Intervention de Éric Bocquet

Réunion du 28 février 2012 à 14h30
Mécanisme de stabilité pour les états de la zone euro. - mécanisme européen de stabilité — Discussion en procédure accélérée de deux projets de loi

Photo de Éric BocquetÉric Bocquet :

Derrière la stabilité du MES, nous voyons poindre, non pas l’outil de la solidarité entre Européens, mais bel et bien l’instrument de l’austérité permanente pour l’ensemble des peuples. Quitte à ce que les remèdes associés à la mobilisation du MES demain, comme du FESF aujourd’hui, soient à peu près aussi efficaces que le furent à l’époque les saignées des docteurs Diafoirus de Molière !

Les exemples des pays que l’on a ainsi « aidés » sont particulièrement significatifs.

La Grèce, citée à plusieurs reprises, objet de tant de controverses, a connu en 2011 – singulièrement parce que les plans d’austérité qui ont été imposés en contrepartie de l’action européenne tendaient à contracter la demande intérieure – une récession de 5 % du PIB, de nouvelles hausses du volume de la dette publique, une explosion du chômage au-delà des 20 %, un salaire minimum diminué de 22 %, des retraites amputées de 15 %. Sur onze millions d’habitants, la Grèce dénombre environ trois millions de pauvres sans compter, de surcroît, l’humiliation attachée à cette purge.

La République d’Irlande, autre cas, qui fut également prise dans les filets de la crise financière après avoir été érigée en modèle de la réussite, a connu une croissance quasi nulle en 2011, et le taux de chômage s’y est fortement détérioré, atteignant en effet plus de 14 % de la population active, dans un pays où l’émigration a toujours joué un rôle dans la stabilisation des choses.

L’Italie, pour sa part, confiée au gouvernement de « techniciens » de Mario Monti, connaît elle aussi une quasi-stagnation de son activité économique et ne doit qu’au vieillissement relatif de sa population d’éviter qu’un taux de chômage plus élevé ne vienne corroborer la réalité de cette situation.

Enfin, en Espagne, où les plans de rigueur n’ont pas attendu l’alternance politique, en grande partie par défaut, qu’a connue le pays, la récente annonce de la réforme du marché du travail a jeté dans les rues des plus grandes villes des centaines de milliers de manifestants. Il faut dire qu’avec un marché du travail ultra-flexible, mais rempli de 22 % de chômage et de près de 40 % en ce qui concerne les jeunes, l’Espagne bat de ce point de vue tous les records !

Aucun des pays de l’Union et de la zone euro confronté aux politiques d’ajustement induites par les plans européens, tels qu’ils ont été conçus et tels qu’ils seront encore menés demain, n’a donc véritablement réussi à sortir des difficultés dans lesquelles il était plongé. Bien au contraire, la saignée d’emplois publics, les privatisations, les baisses de salaires et de pensions ont abouti, le plus souvent, à l’aggravation des difficultés, conduisant, comme nous l’avons vu de manière spectaculaire en Grèce, à de véritables impasses budgétaires.

La stabilité de la zone euro, invoquée par les fédéralistes à l’œuvre au sein de la Commission européenne et de la zone euro, à la demande expresse des milieux d’affaires et des marchés financiers, toujours eux, qui ont pourtant tant fait contre elle, ne peut être le prétexte de telles politiques et d’une telle orientation.

La zone euro a été constituée à partir de pays et d’économies dont les atouts et les caractéristiques étaient fort différents et, pour certains aspects, antinomiques. Qu’on le veuille ou non, la construction de l’Euroland – le fait d’avoir choisi cette terminologie est assez symptomatique d’ailleurs – s’est faite à partir de l’intérêt bien compris des économies dominantes dans l’Union européenne et donc, singulièrement, de l’Allemagne fédérale, qui, avec la mise en place de la monnaie unique et de l’élargissement, pouvait à loisir tirer parti des capacités de sa propre zone d’influence, orientée vers l’Est européen, au gré des nécessités de sa propre économie.

L’élargissement de l’Europe à la Tchéquie, à la Pologne ou encore à la Slovaquie et à la Hongrie a donné à l’Allemagne de forts précieux points d’appui pour une partie de ses processus de production, le niveau de qualification des salariés de ces pays étant suffisant pour permettre aux groupes allemands de disposer d’une main-d’œuvre efficace et bon marché.

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