traité portant sur la règle d’or, la subordination du MES au FMI éloigne la perspective de la mise en place tant attendue d’un Trésor européen.
Et il n’y a toujours pas de financement direct de la Banque centrale européenne !
Quant au couple franco-allemand, qui dispose de fait d’un droit de veto discrétionnaire, qui pourra lui enjoindre d’arrêter de vendre des armes à la Grèce, laquelle ne peut même plus les payer ? On est là bien davantage dans la juxtaposition intergouvernementale d’égoïsmes nationaux que dans une véritable solidarité fédérale.
M. le ministre soupire.
Eh oui, monsieur le ministre, vous pouvez soupirer, mais c’est la réalité !
Plaidant pour davantage d’intégration européenne, les écologistes, à une très large majorité, voteront contre le traité instituant le MES.
Concernant l’amendement à l’article 136, qui pose simplement le principe d’un mécanisme de stabilité soumis à d’hypothétiques conditions, les écologistes, également à une large majorité, refuseront le piège tendu et ne prendront pas part au vote, …
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est un débat essentiel que celui que nous menons cet après-midi.
En préambule, je me permettrai un petit rappel historique, selon moi de nature à éclairer utilement notre discussion, en citant trois étapes essentielles dans la construction européenne.
La première a été franchie en 1990 lorsque la libre circulation des capitaux est devenue le socle économique de l’Union. Ainsi, aux termes de l’article 26 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, ou TFUE, « le marché intérieur comporte un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation […] des capitaux est assurée ».
La deuxième étape a été marquée par les débats sur le référendum de 2005, que tout le monde a en mémoire. Ces débats de fond, chacun en conviendra, ont passionné comme jamais nos concitoyens ; jamais l’Europe n’avait à ce point suscité l’intérêt des Français. L’un des arguments majeurs cités par les tenants du « non », dont nous fûmes, avait trait à la notion de concurrence libre et non faussée, inscrite et répétée en lettres d’or au cœur du traité. Je n’aurai pas la cruauté de vous rappeler ici le verdict cinglant rendu à l’époque par le peuple de France.
La troisième étape a été constituée par le traité de Lisbonne, « frère jumeau » du traité instituant la Communauté européenne de 2005, pour reprendre les mots de M. Valéry Giscard d’Estaing. L’article 49 de ce traité dispose en effet que les restrictions à la liberté d’établissements financiers sont interdites. Quant à l’article 58 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, édicté pour faciliter la libre circulation des capitaux, il institue « la libération des services des banques et des assurances ».
Comment, dès lors, s’étonner aujourd’hui des excès de la finance qui ont conduit l’Europe là où elle est ? Ce sont donc les textes européens qu’il faut réécrire en totalité.
Ainsi donc sommes-nous aujourd’hui invités à intégrer dans notre corpus constitutionnel la modification de l’article 136 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et, par ailleurs, à valider la participation de la France à l’instrument financier dont les instances européennes entendent se doter pour faire face à la crise des dettes souveraines, à savoir le Mécanisme européen de stabilité. Le MES n’est d’ailleurs en soi que le prolongement, pérennisé, du FESF et du MESF, créés dans l’urgence au printemps 2010, quand les économies de plusieurs pays de la zone euro ont commencé à donner d’alarmants signes de fatigue.
Pour en rester aux mots, le premier problème est que le « S » de MES ne veut pas dire « solidarité », ce qui pourrait aisément se concevoir, mais « stabilité », ce qui n’est pas tout à fait la même chose. De même, en vertu des dispositions de l’article 12 du traité créant le MES, les politiques menées en correspondance avec l’intervention de l’outil devront se définir à raison des convergences et de la coordination budgétaire entre les États. L’article 13 du traité instituant le MES précise en effet : « Le protocole d’accord doit être pleinement compatible avec les mesures de coordination des politiques économiques prévues par le TFUE ».
L’outil politique est actuellement en cours de fabrication, et il s’agit, pour que nul n’en ignore, du fameux TSCG, qui ne veut pas dire « traité pour la solidarité, la croissance et la générosité » mais « traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance ».
Sur le strict plan de la linguistique, ce n’est donc pas un outil de solidarité, la « machine à émettre les eurobonds », que tout le monde attend depuis si longtemps que l’on mette en place. Non, c’est beaucoup plus prosaïquement un instrument de vassalisation et de surveillance des économies les plus en difficulté.
Derrière la stabilité du MES, nous voyons poindre, non pas l’outil de la solidarité entre Européens, mais bel et bien l’instrument de l’austérité permanente pour l’ensemble des peuples. Quitte à ce que les remèdes associés à la mobilisation du MES demain, comme du FESF aujourd’hui, soient à peu près aussi efficaces que le furent à l’époque les saignées des docteurs Diafoirus de Molière !
Les exemples des pays que l’on a ainsi « aidés » sont particulièrement significatifs.
La Grèce, citée à plusieurs reprises, objet de tant de controverses, a connu en 2011 – singulièrement parce que les plans d’austérité qui ont été imposés en contrepartie de l’action européenne tendaient à contracter la demande intérieure – une récession de 5 % du PIB, de nouvelles hausses du volume de la dette publique, une explosion du chômage au-delà des 20 %, un salaire minimum diminué de 22 %, des retraites amputées de 15 %. Sur onze millions d’habitants, la Grèce dénombre environ trois millions de pauvres sans compter, de surcroît, l’humiliation attachée à cette purge.
La République d’Irlande, autre cas, qui fut également prise dans les filets de la crise financière après avoir été érigée en modèle de la réussite, a connu une croissance quasi nulle en 2011, et le taux de chômage s’y est fortement détérioré, atteignant en effet plus de 14 % de la population active, dans un pays où l’émigration a toujours joué un rôle dans la stabilisation des choses.
L’Italie, pour sa part, confiée au gouvernement de « techniciens » de Mario Monti, connaît elle aussi une quasi-stagnation de son activité économique et ne doit qu’au vieillissement relatif de sa population d’éviter qu’un taux de chômage plus élevé ne vienne corroborer la réalité de cette situation.
Enfin, en Espagne, où les plans de rigueur n’ont pas attendu l’alternance politique, en grande partie par défaut, qu’a connue le pays, la récente annonce de la réforme du marché du travail a jeté dans les rues des plus grandes villes des centaines de milliers de manifestants. Il faut dire qu’avec un marché du travail ultra-flexible, mais rempli de 22 % de chômage et de près de 40 % en ce qui concerne les jeunes, l’Espagne bat de ce point de vue tous les records !
Aucun des pays de l’Union et de la zone euro confronté aux politiques d’ajustement induites par les plans européens, tels qu’ils ont été conçus et tels qu’ils seront encore menés demain, n’a donc véritablement réussi à sortir des difficultés dans lesquelles il était plongé. Bien au contraire, la saignée d’emplois publics, les privatisations, les baisses de salaires et de pensions ont abouti, le plus souvent, à l’aggravation des difficultés, conduisant, comme nous l’avons vu de manière spectaculaire en Grèce, à de véritables impasses budgétaires.
La stabilité de la zone euro, invoquée par les fédéralistes à l’œuvre au sein de la Commission européenne et de la zone euro, à la demande expresse des milieux d’affaires et des marchés financiers, toujours eux, qui ont pourtant tant fait contre elle, ne peut être le prétexte de telles politiques et d’une telle orientation.
La zone euro a été constituée à partir de pays et d’économies dont les atouts et les caractéristiques étaient fort différents et, pour certains aspects, antinomiques. Qu’on le veuille ou non, la construction de l’Euroland – le fait d’avoir choisi cette terminologie est assez symptomatique d’ailleurs – s’est faite à partir de l’intérêt bien compris des économies dominantes dans l’Union européenne et donc, singulièrement, de l’Allemagne fédérale, qui, avec la mise en place de la monnaie unique et de l’élargissement, pouvait à loisir tirer parti des capacités de sa propre zone d’influence, orientée vers l’Est européen, au gré des nécessités de sa propre économie.
L’élargissement de l’Europe à la Tchéquie, à la Pologne ou encore à la Slovaquie et à la Hongrie a donné à l’Allemagne de forts précieux points d’appui pour une partie de ses processus de production, le niveau de qualification des salariés de ces pays étant suffisant pour permettre aux groupes allemands de disposer d’une main-d’œuvre efficace et bon marché.
Le passage à l’euro aura été, dans un autre ordre d’idées, le moyen de dompter l’éventuelle concurrence d’autres pays, notamment le nôtre, puisque tout devenait libellé dans la même monnaie. Je constate d’ailleurs que notre commerce extérieur s’est sensiblement et continûment dégradé depuis l’introduction de la monnaie unique.
Comment, de fait, parler de solidarité, comme certains feignent de le penser, quand l’Euroland continue de fonctionner comme une zone de confrontation et d’antagonismes, où les politiques d’ajustement sont destinées à faire payer le prix fort à ceux qui ont perdu la bataille dans un espace de concurrence libre et non faussée du tous contre tous ?
S’il fallait d’ailleurs une bonne raison de ne pas accepter le « paquet cadeau » du MES et du TSCG – que les deux textes soient séparés et que l’adoption du second soit en apparence plus délicate que le premier ne change rien à l’affaire puisque ce sont les mêmes politiques qui inspireront la mise en œuvre de l’un et devraient imprégner la rédaction de l’autre –, ce serait aussi par référence à cette évidence : celle qui veut que, par nature, les dirigeants européens actuels semblent se méfier si singulièrement des peuples ; en effet, aucun Gouvernement signataire, parmi les dix-sept pays de la zone euro, n’entend pour l’heure consulter sa population sur la ratification.
On ne peut, de notre point de vue, donner à penser que l’idée européenne est porteuse d’avenir si l’on continue à priver les peuples de la moindre expression sur le sujet.
De quoi a-t-on peur dès qu’il s’agit du MES et du TSCG ? Que les citoyens, déjà victimes de la confiscation de leur vote négatif du 29 mai 2005 en France, aient la mauvaise idée de voter contre l’adoption du MES et de ses contreparties, dont l’austérité semble la plus prégnante ?
En tout état de cause, ce n’est pas ainsi que l’on pourra redonner aux habitants de notre pays, comme à ceux de bien d’autres pays, la moindre confiance et la moindre espérance dans une construction européenne qui se fait de plus en plus sans eux et a fortiori contre eux. C’est du moins un sentiment qui semble aujourd’hui largement partagé.
Ne pas voter sur cette question cruciale serait une erreur. Adopter le MES en l’état n’est pas acceptable, et nous ne pourrons donc que nous prononcer contre les textes qui nous sont soumis. Notre groupe a fait ce choix en pleine conscience et nous en appelons solennellement à nos collègues de la nouvelle majorité sénatoriale. §Si le changement est annoncé pour maintenant, le rejet de ce texte, c’est aujourd’hui !
Mes chers collègues, la responsabilité nouvelle du Sénat à gauche est immense. Ne pas refuser ces textes revient à hypothéquer sérieusement les chances de mettre en œuvre, demain, la nouvelle politique tant attendue par une majorité de nos concitoyens à qui il faudrait, sur le sujet, proposer un référendum.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur quelques travées du groupe socialiste. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.
Certes, les sénateurs radicaux de gauche et la majorité des membres du RDSE s’abstiendront sur les textes présentés, et ce pas seulement pour marquer notre opposition à la politique menée par Nicolas Sarkozy à quelques semaines du premier tour de l’élection présidentielle, …
… mais bien parce que ces projets de loi sont loin d’être exempts de toute critique et, plus encore, ils sont loin d’être suffisants.
Européens convaincus et ardents défenseurs du fédéralisme, les radicaux de gauche avaient a priori de bonnes raisons d’approuver le Mécanisme européen de stabilité, qui introduit enfin – comme nous l’avions souhaité – un début de gouvernance économique à l’échelon communautaire et constitue peut-être la première étape vers une Europe fédérale que, je le répète, nous appelons de nos vœux et qui est seule capable de maîtriser les dérives de la mondialisation et de redonner à l’Europe une chance de peser de nouveau à l’échelle du monde.
Malheureusement, force est de constater que ce mécanisme découle plus de la volonté de garantir nos intérêts financiers et bancaires que d’une réelle solidarité entre pays membres de la zone euro.
En effet, le considérant 5 du traité instituant le MES subordonne l’accès des États à ce mécanisme à l’adoption d’un autre traité intergouvernemental, le fameux traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, qui pourrait être signé cette semaine et qui imposera aux États l’inscription de la « règle d’or » sur l’équilibre budgétaire au sein de leur Constitution.
Or la gouvernance économique qui nous est proposée rime avec rigueur et n’est que punitive. De plus, elle ne nous paraît pas à même de désendetter la Grèce.
Adossé au TSCG, le MES sera vecteur d’austérité dans une telle mesure que toute reprise de la croissance apparaît impossible. Pis, l’Europe, en imposant le respect de règles budgétaires trop strictes, pousse irrémédiablement la Grèce dans la spirale de la récession. C’est pour cette raison que les radicaux de gauche se félicitent de l’engagement pris par François Hollande de renégocier, si les Français lui accordent leur confiance, ce traité dès le lendemain de l’élection présidentielle.
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC. – Exclamations sur les travées de l’UMP.
En tout cas, l’espoir est permis au regard des nombreuses solutions qui peuvent être mises en œuvre pour soutenir la croissance, croissance sans laquelle, bien sûr, les dettes ne se réduiront pas.
De longue date, les radicaux de gauche souhaitent doter l’Europe de moyens économiques renforcés, lesquels sont complètement absents des différents traités qui nous sont soumis aujourd’hui. Je pense notamment à une augmentation du budget communautaire permettant des politiques de relance sur le plan européen ou à la création d’eurobonds et d’un fonds de développement d’investissement émettant des obligations convertibles afin de soutenir des entreprises dans des secteurs d’avenir tels que les nouvelles technologies de l’information et de la communication, l’énergie ou encore l’aérospatiale.
Mes chers collègues, nous nous opposons à une rigueur aussi violente pour des populations déjà profondément marquées par quatre longues années de crise, car elle vient nécessairement nourrir une méfiance, si ce n’est un véritable rejet, à l’encontre de l’Europe.
Le MES, indissociablement lié au TSCG, représente un instrument d’austérité que nous ne pouvons soutenir. Il parviendra difficilement à remplir ses objectifs, faute d’une force de frappe financière suffisante, due notamment à l’absence de licence bancaire et au fait qu’il ne sera pas adossé à la garantie de la Banque centrale européenne. Or la sortie de crise passera nécessairement par une gouvernance économique commune. En cela, le projet de loi de ratification du traité instituant le Mécanisme européen de stabilité va dans la bonne direction, mais, malheureusement, j’y reviens, il ne fait qu’une partie du chemin.
Nous ne partageons pas cette vision de la politique économique européenne qui rend illusoire tout espoir de relance dans les pays bénéficiant de l’aide des États membres de la zone euro. Monsieur le ministre, je vous le répète donc, les sénateurs radicaux de gauche s’abstiendront sur ce texte. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que l’horizon est un peu sombre, il y a au moins une bonne nouvelle : depuis quelques semaines, nous constatons une accalmie sur les marchés obligataires. Ce résultat, nous le devons à une politique originale de la Banque centrale européenne, certes, contestée à l’intérieur même du conseil des gouverneurs, mais qui démontre que la politique suivie auparavant n’était pas la meilleure. Prenons-en acte ! Reste que cette amélioration du marché ne signifie pas que la crise de la dette souveraine des pays de la zone euro est terminée : les problèmes ne sont pas entièrement réglés.
La réforme de la gouvernance économique et budgétaire européenne est marquée par un déséquilibre entre discipline budgétaire et solidarité financière. Elle tend à enfermer les États membres dans un véritable carcan budgétaire qui empêche le retour à la croissance et, donc, le renflouement des comptes publics. C’est le règne de la pensée unique !
Pour paraphraser un grand Français, il ne sert à rien de sauter sur sa chaise comme un cabri en criant « austérité, austérité ! ». Le dispositif de soutien aux États en difficulté est insuffisant. Sa mise en œuvre est laborieuse, lente, soumise à des atermoiements permanents, les derniers étant le fait de l’Allemagne. Je ne veux pas jeter la pierre à la Chancelière, qui, on le sait, est confrontée à des problèmes politiques internes, mais on a bien constaté hier que, lors de la discussion au Bundestag, l’Allemagne envoyait un message exactement contraire à la politique que nous sommes en train de poursuivre, laquelle vise à rassurer sur la mise en place du dispositif en faveur de la Grèce. C’est tout de même curieux !
Pour autant, le Mécanisme européen de stabilité est indispensable.
Si l’on veut enrayer la crise des dettes souveraines, il est essentiel de mettre en place un dispositif permanent de solidarité entre les États membres de la zone euro. Trop de temps a déjà été perdu. Je rappelle en effet que, en 1989, Jacques Delors avait proposé un mécanisme de ce genre. Je me réjouis de voir qu’il n’aura fallu que vingt-trois ans pour aboutir…
Je me réjouis aussi de l’anticipation de la création du MES, qui devra être mis en place en juillet 2012, ainsi que de l’accélération des versements de capital. Ces décisions devraient contribuer à renforcer la confiance des marchés financiers.
Le MES présente à mon sens plusieurs avantages.
Premièrement, grâce à ses fonds propres, il sera moins sensible à la notation que son prédécesseur, le Fonds européen de stabilité financière. Le MES empruntant sur capitaux propres et non pas en s’appuyant sur la garantie des États membres, ses émissions bénéficieront de meilleurs taux d’intérêt.
Deuxièmement, il disposera de nombreux instruments d’intervention, déjà excellemment exposés par Mme la rapporteure générale.
Troisièmement, l’introduction d’une procédure de décision en urgence, décidée en décembre, devrait faciliter la prise des décisions nécessaires. Le temps de l’Europe n’est pas le temps des marchés financiers : nous courons en permanence derrière la réalité économique et financière. Je ne prétends pas que ce mécanisme de décision résoudra tout, mais il va dans la bonne direction.
Quatrièmement enfin, le fait que les créanciers privés soient appelés à contribuer rapproche le fonctionnement du MES de celui du FMI. L’intervention du secteur financier permettra de mieux protéger l’argent des contribuables, notamment celui de nos contribuables nationaux.
On s’engage cependant dans cette voie avec beaucoup de délicatesse et, à en croire certaines de leurs déclarations, les ministres des finances considèrent que l’intervention des créanciers privés en faveur de la Grèce est exceptionnelle et ne sera donc pas réitérée. J’attends donc de voir s’il sera ou non de nouveau fait appel à ces créanciers privés.
Cependant, le MES est un dispositif sous-dimensionné financièrement. Il présente en effet un défaut majeur : sa capacité d’intervention est largement insuffisante.
Avec 500 milliards d’euros – excusez du peu ! – de capacité de prêt, le MES ne pourrait couvrir environ que 6 % de la dette publique totale de l’Union économique et monétaire – on me dira que tel n’est pas son objectif, mais ce pourcentage donne un ordre de grandeur – et il ne pourrait donc pas faire face aux besoins éventuels de pays de plus grande taille économique.
J’estime que l’une des erreurs importantes qui est commise est la décision de ne pas combiner le FESF et le MES.
La fusion des deux dispositifs, qui était réclamée par le FMI et par certains États membres de l’Union européenne – dont la France, d’ailleurs –, aurait permis au MES de disposer d’une capacité totale de prêt de l’ordre de 940 milliards d’euros, soit un montant proche des 1 000 milliards d’euros, somme, en général, considérée comme nécessaire pour assurer la crédibilité de ce dispositif.
Certes, les chefs d’État et les ministres vont discuter lors du prochain Conseil européen, mais j’ai appris cet après-midi que la réunion au cours de laquelle devait être précisément abordée l’augmentation des ressources du MES avait été reportée. La question ne sera donc même pas évoquée à la fin de cette semaine, cela sans doute à cause des fortes pressions exercées par la délégation allemande. On le voit bien, le gouvernement allemand considère que donner « trop », c’est encourager tous les « pays du Club Méditerranée », puisque c’est ainsi que certaines les appellent, à ne pas prendre les mesures structurelles nécessaires. C’est la raison pour laquelle on n’augmente pas les ressources du MES, mais, dans le même temps, je l’ai dit, on envoie le message inverse…
À défaut de voir sa capacité d’intervention renforcée, le MES devra se tourner vers le FMI en cas de nécessité, d’où le relèvement du plafond des prêts bilatéraux accordés par la France à celui-ci, solution tout de même assez étonnante. Que nous soyons amenés à apporter nos fonds au FMI et non au dispositif européen est un paradoxe que je ne parviens toujours pas à m’expliquer ! Le Conseil européen, qui plaidait pour apporter ces fonds au MES, s’est d’ailleurs longuement opposé à cette solution.
De mon point de vue, la création d’un véritable fonds monétaire européen passe nécessairement par l’adossement du MES à la Banque centrale européenne. On a évoqué une licence bancaire, mais, si celle-ci fait fuir les Allemands, on peut trouver une autre solution pour accéder aux liquidités de la BCE.
Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous commentiez ce point, en particulier que vous expliquiez pourquoi la France a abandonné cette proposition lors de la négociation du traité.
Autre observation : le MES est insuffisant pour résoudre la question de la dette et remettre l’économie européenne sur la voie de la croissance. Comme l’ont dit plusieurs de mes collègues du groupe socialiste, et d’autres groupes aussi d’ailleurs, il ne suffira pas à stabiliser durablement la zone euro, car il ne constituera pas un outil de dernier ressort.
D’autres mécanismes permanents de solidarité seront nécessaires.
Première proposition : la mise en place du MES devrait, me semble-t-il, ouvrir la voie – et, je l’espère, précède une décision en ce sens – à une mutualisation partielle des dettes souveraines.
Parmi différentes solutions qui me paraissent envisageables, des économistes ont formulé une proposition qui me paraît intéressante. Elle consisterait à distinguer la partie de la dette inférieure à 60 % du produit intérieur brut, conformément à la règle que nous nous sommes donnée à nous-mêmes, c'est-à-dire à la règle de Maastricht, partie qui serait mutualisée et bénéficierait de taux intéressants, de la partie allant au-delà de ce taux, qui correspond à ce qu’on appelle les « dettes rouges » et que chaque État devrait gérer à ses propres conditions de marché.
Deuxième proposition : je l’ai dit, à défaut d’attribuer une licence bancaire au MES, il conviendrait au moins de faire de la Banque centrale européenne un prêteur en dernier ressort. L’obstacle juridique n’est pas insurmontable. Michel Rocard a ainsi récemment suggéré que la BCE prête à des établissements publics de crédit aux mêmes taux que ceux qui sont pratiqués pour les banques commerciales.
Troisième proposition : les efforts pour stabiliser les marchés obligataires de la zone euro doivent être accompagnés de mesures pour relancer la croissance économique. Là est l’essentiel : nous devons créer des emplois, faire baisser le chômage, relancer les investissements, accroître les exportations, ce dernier point concernant singulièrement la France, dont on connaît le déficit commercial.
On nous dit que c’est une malédiction qui nous tombe du ciel et contre laquelle on ne peut rien.
J’observe que, selon les prévisions économiques mondiales faites par la Commission elle-même, les taux de croissance en 2012 devraient être les suivants : plus 8 % pour la Chine ; plus 7 % pour pays émergents ; plus 2 % pour les États-Unis, dont je signale au passage qu’ils ont créé 250 000 emplois en janvier de cette année, ce qui n’est pas mal, même s’ils ont 8 millions de chômeurs ; plus 3, 5% pour l’Amérique latine ; quant à l’Europe, son taux devrait être de moins 0, 3 % !
Quelle est la malédiction qui fait que ce pauvre et vieux continent soit le seul sous la pluie de la récession ? Je vous le dis, mes chers collègues, ce sont les politiques, malheureusement majoritaires, qui sont menées à l’échelle de l’Europe et qui enfoncent celle-ci, doucement ou fortement, comme la Grèce, avec moins 4 %, dans la récession.
Nous sommes de ceux qui pensent qu’il faut agir et pas simplement en utilisant les fonds structurels non distribués. Il convient d’être plus ambitieux et de relancer l’investissement, notamment à travers la création d’une capacité d’emprunt pour l’Union européenne et en donnant un rôle accru à la Banque européenne d’investissement.
Notre collègue Pierre Bernard-Reymond défend, lui aussi, cette thèse depuis longtemps.
Il faut également développer et renforcer les ressources budgétaires de l’Union européenne, notamment par une taxe européenne sur les transactions financières ou une écotaxe européenne. Celle-ci a fait l’objet d’un long débat avant d’être jetée aux orties, comme beaucoup d’autres mesures.
Enfin, la mise en œuvre du MES est trop subordonnée à l’austérité, en particulier en raison du fait que l’accès à ce dispositif est conditionné à la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire. Or celui-ci ne comprend aucune des dispositions complémentaires que nous proposons de mettre en place. Dans ces conditions, il nous est difficile d’autoriser la ratification du traité instituant le MES. Cela nous est d’autant plus difficile que le TSCG fait de la transposition de la « règle d’or » budgétaire dans l’ordre juridique interne des États la condition sine qua non de l’accès au MES. Or nous avons toujours dit notre opposition à cette règle inefficace et inutile, ...
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la Haute Assemblée est appelée à débattre de la ratification de deux traités. Le premier modifie l’article 136 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, afin d’autoriser la création du Mécanisme européen de stabilité ; le second crée ce Mécanisme européen de stabilité. La ratification du premier traité se faisant à vingt-sept pays et celle du second se faisant à dix-sept pays, ceux de la zone euro.
Ces traités, soumis à notre approbation, répondent à l’urgence de la crise, aux fortes tensions financières et à la nécessité de garantir la stabilité de la zone euro. C’est dans ces conditions qu’un Mécanisme européen de stabilité destiné à préserver la stabilité financière en Europe a été élaboré et a fait l’objet d’une signature à Bruxelles le 2 février dernier.
Le MES est une réponse européenne à la crise : c’est un outil anticrise, un fonds de soutien aux pays de la zone euro. Il a pour but de sauvegarder la stabilité de la zone euro de manière permanente, ce qui est une nécessité absolue. C’est la seule manière de lutter contre les attaques spéculatives dirigées contre la monnaie européenne en raison de la place prise par cette devise dans l’économie mondiale.
Ce traité vise à aider les États signataires en difficulté financière en leur fournissant les instruments financiers, par exemple des prêts ou des achats d’obligations. Il leur permet donc d’avoir recours aux banques privées pour se financer. La fin de l’obligation pour les États de se financer auprès des marchés est en effet une condition nécessaire pour mettre un terme à la trop grande emprise de la finance sur l’économie. Dans son principe, le MES va dans le bon sens, certains l’ont déjà souligné.
Avec ce dispositif, nous réaffirmons notre attachement fondamental à l’euro, en construisant un dispositif s’appuyant sur deux piliers : la solidarité et la responsabilité.
Reconnaissons-le, lorsque l’euro a été créé, nous nous sommes arrêtés au milieu du gué. Au reste, la non-existence du MES est une aberration dénoncée au moment du traité de Maastricht, en 1992. Depuis trois ans, pardonnez-moi de le dire ainsi, on a « bricolé » pour venir au secours de la Grèce, de l’Irlande et du Portugal.
Le MES n’existant pas, il a fallu trouver des solutions, ce qui fut compliqué.
Après trois ans de négociations, nous avons mis au point ce mécanisme pour traiter les chocs, prévenir les crises. Il s’agit d’une force de frappe rapidement mobilisable pour stabiliser les marchés. C’est un embryon de fonds monétaire européen.
La solidarité prônée est indispensable, car la faillite d’un État européen entraînerait la faillite de nos banques qui détiennent nos économies.
Et si les déposants étaient remboursés, comme il est bon de le rappeler, ce serait avec nos impôts !
Bien évidemment, la solidarité ne peut exister sans être assortie de discipline. Elle ne peut s’apparenter à un chèque en blanc. Il est normal que des contreparties soient prévues. Sans elles, cette aide relèverait de l’assistance, voire d’une dépendance, et ce ne serait pas sain.
Le pacte budgétaire sur lequel ce dispositif s’appuie permettra aux économies européennes de converger vers la stabilité financière. Oui, il faudra respecter la règle d’or pour profiter de toute aide financière de la part du MES ! Et c’est non pas l’austérité qui est proposée, comme j’ai pu l’entendre, mais seulement l’obligation de ne plus laisser déraper les déficits publics, ce qui est totalement différent !
Toutes les critiques que j’entends ne reposent sur aucun fondement. Il y aurait, paraît-il, abandon de souveraineté.
Il y aurait un renforcement des règles automatiques imposant la rigueur aux peuples.
Les grandes lignes sont connues depuis le Conseil européen des 24 et 25 mars 2011. La signature a eu lieu au mois de juillet dernier. Voilà pour la transparence ! C’est une organisation internationale composée d’un conseil d’administration, présidée par un directeur général et un conseil dit des gouverneurs, les gouverneurs étant les ministres des finances des États.
Le directeur général a un mandat révocable ad nutum. C’est le conseil des gouverneurs qui aura seul la possibilité d’appeler le capital non libéré. Les enveloppes initiales de crédits ne pourront être modifiées que par le conseil à l’unanimité. C’est donc bien l’autorité politique qui décidera, et elle seule, via les ministres des finances. Aucun abandon de souveraineté nationale n’est à craindre, donc.
Il reste un autre point soulevé par la gauche française, certains d’entre vous l’ont évoqué : le traité établissant le MES fait explicitement mention du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire signé par vingt-cinq États le 30 janvier 2012 et qui a pour but de renforcer la discipline budgétaire des États signataires. L’une des conditions d’accès à l’assistance du MES sera en effet d’avoir au préalable ratifié le TSCG et créé un mécanisme de correction budgétaire, la règle d’or. C’est surtout sur le fondement de cette mention que certains appellent à l’abstention, comme vous le faites, madame le rapporteur général.
Je rappelle que ces conditions font partie d’un accord, d’un compromis. Prétendre aujourd’hui vouloir renégocier des accords conclus entre plusieurs pays est un vœu pieux.
… par le gouvernement français et le Président de la République, Nicolas Sarkozy, lui-même, qui – personne ne peut le nier – a accompli un travail remarquable. Je trouve dommage pour la France de montrer ce visage d’une gauche, …
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. … peu en prise avec les réalités, notamment internationales, ou alors sectaire, ne voulant pas voter avec la majorité.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
C’est encore plus regrettable ici, au Sénat.
Mes chers collègues, qu’apporte de plus le MES par rapport au FESF ? La question mérite d’être posée.
D’abord, ce mécanisme s’inscrit dans la durée et sera pérenne. C’est extrêmement important.
Ensuite, il s’agit d’une organisation internationale, et non d’une structure de droit privé, comme le FESF, dont il prend la suite et qui s’arrêtera au mois de juillet 2013. Le MES disposera d’une possibilité d’intervention bien supérieure. C’est l’autorité politique, et elle seule, qui décidera. C’est aussi une réponse aux agences de notation qui, en dégradant la note de plusieurs pays européens, ont voulu signifier nos insuffisances en matière de gouvernance économique européenne, notre manque de coordination des politiques fiscales et économiques au sein de la zone euro.
Malgré tout cela, les socialistes français, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, ont décidé de privilégier l’intérêt électoral à l’intérêt général européen.
Oui, les amis de M. Hollande sont prisonniers d’un accord électoraliste avec le Front de gauche et dans l’obligation de donner des gages à M. Mélenchon !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Comment peut-on oser fragiliser la zone euro ? Mes chers collègues, en vérité, quel est le problème ? Est-ce de voter avec la majorité et de renoncer à faire preuve d’un anti-sarkozysme primaire ?
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
À agir ainsi, le risque est grand de rendre l’Europe impopulaire et de la livrer au populisme. C’est ce que vous êtes en train de faire. Ce n’est pas digne d’un parti de gouvernement.
L’Europe n’est pas le problème, contrairement à ce que vous affirmez : elle est la solution aux enjeux de la mondialisation. C’est pour cela que vous avez tort ! Voter contre ou s’abstenir sur le MES, c’est rejeter une nouvelle étape majeure de l’Union européenne. C’est une faute politique absolue, a dit avec justesse le Premier ministre.
Ai-je besoin de rappeler les propos de Daniel Cohn-Bendit, qui considère que le MES est « l’une des rares choses positives » que le Conseil européen ait pu consentir ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Dois-je rappeler que ce mécanisme figure dans les propositions de François Hollande, à la page 69 de son projet ?
Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.
Il y est écrit : « Nous créerons un fonds européen permanent de stabilité financière pour empêcher toute spéculation sur la dette des États et concilier assainissement des finances et redressement économique. » Par conséquent, expliquez-moi pourquoi vous ne votez pas le MES ?
À ma connaissance, les Verts et les socialistes se sont battus au Parlement européen pour l’existence d’un tel mécanisme. En outre, cette solidarité financière entre les États membres de la zone euro est de nature à permettre par la suite la mise en place des eurobonds qui mutualiseraient les dettes souveraines de tous les pays de la zone euro. Certains d’entre vous, spécialistes de ces questions, sont tout à fait convaincus par ce dispositif. Comment à la fois être favorable aux eurobonds et refuser cette marche ? C’est absurde !
En tout cas, le MES est une inflexion dans l’histoire de la construction européenne, et la crise de la zone euro aura eu cette vertu de faire accepter l’idée que l’Europe puisse progresser à des vitesses différentes. Le MES est un système intergouvernemental compatible avec le droit communautaire.
Soutenir le MES, c’est soutenir la solidarité européenne, c’est être solidaire avec le Portugal, l’Espagne, l’Italie et la Grèce. C’est soutenir l’ambition résolue de l’Europe de prendre en main son destin.
Voter contre ou s’abstenir reviendrait à rejeter une étape majeure de la construction de l’Union européenne et à aller contre tous les partis socialistes en Europe, qui, eux, le votent.
C’est l’avenir de l’Union qui se joue devant nos yeux. On ne peut pas rester dans une simple logique de sauvetage : il faut passer à une stabilité économique et budgétaire durable ; il faut mettre fin à une incohérence originelle. En effet, ainsi que l’a dit Philippe Marini, l’Union européenne s’est dotée d’une monnaie unique sans prendre le temps d’une véritable coordination des politiques économiques.
Au-delà des clivages politiques et des échéances électorales à venir, il est de notre devoir d’afficher une volonté commune dans l’intérêt de la France et de l’Europe, pour appuyer une démarche légitime, dans un esprit de responsabilité vis-à-vis des générations futures.
Pour ma part, je suis très attachée à la souveraineté nationale et aux droits du Parlement. Or le MES est non pas une union de transfert, mais un rééquilibrage institutionnel en faveur des procédures intergouvernementales, c’est-à-dire la coopération entre démocraties nationales.
L’abstention prônée par Mme le rapporteur général traduit une absence de courage et de responsabilité.
Soit on soutient la construction européenne, soit on vote contre, mais on ne s’abstient pas. Cette abstention d’ailleurs ne trompera personne.
Le groupe de l’UMP, avec Nicolas Sarkozy, qui s’est totalement impliqué dans ce dossier, choisit clairement de dire la vérité aux Français et aux Européens.
Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de la décision du Conseil européen modifiant l’article 136 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne en ce qui concerne un mécanisme de stabilité pour les États membres dont la monnaie est l’euro et du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du traité instituant le mécanisme européen de stabilité.
Dans la suite de la discussion générale commune, la parole est à M. Jean-Yves Leconte.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous devons nous prononcer cet après-midi sur deux projets de loi comprenant chacun un article : le premier vise à ratifier la modification du traité de Lisbonne afin d’instaurer un mécanisme de solidarité entre les États membres de la zone euro ; le second tend à ratifier le traité instituant le Mécanisme européen de stabilité, adopté par les États membres de la zone euro le 2 février dernier.
Ainsi, après plus de trois ans de crise, il était temps que lesdits États prennent la mesure de la gravité de la situation en pérennisant un mécanisme de soutien de nature à intervenir rapidement et disposant d’un caractère dissuasif face à la spéculation. Toutefois, au regard du temps mis pour proposer ce texte, sa conception reste imparfaite. De plus, l’expérience du Fonds européen de stabilité financière, et de la politique que celui-ci impose à la Grèce, oblige aujourd’hui à beaucoup de prudence sur l’usage des nouvelles contributions demandées in fine aux citoyens européens, au travers des levées de fonds pour le MES.
La mise en place d’un mécanisme de solidarité impose nécessairement des outils de convergence budgétaire et de surveillance de la discipline budgétaire, car il n’y a pas de solidarité sans responsabilité. Cependant, nous n’avons pas, à cette heure, tous les éléments nous permettant de donner un avis circonstancié sur les conditions dans lesquelles le MES pourrait être amené à intervenir. En effet, il est indiqué, dans le considérant 5 : « Il est reconnu et convenu que l’octroi d’une assistance financière dans le cadre des nouveaux programmes en vertu du MES sera conditionné, à partir du 1er mars 2013, à la ratification du TSCG ».
Pourtant, le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire ne fait pas partie des textes qui nous sont aujourd’hui présentés pour être ratifiés. Il doit en effet être signé au Conseil européen des 1er et 2 mars prochains. Ce TSCG, dont les termes sont déjà connus, est inadapté à la situation, car s’il parle légitimement de rigueur budgétaire, il n’évoque en rien la nécessaire politique de soutien de l’économie réelle, d’aide à l’emploi, à la préservation de l’appareil productif et des services publics.
Bref, le TSCG, tel qu’il est négocié, promet à tout pays en difficulté que l’application éventuelle du MES se fera à des conditions identiques à celles que subit actuellement la Grèce. Or nous ne le voulons pas, car cette politique est un échec pour tous. Rappelons que, malgré des plans d’austérité consécutifs, l’endettement de la Grèce est passé de 120 % à 170 % de son PIB en moins de trois ans, par la conjugaison d’engagements à des taux d’intérêt surévalués et de la contraction du PIB du pays.
L’aide accordée ne va pas au soutien de l’économie réelle, aux PME-PMI, au remboursement par l’État grec des entreprises lui ayant fait crédit, mais d’abord au remboursement d’obligations souscrites à des taux parfois usuraires.
Force est de constater que s’il n’existe pas de lien juridique entre la ratification du TSCG et le fonctionnement du MES, le rapport de force actuel entre les États membres de la zone euro est tel que, d’un point de vue pratique, la réalité est tout autre.
Voter aujourd’hui le MES, c’est accepter qu’il ne fonctionne qu’adossé à un traité visant à constitutionnaliser la « règle d’or » de la rigueur budgétaire et à renforcer les modalités de contrôle - la tutelle, diront certains - sur les États en difficulté. À nul moment n’est prévue une discussion sur les conditions à remplir pour ramener la croissance et donc la capacité de remboursement de ces États.
Le traité instituant le MES entre les États membres de la zone euro, signé à Bruxelles le 2 février dernier, aurait pu être une avancée décisive dans la construction européenne. Pourtant, ce n’est qu’un leurre. Il sera dirigé par un conseil des gouverneurs, composé des ministres des finances des États de la zone euro. Comment croire, dans ces conditions, que l’intérêt général primera sur l’intérêt national ?
On nous répondra que les situations d’urgence n’auront pas besoin de l’unanimité, que 85 % des droits de vote suffiront pour engager un financement sans tarder. Il s’agit encore d’un leurre, car les seuls États possédant un veto permettant d’empêcher d’atteindre ces 85 % des droits de vote sont l’Italie, avec un peu moins de 18 %, la France, avec un peu plus de 20 %, et l’Allemagne, avec un peu plus de 27 %. Or, parmi ces trois États, quels sont ceux qui peuvent très rapidement être amenés à recourir au MES ? Parmi ces trois États, qui peut avoir intérêt à bloquer l’utilisation du MES ?
On voit bien que, sous prétexte d’une solidarité entre les États membres de la zone euro, on cherche à nous faire accepter des principes de gestion correspondant non pas à la diversité des situations nationales, mais bien à des principes de gestion d’un seul État, l’Allemagne, dont le modèle économique n’est pas exempt de tout reproche et dont le gouvernement fédéral ne parvient même pas, d’ailleurs, à imposer à ses propres Länder ce qu’il veut aujourd’hui imposer à l’ensemble de l’Europe.
Une solution pour éviter une situation potentielle de chantage aurait été d’adopter un conseil de gouverneurs avec un mode de gouvernance et de fonctionnement comparable à celui de la BCE. Une discussion, en amont de ce traité, avec le Parlement européen aurait très certainement ouvert le champ à l’adoption d’une telle variante. Mais était-ce souhaité par les gouvernements ?
Mes chers collègues, notre discussion d’aujourd’hui touche à deux aspects de l’Union monétaire, qui sont, depuis le début, très discutés et très critiqués.
Le premier est l’absence de gouvernement politique dans la zone euro. Or ce n’est pas le TSCG qui répond à ces enjeux. Il fait juste semblant d’y répondre en aggravant l’absence de pilotage politique de la zone euro : d’une part, il n’aborde pas la question centrale d’un contrôle démocratique des processus de décisions au sein de la zone ; d’autre part, il pose comme postulat que l’austérité est la seule bonne politique possible.
Le second aspect concerne l’indépendance de la BCE. À nos yeux, il ne peut y avoir d’indépendance dans l’irresponsabilité. Est-il logique, aujourd’hui, que la BCE ne soit pas totalement et pleinement responsable de la supervision bancaire dans toute la zone euro et qu’elle ne puisse pas elle-même juger de la valeur des engagements de chacune des banques de la zone euro ?
Pourquoi cette irresponsabilité conduit-elle aujourd’hui les gouvernements européens à proposer un mécanisme de solidarité spécifique, dont les moyens seront limités face aux besoins potentiels ? En effet, nous discutons aujourd’hui d’une somme de 500 milliards d’euros, alors que pour être vraiment dissuasif face aux besoins d’un pays de taille importante devant faire face à des difficultés, il faudrait plutôt pouvoir lever aux environs de 1 000 milliards d’euros.
Par ailleurs, pour faire face à cette impasse financière, le MES, d’une part, acceptera des cofinancements d’États tiers - on pense à la Chine - et, d’autre part, recherchera des partenariats avec la FMI. Est-ce cohérent ? Est-ce légitime ? Est-ce en accord avec les valeurs intrinsèques de la construction européenne ?
Voilà pourquoi il convient d’exprimer des réserves face au MES, tel qu’il nous est proposé aujourd’hui. En effet, il est révélateur d’un projet européen en panne, avec des gouvernements qui agissent « à la petite semaine », dans la précipitation et sans vision globale.
Toutefois, le MES, même imparfait, constitue un outil pour répondre aux spéculations sur les dettes souveraines, lesquelles sont, dans le cas de la France, le symbole de l’échec de la politique économique et sociale menée depuis 2007 et menacent notre pays à très court terme.
La construction européenne est une démarche de patience et de compromis. Tel qu’il est présenté, le MES n’est pas la panacée, mais il constitue un compromis acceptable, compte tenu des positions traditionnelles des pays de la zone euro et de la crédibilité actuelle du gouvernement français. Alors que le tsunami menace, nous nous résolvons aujourd’hui à la mise en place d’un outil loin d’être idéal mais qui a l’avantage de répondre à un besoin urgent de la zone euro. Cependant, à nos yeux, il ne peut être lié à un TSCG inacceptable. Par notre abstention, nous nous engageons auprès des Français à demander à nos partenaires, dès le mois de mai, de négocier un nouveau traité non pas de seule convergence budgétaire, mais de convergence budgétaire et de croissance.
L’exemple grec ne suffit-il pas à démontrer à tous qu’il convient de mener une autre politique de soutien à un pays en grande difficulté financière ? À quoi cela sert-il de parler de convergence budgétaire sans convergence fiscale ? Pourquoi les citoyens et les entreprises seraient-ils mis à contribution différemment dans l’effort commun, selon leur pays de résidence ?
À l’occasion de ce futur traité, il conviendra d’évaluer les effets pervers des politiques de cohésion menées envers certains pays, qui ont conduit à de trop gros endettements des États nationaux et des collectivités territoriales pour pouvoir cofinancer des projets éligibles aux fonds de cohésion.
Nous parlons de marchés financiers, de déséquilibres budgétaires, mais l’idée européenne se réduit-elle à ces seules considérations financières ? L’Union européenne a toujours eu un moteur – construire la paix sur notre continent - et une valeur essentielle, la démocratie.
Les orientations que l’on doit prendre pour sortir de la crise actuelle sont essentielles pour l’avenir de l’Union. Si elles devaient renier cette valeur démocratique, cette capacité des peuples à choisir leur avenir, leur destin ensemble, elles seraient dangereuses pour l’avenir de l’Union européenne et pour notre démocratie. Comment aujourd’hui justifier que 99 % du temps consacré à l’Europe est passé sur les affaires budgétaires, lorsque la liberté de la presse est menacée en Hongrie ?
Europe, as-tu perdu tes valeurs ? Qu’en as-tu fait ? Pensez-vous que nous pourrons encore aller bien loin sans faire le constat que la seule voie possible pour les mutualisations de politiques qui s’imposent passe par un contrôle démocratique renforcé sur les politiques et les orientations communautaires ? Une dose de fédéralisme - osons le mot ! - pour définir des orientations budgétaires et fiscales est indispensable.
Comment voulez-vous continuer à défendre l’idée européenne lorsque, dans un peu moins de la moitié des pays européens, entre un quart et la moitié de la jeunesse est sans emploi ? Ne convient-il pas de faire de l’Europe d’abord un espace où l’on répond aux préoccupations des citoyens, plutôt que d’imposer des politiques qui aggravent leur situation ?
Ayons le courage de voir que la crise actuelle oblige à se poser la question d’outils de contrôle démocratique nouveaux, qui ne sont en rien évoqués par les Conseils européens. C’est normal, me direz-vous : les droites actuelles se sont arc-boutées sur leurs frontières nationales pour éviter de réelles avancées dans la construction européenne. Il est bien loin le temps des conférences intergouvernementales où étaient placés sur un pied d’égalité les États, le Parlement européen et l’opinion publique européenne. Mais que peut-on attendre d’une famille politique où se côtoient Mme Merkel et MM. Berlusconi, Orbán et Sarkozy ?
Constatons que les sujets au cœur la crise européenne actuelle sont non pas le fruit des derniers élargissements, mais plutôt celui de l’impérative nécessité d’accepter un contrôle démocratique à l’échelon européen sur l’ensemble des politiques communes auquel les gouvernements nationaux ne veulent se résoudre. Cela imposerait un rôle accru du Parlement européen. Or rien de tout cela n’est prévu !
Constatons également que ce n’est pas grâce à un axe exclusivement franco-allemand, lequel représente un peu moins de 30 % des citoyens et un peu plus de 30 % du PIB européen, que nous résoudrons la crise. « L’Europe de papa » est morte ! Aujourd’hui, l’Union se construit à vingt-sept et même à vingt-huit, et c’est tous ensemble qu’il convient de se mobiliser pour trouver des solutions.
Ne cédons pas non plus à la facilité en voulant tout traiter dans la zone euro, alors que nos règles sont communes et sont valables dans l’ensemble de l’Union européenne. C’est une question de lisibilité vis-à-vis des citoyens européens et, plus largement, du monde.
J’exhorte ceux qui doutent de la pertinence de ces orientations, car ils constatent que l’Europe ne permet pas aujourd’hui de mener la politique qu’ils souhaitent, à se mobiliser pour une Europe démocratique et sociale, à accepter le combat politique dans l’espace aujourd’hui pertinent pour changer notre cadre économique et social. Ce combat, il nous faudra le mener tous ensemble pour un nouveau traité de convergence budgétaire, fiscale et de croissance, en lieu et place du TSCG.
Mais ne dispersons pas nos forces, ne nous trompons pas d’ennemis. La renégociation du TSCG pour en faire un outil de croissance économique doit être notre priorité. Elle est indispensable et doit être au cœur de notre projet européen. Néanmoins, combattre le MES seulement en nous appuyant sur les imperfections que j’ai soulignées serait improductif. Soyons-en conscients : sans capacité d’intervention, l’Europe sera plus que jamais livrée aux forces de l’argent, aux oligarchies, et cela ne fera qu’aggraver la détresse de ses citoyens.
Monsieur le ministre, nous aurions pu voter ces deux projets de loi si nous avions eu des réponses aux trois questions suivantes : quels outils la gouvernance de la zone euro se donne-t-elle pour relancer la croissance et, de la sorte, rendre supportables les politiques de rigueur qu’implique le recours au MES ? Quelles réformes faut-il préparer pour faire du MES un outil à la disposition de la BCE et au service des Européens ? Enfin, comment assurer un contrôle démocratique sur les orientations budgétaires qui seront imposées par le TSCG ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne pouvons pas parler du MES sans évoquer aussi le TSCG, car l’un ne va évidemment pas sans l’autre.
Cette conclusion résulte de la lecture croisée des considérants des deux traités. Le considérant 5 du traité instituant le Mécanisme européen de stabilité précise notamment : « Il est reconnu et convenu que l’octroi d’une assistance financière dans le cadre des nouveaux programmes en vertu du MES sera conditionné, […], à la ratification du TSCG par l’État membre concerné ».
On ne saurait être plus clair !
Dans le dernier alinéa du préambule de projet de TSCG, la clarté est non moins évidente puisqu’il y est écrit que l’octroi « d’une assistance financière dans le cadre des nouveaux programmes en vertu du mécanisme européen de stabilité sera conditionné, à partir du 1er mars 2013, à la ratification du présent traité par la partie contractante ».
Ces clauses croisées l’établissent clairement : un État qui n’aura pas accepté les conditions extrêmement rudes du TSCG, lequel programme une austérité à perpétuité, ne pourra pas bénéficier des dispositions du MES.
Il ne sert à rien d’ergoter sur le fait qu’il ne s’agit que de considérants et non d’articles. L’Allemagne a été très claire : disposant d’une minorité de blocage, d’un droit de veto, au même titre, d’ailleurs, que la France, l’Italie et l’Espagne, elle fait de la signature du TSCG la condition sine qua non de la mise en œuvre du MES. Rappelons qu’il s’agit du principal souscripteur au MES, à hauteur de 190 milliards d’euros, du seul grand pays à avoir conservé son triple A. Qui paie commande !
Réfléchissez-y, mes chers collègues. Nombre d’entre vous ont parlé de fédération, refusant de voir la réalité en face : pour mettre en place une fédération, c’est comme pour un mariage, il faut être deux ! Or, aujourd’hui, les Allemands ne sont pas dans cette disposition d’esprit. Il serait temps de vous en aviser.
Ce sont eux qui, les premiers, en 2010, ont voté une clause dite de « schuldenbremse », de « frein à l’endettement ». M. Sarkozy l’a reprise sous la forme de la « règle d’or », mais mieux vaudrait parler de « règle d’airain ». Il prétend maintenant vouloir l’européaniser. Tout cela est un piège grossier à des fins électorales, chacun peut le comprendre.
Le TSCG prévoit non pas seulement la suppression du déficit, ce qui représente tout de même 4 points de PIB, mais aussi une clause de désendettement à hauteur de 60 %. Cela nous obligerait à faire pendant vingt ans un effort supplémentaire de 1, 5 point, l’équivalent de 110 milliards d’euros d’abattements chaque année. Où va-t-on ?
Y avez-vous bien réfléchi, mes chers collègues ?
Le TSCG est plus qu’un traité de rigueur, c’est un exercice disciplinaire, surréaliste, qui évoque à s’y méprendre le port du cilice par le pénitent en cours lors de siècles maintenant révolus ! §Voilà un traité de mortification, un piège dont le MES n’est que l’appât.
Le Mécanisme européen de stabilité est un pare-feu illusoire. Il n’est en aucune manière le moyen de restaurer la compétitivité dégradée des pays en difficulté, car il ne s’attaque pas à la racine du mal, c'est-à-dire l’hétérogénéité de la zone euro.
Je ferai observer à M. Marini que ce n’est pas simplement une prophétie autoréalisatrice qui frappe le mécanisme de l’euro. Ce sont des déséquilibres de balance commerciale, car eux-mêmes traduisent des écarts de compétitivité croissants. Voilà l’origine du mal ! Or il n’y est pas porté remède.
Le directeur général du Trésor a évoqué la possibilité de rendre, un jour, le MES « bancarisable ». Je souhaite que nous y parvenions, mais il s’agit à mon sens d’un vœu pieux, l’Allemagne ne l’entendant pas ainsi. L’auriez-vous oublié, mes chers collègues ? Il semble que, chez certains d’entre vous, cette information soit entrée par une oreille et ressortie par l’autre !
Le MES est, nous dit-on, une organisation intergouvernementale, bien que les institutions communautaires interviennent dans son fonctionnement. Mais aucun contrôle parlementaire national ne s’exerce sur les fonds mis à sa disposition, soit 6, 5 milliards d’euros de crédits de paiement et 16 milliards d’euros d’autorisations d’engagement.
Ne sont pas plus contrôlés les 126 milliards d’euros supplémentaires. Or, comme vous-même l’avez observé à juste titre, madame la rapporteure générale, ceux-ci valent garantie de l’État ; ils devraient donc faire l’objet d’un vote du Parlement.
Nous sommes très loin de la situation qui prévaut en Allemagne. La Cour constitutionnelle de Karlsruhe exerce un contrôle vétilleux, au nom du « principe de démocratie ». Selon elle, le Bundestag doit autoriser préalablement les décisions susceptibles d’affecter significativement le budget national.
Puisque l’amitié franco-allemande est marquée, depuis Jean Monnet et Konrad Adenauer, par l’unité, par l’égalité, François Hollande l’a encore rappelé, je vous demande d’étendre à la France les dispositions prévalant en Allemagne. Ce serait une bonne façon de montrer l’égalité dans l’unité.
Je n’évoquerai pas la résolution de la commission des affaires européennes du Sénat, sauf pour dire que l’idée de mettre en place une conférence interparlementaire associant des représentants des différentes commissions est tout à fait insuffisante.
J’en viens, pour finir, à la décision du Conseil européen modifiant l’article 136 du TFUE. C’est un détournement de procédure parfaitement illégal !
La révision simplifiée n’est envisageable que dans la mesure où il n’y a pas accroissement des pouvoirs des institutions européennes. Tel n’est pas le cas en l’espèce. À l’évidence, lesdites institutions participent au mécanisme, siègent en tant que telles et sont mandatées pour imposer à l’État concerné les conditions d’une intervention du MES.
Mes chers collègues, ne nous leurrons pas, ne nous payons pas de mots : la révision simplifiée prônée par le TFUE n’est pas possible juridiquement en la circonstance. Pareil transfert est la négation de la souveraineté des peuples et s’apparente à un véritable coup d’État du point de vue du droit.
M. Jean-Pierre Chevènement. Le Conseil constitutionnel aura vraisemblablement à se prononcer, lui qui vient de montrer, je tiens à le saluer, toute sa vigilance concernant l’exercice des libertés républicaines.
Applaudissements sur certaines travées du RDSE et sur les travées du groupe CRC.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, l’Europe croit se sauver en violant sa propre légalité. En réalité, elle persévère dans l’erreur. Il serait plus sage de reprendre un peu de distance pour ne pas nous enfermer toujours davantage dans l’exercice consistant à vouloir remplir un puits sans fond !
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe CRC. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’Europe connaît depuis plus de deux ans d’importantes turbulences, qui l’ont conduite à devoir surmonter une crise sans précédent. Les dirigeants européens, au premier rang desquels le Président de la République et la Chancelière allemande, se sont particulièrement mobilisés pour préserver l’euro et résister aux tentatives de déstabilisation de la part des spéculateurs.
Une première réponse a consisté en la mise en place, au printemps 2010, du Fonds européen de stabilité financière. Créé dans des circonstances exceptionnelles et avec un statut de société privée, ce dispositif a cependant été établi pour une durée limitée de trois ans et s’achèvera donc en juillet 2013.
Or le problème de l’endettement de la zone euro réclamera des années d’efforts à tous les États membres. Il sera d’autant plus difficile à régler qu’il touche aussi la plupart des autres grandes zones développées : l’Europe hors zone euro, les États-Unis et le Japon. Bien sûr, il faut faire face à l’urgence, mais rien ne nous dispensera des efforts de longue haleine nécessaires pour réduire l’endettement.
Il convient donc de nous inscrire dans la durée et d’apporter des réponses pérennes. Pour atteindre cet objectif, il est désormais nécessaire d’aller au-delà du mécanisme du FESF et de remédier ainsi aux faiblesses originelles de l’Union économique et monétaire. Nous devons véritablement franchir un seuil qualitatif, au travers de l’instauration d’un mécanisme permanent de gestion des crises.
Pourquoi le traité de Maastricht n’avait-il pas prévu un mécanisme de coordination des politiques financières et économiques, qui paraît aujourd’hui si évident ? La raison est simple : à l’époque, on craignait que la prise en compte du degré d’intégration nécessaire ne conduise à une Europe à plusieurs vitesses et ne trouble les opinions publiques concernées.
Force est de constater que les esprits ont considérablement évolué : personne ne s’offusque du fait que les vingt-sept États membres ne peuvent avancer à la même vitesse ; personne ne s’émeut de cette notion de souveraineté partagée, laquelle, dans le cadre du semestre européen, est désormais considérée par les Françaises et les Français prêts à regarder la vérité en face comme une force et non comme une faiblesse. Notre pays ne subit aucune perte d’influence.
S’il nous a fallu dix-sept sommets européens pour parvenir à élaborer une nouvelle architecture fondamentale pour le fonctionnement de l’Union européenne, nous le devons à l’indéfectible volonté française. Souvenons-nous, l’Allemagne était, il y a encore deux ans, totalement fermée à l’idée d’une gouvernance économique. Au fil du temps, la construction européenne apparaît, une fois de plus, comme la résultante d’une succession d’alliances entre États membres.
Comment avoir voulu, en effet, se doter d’une monnaie unique sans, parallèlement, mettre en place une coordination des politiques économiques ? Ce fut une erreur grossière, collective, comme l’a rappelé Philippe Marini. Remédier à cette incohérence est donc crucial pour l’avenir tant de l’Europe que de la France.
Initié dès le Conseil européen des 16 et 17 décembre 2010, le Mécanisme européen de stabilité, véritable fonds monétaire européen disposant d’un statut d’organisation internationale, permettra de nous doter de moyens d’action rapide, adaptés à la stabilisation des marchés. Même si la Commission européenne, assistée de la Banque centrale et, en cas de nécessité, du FMI, aura un rôle à jouer dans le mécanisme de régulation, ce seront bien les ministres des finances de la zone euro, composant le conseil des gouverneurs, qui prendront directement les décisions.
Un tel fonctionnement présente un double avantage : premièrement, et je m’adresse tout particulièrement aux esprits chagrins qui voudraient laisser penser le contraire, le processus décisionnel émanera toujours d’une autorité politique ; deuxièmement, on gagnera très nettement en réactivité, atout essentiel, vous le savez bien, face aux marchés financiers.
La gravité de la situation actuelle nous impose d’être guidés par le pragmatisme et le souci de l’efficacité. Je sais que certains sont critiques à l’égard de la méthode choisie, l’intergouvernemental, au lieu de la méthode originelle, à savoir le communautaire. L’urgence, imposée par la fébrilité, voire l’irrationalité des réactions des marchés financiers, nous a conduits à préférer l’intergouvernemental en la circonstance. Il importe de rappeler, malgré tout, que la ratification du traité ne peut d’ailleurs être assimilée à un quelconque abandon de souveraineté de la part des États cosignataires : aucun transfert de compétences ni aucune limitation de la souveraineté ne sont envisagés ; rien n’est fait sans le consentement des États.
Je l’ai déjà dit, le principe même de la construction européenne repose sur la souveraineté partagée, et il s’applique au budget comme aux autres domaines. Nous ne pouvons pas continuer à élaborer nos lois budgétaires et fiscales de manière isolée, alors que nous avons une monnaie unique à gérer ensemble. C’est bien le sens de l’accord intergouvernemental conclu par vingt-cinq pays européens le 30 janvier dernier et qui doit être entériné lors du prochain Conseil européen des 1er et 2 mars prochains. Le mécanisme imaginé est parfaitement équilibré puisque solidarité et responsabilité sont indissociables dès lors que l’on entend répondre aux sensibilités propres des différents États membres.
Pour conserver tout son sens à ce mécanisme, il est en effet essentiel que les États membres s’engagent conjointement en faveur d’un pacte budgétaire de nature à conduire les économies européennes vers la stabilité budgétaire, condition indispensable pour renouer avec la compétitivité, la croissance et l’emploi. En d’autres termes, si l’État membre concerné ne donne pas son accord au pacte budgétaire, il ne peut bénéficier du soutien du MES.
Cet accord portant sur le pacte budgétaire est fondamental pour la crédibilité de l’Europe. À l’heure où certains spéculateurs parient sur l’incapacité des gouvernements européens à prendre des décisions, voire espèrent purement et simplement l’éclatement de l’Europe, l’accord du 30 janvier démontre que, en dépit de quelques atermoiements – qui n’ont rien d’étonnant dans l’actuel contexte de crise –, les Européens ont été à nouveau capables de se réunir, de trouver un terrain d’entente et de formaliser un engagement clair.
L’engagement obtenu est donc capital, non seulement pour notre avenir commun en Europe, mais aussi, tout simplement, eu égard aux autres pays du monde, qui nous jugent sur notre capacité à décider. Toute velléité de remise en cause de cet engagement compromettrait sérieusement cette crédibilité. C’est dire si le vote de chacune et de chacun d’entre nous revêt, en cet instant, une importance majeure.
Les deux traités qui nous sont soumis symbolisent aussi le renforcement du lien franco-allemand, car rien n’aurait été possible avec nos autres partenaires européens sans une véritable relation de confiance entre ces deux membres fondateurs. Ce travail en commun est, et restera, essentiel.
Même si le couple franco-allemand ne dispose pas d’un privilège, l’expérience montre que le rapprochement des points de vue entre la France et l’Allemagne prépare toujours un accord plus large.
Ayons également présent à l’esprit les dispositions de l’article 13 du projet de traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, qui renforce la coopération ainsi que les échanges entre le Parlement européen et les parlements nationaux en matière de politiques budgétaires. Le Mécanisme européen de stabilité y aurait toute sa place.
À nous de saisir l’opportunité de ces échanges ! C’est d’ailleurs ce que nous avons fait, dans un parfait consensus, lors du vote de la dernière résolution au sein de la commission.
Je tiens également à couper court à toute critique concernant la problématique de la croissance. Il est vrai, comme l’a dit Richard Yung, qu’une légère récession guette la zone euro, au travers d’une diminution de la croissance de huit États membres. Cela ne doit pas nous faire oublier pour autant que, dans cette conjoncture, la prévision de croissance de la France en 2012 est de 0, 4 %. Pour reprendre les propos du président de la BCE, M. Mario Draghi, « la base sur laquelle nous pourrons réformer nos économies pour les rendre plus compétitives est la lutte contre les déficits publics ».
Je précise que la dette s’alourdit chaque jour de 120 millions d’euros. C’est en approfondissant le marché unique que nous devons, et pouvons, trouver un potentiel de croissance aujourd’hui insuffisamment exploité.
Ne nous perdons pas dans d’autres conjectures, sauf à y voir un moyen de nous détourner de l’essentiel !
Avant de conclure mon propos, je tiens à déplorer qu’il ne soit pas possible, sur un tel sujet, de dépasser les clivages partisans et d’oublier, au moins le temps d’un vote, les prochaines échéances électorales. Je vous renvoie, à ce propos, à la tribune publiée dans Le Monde du 25 février dernier par plusieurs parlementaires européens, notamment M. Cohn-Bendit
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
... et plusieurs économistes, qui ont qualifié de « bourde historique » le vote des députés de gauche et des écologistes à l’Assemblée nationale.
Je vous le dis en toute amitié, mes chers collègues : à l’heure où le monde change, vous ne changez pas !
Au moment où nous devons adresser au marché un signal fort, nous faisons le choix d’un modèle économique basé sur l’économie de marché et d’un modèle social qui ne pourra plus jamais être financé à crédit, comme cela fut trop longtemps le cas par le passé, au risque de pénaliser les générations qui nous suivront.
Regardez les socio-démocrates allemands : ce choix, ils l’ont fait, mais à Bad Godesberg, en décembre 1959, il y a cinquante ans !
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le MES, exposé et analysé par M. le ministre et Mme le rapporteur général, confère à l’Union européenne la stabilité économique qui lui faisait défaut depuis l’entrée en vigueur de l’euro. Cette structure pérenne vient remplacer le FESF, structure temporaire qui fut indispensable pour répondre en urgence à la crise, et qui restera en place jusqu’en 2013, le temps que le nouveau mécanisme soit ratifié par les États membres.
Le MES, organisation internationale délibérant à la majorité de ses membres, s’inscrit dans l’évolution des traités de Maastricht, d’Amsterdam et de Lisbonne.
Ce texte, qui suscite les interrogations de l’opinion publique, répond aux questions existentielles portant sur l’avenir de l’Union.
La stabilité, principale vertu du traité, est consacrée par le MES, qui vise, par un capital élevé et les garanties solides dont disposent les États bien notés, à donner confiance aux investisseurs. Il fonctionnera comme un système d’assurance.
La France et l’Allemagne ont eu un rôle moteur pour maintenir la Grèce au sein de la zone euro, alors que la stabilité de l’ensemble de la zone était menacée. Il y a quelques mois à peine, le risque de propagation à l’Italie, au Portugal ou à l’Irlande était prégnant. La stabilité financière de l’Union, qui traduit sa solidarité, constitue un bien commun bénéficiant à tous.
Le MES, après le sauvetage de la Grèce, pose la question de l’étendue de la solidarité entre les membres de l’Union.
Ce terme de solidarité, « propriété des Européens continentaux », est presque inconnu des Anglo-Saxons, souligne un éditorialiste du Financial Times. On réalise l’abîme d’incompréhension qui nous sépare de nos voisins britanniques ! La solidarité répond en effet, pragmatiquement, au respect des intérêts de chacun et soude l’Union.
La faiblesse congénitale de l’euro résidait dans l’absence de gouvernance économique et financière, très critiquée par Jacques Delors et Valéry Giscard d’Estaing. Ces éminents Européens ont enfin été entendus. Ce traité répond à l’impératif d’union économique et financière par des mesures nouvelles de coordination des politiques économiques et de gouvernance. Cela constitue peut-être même une étape sur le chemin du fédéralisme budgétaire.
Pendant de la solidarité européenne, la discipline budgétaire doit être mise en application non seulement dans les États aidés, mais aussi dans tous les États membres, par le biais de l’exigence de l’équilibre budgétaire, dite aussi « règle d’or », contenue dans le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, qui sera soumis à ratification lorsque nous aurons transposé cette règle en droit interne. Monsieur le ministre, quel en sera le calendrier ? Quelle sera l’articulation entre les deux traités ?
Je ne suis pas convaincu qu’il faille lier le MES à la BCE, car cela affaiblirait la banque centrale en élargissant, et donc en diluant, son rôle. Quelle est la position du Gouvernement sur cette proposition de la commission des finances ?
La rigueur ne doit pas étouffer la croissance et la compétitivité. Il faut trouver le bon équilibre ; nous avons eu le même débat lors de l’examen du collectif budgétaire.
L’Europe doit bien sûr favoriser la croissance et l’emploi. La lettre aux présidents Van Rompuy et Barroso, envoyée par David Cameron et onze autres chefs de gouvernement, contient un certain nombre de propositions intéressantes en matière de relance de la croissance.
Ne laissons plus nos incertitudes et nos égoïsmes nationaux entraver l’essor de l’Europe ! Premier marché mondial, elle ne parvient pas à devenir la puissance économique et politique mondiale qu’elle devrait être en se rassemblant et en se coordonnant.
Aussi ne puis-je comprendre la décision des socialistes, pourtant héritiers du Président Mitterrand, Européen convaincu, de s’abstenir sur ce texte.
Soit nous avançons avec nos partenaires dans une Union à Vingt-sept, soit nous restons en marge, ce qui est inconcevable. Pourquoi prendre le risque d’entraver la construction européenne ?
Permettez-moi, après Jean Bizet, de citer Daniel Cohn-Bendit, Européen incontesté, qui stigmatise « l’hypocrisie de la gauche française, Verts compris ».
Selon lui, « le Mécanisme européen de stabilité est l’une des rares choses positives que l’on a pu arracher au Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement, et surtout à l’Allemagne : il instaure une solidarité financière entre les pays de la zone euro... Le MES est la porte d’entrée vers les obligations européennes. Si, demain, la gauche parvient au pouvoir, elle sera très contente d’avoir un MES à sa disposition pour organiser la solidarité financière ».
Et il ajoute : « Le refuser, c’est injurier l’avenir ». C’est clair et réaliste !
Les pays en difficulté ayant reçu des aides de l’Union ont engagé de véritables réformes structurelles. S’agissant de la Grèce, pour illustrer l’absence de coordination passée de l’Europe, je pourrais citer Thucydide, qui déplorait déjà que les cités grecques jouent indépendamment les unes par rapport aux autres, et donc les unes contre les autres.
La situation que vit la Grèce est terriblement difficile. Pendant des années, loin de mettre à profit les fonds structurels pour moderniser et assainir son économie, elle a été gangrenée par le clientélisme, dénoncé par les ministres grecs eux-mêmes, et n’a pas su réformer sa fiscalité, notamment le statut fiscal de l’église orthodoxe. Le plus difficile sera d’encaisser l’impôt, tant il semble normal, dans ce pays, de frauder.
Pourtant, l’espoir est permis, et les choses commencent à changer. Ainsi Panos Beglitis, ancien ministre de la défense, député de Corinthe, qui fustige le système politique grec, se félicite-t-il du Mémorandum II, qui permettra à son pays de changer radicalement et d’aller de l’avant.
Je tiens à revenir brièvement sur le rôle scandaleux joué par Goldman Sachs, qui, dans le même temps qu’il conseillait le gouvernement grec, incitait à la spéculation sur sa dette, dans le mutisme des agences de notation.
Une mission commune d’information sur le fonctionnement, la méthodologie et la crédibilité des agences de notation, présidée par Mme Espagnac du groupe socialiste, et dont je suis le rapporteur, a été créée sur l’initiative du groupe de l’UCR. Je suis certain que nous parviendrons à tirer des conclusions très intéressantes sur le fonctionnement de ces agences.
L’Espagne de Marino Rajoy mène des réformes courageuses, malgré un taux de chômage des jeunes catastrophique de 46 %, ou plutôt, justement, pour inverser cette tendance.
L’Italie de Mario Monti, avec modestie et efficacité, mène les réformes à « un train d’enfer » – selon les propres termes du président du Conseil italien –, allant jusqu’à supprimer des strates administratives pour faire des économies. Nous aurions dû en faire autant, monsieur le ministre, au lieu de choisir un moyen terme trop complexe.
L’OCDE a salué les réformes entreprises dans notre pays depuis cinq ans. Cependant, en cette période électorale, l’économiste allemand Klaus Zimmermann, professeur à l’université de Bonn, fait un constat alarmant sur le programme économique de la gauche, qui nous ferait revenir au moins dix ans en arrière. §
Comme il le souligne, « plus la France tardera à adopter une vision globale pour l’Europe, plus cela risque de lui nuire, tout comme au reste de l’Europe. Les gouvernements réformistes italien et espagnol ne manqueront pas de souligner, à la première occasion, qu’ils sont largement en train de devancer la France ».
Soyons tous responsables, soyons tous Européens ! Nous avons oublié l’enthousiasme des pères fondateurs, capables de placer l’idéal européen au-dessus des égoïsmes nationaux, car ils étaient convaincus que ce qui était bon pour l’Europe était bénéfique à tous ses membres.
Sur ces travées, nous nous affirmons tous Européens. Comme les pères fondateurs, plaçons les intérêts de l’Europe, notamment ceux de la France, au-dessus des intérêts partisans en votant ce Mécanisme européen de stabilité ! §
J’interviens par courtoisie vis-à-vis des orateurs qui se sont exprimés, mais je serai bref. D’ailleurs, je me suis même demandé si je devais répondre puisque, finalement, la décision est acquise. En effet, la droite va voter les projets de loi, une partie de la gauche va s’abstenir et une autre partie de la gauche va voter contre.
En fait, mesdames, messieurs les sénateurs, peu d’entre vous contestent la solidarité qui existe à l’intérieur du Mécanisme européen de stabilité. En effet, de quoi s’agit-il ? De défendre des États fragiles, quel que soit leur passé, dans le contexte d’une pression financière et d’une spéculation qui risquent de déstabiliser, d’abord, des États et donc des peuples et, ensuite, la construction de la zone euro et celle de l’Europe.
Il fut un temps où j’aurais été contraint dans cette enceinte – sans, d’ailleurs, en être gêné – de m’adresser au centre, c’est-à-dire à la partie pro-européenne des socialistes, de la droite et du centre, puis de me tourner vers la droite de l’hémicycle pour parler aux souverainistes, qui auraient voté contre, et vers la gauche pour convaincre les communistes – n’en déplaise à certains, il en existe encore –, …
… qui se seraient également opposés aux projets de loi. En outre, certaines personnalités, comme Jean-Pierre Chevènement, auraient fait entendre leur voix forte.
Tel n’est plus le cas, car la droite et le centre sont européens. Sans doute, existe-t-il un certain nombre de débats en leur sein, mais, pour ce qui est de ce mécanisme, l’opposition sénatoriale et la majorité de l’Assemblée nationale sont fortement déterminées à ne pas laisser des États fragiles en perdition face à la spéculation. Cela est vrai même si l’endettement de ces États résulte en grande partie de l’irresponsabilité d’un certain nombre de dirigeants, dans un contexte où l’euro a masqué les différences et les divergences qui pouvaient exister entre les économies.
Je m’attendais à entendre un certain nombre d’entre vous dire que ce mécanisme est bon. Je n’ai pas été déçu. En effet, Mme la rapporteure générale s’est déclarée convaincue de l’intérêt du Mécanisme européen de stabilité. De la même façon, à l’Assemblée nationale, j’ai entendu Élisabeth Guigou dire que, dans un autre contexte, elle aurait voté les projets de loi. Il y a quelques instants, j’ai même entendu M. Baylet dire avec beaucoup de difficultés que, en d’autres temps, dans d’autres situations, avec d’autres majorités, lui aussi aurait voté avec enthousiasme en faveur du MES.
J’ai bien compris qu’il est vain de combattre, puisque d’abord le combat est gagné et qu’ensuite, mesdames, messieurs les sénateurs socialistes, vous avez décidé de ne pas choisir. Il ne s’agit pas pour moi de vous invectiver ; le temps n’est pas à la polémique.
Je veux simplement vous dire qu’il aurait peut-être fallu que nous dépassions le moment un peu particulier dans lequel nous sommes.
Personne ne peut prétendre que la décision de créer le Mécanisme européen de stabilité a été prise à la va-vite, dans un but essentiellement électoraliste. Ce mécanisme existe, parce que l’ensemble des pays européens, à un moment donné, ont voulu opposer des pare-feu à un incendie qui les touchait anormalement.
Nous avons bien compris que la position du parti socialiste n’émane pas de ses parlementaires, mais qu’elle lui a été soufflée par son candidat à l’élection présidentielle.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Je trouve dommage que, sur un sujet aussi important, s’agissant d’une étape majeure de la construction européenne, nous ne soyons pas réunis. De temps en temps, en effet, nous avons vocation à nous retrouver. C’est ainsi que j’ai voté, sur l’initiative des socialistes, en faveur de certaines étapes décisives de la construction européenne.
Je le dis avec tranquillité, mais en même temps avec fermeté : il est dommage de penser à la prochaine élection alors qu’il faudrait penser à la prochaine génération !
Les enfants européens, lorsqu’ils feuilletteront la petite histoire de la construction européenne, apprendront que des hommes et des femmes avaient la conviction qu’il ne fallait pas construire l’Europe ainsi. Certains siègent d’ailleurs sur ces travées. Mais ces enfants découvriront aussi que d’autres, bien qu’ils aient su que cette construction était bonne, ont choisi de s’abstenir ou d’être absents.
Choisir de ne pas choisir, c’est une faute en politique, même si vous pensez que, tactiquement, vous avez raison.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
M. Jean Leonetti, ministre. Cyniquement, vous avez peut-être raison, mais, politiquement et moralement, vous avez tort !
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?...
La discussion générale commune est close.
Nous passons à la discussion du projet de loi autorisant la ratification de la décision du Conseil européen modifiant l’article 136 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne en ce qui concerne un mécanisme de stabilité pour les États membres dont la monnaie est l’euro.
Je suis saisi, par Mmes Assassi et Borvo Cohen-Seat, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi adopté par l’Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du traité de la décision du Conseil européen modifiant l’article 136 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne en ce qui concerne un mécanisme de stabilité pour les États membres dont la monnaie est l’euro (n° 393, 2011-2012)
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée, pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Éliane Assassi, auteur de la motion.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de la dernière séance de questions d’actualité au Gouvernement devant le Sénat, Mme Valérie Pécresse, porte-parole du Gouvernement, ministre du budget, s’est exclamée : « Nous ne voulons pas laisser tomber la Grèce. » C’est là, finalement, le seul argument invoqué pour défendre le traité instituant le Mécanisme européen de stabilité, qui constitue de fait une terrible machine à imposer l’austérité aux peuples européens.
Comment affirmer que les chefs d’État européens ne laissent pas tomber les Grecs, lorsqu’on examine la situation dramatique de ce peuple ? En Grèce, en effet, le chômage touche maintenant 20 % des actifs et 40 % des jeunes.
Le salaire minimum a été baissé de 22 %, et même de 32 % pour les jeunes. Les services publics sont mis en pièce : le budget du secteur hospitalier, par exemple, est réduit de 40 %.
Les besoins de base du peuple ne sont plus satisfaits. La malnutrition fait massivement son apparition et, sur onze millions d’habitants, trois millions sont officiellement considérés comme pauvres.
Le matériel pédagogique n’est plus fourni dans les écoles, et le chauffage y est souvent coupé.
J’ai même lu récemment dans la presse qu’une jeune femme avait dû renoncer à accoucher en milieu hospitalier, parce qu’elle ne disposait pas des 900 euros qu’on lui demandait.
Les capitalistes européens n’ont pas plongé la Grèce dans l’austérité, mais dans une crise de civilisation, dans une nouvelle barbarie – libérale, cette fois-ci.
« Nous ne voulons pas laisser tomber la Grèce »… Mais qui est responsable de la crise qui sévit partout en Europe ? Non pas seulement en Grèce, mais dans l’ensemble des pays d’Europe, y compris en Allemagne, n’en déplaise à ceux, comme M. Sarkozy, qui l’idolâtrent aujourd’hui. Ce sont ceux qui ont instauré une Europe dont l’objectif de domination était l’optimisation des capitaux.
L’Europe libérale n’est pas un mythe. Le désastre grec et celui qui menace au Portugal, en Espagne et en Italie démontrent qu’en laissant la voie libre aux spéculateurs – dois-je vous rappeler les dogmes maastrichtiens de la libre circulation des capitaux et de la concurrence libre et non faussée ? –, on a fait le malheur des peuples et, bien entendu, celui des plus défavorisés.
Cela fait bien longtemps que les partisans de cette Europe ont laissé tomber les peuples, les Grecs comme les autres. Aujourd’hui, ils entendent utiliser ces malheurs pour justifier un nouveau recul démocratique, qui, n’en déplaise à M. Fillon, constitue la suite logique du traité de Maastricht qui a érigé la finance en vertu cardinale de la construction européenne.
La mondialisation financière porte des coups terribles aux principes démocratiques. Qui décide ? Qui détient vraiment le pouvoir ? Tout porte à croire que l’oligarchie financière qui est à la tête des 147 multinationales dirigeant l’économie mondiale tombe les masques. Jusqu’à présent, elle se contentait de tirer les ficelles par l’intermédiaire de grandes institutions internationales comme le FMI ; maintenant, elle place ses hommes aux commandes politiques.
Comment ne pas souligner le rôle des fossoyeurs de la Grèce, ces banques sans frontières comme Goldman Sachs, qui, avec la complicité des forces politiques au pouvoir, ont manipulé le pays et l’ont conseillé officiellement pour falsifier ses comptes publics ? On sait, par exemple, que Goldman Sachs a inscrit dans le bilan comptable de la Grèce des recettes à venir, afin de faire baisser le poids de la dette dans le PIB. On sait aussi que Goldman Sachs, conseil du gouvernement, a encouragé la spéculation en conseillant à ses clients des crédits de défaut sur la dette grecque, favorisant ainsi la hausse des taux d’intérêt.
Là où le bât blesse, c’est que M. Papademos, Premier ministre grec, M. Draghi, président de la BCE, et même M. Monti, chef du gouvernement italien, sont d’anciens responsables de Goldman Sachs. M. Draghi a même présidé la branche européenne de Goldman Sachs entre 2002 et 2005, au moment où la politique sournoise de cette banque à l’égard de la Grèce était mise en place. L’adage a rarement été si bien fondé : ce sont les pyromanes qui crient au feu !
Ce rappel n’est pas anecdotique : il doit susciter une grande vigilance à l’égard de décisions prises par des personnes qui ont mené une politique dévastatrice en Europe. Cette vigilance doit être d’autant plus grande que Mme Merkel et M. Sarkozy tentent aujourd’hui de donner les pleins pouvoirs à ces financiers sans scrupule qui n’ont que faire de l’intérêt général.
En Grèce, 350 milliards d’euros ont déjà été investis, dont 237 milliards d’euros aux termes du dernier accord. Posons-nous donc quelques questions : pourquoi cela ne marche-t-il pas ? Le peuple grec serait-il inférieur ? La réponse est simple : ces sommes ne sont pas investies dans le développement social, mais réinjectées directement ou indirectement dans le circuit spéculatif. C’est ainsi qu’une partie des 130 milliards d’euros versés directement par le MES sera versée aux banques fraîchement nationalisées, mais dont le destin est d’être rapidement rendues aux intérêts privés, une fois renflouées.
Les puissances d’argent, face à la colère légitime des peuples, ont décidé une fuite en avant : face à la crise qu’elles ont elles-mêmes provoquée, elles ont décidé d’enfoncer le clou.
Le ministre des affaires étrangères allemand l’a dit lui-même : les pays qui doivent être placés sous la protection des fonds de secours de la zone euro « doivent aussi être prêts à renoncer à certains pans de leur souveraineté, notamment pour que l'on puisse intervenir dans leurs budgets ».
Mes chers collègues, ces propos font écho à ceux du président du Conseil européen, qui, le 30 novembre 2011, a évoqué des « sacrifices de souveraineté » ; ils font aussi écho à ceux de M. Sarkozy lui-même, qui a exigé une « marche forcée » pour adopter et ratifier le traité instituant le MES.
J’observe d’ailleurs que nous examinons ces deux traités lourds de conséquences en procédure accélérée et que la France serait le premier pays à les ratifier. Cette précipitation n’est pas acceptable, alors que la souveraineté budgétaire de notre pays est en cause ! En effet, il faudra avoir accepté le traité européen qui sera signé le 1er mars pour pouvoir éventuellement bénéficier de fonds versés par le MES. Or je rappelle que ce traité fait fi du pouvoir budgétaire des gouvernements et des parlements nationaux en instaurant une règle d’or européenne.
Cette méthode a déjà fait la preuve de son inefficacité. C’est la croissance qui sauvera les économies européennes, certainement pas les montages financiers issus de cet ensemble de traités, liés étroitement les uns aux autres de manière machiavélique, qui s’attaquent frontalement à la souveraineté nationale et populaire en réduisant à néant la souveraineté budgétaire. Pour ces raisons, les traités dont nous débattons cet après-midi, en particulier le traité instituant le MES, sont manifestement contraires à notre Constitution.
À ce propos, dois-je vous rappeler que, le 14 juin 2011, nous avons débattu d’un projet de loi constitutionnelle tendant à introduire dans notre Constitution une règle d’or nationale ? Les choses étaient claires : pour entériner la soumission de nos politiques budgétaires aux choix européens, il fallait modifier la Constitution.
Le débat était identique, et mon amie Nicole Borvo Cohen-Seat, présidente de mon groupe, avait dénoncé la mise en place d’une « camisole financière européenne ».
Nous savons que ce projet de loi constitutionnelle n’a pas pu aboutir, au grand dam de Nicolas Sarkozy. Ce n’est pas étonnant, puisque des critiques venaient de son propre camp. Ainsi, M. Hyest, rapporteur du projet de loi constitutionnelle, avait reconnu dans son rapport que le Gouvernement et le Parlement abandonnaient « une part de leur liberté », soulignant que cela entraînerait « de graves inconvénients pour la cohérence des travaux parlementaires et le droit d’initiative des députés et sénateurs ».
Pourquoi ces critiques, provenant de l’UMP elle-même, ne seraient-elles plus valables aujourd’hui, alors que la Constitution est tout autant bafouée par le traité modifiant l’article 136 du TFUE et par celui qui tend à instituer le MES ? Pourquoi d’ailleurs les parlementaires socialistes qui avaient alors voté contre accepteraient-ils un abandon de souveraineté décidé directement par les autorités de Bruxelles ?
Faut-il le rappeler, l’article XIV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 fonde la souveraineté budgétaire ? En voici les termes : « Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée. »
Je suis surprise, voire atterrée, d’entendre parfois des remarques cyniques sur l’ancienneté d’une telle disposition, fondatrice de notre République.
Pour justifier l’injustifiable, certains sont prêts à fouler aux pieds les éléments clés de la démocratie. Ils ignorent sans doute que le Conseil constitutionnel établit de manière constante sa jurisprudence en la matière sur l’article XIV précité. Il a par exemple précisé dans sa décision du 25 juillet 2001 que « l’examen des lois de finances constitue un cadre privilégié pour la mise en œuvre du droit garanti par […] la Déclaration » de 1789. Il a réaffirmé à cette occasion les principes d’annualité, d’irréversibilité et d’unité du budget.
Les articles 5 et 13 du traité relatif au MES ne sont donc pas conformes à la Constitution de notre pays.
Parce que le conseil des gouverneurs adopte, aux termes du paragraphe g de l’article 5 « l’octroi du mandat à la Commission européenne de négocier, en liaison avec la BCE, la conditionnalité de politique économique dont est assortie chaque assistance financière, conformément à l’article 13, paragraphe 3 ». Cet article 13, quant à lui, dispose : « […], le conseil des gouverneurs charge la Commission européenne […] de négocier avec le membre du MES concerné un protocole d’accord définissant précisément la conditionnalité dont est assortie cette facilité d’assistance financière. » Il poursuit, et ce point est important : « Le protocole d’accord doit être pleinement compatible avec les mesures de coordination des politiques économiques prévues par le TFUE ». Et la Commission, en lien avec le FMI, veille au respect de la conditionnalité dont est assortie l’assistance financière !
Le traité fondateur, issu du traité de Rome, sera modifié le 1er mars ; il intégrera la règle d’or européenne et donnera tout pouvoir aux autorités européennes pour décider des politiques économiques et budgétaires des États membres.
Mes chers collègues, je souhaitais faire cette démonstration pour rendre évidente l’inconstitutionnalité du traité relatif au MES et du traité modifiant l’article 136 du TFUE.
Vous l’aurez remarqué, les deux traités dont nous débattons aujourd’hui sont étroitement liés. Selon nous, chacun d’entre eux est irrecevable au regard de notre Constitution, car ils participent tous deux à la mise en cause de la souveraineté budgétaire.
Pour une plus grande clarté de nos débats, j’ai choisi de présenter, dès l’ouverture de la discussion sur le traité modifiant l’article 136 du TFUE, l’ensemble des points d’inconstitutionnalité marquant les deux traités, même si celui qui crée le MES focalise l’attention.
Je souhaite en cet instant appeler l’attention du Sénat sur la profonde illégalité dont est entaché le traité relatif à l’article 136. Cet article ne pouvait être modifié par procédure simplifiée qu’en respectant l’article 48 du traité sur l’Union européenne, qui exige l’absence d’accroissement des compétences de l’Union européenne dans ce cadre. Les partisans du MES jurent, la main sur le cœur, que la création de ce mécanisme n’entraîne pas d’augmentation des compétences puisque ce n’est pas une institution de l’Union européenne. Ils font preuve, selon moi, de mauvaise foi, …
… car, sans entrer dans les détails, chacun peut s’apercevoir du rôle nouveau et puissant de la Commission européenne, qui pourra, dès la mise en œuvre du MES, dicter ses choix économiques et sociaux aux États membres.
Le traité modifiant l’article 136 du TFUE relève donc de la manipulation pure et simple. De ce fait, il est parfaitement illégal et irrecevable.
La règle d’or du mois de juin 2011 n’était pas conforme à notre Constitution ; celle de ce mois de février ne l’est pas plus, fût-elle européenne.
Je souhaite maintenant…
Même si cela vous déplaît, j’utiliserai intégralement mon temps de parole !
… invoquer un motif d’irrecevabilité plus formel, mais significatif de la volonté de dissimuler les contours de ce grave forfait que constitue le fait de priver un peuple de sa souveraineté.
L’article 54 de la Constitution offre la possibilité de saisir le Conseil constitutionnel en amont de la ratification d’un engagement international pour permettre d’exiger une révision de la Constitution. Pourquoi MM. Sarkozy et Fillon n’ont-ils pas usé de ce droit, comme cela a été fait en 1997, en 2004 ou en 2007 avant la ratification des traités importants que sont le traité d’Amsterdam, le TCE, le traité de Lisbonne ?
L’interrogation constitutionnelle est là. Faut-il la laisser en suspens au risque de trahir la conception républicaine de nos institutions ? Cette omission volontaire d’un contrôle de constitutionnalité est grave et relève d’une manipulation de nos institutions.
L’article 54 de la Constitution prévoit que soixante députés ou soixante sénateurs peuvent exercer le droit de saisine. Soixante sénateurs l’ont fait par le passé à propos du traité de Maastricht. Mes chers collègues, pourquoi ne pas le faire aujourd’hui ? Je vous laisse méditer sur cette question.
Le temps m’est compté
M. Yann Gaillard s’esclaffe.
Ni le Gouvernement, ni le Parlement, ni les citoyens, bien entendu, n’auront plus la moindre prise sur cet argent public mis entre les mains des financiers européens. Les dirigeants de la société en question n’auront de compte à rendre à personne. L’article 35 du traité leur confère une immunité absolue.
Mes chers collègues, nous assistons à un nouveau coup de force des partisans d’une Europe libérale bien éloignée de l’idéal de développement, de droits nivelés par le haut, de cette Europe sociale, cette Europe des peuples à laquelle nous aspirons.
Ce qui choque plus encore que par le passé, c’est la dissimulation, la manœuvre et l’utilisation du malheur des uns pour renforcer le pouvoir des oligarchies financières au mépris de la démocratie.
À ceux qui voudraient persister dans cette voie dangereuse de la tromperie et de l’asservissement des peuples, nous rappelons le référendum de 2005. Avec le Front de gauche, les sénateurs communistes mèneront la bataille avec opiniâtreté pour que les traités en cause soient soumis à référendum.
M. Sarkozy veut stigmatiser les chômeurs et les immigrés en ayant recours à la voie référendaire. Qu’il commence par soumettre au peuple français son projet d’abandon de souveraineté !
Au regard de l’importance du projet de loi relatif au MES, les membres du groupe CRC, dans un souci de clarté, demandent qu’il soit procédé à un scrutin public sur la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité. §
La commission des finances s’est prononcée pour le rejet de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, mais je veux répondre sur le fond.
La Commission européenne a donné un avis sur la procédure choisie. Selon elle, les conditions requises pour pouvoir recourir à la procédure de révision simplifiée prévue par le traité de Lisbonne – c’est ce point qu’incrimine l’auteur de la présente motion – sont remplies. Je vous cite, mes chers collègues, des extraits de l’avis qu’elle a émis : « D’une part, la modification proposée porte sur une disposition […] relative aux politiques et actions internes de l’Union. La Commission relève au surplus qu’elle n’affecte ni directement ni indirectement les autres parties du TFUE.
« D’autre part, cette modification n’affecte pas les compétences attribuées à l’Union dans les traités. En effet, il ne s’agit pas de créer une nouvelle base juridique en vue de permettre à l’Union d’engager une action qui n’était pas possible avant la modification du traité. Selon le projet de décision, le mécanisme permanent de stabilité sera institué directement par les États membres dont la monnaie est l’euro. »
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel, juge de la constitutionnalité des lois, ne se prononce pas sur l’élaboration des traités européens.
Le Gouvernement est évidemment contre la présente motion.
Même si Mme Assassi s’est longuement exprimée – tout le monde a pu le constater –, elle n’a en aucune façon démontré l’inconstitutionnalité du projet de loi en cause.
Si l’on modifie l’article 136 du TFUE afin d’ajouter le Mécanisme européen de stabilité, c’est bien pour apporter une sécurité juridique eu égard à l’article 125 du traité sur l’Union européenne selon lequel on ne doit pas subventionner les États. Comme nous voulons instaurer une solidarité entre les États, il faut bien instituer une telle sécurité juridique.
Quant au Mécanisme européen de stabilité, il n’est en aucun cas de nature privée. C’est un mécanisme international. À ce titre, il est piloté par les ministres des finances de l’Union européenne. En la matière, aucun transfert de souveraineté n’est opéré à une pseudo-banque privée qui utiliserait l’argent en toute impunité et selon son bon vouloir.
Mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, permettez-moi de le rappeler une fois de plus : à gauche, deux visions de l’Europe totalement opposées s’affrontent. Vous devriez vous pencher sur cette question entre le premier et le deuxième tour de l’élection présidentielle. §
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
J'ai été saisi de trois demandes de scrutin public émanant, la première, du groupe UMP, la deuxième, du groupe de l'UCR et, la troisième, du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 108 :
Le Sénat n'a pas adopté.
En conséquence, nous passons à la discussion de l’article unique du projet de loi.
Est autorisée la ratification de la décision du Conseil européen modifiant l'article 136 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne en ce qui concerne un mécanisme de stabilité pour les États membres dont la monnaie est l'euro, adoptée à Bruxelles, le 25 mars 2011, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Mes chers collègues, rappelez-vous que l’Europe devait réunir les peuples. Et pourtant elle est en train de les dresser les uns contre les autres !
Désigner les seuls pays du Club Med, les PIGS en anglais, comme seuls responsables des malheurs de l’Europe a des relents d’avant-guerre peu ragoûtants.
L’Europe devait exorciser les fantômes bruns qui la hantaient. Jamais depuis la Libération, l’extrême droite n’avait été aussi puissante en Europe. Et hélas ! ce n’est pas terminé !
L’Europe devait rendre le vieux continent indépendant du capitalisme anglo-saxon, le protéger de ses crises récurrentes. La dépendance de l’Europe au FMI est désormais celle d’un pays sous-développé. Depuis la crise des subprimes, il n’est plus possible de cacher qu’elle est aussi le champ de manœuvre privilégié de la spéculation mondiale.
Depuis deux ans, l’Europe s’offre même le luxe d’une crise rien qu’à elle, celle de l’euro. Rappelez-vous, l’euro qui devait mettre un terme à la spéculation sur les monnaies l’a simplement remplacée par la spéculation sur les taux d’intérêt, livrant la Grèce aux usuriers !
L’euro devait permettre aux économies de la zone de converger, les plus forts tirant les plus faibles. Le pays le plus fort, l’Allemagne, réalise aujourd’hui l’essentiel de ses excédents commerciaux sur le dos de ses partenaires, à commencer par la France.
L’euro devait stimuler la croissance, créer des emplois, de la richesse pour tous. Le chômage, le sous-emploi, la précarité dans la zone euro n’ont jamais été aussi élevés. La Commission vient même d’annoncer que, seule au monde dans ce cas, l’Europe entrera en récession en 2012.
Et l’on nous invite à ratifier des traités qui installeront le purgatoire éternel en Europe ! Belle solidarité qui étrangle ses bénéficiaires ! Prétendre faire respirer la zone euro en la plaçant sous poumon d’acier est un non-sens absolu.
Qui peut croire que le MES, nouvelle et tardive béquille d’une construction qui tient debout seulement par la tapisserie, après les interventions en quasi-contrebande de la BCE, après le Fonds européen de stabilité financière, fera cesser la spéculation et sortira le char européen de l’ornière ?
La monétisation de la dette souveraine par une BCE remplissant toutes les fonctions d’une banque centrale est la seule réponse appropriée. Monétisation de la dette souveraine, cela signifie une force de frappe réactive, potentiellement illimitée et gratuite pour la collectivité, à la différence du MES, lourd à mettre en œuvre, insuffisant en cas d’extension de la crise, comme l’ont notamment rappelé Nicole Bricq, Jean-Louis Carrère, Simon Sutour et Philippe Marini. Jean-Pierre Chevènement l’a indiqué, le MES est à la charge des contribuables, qu’ils soient prêteurs ou receveurs.
Pas plus qu’un bricolage financier ne saurait tenir lieu de banque centrale, le copinage des partis conservateurs allemand et français ne saurait tenir lieu de gouvernance de l’Europe et de la zone euro.
Les faits ont montré que créer une monnaie commune sans référence à l’étalon-or, sans pouvoir souverain pour l’administrer, sans banque centrale jouant tous les rôles d’une banque centrale était un leurre. Plus vite on l’admettra, plus on aura de chances de sauver ce qui reste du rêve européen.
Mes chers collègues, adopter ce projet de loi ou le laisser adopter en s’abstenant retardera peut-être l’heure de vérité, mais la rendra d’autant plus pénible le moment venu. Si le MES représente pour vous un progrès, dites-vous que c’est un progrès dans une voie sans issue ! §
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’a très justement rappelé notre collègue Aymeri de Montesquiou, la stabilité financière de l’Europe est notre bien commun. Il ne s’agit pas d’une lubie de financiers ou d’une utopie de technocrates, bien au contraire ! La stabilité financière est l’un des gages de bonne santé des économies des pays européens, un bouclier contre les revendications creuses des populistes et donc un jalon de sauvegarde des démocraties.
Les traités dont nous discutons aujourd'hui sont demandés de longue date par les sénateurs centristes, qui ont plaidé avant tout le monde – reconnaissez-le ! – pour un véritable fédéralisme européen qui aille au-delà de l’adoption d’une simple monnaie unique. J’avais eu l’occasion en octobre dernier, lors d’un débat préalable au Conseil européen, d’appeler, au nom de mes collègues du groupe Union centriste et républicaine, à l’institution d’un Trésor européen.
La route sera encore longue avant la matérialisation d’un véritable fédéralisme budgétaire, avant la constitution d’un véritable gouvernement économique de la zone euro. Et pourtant force est de constater que nous sommes d’ores et déjà engagés dans cette voie. La France a besoin de l’Europe, le monde a besoin de l’Europe, et ce au même titre que la Grèce, l’Irlande, l’Italie, l’Espagne et le Portugal. Le projet européen n’est plus seulement un idéal, il est devenu une nécessité à laquelle nous ne pouvons pas nous dérober.
On a fait tous les reproches possibles à ce traité. Et trop souvent on a superposé les enjeux. Le Mécanisme européen de stabilité n’est pas le traité de stabilité budgétaire : il n’est pas acceptable de voir certains prendre appui sur le second pour se dédouaner du premier.
Alors qu’ils ont été favorables au principe de l’Acte unique, du traité de Maastricht et du traité de Nice, je suis peinée, pour ne pas dire consternée, de voir nos collègues socialistes s’abstenir sur un tel texte et ne pas en profiter pour marquer fermement leur attachement au projet européen.
Madame Assassi, il y a quelques instants à la tribune, vous vous êtes dite surprise et atterrée. Nous sommes, pour notre part, consternés que vous ayez déposé avec vos collègues communistes des motions tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité sur les deux traités, au motif que l’instauration du MES contreviendrait au retour de la croissance en Europe. Vous êtes même allé jusqu’à parler de manipulation !
Nous ne pouvons plus nous tromper. La dépense budgétaire seule n’a jamais été suffisante pour relancer la croissance ; elle le sera encore moins dans un monde de plus en plus ouvert. L’austérité ambiante n’est pas tant le fait du MES que celui de l’absence de réformes structurelles dans tous les pays d’Europe depuis une trentaine d’années.
Le monde change vite, plus vite que nous le pensons ; le MES est une étape utile et nécessaire à l’Europe pour que nous puissions aussi nous adapter.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que la commission préconise l’abstention et que le Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 109 :
Le Sénat a adopté.
En conséquence, le projet de loi est adopté définitivement.
Nous passons maintenant à la discussion du projet de loi autorisant la ratification du traité instituant le mécanisme européen de stabilité, dont la discussion générale a été close.
Je suis saisi, par Mmes Assassi et Borvo Cohen-Seat, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi adopté par l’Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du traité instituant le mécanisme européen de stabilité (n° 394, 2011-2012)
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Éliane Assassi, auteur de la motion.
Quoi qu’en aient dit Mme la rapporteure générale et M. le ministre, nous persistons à affirmer que le mécanisme européen de stabilité, que les dirigeants européens tentent de mettre en place, est contraire à certaines des valeurs constitutionnelles qui fondent notre République.
La souveraineté budgétaire, actée dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, est l’un des piliers du concept de la souveraineté populaire.
En effet, permettez-moi ce petit rappel, c’est pour marquer la rupture avec l’Ancien Régime, où noblesse et clergé accaparaient les richesses que les révolutionnaires ont gravé dans le marbre de la Déclaration le contrôle des deniers publics, autrement dit du budget du pays, par le peuple et ses représentants.
Ceux qui refusent ici d’admettre que transférer la souveraineté budgétaire aux autorités européennes constitue une attaque frontale contre ce principe démocratique sont, au mieux, dans le déni et, au pire, je l’ai dit tout à l'heure, dans la dissimulation, voire dans la manipulation.
Or, je pense l’avoir démontré, le MES organise concrètement ce transfert de souveraineté puisque, pour pouvoir en bénéficier en cas de difficultés financières aiguës, il faudra se soumettre aux conditions de la Commission européenne en matière de politique économique et sociale.
À cet égard, et cela a déjà été expliqué, ces deux traités constituent un coup de force contre la souveraineté nationale et populaire pour imposer l’austérité aux peuples, à leurs représentants et à leurs gouvernements.
Mes chers collègues, je pense que vous êtes tous conscients de l’importance de votre vote d’aujourd'hui. En votant cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, vous refusez la soumission de notre peuple aux partisans d’un libéralisme sans frein pour l’Europe. En ne la votant pas, vous acceptez un grave abandon de démocratie, aux dépens du peuple, de ce peuple, dont les candidats à l’élection présidentielle parlent à l’envi, mais qui devrait être consulté par référendum sur cette question qui engage l’avenir de notre pays.
Pour toutes ces raisons et parce que nous voulons que soient affirmés avec solennité les décisions prises et les choix opérés par les uns et les autres, nous demandons un scrutin public sur cette motion.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
La commission des finances est défavorable à la motion tendant à opposer à ce second projet de loi l’exception d’irrecevabilité présentée par nos collègues du groupe CRC, comme elle fut défavorable à la motion portant sur le projet de loi que nous venons d’adopter définitivement.
Pour ce dernier, vous aviez, mes chers collègues, fondé votre position sur deux arguments : l’atteinte à la souveraineté budgétaire et le recours à la procédure simplifiée. Sur ce dernier point, je répète que le Conseil constitutionnel n’est pas compétent pour juger du recours à la procédure simplifiée pour un traité européen.
S’agissant du projet de loi qui nous occupe présentement, vous n’invoquez que l’un de ces deux arguments : la mise en cause de la souveraineté budgétaire.
À cet égard, je rappelle que, lors de l’octroi de la garantie de l’État pour la création du Fonds européen de stabilité financière, le FESF, aucune question d’inconstitutionnalité n’a été soulevée, ni au Sénat, ni à l’Assemblée nationale.
Je veux aussi rappeler que la souscription au capital libéré ou appelable est une pratique courante. Ainsi, par le vote du collectif budgétaire à la fin du mois de décembre dernier, la France a accordé une augmentation du capital à la Banque de développement du Conseil de l’Europe par cette procédure. Or aucune motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité n’a alors été déposée.
S’agissant du MES, je procéderai à quatre rappels.
Premièrement, le Parlement devra approuver préalablement chacun des versements de l’État au MES.
Deuxièmement, la gouvernance du MES est politique : le conseil des gouverneurs est composé des ministres des finances de la zone euro. J’attire à cet égard votre attention sur un point important : la France, comme l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, dispose d’un droit de veto pour l’entrée en vigueur du MES puisqu’il faut que les États ayant ratifié le traité représentent au moins 90 % des votes.
Troisièmement, la France, comme l’Italie et l’Allemagne, bénéficie d’un droit de veto concernant la décision d’appeler du capital.
Quatrièmement, si la Banque centrale européenne et la Commission européenne estiment qu’il y a urgence à aider un État, les décisions peuvent être prises à la majorité qualifiée de 85 % des voix exprimées. La France, comme l’Italie et l’Allemagne, conserve donc son droit de veto. Cette décision est la plus importante car elle conditionne les futurs appels de capital.
Dans ces conditions, il me semble qu’invoquer l’inconstitutionnalité au nom de la souveraineté budgétaire n’est pas de mise.
Pour conclure, après avoir rappelé que, lors de la réunion de la commission des finances, le groupe socialiste s’est prononcé, à ma demande, en faveur de l’abstention, je ferai remarquer que c’est la première fois que la question de la solidarité financière est posée dans le débat public, au-delà des frontières du Parlement, et je remercie le groupe CRC d’avoir permis, en déposant deux motions, de dépasser ces frontières : les questions qu’il a posées sont importantes, c’est pourquoi j’ai souhaité y répondre point par point.
Mme la rapporteure générale, une fois de plus, a prononcé un plaidoyer étincelant en faveur du Mécanisme européen de stabilité ! On est donc en droit de se demander pourquoi elle ne vote pas en faveur du traité qui l’institue !
Il est évident que cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité doit être rejetée.
Pour ma part, au-delà de l’argumentaire technique approfondi que vient de développer Mme Bricq, je poserai une question essentielle : qu’est-ce que la souveraineté ?
M. Jean Leonetti, ministre. J’en ai assez d’entendre dire que l’Europe porte atteinte à la souveraineté de la Grèce ! Mesdames, messieurs les sénateurs, sans l’Union européenne, la Grèce serait incapable de payer ses fonctionnaires le mois prochain !
Exclamations sur les travées du groupe CRC.
La question de la souveraineté se poserait si les créanciers frappant à la porte ne pouvaient pas être remboursés : à ce moment-là, un État isolé qui ne serait pas membre de l’Union européenne ni de la zone euro, se retrouverait en faillite, comme ce fut le cas de l’Argentine… §
M. Jean Leonetti, ministre. Que se passe-t-il dans un tel cas de figure ? Il faut procéder à une dévaluation massive, les fonctionnaires ne sont plus payés, l’État ne peut plus emprunter. Dans une telle hypothèse, la situation du peuple grec serait effectivement très dégradée. Mais dire que la souveraineté du peuple grec est altérée aujourd’hui par l’existence d’un mécanisme de solidarité qui l’empêche de tomber sous le joug des spéculateurs et de la finance relève de la mystification !
Protestations sur les mêmes travées.
Pourquoi avez-vous peur de demander l’avis du peuple de France ? Pourquoi le craignez-vous ?
M. Jean Leonetti, ministre. Peut-être les dirigeants qui se sont succédé à la tête de ce pays, avec un euro qui leur permettait d’emprunter à 2 %, ont-ils alourdi sa dette au-delà du nécessaire ou du possible ? Lorsque ces gouvernements ont enfin constaté l’ampleur de leur dette souveraine, était-il opportun de doubler le nombre de fonctionnaires, d’augmenter le douzième mois, d’en verser un treizième ou un quatorzième ?
Protestations véhémentes sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Effectivement, le peuple grec souffre, mais il souffre parce que ses dirigeants se sont montrés irresponsables…
M. Jean Leonetti, ministre. Aujourd’hui, l’Union européenne vient au secours du peuple grec, non seulement en accordant une aide à la Grèce, mais en empêchant que cette situation ne se reproduise, grâce au Mécanisme européen de stabilité. Je préfère donc la solidarité européenne qui permet de préserver la souveraineté des peuples, plutôt que l’absence de solidarité européenne qui laisse les peuples devenir la proie de la finance et des spéculateurs ! La souveraineté, c’est pouvoir payer ses fonctionnaires à la fin du mois !
Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’UCR.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
J’ai été saisi de trois demandes de scrutin public émanant, la première, du groupe de l’UCR, la deuxième, du groupe UMP et, la troisième, du groupe CRC.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement sont défavorables à l’adoption de cette motion.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 110 :
Le Sénat n’a pas adopté.
En conséquence, nous passons à la discussion de l’article unique du projet de loi.
Est autorisée la ratification du traité instituant le mécanisme européen de stabilité entre le Royaume de Belgique, la République fédérale d’Allemagne, la République d’Estonie, l’Irlande, la République hellénique, le Royaume d’Espagne, la République française, la République italienne, la République de Chypre, le Grand-Duché de Luxembourg, Malte, le Royaume des Pays-Bas, la République d’Autriche, la République portugaise, la République de Slovénie, la République slovaque et la République de Finlande, signé à Bruxelles, le 2 février 2012, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans ce débat fort intéressant, fort riche, un point nous laisse perplexes : il s’agit de la conditionnalité de l’intervention du MES.
Tout d’abord, aux dernières nouvelles, l’immanence de l’État – sa nature même, en fait – ne peut qu’être invoquée face aux dettes souveraines qui lui sont opposées. La Grèce peut-elle faire défaut et, par là même, disparaître du paysage politique de l’Europe au seul motif qu’elle ne disposerait pas des moyens de payer ses dettes ? Évidemment, non !
Pour autant, la question qui nous est posée est claire : pourquoi serions-nous à l’avenir chiches et sourcilleux sur la mobilisation des fonds dédiés au Mécanisme européen de stabilité, alors que nous ne serions pas aussi attentifs à l’usage que nous pouvons faire des fonds avancés aux établissements de crédit ? En effet, madame la rapporteure générale, voilà bel et bien l’un des problèmes cruciaux que posent ces textes européens.
La Banque centrale européenne, dans sa grande sagesse – si l’on peut dire ! –, est prête, depuis plusieurs années, et encore ces prochains jours, à engager plusieurs centaines de milliards d’euros en faveur des établissements de crédit, en vue d’éviter ce que l’on appelle un credit crunch, c’est-à-dire le blocage systémique du secteur bancaire.
La BCE a d’ores et déjà avancé 489 milliards d’euros aux établissements de crédit et une enveloppe de 300 milliards à 600 milliards d’euros, avec une valeur moyenne estimée à 470 milliards d’euros, va être sollicitée par la BCE, pour être prêtée demain aux établissements de crédit au taux de 1 % ! C’est-à-dire que, moyennant un minimum de garanties – en l’espèce, le respect des critères prudentiels édictés par le comité de Bâle –, l’Europe est prête à engager, par le biais de la Banque centrale européenne, des sommes plus importantes encore que celles que l’on nous recommande de mobiliser dans le cadre du MES.
Pour parler clair, nous devrions donc être plus exigeants du point de vue de l’aide – l’appeler ainsi, avec les politiques de rigueur et d’austérité associées, est déjà un contresens ! – accordée aux États souverains, légitimés par les peuples, que nous ne le sommes vis-à-vis des banques, dont l’action a tout de même conduit quelques-uns de ces mêmes États dans la situation que nous connaissons aujourd’hui.
Alors même que la raréfaction du crédit aux PME, la chute libre des ouvertures de prêts accordées aux collectivités locales – situation aggravée en France avec la disparition probable de Dexia –, semblent montrer que l’argent accordé en abondance aux établissements de crédit n’a pas servi à modifier la donne économique. Et pourtant, sans un crédit bancaire efficace et mobilisé, quelle activité économique est encore possible ?
Nous ne pouvons tolérer, sur le fond, de telles distorsions dans l’affectation des moyens européens et nous ne pouvons accepter que l’Union européenne soit plus intrusive dans les politiques budgétaires et économiques de chaque État qu’elle n’est regardante dans la gestion des banques.
Mes chers collègues, nous pensons que « le MES n’est pas dit », si je puis me permettre, que le débat se poursuivra dans le pays et en Europe, bien au-delà de cette enceinte. Nous émettrons bien sûr un vote négatif sur cet article unique.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.
La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote.
… nous devrions faire preuve d’un courage unanime, oubliant les clivages politiques et les échéances électorales. Je constate qu’il n’en est rien et que la gauche française n’a pas pris la mesure de la gravité de la situation…
Elle a fait le choix d’adopter une posture politicienne, électoraliste, au détriment d’intérêts bien supérieurs, comme la sauvegarde des économies des nations européennes. Il est dommage, mes chers collègues, que l’intérêt de l’Europe ne soit pas un idéal partagé par tous, dans l’intérêt des peuples européens, et au-delà même de l’intérêt supérieur de la France. Cette situation est vraiment regrettable.
Bien évidemment, le groupe UMP votera ce projet de loi.
Applaudissements sur les travées de l’UMP.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que la commission recommande l’abstention et que le Gouvernement est favorable à l’adoption de ce projet de loi.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 111 :
Le Sénat a adopté.
En conséquence, le projet de loi est adopté définitivement.
L’ordre du jour appelle l’examen de six projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.
Pour ces six projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.
Je vais donc les mettre successivement aux voix.
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Union des Comores instituant un partenariat de défense, signé à Paris le 27 septembre 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’Union des Comores instituant un partenariat de défense (projet n° 131, texte de la commission n° 360, rapport n° 359).
Le projet de loi est adopté définitivement.
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le conseil des ministres de Bosnie-Herzégovine relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure, signé à Paris, le 29 mars 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le conseil des ministres de Bosnie Herzégovine relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure (projet n° 184, texte de la commission n° 410, rapport n° 409).
Le projet de loi est adopté définitivement.
Est autorisée l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République libanaise, signée à Paris, le 21 janvier 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République libanaise (projet n° 185, texte de la commission n° 412, rapport n° 411).
Le projet de loi est adopté définitivement.
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif à la Brigade franco-allemande (ensemble cinq annexes), signé à Illkirch-Graffenstaden le 10 décembre 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d’Allemagne relatif à la Brigade franco allemande (projet n° 135, texte de la commission n° 405, rapport n° 404).
Le projet de loi est adopté définitivement.
Est autorisée la ratification du traité entre le Royaume d'Espagne, la République française, la République italienne, le Royaume des Pays-Bas et la République portugaise, portant création de la force de gendarmerie européenne EUROGENDFOR, signé à Velsen le 18 octobre 2007, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité entre le Royaume d’Espagne, la République française, la République italienne, le Royaume des Pays-Bas et la République portugaise, portant création de la force de gendarmerie européenne EUROGENDFOR (projet n° 669 (2009-2010), texte de la commission n° 99, rapport n° 98).
Le projet de loi est adopté définitivement.
Est autorisée l'approbation de l'amendement à l'article 1er de l'accord portant création de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, signé le 29 mai 1990, visant à permettre à la Banque d'opérer dans les pays de la partie méridionale et orientale du bassin méditerranéen, adopté à Londres, le 30 septembre 2011, et dont le texte est annexé à la présente loi. –
Adopté.
Est autorisée l'approbation de l'amendement à l'article 18 de l'accord portant création de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, signé le 29 mai 1990, visant à étendre l'utilisation des fonds spéciaux aux pays bénéficiaires potentiels de la Banque, adopté à Londres, le 30 septembre 2011, et dont le texte est annexé à la présente loi. –
Adopté.
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation des amendements à l’article 1er et à l’article 18 de l’accord portant création de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (projet n° 353, texte de la commission n° 408, rapport n° 407).
Le projet de loi est adopté définitivement.
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, modifiant la loi n° 99-418 du 26 mai 1999 créant le Conseil national des communes « Compagnon de la Libération » (proposition n° 523 (2009-2010), texte de la commission n° 362, rapport n° 361).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l’ordre national des Compagnons de la Libération, le deuxième après celui de la Légion d’honneur, a été créé par le général de Gaulle dès 1940. Le général souhaitait en effet récompenser « ceux des nôtres qui se seront signalés dans cette haute et âpre campagne, pour la libération de la France ».
Il est vrai que, au lendemain de l’armistice et de l’appel du 18 juin, nul, si ce n’est le général de Gaulle, ne pouvait prédire la victoire sur la barbarie nazie. Ceux qui choisirent de s’engager pour la France libre ou la résistance intérieure prirent tous les risques, avec leur patriotisme comme seule certitude. L’ordre des Compagnons de la Libération devait récompenser cet engagement passionné qui changea le cours de l’Histoire.
Hélas, le temps fait son œuvre : parmi les 1 038 Compagnons de la Libération, seuls vingt-huit sont encore vivants aujourd’hui. Il y a quelques jours disparaissait ainsi René Gatissou, et avant lui le colonel Bernard Demolins. Notre responsabilité de faire vivre la mémoire de leur combat en est encore accrue.
La représentation nationale s’était employée en 1999 à assurer la pérennité de l’ordre national des Compagnons de la Libération, confiant cette responsabilité aux cinq communes « Compagnon de la Libération », c'est-à-dire Paris, Nantes, Grenoble, Vassieux-en-Vercors et l’île de Sein. C’était une décision pertinente et légitime car, à n’en pas douter, les communes « Compagnon de la Libération » survivront aux vingt-huit Compagnons de la Libération qu’il reste à ce jour.
Je soulignerai deux points qui comptent selon moi parmi les principales avancées de ce texte. D’une part, il est assez souple pour donner au pouvoir exécutif une certaine marge de manœuvre afin de déterminer, avec le conseil de l’ordre et les villes « Compagnon de la Libération », l’entrée en vigueur du nouveau dispositif. D’autre part, il assure la pérennité du musée de l’ordre, dont la gestion sera confiée à l’établissement public administratif.
Mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi, que nous devons au président de l’Assemblée nationale Bernard Accoyer et au député Michel Destot, procède d’une belle initiative : nous y sommes très favorables !
Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. le président de la commission des affaires étrangères applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pour satisfaire au souhait de la présidence compte tenu de la lourdeur de notre ordre du jour, mon intervention sera brève.
La présente proposition de loi, relative aux communes « Compagnon de la Libération », adoptée par l’Assemblée nationale, a été rédigée par Michel Destot, maire de Grenoble, et par le président Bernard Accoyer. Elle dépasse les clivages politiques et prévoit des évolutions en apparence mineures mais essentielles pour l’ordre de la Libération.
Je ne reviendrai pas sur la création de l’ordre de la Libération par le général de Gaulle en 1940 ni sur les communes et organismes qui ont été admis dans cet ordre à la fin de la guerre. Comme le rappelait M. le secrétaire d’État à l’instant, 1 061 croix ont été attribuées, dont 1 038 à des personnes, 5 à des communes et 18 à des unités combattantes, avec un seul critère d’attribution : la qualité exceptionnelle des services rendus, qui pouvaient ne pas être d’ordre militaire.
Au décès du général de Gaulle en 1970, le conseil de l’ordre a décidé de ne pas lui donner de successeur en tant que grand maître de l’ordre. La direction est, depuis, assurée par un grand chancelier.
S’est posée depuis plusieurs années la question de la gouvernance de l’ordre lorsque ses membres, personnes physiques, auront disparu.
La loi de 1999 formalise le pacte d’amitié conclu entre les cinq communes titulaires – Nantes, Grenoble, Paris, Vassieux-en-Vercors et l’île de Sein – en créant un établissement public national à caractère administratif, destiné à succéder au conseil de l’ordre de la Libération, dont la mission essentielle sera d’assurer la pérennité des traditions.
Il est apparu avec le temps que la loi opportune de 1999, qui avait apporté des solutions équilibrées à la nécessaire évolution de l’ordre, devait être précisée sur quelques points pour remplir pleinement ses objectifs. L’objet de la présente proposition de loi est donc d’apporter ces correctifs à travers quatre articles.
L’article 1er organise la gestion directe du musée de la Libération par le futur conseil national. Ce musée, situé actuellement à l’hôtel des Invalides, est en train de migrer vers le Mont-Valérien, ainsi que l’ordre lui-même. Ses collections regroupent plus de 4 000 pièces, 20 000 photographies et 4 800 ouvrages importants. Il est donc proposé de substituer le terme « gérer » à celui de « veiller » dans la définition des missions conférées au futur conseil national des communes « Compagnon de la Libération ».
L’article 2 instaure la possibilité, pour le futur conseil national, de recruter des agents contractuels, ce que la loi de 1999 ne prévoyait pas. Vous comprendrez naturellement l’intérêt de pouvoir disposer de personnels.
L’article 3 précise les ressources dont disposera le conseil national, en instaurant trois sources de financement nouvelles : le produit des droits d’entrée du musée et des visites-conférences payantes, la rémunération des services rendus, comme le prêt de salles ou la location d’espaces, ainsi que les produits financiers résultant du placement des fonds du conseil national, composés des dons et legs, des subventions de fonctionnement et des revenus du musée, pour un total de près de 1, 7 million d’euros par an.
L’article 4 mentionne que la future loi entre en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État et, au plus tard, le 16 novembre 2012, date du soixante-douzième anniversaire de la création de l’ordre. Il était donc naturel de légiférer rapidement.
En conclusion, je considère que les précisions apportées par la présente proposition de loi à la loi de 1999 sont très utiles pour assurer, sous une forme renouvelée, la pérennité de l’ordre de la Libération, et ne nécessitent pas de modification. La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées l’a adoptée conforme, et j’engage le Sénat à faire de même, afin de permettre une mise en application le 12 novembre prochain. §
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt-et-une heures trente.