Intervention de Jean Leonetti

Réunion du 28 février 2012 à 21h30
Débat préalable au conseil européen des 1er et 2 mars 2012

Jean Leonetti, ministre auprès du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé des affaires européennes :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de remercier M. Zocchetto, qui, au nom du groupe Union centriste et républicaine, est à l’initiative de ce débat.

Le Sénat a adopté voilà quelques instants le projet de loi autorisant la ratification du traité instituant le Mécanisme européen de stabilité. Je regrette que ce texte aussi fondamental pour l’intégration européenne n’ait pas recueilli l’unanimité, mais j’ai bien compris que la réticence de certains était justifiée, entre autres, par le fait que la croissance n’était pas assez présente dans les préoccupations européennes.

Ce sujet sera justement au cœur du Conseil européen des 1er et 2 mars. Ce Conseil marque en effet un tournant pour l’économie européenne. L’Europe a su éteindre l’incendie. Elle a su démontrer qu’elle disposait de la volonté politique et des instruments économiques pour parer à une crise d’une intensité sans précédent.

Désormais, nous devons nous servir de cette architecture préservée, solide et cohérente pour relever les défis de la croissance et de l’emploi.

Ce sommet sera l’occasion d’affirmer le rôle de l’Europe dans le monde. Malgré la tempête que notre économie a traversée, nous devons être conscients du leadership qui est toujours le nôtre. Le volontarisme européen lors des printemps arabes et aujourd’hui encore en Syrie nous rappelle deux choses : l’Europe est une puissance politique ; cette force nous impose un devoir, celui de nous battre pour nos valeurs partout où elles sont menacées.

L’économie sera bien entendu un sujet majeur du Conseil européen.

La stratégie de l’Union pour répondre à la crise repose sur trois piliers indissociables : l’effort d’assainissement budgétaire – la discipline –, la coordination et la convergence de nos politiques, la mise en place d’actions déterminées en faveur de la croissance et de l’emploi.

La signature du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l’Union économique et monétaire, qui aura lieu en marge du Conseil européen, s’inscrit dans cette logique.

En matière de stabilité, le traité met en place la règle d’or. Il instaure une discipline budgétaire accrue et des sanctions quasi automatiques en cas de dérives budgétaires.

En matière de gouvernance, le traité institutionnalise les sommets de la zone euro et prévoit la création d’une conférence parlementaire. Il traduit également, en son article 9, l’engagement résolu des États membres de coordonner leurs politiques économiques en faveur de la croissance

Ce Conseil européen permettra d’accroître la coordination. Il sera en effet l’occasion de tirer un bilan du premier exercice du « semestre européen » conduit en 2011, mais surtout de fixer les orientations pour relancer la croissance en 2012. Comme vous le savez, le « semestre européen » permet de coordonner les politiques de l’Union européenne et celles des États membres, conformément à la stratégie Europe 2020.

Cette année, il s’agit de la première mise en œuvre des nouveaux instruments de gouvernance et de surveillance des déséquilibres macro-économiques. Le Conseil s’appuiera sur le rapport annuel sur la croissance présenté par la Commission en novembre et sur le premier rapport sur le mécanisme d’alerte, publié le 14 février dans le cadre de cette nouvelle surveillance.

Les États membres tiendront compte et s’inspireront des recommandations pour élaborer leurs programmes nationaux de réformes, ainsi que leurs programmes de stabilité.

Cette coordination se fait bien évidemment au profit de la croissance et de l’emploi.

Notre objectif, c’est la croissance et l’emploi. Le Conseil européen développera donc de nouvelles mesures complémentaires propres à dynamiser la croissance sur notre continent.

Il est ainsi prévu de redynamiser le marché intérieur en mettant en œuvre rapidement les douze mesures prioritaires de l’acte pour le marché unique présentées par Michel Barnier, en particulier l’accès au financement des PME, le brevet européen, la modernisation des marchés publics et la simplification réglementaire pour les entreprises, notamment les PME.

Il s’agit ensuite de favoriser l’innovation : nous appuierons tout particulièrement les orientations qui permettront aux PME d’accéder au financement, avec le Fonds européen de capital-risque et les project bonds.

Il nous faudra également favoriser une véritable politique industrielle en Europe. Nous soutiendrons des actions en faveur de secteurs porteurs et stratégiques et de technologies clés telles que l’e-commerce, les microtechnologies et les nanotechnologies, l’économie verte.

La convergence fiscale devrait progresser pour la compétitivité de nos entreprises. Nous souhaitons que des progrès significatifs soient rapidement enregistrés dans l’examen des propositions de la Commission sur la fiscalité de l’énergie, sur l’assiette consolidée de l’impôt sur les sociétés, qui fait déjà l’objet de travaux importants, sur la taxation des transactions financières et sur la révision de la directive sur la taxation des produits de l’épargne.

Enfin, l’accent sera mis sur l’approfondissement des politiques sociales et sur la promotion d’un modèle social européen. Des actions seront financées par le Fonds de solidarité européen, en particulier pour l’apprentissage des jeunes, la formation continue, etc. Il s’agit aussi bien sûr d’un moyen de lutter contre le dumping social.

L’Europe est aussi une communauté de destin.

Notre politique économique est essentielle pour accroître nos capacités d’action et renforcer notre cohésion, mais elle ne doit pas nous faire oublier que l’Europe est aussi une puissance politique qui doit définir ses frontières et son rapport au monde.

L’élargissement et la politique extérieure de l’Union seront donc également au cœur du Conseil européen des 1er et 2 mars.

L’octroi du statut de candidat à la Serbie a été aujourd'hui au cœur des discussions du conseil Affaires générales, qui a longuement débattu de cette question. La position française est claire : nous considérons que les conditions fixées par le Conseil européen du 5 décembre dernier sont désormais remplies et qu’il convient de donner sans tarder ce statut à la Serbie. Il s’agirait d’une bonne nouvelle pour la Serbie, pour les Balkans et pour l’Europe tout entière.

L’Europe démontre une fois de plus qu’elle est « faiseuse de paix ». Sans le soutien exigeant de l’Europe, les progrès du dialogue entre la Serbie et le Kosovo n’auraient pas été aussi rapides.

Ce statut de candidat récompenserait les efforts de la Serbie. Nous espérons fortement que les dernières réticences de la Roumanie seront levées le plus rapidement possible d’ici au Conseil européen de la fin de la semaine.

Les moyens d’approfondir les liens économiques et commerciaux de l’Union européenne avec le Kosovo feront aussi évidemment l’objet de discussions.

La politique extérieure de l’Union est une prérogative nouvelle aux yeux du monde.

Alors que tous les yeux sont tournés vers la Syrie, le Conseil européen évoquera les grands sujets de politique internationale.

Nous dresserons tout d’abord le bilan des actions conduites à la suite des printemps arabes. Une réflexion sur notre politique de voisinage est nécessaire, en particulier sur notre partenariat avec le sud, qui doit être renforcé.

Surtout, l’Union européenne s’exprimera clairement sur la situation en Syrie. L’Europe est, avec la Ligue arabe, l’acteur international qui s’est mobilisé le plus fermement pour condamner la répression du régime syrien. L’Europe a également été particulièrement active dans la mise en place de sanctions contre le régime syrien, sanctions qu’elle vient de renforcer substantiellement : gel des avoirs de la Banque centrale syrienne ; restriction au commerce de l’or ; embargo sur le fret aérien.

L’Union n’est pas seulement une association économique, une entité qui traverse une crise financière et économique. Les Européens partagent une histoire et des valeurs. Nous portons un message au monde ; la liberté des peuples et le respect des droits de l’homme font partie de nos premières préoccupations. L’Europe ne baissera jamais les bras face à la tyrannie, quel que soit l’endroit où elle se développe dans le monde.

J’ajoute enfin que les chefs d’État et de Gouvernement auront à se déterminer sur le renouvellement du mandat de M. Van Rompuy, perspective que la France soutient pleinement. §

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