Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’Europe connaît depuis plus de deux ans d’importantes turbulences, qui l’ont conduite à devoir surmonter une crise sans précédent. Les dirigeants européens, au premier rang desquels le Président de la République et la Chancelière allemande, se sont particulièrement mobilisés pour préserver l’euro et résister aux tentatives de déstabilisation de la part des spéculateurs.
Une première réponse a consisté en la mise en place, au printemps 2010, du Fonds européen de stabilité financière. Créé dans des circonstances exceptionnelles et avec un statut de société privée, ce dispositif a cependant été établi pour une durée limitée de trois ans et s’achèvera donc en juillet 2013.
Or le problème de l’endettement de la zone euro réclamera des années d’efforts à tous les États membres. Il sera d’autant plus difficile à régler qu’il touche aussi la plupart des autres grandes zones développées : l’Europe hors zone euro, les États-Unis et le Japon. Bien sûr, il faut faire face à l’urgence, mais rien ne nous dispensera des efforts de longue haleine nécessaires pour réduire l’endettement.
Il convient donc de nous inscrire dans la durée et d’apporter des réponses pérennes. Pour atteindre cet objectif, il est désormais nécessaire d’aller au-delà du mécanisme du FESF et de remédier ainsi aux faiblesses originelles de l’Union économique et monétaire. Nous devons véritablement franchir un seuil qualitatif, au travers de l’instauration d’un mécanisme permanent de gestion des crises.
Pourquoi le traité de Maastricht n’avait-il pas prévu un mécanisme de coordination des politiques financières et économiques, qui paraît aujourd’hui si évident ? La raison est simple : à l’époque, on craignait que la prise en compte du degré d’intégration nécessaire ne conduise à une Europe à plusieurs vitesses et ne trouble les opinions publiques concernées.
Force est de constater que les esprits ont considérablement évolué : personne ne s’offusque du fait que les vingt-sept États membres ne peuvent avancer à la même vitesse ; personne ne s’émeut de cette notion de souveraineté partagée, laquelle, dans le cadre du semestre européen, est désormais considérée par les Françaises et les Français prêts à regarder la vérité en face comme une force et non comme une faiblesse. Notre pays ne subit aucune perte d’influence.
S’il nous a fallu dix-sept sommets européens pour parvenir à élaborer une nouvelle architecture fondamentale pour le fonctionnement de l’Union européenne, nous le devons à l’indéfectible volonté française. Souvenons-nous, l’Allemagne était, il y a encore deux ans, totalement fermée à l’idée d’une gouvernance économique. Au fil du temps, la construction européenne apparaît, une fois de plus, comme la résultante d’une succession d’alliances entre États membres.
Comment avoir voulu, en effet, se doter d’une monnaie unique sans, parallèlement, mettre en place une coordination des politiques économiques ? Ce fut une erreur grossière, collective, comme l’a rappelé Philippe Marini. Remédier à cette incohérence est donc crucial pour l’avenir tant de l’Europe que de la France.
Initié dès le Conseil européen des 16 et 17 décembre 2010, le Mécanisme européen de stabilité, véritable fonds monétaire européen disposant d’un statut d’organisation internationale, permettra de nous doter de moyens d’action rapide, adaptés à la stabilisation des marchés. Même si la Commission européenne, assistée de la Banque centrale et, en cas de nécessité, du FMI, aura un rôle à jouer dans le mécanisme de régulation, ce seront bien les ministres des finances de la zone euro, composant le conseil des gouverneurs, qui prendront directement les décisions.
Un tel fonctionnement présente un double avantage : premièrement, et je m’adresse tout particulièrement aux esprits chagrins qui voudraient laisser penser le contraire, le processus décisionnel émanera toujours d’une autorité politique ; deuxièmement, on gagnera très nettement en réactivité, atout essentiel, vous le savez bien, face aux marchés financiers.
La gravité de la situation actuelle nous impose d’être guidés par le pragmatisme et le souci de l’efficacité. Je sais que certains sont critiques à l’égard de la méthode choisie, l’intergouvernemental, au lieu de la méthode originelle, à savoir le communautaire. L’urgence, imposée par la fébrilité, voire l’irrationalité des réactions des marchés financiers, nous a conduits à préférer l’intergouvernemental en la circonstance. Il importe de rappeler, malgré tout, que la ratification du traité ne peut d’ailleurs être assimilée à un quelconque abandon de souveraineté de la part des États cosignataires : aucun transfert de compétences ni aucune limitation de la souveraineté ne sont envisagés ; rien n’est fait sans le consentement des États.
Je l’ai déjà dit, le principe même de la construction européenne repose sur la souveraineté partagée, et il s’applique au budget comme aux autres domaines. Nous ne pouvons pas continuer à élaborer nos lois budgétaires et fiscales de manière isolée, alors que nous avons une monnaie unique à gérer ensemble. C’est bien le sens de l’accord intergouvernemental conclu par vingt-cinq pays européens le 30 janvier dernier et qui doit être entériné lors du prochain Conseil européen des 1er et 2 mars prochains. Le mécanisme imaginé est parfaitement équilibré puisque solidarité et responsabilité sont indissociables dès lors que l’on entend répondre aux sensibilités propres des différents États membres.
Pour conserver tout son sens à ce mécanisme, il est en effet essentiel que les États membres s’engagent conjointement en faveur d’un pacte budgétaire de nature à conduire les économies européennes vers la stabilité budgétaire, condition indispensable pour renouer avec la compétitivité, la croissance et l’emploi. En d’autres termes, si l’État membre concerné ne donne pas son accord au pacte budgétaire, il ne peut bénéficier du soutien du MES.
Cet accord portant sur le pacte budgétaire est fondamental pour la crédibilité de l’Europe. À l’heure où certains spéculateurs parient sur l’incapacité des gouvernements européens à prendre des décisions, voire espèrent purement et simplement l’éclatement de l’Europe, l’accord du 30 janvier démontre que, en dépit de quelques atermoiements – qui n’ont rien d’étonnant dans l’actuel contexte de crise –, les Européens ont été à nouveau capables de se réunir, de trouver un terrain d’entente et de formaliser un engagement clair.
L’engagement obtenu est donc capital, non seulement pour notre avenir commun en Europe, mais aussi, tout simplement, eu égard aux autres pays du monde, qui nous jugent sur notre capacité à décider. Toute velléité de remise en cause de cet engagement compromettrait sérieusement cette crédibilité. C’est dire si le vote de chacune et de chacun d’entre nous revêt, en cet instant, une importance majeure.
Les deux traités qui nous sont soumis symbolisent aussi le renforcement du lien franco-allemand, car rien n’aurait été possible avec nos autres partenaires européens sans une véritable relation de confiance entre ces deux membres fondateurs. Ce travail en commun est, et restera, essentiel.
Même si le couple franco-allemand ne dispose pas d’un privilège, l’expérience montre que le rapprochement des points de vue entre la France et l’Allemagne prépare toujours un accord plus large.
Ayons également présent à l’esprit les dispositions de l’article 13 du projet de traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, qui renforce la coopération ainsi que les échanges entre le Parlement européen et les parlements nationaux en matière de politiques budgétaires. Le Mécanisme européen de stabilité y aurait toute sa place.
À nous de saisir l’opportunité de ces échanges ! C’est d’ailleurs ce que nous avons fait, dans un parfait consensus, lors du vote de la dernière résolution au sein de la commission.
Je tiens également à couper court à toute critique concernant la problématique de la croissance. Il est vrai, comme l’a dit Richard Yung, qu’une légère récession guette la zone euro, au travers d’une diminution de la croissance de huit États membres. Cela ne doit pas nous faire oublier pour autant que, dans cette conjoncture, la prévision de croissance de la France en 2012 est de 0, 4 %. Pour reprendre les propos du président de la BCE, M. Mario Draghi, « la base sur laquelle nous pourrons réformer nos économies pour les rendre plus compétitives est la lutte contre les déficits publics ».
Je précise que la dette s’alourdit chaque jour de 120 millions d’euros. C’est en approfondissant le marché unique que nous devons, et pouvons, trouver un potentiel de croissance aujourd’hui insuffisamment exploité.