Mes chers collègues, rappelez-vous que l’Europe devait réunir les peuples. Et pourtant elle est en train de les dresser les uns contre les autres !
Désigner les seuls pays du Club Med, les PIGS en anglais, comme seuls responsables des malheurs de l’Europe a des relents d’avant-guerre peu ragoûtants.
L’Europe devait exorciser les fantômes bruns qui la hantaient. Jamais depuis la Libération, l’extrême droite n’avait été aussi puissante en Europe. Et hélas ! ce n’est pas terminé !
L’Europe devait rendre le vieux continent indépendant du capitalisme anglo-saxon, le protéger de ses crises récurrentes. La dépendance de l’Europe au FMI est désormais celle d’un pays sous-développé. Depuis la crise des subprimes, il n’est plus possible de cacher qu’elle est aussi le champ de manœuvre privilégié de la spéculation mondiale.
Depuis deux ans, l’Europe s’offre même le luxe d’une crise rien qu’à elle, celle de l’euro. Rappelez-vous, l’euro qui devait mettre un terme à la spéculation sur les monnaies l’a simplement remplacée par la spéculation sur les taux d’intérêt, livrant la Grèce aux usuriers !
L’euro devait permettre aux économies de la zone de converger, les plus forts tirant les plus faibles. Le pays le plus fort, l’Allemagne, réalise aujourd’hui l’essentiel de ses excédents commerciaux sur le dos de ses partenaires, à commencer par la France.
L’euro devait stimuler la croissance, créer des emplois, de la richesse pour tous. Le chômage, le sous-emploi, la précarité dans la zone euro n’ont jamais été aussi élevés. La Commission vient même d’annoncer que, seule au monde dans ce cas, l’Europe entrera en récession en 2012.
Et l’on nous invite à ratifier des traités qui installeront le purgatoire éternel en Europe ! Belle solidarité qui étrangle ses bénéficiaires ! Prétendre faire respirer la zone euro en la plaçant sous poumon d’acier est un non-sens absolu.
Qui peut croire que le MES, nouvelle et tardive béquille d’une construction qui tient debout seulement par la tapisserie, après les interventions en quasi-contrebande de la BCE, après le Fonds européen de stabilité financière, fera cesser la spéculation et sortira le char européen de l’ornière ?
La monétisation de la dette souveraine par une BCE remplissant toutes les fonctions d’une banque centrale est la seule réponse appropriée. Monétisation de la dette souveraine, cela signifie une force de frappe réactive, potentiellement illimitée et gratuite pour la collectivité, à la différence du MES, lourd à mettre en œuvre, insuffisant en cas d’extension de la crise, comme l’ont notamment rappelé Nicole Bricq, Jean-Louis Carrère, Simon Sutour et Philippe Marini. Jean-Pierre Chevènement l’a indiqué, le MES est à la charge des contribuables, qu’ils soient prêteurs ou receveurs.
Pas plus qu’un bricolage financier ne saurait tenir lieu de banque centrale, le copinage des partis conservateurs allemand et français ne saurait tenir lieu de gouvernance de l’Europe et de la zone euro.
Les faits ont montré que créer une monnaie commune sans référence à l’étalon-or, sans pouvoir souverain pour l’administrer, sans banque centrale jouant tous les rôles d’une banque centrale était un leurre. Plus vite on l’admettra, plus on aura de chances de sauver ce qui reste du rêve européen.
Mes chers collègues, adopter ce projet de loi ou le laisser adopter en s’abstenant retardera peut-être l’heure de vérité, mais la rendra d’autant plus pénible le moment venu. Si le MES représente pour vous un progrès, dites-vous que c’est un progrès dans une voie sans issue ! §