Intervention de Jean-Vincent Placé

Réunion du 28 février 2012 à 14h30
Mécanisme de stabilité pour les états de la zone euro. - mécanisme européen de stabilité — Discussion en procédure accélérée de deux projets de loi

Photo de Jean-Vincent PlacéJean-Vincent Placé :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, à l’heure où les Grecs souffrent, sous la pression des gouvernements de leurs voisins, sans doute n’est-il pas superflu de rappeler que ce sont eux qui ont inventé l’Europe. Le terme « Europe » a initialement désigné le territoire de la Grèce continentale, et c’est dans ce berceau que sont nés notre civilisation et les fondements de la démocratie que nous chérissons aujourd’hui.

Dans la crise globale que nous vivons, l’Europe apparaît comme le seul horizon politique pertinent. Les réponses exclusivement nationales ne sont plus à la hauteur de l’enjeu. C’est si évident, pour les écologistes, que nous avons choisi de faire figurer le mot « Europe » dans le nom de notre mouvement.

Les difficultés financières que connaît le monde aujourd’hui ne doivent pas nous abuser. Les racines de cette crise ne sont pas seulement financières : nous vivons le déclin irrémédiable d’un modèle de développement qui avait simplement omis de tenir compte des limites physiques du monde, de la finitude de notre environnement et de ses ressources.

Ce constat ne relève pas d’un quelconque attachement émotionnel ou contemplatif à la nature. Au-delà des dommages infligés à la santé des hommes et à leur bien-être, il s’agit d’une réalité économique : la croissance est désormais intrinsèquement limitée, par exemple, par le coût de l’énergie, celui du pétrole en particulier, qui explose à la moindre reprise d’activité.

À cette crise de la rareté s’en ajoute une seconde, tout aussi déterminante, que l’on pourrait qualifier de crise de répartition ; c’est la crise sociale.

Pendant plusieurs décennies, les libéraux ont justifié le renforcement des inégalités par une hypothèse d’abondance, que l’on entend encore parfois défendre : « puisque le gâteau augmente, chacun verra sa part croître, même si d’aucuns s’octroient des morceaux léonins ».

Cette accumulation inéquitable de capital, réalisée au détriment de l’investissement et des salaires du plus grand nombre, a dû être compensée par un recours incontrôlé à l’endettement, qui est à l’origine, notamment, de la crise des subprimes.

Cette course à la démesure, avant même de se muer en une crise financière, aura donc trouvé sa limite structurelle précisément là où elle avait prospéré : dans la pression immodérée exercée sur les ressources naturelles et la trop inégale répartition des richesses. Tel est l’héritage terrible que nous abandonne aujourd’hui le libéral-productivisme moribond.

Ce diagnostic est capital, car s’il peut ponctuellement y avoir urgence à desserrer l’étau financier qui étrangle tel ou tel pays, aucune réponse exclusivement financière ne pourra amorcer une rémission durable de la crise. C’est un leurre que de croire qu’en réglant la question financière sans s’attaquer aux racines écologiques et sociales de la crise, on réglera le problème économique.

À l’heure de la mondialisation, seules une intégration européenne et une harmonisation de nos politiques environnementales, fiscales et économiques peuvent aujourd’hui apporter une réponse à la triple crise que nous traversons.

Pour commencer à résoudre la crise écologique, rien ne sera possible sans la mise en place d’un véritable budget européen alimenté par des ressources propres, telles qu’une véritable taxe sur les transactions financières et une contribution climat-énergie.

Le Trésor européen, ainsi doté, pourrait financer d’indispensables investissements pour la mise aux normes environnementales des industries européennes, le développement des énergies renouvelables et des transports collectifs, la rénovation thermique des bâtiments, bref pour la transition écologique de la société européenne.

Sur le plan social, il faudra admettre et faire admettre à nos partenaires, notamment à l’Allemagne, que nous ne pouvons plus nous autoriser une politique économique de compétition intra-européenne, qui creuse les écarts de richesse au lieu de les réduire. Comme l’a très récemment démontré l’Organisation internationale du travail, l’OIT, l’Allemagne joue, à cet égard, un rôle dévastateur, en paupérisant sa propre population pour concurrencer les pays les plus pauvres. Or le Président de la République ne nous propose pas autre chose, avec sa « TVA sociale », que de nous aligner sur les moins-disants.

En matière financière, mes chers collègues, nous appelons de nos vœux la création d’un véritable outil de mutualisation des dettes par l’émission d’euro-obligations et la création d’une vraie réserve fédérale européenne pour les gérer. L’objectif principal serait de financer les investissements européens, plutôt que de garantir les risques des créanciers privés.

En début d’année, la Banque centrale européenne a en effet injecté beaucoup de liquidités dans le système bancaire, contribuant d’ailleurs ainsi à apaiser la conjoncture financière. Il est dès lors difficilement compréhensible que le MES ne puisse pas bénéficier de la même facilité, et que l’on envisage plutôt de lui ouvrir la faculté de se financer sur les marchés en recourant à un effet de levier.

Cette politique européenne globale, indispensable à l’ébauche d’une sortie de crise, devra nécessairement aller de pair avec davantage d’intégration politique, c’est-à-dire avec l’abandon de certaines prérogatives nationales et la construction d’une co-souveraineté, démocratique et fédérale, partagée entre les peuples et les États.

Cette gouvernance rénovée, reposant principalement sur le Parlement élu, permettra de gérer démocratiquement les convergences fiscales et macroéconomiques nécessaires à l’harmonisation européenne. Plutôt que de se voir imposer par la Commission européenne une absurde politique de contraction de son économie, la Grèce devrait, par exemple, avoir à engager une réforme de son administration fiscale…

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