Je suis favorable à ce que les États de la zone euro se dotent d’un instrument propre à apporter un soutien financier à un pays dont la situation menacerait celle-ci dans son ensemble, et je trouve normal que la discipline budgétaire soit la contrepartie de ce soutien. D’ailleurs, depuis le début de la crise, toutes les aides apportées par les Européens aux États en difficulté ont été assorties d’une conditionnalité.
Nous avons besoin d’un instrument susceptible d’aider les États en difficulté en raison de la nature même de la crise que traverse la zone euro.
Certes, les États fragilisés connaissent des déséquilibres macroéconomiques ou des crises de leur modèle de croissance, mais, en dehors de la Grèce, ceux qui ont perdu l’accès au marché des capitaux – le Portugal et l’Irlande – se trouvent dans cette situation parce qu’un mécanisme d’anticipation autoréalisatrice de hausse des taux s’est enclenché.
En d’autres termes, en dehors de toute rationalité, les conditions auxquelles ces États se finançaient sont devenues insupportables. Le FESF, avec tous ses défauts de taille, de structure financière, n’a pas réussi à endiguer ces réactions exagérées, pour ne pas dire plus, des marchés, les atermoiements des États ne l’y ayant pas aidé…
La Banque centrale européenne, intervenant à la limite de son mandat, a pris ses responsabilités pour contenir les évolutions des marchés. En un mot, elle a fait ce que n’ont pas fait les chefs d’État.
Le MES a vocation à clarifier les choses : les investisseurs sauront que la zone euro dispose d’un outil permettant d’honorer la dette de tous les États membres. Le risque disparaissant, il n’y aura plus de raison que s’enclenchent des spirales de hausses des taux. C’est pourquoi je suis favorable à l’instauration d’un tel instrument.
Quant à soumettre l’attribution des concours du MES à conditionnalité, cela n’a de sens que si l’on entend réussir à construire une véritable politique budgétaire européenne. Or tel n’est pas le cas aujourd'hui, on en conviendra.
Les déséquilibres macroéconomiques manifestés par certains États ont été rendus possibles par les faibles taux dont ils bénéficiaient depuis la création de l’euro, ce qui a conduit à la création de bulles. En effet, pour simplifier, depuis l’instauration de l’euro, les marchés ont consenti à tous les États les taux faibles accordés à la France et à l’Allemagne. C’est conforme à la logique d’une union monétaire, mais celle-ci était bancale. Lorsqu’il est apparu que toutes les conséquences d’une union monétaire n’avaient pas été tirées par tout le monde, la crise a éclaté. Pour leur part, les socialistes ont toujours réclamé la mise en place d’un gouvernement économique, au moins pour la zone euro.
Or la conséquence ultime de l’instauration d’une véritable union économique et monétaire, c’est un taux d’intérêt unique, la mutualisation des dettes publiques, avec les euro-bonds. Si nous voulons que les pays qui se financent dans de bonnes conditions acceptent de partager cet avantage avec ceux pour lesquels s’endetter coûte plus cher, il faut qu’ils aient l’assurance que la mutualisation des dettes ne se fera pas à leur détriment. Il faut donc que les États qui bénéficieraient de la mutualisation donnent des gages de sérieux économique.
Le sérieux économique est une exigence pour les États aidés, mais également pour ceux qui entendent éviter de devoir l’être un jour. À cet égard, l’engagement de François Hollande de respecter en 2013 l’objectif de solde arrêté par le Conseil européen, soit 3 % du PIB, prend tout son sens, de même que l’objectif qu’il a fixé d’atteindre l’équilibre en 2017.
La question qui se pose maintenant, mes chers collègues, est de savoir si cet instrument est bien conçu et si les conditions posées sont adaptées.
Sur l’instrument lui-même, le débat a été ouvert la semaine dernière, au Sénat, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2012, qui inclut les deux premières tranches de capital que la France versera au MES. Je rappelle que doter le fonds de capital est un choix judicieux, même s’il pèse, comme je l’ai démontré, sur notre déficit budgétaire.
Quant au mécanisme, je lui trouve deux limites.
La première tient à sa taille : 500 milliards d’euros. Je sais qu’elle sera rediscutée en mars, et j’ai bien noté que le ministre allemand des finances, M. Schäuble, a été obligé d’en convenir après le sommet des ministres de l’économie et des finances du G20 à Mexico, où une forte pression s’est exercée sur l’Allemagne. Quoi qu’il en soit, 500 milliards d’euros, c’est trop peu pour prévenir la contagion et le risque systémique qui ébranlerait la zone euro si demain l’Espagne, par exemple, était défaillante.
La solution la plus efficace serait de donner au MES une force de frappe accrue, à la mesure de la crise systémique que pourrait provoquer le défaut d’un État aussi important que l’Espagne, voire l’Italie. Cela étant, il est possible et souhaitable que l’Allemagne accepte d’additionner la force de frappe du MES et la capacité résiduelle du FESF ; la discussion se poursuivra sur ce point durant le mois de mars.
En tout état de cause, quel que soit le schéma retenu – je n’adresse pas de reproche au Gouvernement, parce que je sais qu’il partage cette analyse –, je pense qu’il faut que l’addition des capacités existantes – MES, FESF, effet de levier du FESF et FMI, avec ou sans augmentation des contributions des États extérieurs à la zone euro – atteigne un niveau permettant véritablement d’écarter les augmentations de taux liées à des anticipations autoréalisatrices.
La seconde limite, qui m’apparaît essentielle, c’est l’absence d’adossement du MES à la Banque centrale européenne.
Le Sénat avait été le premier, au début de septembre 2011, à formuler dans le débat politique français une proposition à ce sujet, sur l’initiative de M. Marini.
En cas de crise majeure sur les marchés obligataires souverains, le MES ne pourra pas trouver sur ces mêmes marchés les ressources qui lui seraient nécessaires. Ce débat est connu.
J’en viens maintenant à la conditionnalité.
Lorsque l’on se penche sur le plan de soutien à la Grèce, on est amené à s’interroger, monsieur le ministre, sur la logique économique qui peut le fonder. La Grèce va consentir des sacrifices économiques, sociaux, démocratiques pour mettre en œuvre un plan dont l’effet récessif sera tel que, à son issue, en 2020, la dette représentera encore, dans le meilleur des cas, 120 % du PIB, soit un niveau quasiment insupportable. Hier, au Bundestag, nos collègues du SPD ont d’ailleurs déclaré qu’il fallait se préparer à un troisième plan de soutien à la Grèce…
Surtout, je porte un jugement très sévère sur le choix qui a été fait de prévoir, dans un considérant du traité, que l’un des éléments de cette conditionnalité serait la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l’Union économique et monétaire, le TSCG.
Ce choix est aberrant pour trois raisons.
Tout d’abord, ce considérant est à mes yeux une provocation – une déclaration d’intention des parties, en langage diplomatique –, puisqu’il n’a pas de valeur juridique.