Séance en hémicycle du 28 février 2012 à 21h30

Résumé de la séance

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  • libération
  • l’europe
  • stabilité

La séance

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La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L’ordre du jour appelle le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 1er et 2 mars 2012.

Ce débat, organisé à la demande de la commission des affaires européennes, permettra également de traiter du fédéralisme budgétaire européen, débat organisé à la demande du groupe de l'UCR et initialement programmé le 7 février dernier.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre auprès du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé des affaires européennes

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de remercier M. Zocchetto, qui, au nom du groupe Union centriste et républicaine, est à l’initiative de ce débat.

Le Sénat a adopté voilà quelques instants le projet de loi autorisant la ratification du traité instituant le Mécanisme européen de stabilité. Je regrette que ce texte aussi fondamental pour l’intégration européenne n’ait pas recueilli l’unanimité, mais j’ai bien compris que la réticence de certains était justifiée, entre autres, par le fait que la croissance n’était pas assez présente dans les préoccupations européennes.

Ce sujet sera justement au cœur du Conseil européen des 1er et 2 mars. Ce Conseil marque en effet un tournant pour l’économie européenne. L’Europe a su éteindre l’incendie. Elle a su démontrer qu’elle disposait de la volonté politique et des instruments économiques pour parer à une crise d’une intensité sans précédent.

Désormais, nous devons nous servir de cette architecture préservée, solide et cohérente pour relever les défis de la croissance et de l’emploi.

Ce sommet sera l’occasion d’affirmer le rôle de l’Europe dans le monde. Malgré la tempête que notre économie a traversée, nous devons être conscients du leadership qui est toujours le nôtre. Le volontarisme européen lors des printemps arabes et aujourd’hui encore en Syrie nous rappelle deux choses : l’Europe est une puissance politique ; cette force nous impose un devoir, celui de nous battre pour nos valeurs partout où elles sont menacées.

L’économie sera bien entendu un sujet majeur du Conseil européen.

La stratégie de l’Union pour répondre à la crise repose sur trois piliers indissociables : l’effort d’assainissement budgétaire – la discipline –, la coordination et la convergence de nos politiques, la mise en place d’actions déterminées en faveur de la croissance et de l’emploi.

La signature du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l’Union économique et monétaire, qui aura lieu en marge du Conseil européen, s’inscrit dans cette logique.

En matière de stabilité, le traité met en place la règle d’or. Il instaure une discipline budgétaire accrue et des sanctions quasi automatiques en cas de dérives budgétaires.

En matière de gouvernance, le traité institutionnalise les sommets de la zone euro et prévoit la création d’une conférence parlementaire. Il traduit également, en son article 9, l’engagement résolu des États membres de coordonner leurs politiques économiques en faveur de la croissance

Ce Conseil européen permettra d’accroître la coordination. Il sera en effet l’occasion de tirer un bilan du premier exercice du « semestre européen » conduit en 2011, mais surtout de fixer les orientations pour relancer la croissance en 2012. Comme vous le savez, le « semestre européen » permet de coordonner les politiques de l’Union européenne et celles des États membres, conformément à la stratégie Europe 2020.

Cette année, il s’agit de la première mise en œuvre des nouveaux instruments de gouvernance et de surveillance des déséquilibres macro-économiques. Le Conseil s’appuiera sur le rapport annuel sur la croissance présenté par la Commission en novembre et sur le premier rapport sur le mécanisme d’alerte, publié le 14 février dans le cadre de cette nouvelle surveillance.

Les États membres tiendront compte et s’inspireront des recommandations pour élaborer leurs programmes nationaux de réformes, ainsi que leurs programmes de stabilité.

Cette coordination se fait bien évidemment au profit de la croissance et de l’emploi.

Notre objectif, c’est la croissance et l’emploi. Le Conseil européen développera donc de nouvelles mesures complémentaires propres à dynamiser la croissance sur notre continent.

Il est ainsi prévu de redynamiser le marché intérieur en mettant en œuvre rapidement les douze mesures prioritaires de l’acte pour le marché unique présentées par Michel Barnier, en particulier l’accès au financement des PME, le brevet européen, la modernisation des marchés publics et la simplification réglementaire pour les entreprises, notamment les PME.

Il s’agit ensuite de favoriser l’innovation : nous appuierons tout particulièrement les orientations qui permettront aux PME d’accéder au financement, avec le Fonds européen de capital-risque et les project bonds.

Il nous faudra également favoriser une véritable politique industrielle en Europe. Nous soutiendrons des actions en faveur de secteurs porteurs et stratégiques et de technologies clés telles que l’e-commerce, les microtechnologies et les nanotechnologies, l’économie verte.

La convergence fiscale devrait progresser pour la compétitivité de nos entreprises. Nous souhaitons que des progrès significatifs soient rapidement enregistrés dans l’examen des propositions de la Commission sur la fiscalité de l’énergie, sur l’assiette consolidée de l’impôt sur les sociétés, qui fait déjà l’objet de travaux importants, sur la taxation des transactions financières et sur la révision de la directive sur la taxation des produits de l’épargne.

Enfin, l’accent sera mis sur l’approfondissement des politiques sociales et sur la promotion d’un modèle social européen. Des actions seront financées par le Fonds de solidarité européen, en particulier pour l’apprentissage des jeunes, la formation continue, etc. Il s’agit aussi bien sûr d’un moyen de lutter contre le dumping social.

L’Europe est aussi une communauté de destin.

Notre politique économique est essentielle pour accroître nos capacités d’action et renforcer notre cohésion, mais elle ne doit pas nous faire oublier que l’Europe est aussi une puissance politique qui doit définir ses frontières et son rapport au monde.

L’élargissement et la politique extérieure de l’Union seront donc également au cœur du Conseil européen des 1er et 2 mars.

L’octroi du statut de candidat à la Serbie a été aujourd'hui au cœur des discussions du conseil Affaires générales, qui a longuement débattu de cette question. La position française est claire : nous considérons que les conditions fixées par le Conseil européen du 5 décembre dernier sont désormais remplies et qu’il convient de donner sans tarder ce statut à la Serbie. Il s’agirait d’une bonne nouvelle pour la Serbie, pour les Balkans et pour l’Europe tout entière.

L’Europe démontre une fois de plus qu’elle est « faiseuse de paix ». Sans le soutien exigeant de l’Europe, les progrès du dialogue entre la Serbie et le Kosovo n’auraient pas été aussi rapides.

Ce statut de candidat récompenserait les efforts de la Serbie. Nous espérons fortement que les dernières réticences de la Roumanie seront levées le plus rapidement possible d’ici au Conseil européen de la fin de la semaine.

Les moyens d’approfondir les liens économiques et commerciaux de l’Union européenne avec le Kosovo feront aussi évidemment l’objet de discussions.

La politique extérieure de l’Union est une prérogative nouvelle aux yeux du monde.

Alors que tous les yeux sont tournés vers la Syrie, le Conseil européen évoquera les grands sujets de politique internationale.

Nous dresserons tout d’abord le bilan des actions conduites à la suite des printemps arabes. Une réflexion sur notre politique de voisinage est nécessaire, en particulier sur notre partenariat avec le sud, qui doit être renforcé.

Surtout, l’Union européenne s’exprimera clairement sur la situation en Syrie. L’Europe est, avec la Ligue arabe, l’acteur international qui s’est mobilisé le plus fermement pour condamner la répression du régime syrien. L’Europe a également été particulièrement active dans la mise en place de sanctions contre le régime syrien, sanctions qu’elle vient de renforcer substantiellement : gel des avoirs de la Banque centrale syrienne ; restriction au commerce de l’or ; embargo sur le fret aérien.

L’Union n’est pas seulement une association économique, une entité qui traverse une crise financière et économique. Les Européens partagent une histoire et des valeurs. Nous portons un message au monde ; la liberté des peuples et le respect des droits de l’homme font partie de nos premières préoccupations. L’Europe ne baissera jamais les bras face à la tyrannie, quel que soit l’endroit où elle se développe dans le monde.

J’ajoute enfin que les chefs d’État et de Gouvernement auront à se déterminer sur le renouvellement du mandat de M. Van Rompuy, perspective que la France soutient pleinement. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Conseil européen qui doit se réunir en ce début de mois de mars sera prioritairement consacré à la croissance. Il va approuver les orientations retenues par la Commission européenne dans l’examen annuel de la croissance et adopter des objectifs ambitieux même si, une fois de plus, on discernera mal les moyens nouveaux qui donneraient plus de crédibilité à sa démarche.

Parallèlement sera signé le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l’Union économique et monétaire, dont l’objectif est de durcir encore l’encadrement des politiques budgétaires en vue de l’assainissement des finances publiques.

Autrement dit, d’un côté, on veut encourager des anticipations de croissance et, de l’autre, on les décourage en annonçant une cure d’austérité d’une durée sans précédent.

L’Europe se trouve ainsi soumise à un double impératif contradictoire. Les psychologues nous enseignent que ce genre de situation conduit la plupart du temps à la névrose. On en voit d’ailleurs les premiers symptômes dans l’« euro-pessimisme », lequel n’a jamais été aussi répandu.

Pour lever cette contradiction, une solution pourrait être de prévoir pour l’Europe un budget à la hauteur de ses ambitions, financé par de véritables ressources propres afin qu’il ne pèse pas sur les budgets nationaux. Malheureusement, un certain nombre de gouvernements européens, dont le nôtre, ont cru bon de prendre parti, au contraire, pour un gel du budget européen pendant toute la durée du prochain cadre financier pluriannuel, c’est-à-dire jusqu’en 2020.

Où que l’on regarde, la perspective pour les prochaines années paraît bouchée : l’Union européenne n’aura pas les moyens de ses ambitions, tandis que les États auront pour seul horizon le désendettement. Le carcan qui se met en place ne pourra même pas nous protéger contre de nouveaux rebondissements de la crise de la dette publique puisque la BCE persiste à ne pas vouloir jouer le rôle d’ultime garant, contrairement à la banque centrale américaine et à la banque centrale anglaise.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Je confirme mes propos, monsieur Bizet !

Permettez-moi de reprendre la formule d’Edgar Faure : « Il n’y a pas de politique sans risques, mais il y a des politiques sans chances ». Aujourd'hui, on ne voit pas quelles chances nous mettons de notre côté pour sortir l’Europe de la stagnation.

Dans ce paysage inquiétant, le nouveau traité est une touche supplémentaire de gris. En avons-nous besoin ?

Nous avons désormais le six pack, qui a durci le Pacte de stabilité et de croissance. Nous allons connaître le two pack, qui renforce la surveillance budgétaire. Faut-il, en plus, adopter la fameuse règle d’or sous sa forme la plus stricte ?

On nous dit qu’il s’agit de rassurer les marchés sur le sérieux de nos engagements. Mais il y a trois ans, lorsque ces mêmes marchés ne fonctionnaient plus, c’est en acceptant des déficits importants que les États ont empêché une nouvelle grande dépression.

Hier, on était bien content de trouver les pompiers ; aujourd’hui, il faut à toute force leur rationner l’eau. Avouez que la situation recèle certains paradoxes !

Il me semble que ce nouveau traité ne s’imposait pas. Nous tenons désormais des réunions régulières avec nos collègues français du Parlement européen et nos homologues de l’Assemblée nationale. Lors de notre dernière réunion, la semaine passée, nous avons abordé la réforme de la gouvernance économique de l’Union. Parmi les députés européens, je n’ai entendu personne affirmer que ce nouveau traité était vraiment nécessaire. Tous étaient sensibles, en revanche, aux problèmes qu’allait poser l’insertion de ce nouveau texte dans l’ordre juridique européen.

Nous avions déjà l’Europe à vingt-sept et la zone euro à dix-sept ; nous allons connaître, pour ainsi dire entre les deux, une zone à vingt-cinq, voire moins ! Trois régimes différents coexisteront donc.

De plus, le nouveau traité n’est pas un traité européen au sens strict, puisqu’il n’est pas conclu par tous les États membres. Cependant, il fait intervenir les institutions de l’Union à vingt-sept, notamment la Commission et la Cour de justice de l’Union européenne. Nous sommes dans une zone intermédiaire, qui n’est ni vraiment communautaire ni vraiment intergouvernementale, et nous mesurons mal quelles seront les conséquences de cette novation. L’objectif était d’envoyer un signal, mais je suis au regret de dire qu’il s’agira d’un signal de confusion.

Les conséquences sur l’ordre juridique national sont tout aussi difficiles à cerner. Je sais que mon propos fera plaisir à un certain nombre de nos collègues ici présents. D’après le nouveau traité, les pays membres devront assurer le respect de la règle d’or par des dispositions permanentes de valeur contraignante, « de préférence constitutionnelle ». Tout laisse donc à penser qu’une révision constitutionnelle sera indispensable en France.

Je n’ai pas le temps d’entrer dans le détail de cette question de constitutionnalité, mais je voudrais souligner une conséquence étonnante du nouveau traité.

Il appartiendra à la Cour de justice de l’Union européenne de vérifier que nous nous sommes bien dotés d’une règle d’or réellement contraignante. Si elle statue négativement, elle fixera un délai pour la mise en conformité du droit français, nous plaçant sous la menace d’une pénalité financière. La Cour de justice sera ainsi juge de notre Constitution ou de nos lois organiques ! Je vois mal comment un tel dispositif s’ordonnera avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel. En la matière, nous allons donc également entrer dans une phase d’incertitude et d’insécurité juridique.

Les choses auraient peut-être été différentes si le nouveau traité avait été élaboré dans d’autres conditions. L’Europe a renoué avec les anciennes méthodes de négociation. Le Parlement européen a obtenu un strapontin, quand les parlements nationaux, pourtant directement intéressés, n’ont pas été associés à la discussion. Ce n’est pas ainsi que l’on réconciliera les citoyens avec la construction européenne.

Les perspectives du prochain Conseil européen, vous l’aurez compris, ne m’incitent pas à l’optimisme. Confrontés à une crise qui dure, nos concitoyens auraient besoin que l’Europe leur apporte un message d’espoir. J’ai l’impression que nous en sommes très loin. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. le président de la commission de l'économie.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la veille de ce Conseil européen, je souhaiterais revenir sur un certain nombre de points qui y seront abordés. J’insisterai notamment sur les mesures qui auraient dû être prises en compte dans le cadre d’un volet dédié à la croissance, qui, en l’occurrence, a été largement sous-dimensionné.

En effet, mes chers collègues, en la matière, le compte n’y est pas ! Promouvoir la croissance et la compétitivité ne peut se résumer à une dérégulation mortifère, qui fait que nos marchés sont largement préemptés par nos concurrents hors d’Europe.

La croissance et la compétitivité ne peuvent pas plus se concevoir au travers d’une multiplication de plans d’austérité. Plusieurs rapports et plusieurs avis d’experts vont dans ce sens. Juger les États membres de l’Union européenne au trébuchet de la seule austérité sape la croissance et accroît les inégalités. La traduction politique en sera la montée des populismes et des extrêmes, auxquels succéderont les replis nationaux.

La réponse ne peut pas non plus passer seulement par des plans de relance nationaux. On le sait, dans un monde parcouru de problématiques globales et d’acteurs économiques d’envergure continentale, sinon planétaire, cet échelon manque aujourd’hui de pertinence. Sans qu’il soit nécessaire d’évoquer le cas d’Arcelor-Mittal, les acteurs auxquels je fais allusion sont évidents pour chacun d’entre vous.

Les réponses visant à compléter le volet dédié à la croissance sont connues. Il faut avoir le courage de les mettre en œuvre si nous souhaitons sortir par le haut de cette situation et ne pas assécher les finances des États membres de l’Union européenne par d’incessantes politiques d’austérité.

Je m’attarderai sur quatre de ces réponses possibles.

Tout d’abord, il semble nécessaire d’inscrire des objectifs économiques et sociaux au cœur du processus de décision politique, et donc dans le traité, au même titre que les objectifs de stabilité budgétaire et monétaire.

Ensuite, la Banque centrale européenne doit pouvoir avoir le droit d’acheter des obligations d’État quand la monnaie est attaquée.

En outre, le budget européen doit être revu à la hausse pour financer l’innovation, la recherche, le développement durable et les mesures visant à lutter contre le changement climatique. Cela signifie que l’Union européenne doit trouver de nouvelles ressources propres, qui peuvent reposer, éventuellement, sur des taxes sur l’énergie ou sur les transactions financières.

Enfin, on pourrait imaginer que les investissements européens soient financés par des project bonds. Des emprunts obligataires seraient ainsi émis par l’Union européenne et garantis par la BCE.

Accomplir cela, c’est permettre à l’Union européenne de renouer avec une croissance durable. Accomplir cela, c’est s’autoriser à relever les cinq défis posés par la stratégie Europe 2020, dont celui du changement climatique et de l’économie décarbonée.

Le conseil Energie, dans une première session formelle, traitera de la question des infrastructures et de l’efficacité énergétique. Il sera question de l’élaboration d’une réglementation visant à encourager l’investissement dans les infrastructures énergétiques transeuropéennes. Les interconnexions dans le domaine de l’énergie, des transports et des télécommunications, couvertes par le mécanisme pour l’interconnexion en Europe, ou MIE, sont nécessaires mais notoirement insuffisantes.

Pardonnez-moi de jouer les Cassandre, mais si nous nous obstinons à ne pas nous doter d’une véritable politique européenne dans le domaine énergétique, nous n’atteindrons jamais ces objectifs.

Pourtant, contrairement à une idée préconçue, il est possible et souhaitable d’articuler les solutions visant à juguler les crises économiques et financières et celles répondant au défi posé à l’humanité par le réchauffement climatique. En effet, l’économie verte recèle un gisement de croissance encore largement inexploité. Cela exige, entre autres, que nous armions l’Europe d’une véritable politique énergétique.

Les actions pouvant participer à cette politique au niveau européen sont nombreuses, aussi vais-je me cantonner à l’énumération de quelques propositions.

Le seul fait que l’Union européenne importe plus de 50 % du gaz qu’elle consomme justifierait, pour le moins, une politique d’achat commune, ou à défaut une coopération structurée. Dans l’idéal, seule une agence européenne d’achat du gaz pourrait régler de façon efficiente et concertée les problèmes d’approvisionnement de gaz naturel. Il existe déjà, me direz-vous, la Caspian Development Corporation, une agence pilotée par la Commission, dédiée à l’achat du gaz. Il faut cependant élargir son périmètre. La sécurité des approvisionnements est une question géopolitique à laquelle nous sommes d’ores et déjà confrontés. Face à Gazprom, il est impératif d’avoir un acheteur unique.

Vous noterez que cette proposition n’est pas totalement déconnectée de la question de l’efficacité énergétique. Moins l’Europe consommera d’énergie, plus l’objectif de sécurité des approvisionnements sera facile à atteindre.

Dans le secteur de l’électricité, l’existence d’un opérateur unique européen disposant d’une vision centralisée du parc de centrales et du réseau de distribution peut également être envisagée. La constitution d’un noyau dur des réseaux interconnectés partageant cette approche constituerait un premier pas. Cela ne requiert pas de nationaliser les producteurs d’électricité. Parallèlement, les tarifs pourraient être fixés par une agence spécialisée, elle aussi européenne, ce qui permettrait de prendre en compte non seulement les spécificités des clients, selon qu’il s’agit d’entreprises ou de foyers, mais également le revenu de ceux-ci.

Pour rester dans le domaine de la régulation, je ferai remarquer que les attributions de l’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie, ou ACER, sont notoirement insuffisantes. Plutôt que d’élaborer des systèmes de régulation fondés sur le seul objectif d’assurer la protection du consommateur et la libre concurrence, nous devrions être en mesure de stimuler les investissements en infrastructures. De fait, il faudra sans doute réformer l’ACER afin de promouvoir le développement d’infrastructures énergétiques à l’échelle de notre continent et de développer nos capacités d’investissement.

Les objectifs de la stratégie pour 2020 étaient un bon ballon d’essai. Cependant, force est de constater qu’ils ne vont ni ne voient assez loin. Il faut accorder le temps économique du secteur de l’énergie, qui va au-delà de 2020, avec le temps politique, qui ne va pas aussi loin, et les impératifs environnementaux qui s’imposent désormais à nous.

Dans le domaine nucléaire, la question de la sureté des centrales est revenue sur le devant de la scène, et avec quelle acuité ! Là encore, les risques, qui sont de nature transfrontalière, devraient nous inviter à une gestion commune.

Enfin, la création d’un marché européen de quotas d’émission, un « marché vert », avec des prix minimaux pour les émissions de CO2, peut être imaginée.

Selon moi, la priorité des priorités reste bien la lutte contre le changement climatique, et donc la réduction active et rapide de l’émission des gaz à effet de serre, afin de ralentir l’augmentation de la température terrestre. En l’état actuel de l’urgence planétaire, la responsabilité des pays développés est première. Cela suppose une action à l’échelle de l’Union européenne via l’imposition d’un cadre réglementaire draconien, qui aille bien au-delà des directives relatives à l’efficacité énergétique. Il faut mettre fin à l’hypocrisie qui prévaut à ce sujet au sein des pays de l’Union européenne. Il ne suffit pas de fermer quelques centrales nucléaires et de fabriquer de l’électricité à l’aide d’énergie carbonée. Vous voyez à quel État je fais allusion…

L’enjeu réside donc dans la liaison entre l’évolution de nos sociétés vers une économie « décarbonée » et la croissance économique. L’énergie est essentielle à la qualité de la vie de nos concitoyens. Elle est au centre du questionnement fondamental qu’est la recherche d’un autre modèle de société. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’Europe dessine notre avenir collectif, elle porte nos espérances de prospérité et de paix. Nous sommes, je le crois, bien conscients qu’elle seule peut nous permettre de prendre part à la gouvernance du monde, à la régulation des échanges commerciaux comme des transactions financières. Elle seule nous donne le crédit nécessaire pour faire partager et respecter notre vision des droits de l’homme et notre attachement aux libertés fondamentales. Et l’Union européenne est bien, en la matière, le chantier le plus audacieux et le plus prometteur.

Pourtant, la crise fait planer des menaces sur l’Europe. La défiance pèse sur les esprits et les comportements. Les résultats contredisent les promesses. Depuis une décennie, la croissance est atone, le chômage ne cesse de progresser, les déficits et les dettes publiques atteignent des niveaux insoutenables, les déséquilibres internes au sein même de l’Union européenne et de la zone euro se creusent entre les pays, du fait des écarts de compétitivité. Face aux accidents de parcours – je pense en particulier au drame qu’affronte la Grèce –, l’Europe se montre désemparée, incapable de concrétiser ses décisions, semant le doute chez les investisseurs appelés à la rescousse.

Pour venir en aide à une Commission pusillanime, elle appelle au secours le FMI et embarque la Banque centrale européenne, en contradiction avec sa vocation d’indépendance, dans une troïka de circonstance. C’est bien un signe de la faiblesse de la Commission !

À ce stade, une étape cruciale doit être franchie. Et pourtant, depuis plus de soixante ans, la construction semblait progresser avec une belle assurance.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, faute d’avoir pu emprunter d’emblée la voie politique, les pays fondateurs ont choisi le chemin de l’économie, après avoir posé des jalons dans les domaines de l’industrie lourde et de l’énergie.

Cela commence par la constitution d’un « marché commun ». Élargi, approfondi, ce marché assure la liberté de circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes ; il devient alors le « marché unique ».

Malheureusement, la pluralité des monnaies nationales donne lieu à une instabilité monétaire incompatible avec les objectifs de croissance et de plein-emploi. Les néfastes dévaluations compétitives, qui ont marqué la fin des années quatre-vingt et le début des années quatre-vingt-dix, brisent le dynamisme des entreprises et multiplient les cohortes de chômeurs. Pour enrayer ces mécanismes désastreux, la monnaie unique devient l’arme absolue contre l’instabilité à l’intérieur du marché unique, au moins pour ceux des États membres qualifiés pour détenir l’euro. Immense défi que de faire naître une monnaie orpheline d’État, car il n’y a pas d’État européen !

La Banque centrale européenne se met en place et, pour compenser l’absence de gouvernance de la zone euro, nous sommes dans l’obligation de forger un règlement de copropriété de notre nouvelle monnaie. En fait, il s’agit d’un ensemble de disciplines budgétaires constitutives d’un « pacte de stabilité et de croissance » ; à la vérité, c’est beaucoup plus un pacte de « stabilité » qu’un pacte de « croissance ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Promis, juré, chaque État respectera ce pacte ! La Commission sera vigilante, intraitable, dans l’intérêt bien compris de tous les membres de la zone euro. Les contrevenants seront sanctionnés.

Cet attelage institutionnel se met en place à la veille de l’an 2000, libérant les États membres des risques de subir l’humiliation de la dévaluation en cas de déficits excessifs. Ceux d’entre eux qui devaient jusque-là supporter des taux d’intérêt de 10 % ou 15 % ont bénéficié dès leur entrée dans la zone euro de taux voisins de 4 %.

Le miracle opère si bien que les engagements de rigueur sont allégrement et durablement transgressés, notamment par la France et l’Allemagne. Peu enclins à prononcer des sanctions, les partenaires se montrent complaisants les uns envers les autres, sous le contrôle d’une Commission européenne résignée devant les dérives, anesthésiée sans doute par l’aveuglement des marchés.

La réaction des agences de notation est étonnamment tardive. En effet, ce n’est qu’en 2009, dans le sillage de la crise de confiance apparue aux États-Unis pendant l’été 2007, crise mondiale, qu’éclate la crise des dettes souveraines. Dans l’urgence, les dirigeants de l’Union européenne et des États réagissent promptement, manifestent leur volontarisme par des annonces impressionnantes, mais font vite le constat de leur incapacité à régler les problèmes, laissant en particulier la Grèce s’enfoncer dans l’insolvabilité.

Mais les Européens se sont heureusement ressaisis, l’espoir demeure et les progrès deviennent perceptibles.

Après ce qu’on pourrait appeler « les années folles de l’euro », la sagesse commence à faire son œuvre. Les chefs d’État ou de gouvernement, le président du Conseil, la Commission multiplient les sommets et les initiatives. De nouvelles procédures de rigueur et de surveillance sont mises au point – après avoir en 2005 tordu le cou du Pacte de stabilité et de croissance, on va revenir à une rigueur renforcée –, donnant enfin à la Commission les moyens d’action dont elle a besoin pour exercer son autorité. C’est l’objet du six pack, paquet de règlements adopté à la fin de l’année 2010, mis en œuvre au mois de décembre 2011.

Vient aussi la prise de conscience de la nécessité d’un nouveau traité entre ceux des États qui entendent résoudre la crise de la zone euro parce qu’ils en sont membres ou parce qu’ils aspirent à le devenir. Ceux qui n’entendent pas rejoindre l’euro ne sont naturellement pas obligés d’adhérer aux termes de ce traité.

Le projet de traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’Union économique et monétaire arrêté le 30 janvier dernier doit être mis en œuvre dès que possible. C’est dire si les gouvernements doivent le signer ce jeudi 1er mars ! Ce texte, j’en suis convaincu, renforce les mesures contraignantes, rend compatibles les règles de majorité avec des décisions effectives et fixe le cap à tenir pour assurer à la zone euro une stabilité et une croissance durables.

En cette circonstance, mes chers collègues, je voudrais vous faire partager quatre convictions.

Premièrement, nous ne pouvons pas abandonner la Grèce. S’il est vrai que nous avons eu tort de l’admettre si tôt dans la zone euro, l’ayant admise, nous avions le devoir de lui demander compte de sa gestion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Nous sommes coupables de complicité pour l’avoir laissée maquiller ses comptes publics.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

S’il y avait des juridictions internationales, l’euro-groupe serait exposé à des poursuites en recherche de responsabilité et sans doute condamné à combler le passif. Le devoir de solidarité doit ici s’accomplir.

En tout état de cause, la sortie de l’euro aurait des conséquences durablement désastreuses pour la Grèce. Le choc ne laisserait pas la zone euro indemne, l’exposant à un engrenage de déstabilisations progressives et, je le crois, fatales. Autrement dit, l’abandon de la monnaie unique déclencherait le chaos.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Deuxièmement, la zone euro, sans s’extraire de la méthode communautaire, institue un partage de souveraineté et de responsabilité aux conséquences infiniment plus lourdes que celles qui sont établies entre les membres de l’Union européenne. Au sein de la zone euro, il n’y a plus d’ajustement monétaire possible. Lorsque se déclenche une crise, les secours doivent être portés aux États menacés. S’il faut consentir des prêts bilatéraux, doter un fonds de stabilité ou liquider le capital du mécanisme européen de stabilité, l’effet est immédiat et lourd, non pas sur le budget européen, mais sur les budgets nationaux des autres partenaires. La zone euro a donc besoin d’une gouvernance spécifique.

Troisièmement, la zone euro doit mettre en synergie assainissement des finances publiques et croissance. C’est en cela que nous devons réviser nos méthodes et faire vivre une authentique coopération entre les États membres, sous la surveillance des parlements européen et nationaux. Veillons à ne pas nous accommoder d’un alibi démocratique !

L’article 13 du traité prévoit une conférence, une association des parlements nationaux. Je pense qu’il faut avoir l’audace d’aller plus loin et d’occuper cet espace de contrôle et de surveillance. Ne laissons pas les ministres des finances de la zone euro régler leurs affaires entre eux !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Voyons ce qui s’est passé dans les années 2000 ! Exerçons cette vigilance et cette surveillance ; il y a nécessité de constituer une commission de contrôle composée de parlementaires issus des différents parlements nationaux avec une représentation du Parlement européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Quatrièmement, efforçons-nous de réconcilier les consommateurs et les producteurs, de même que le marché intérieur et la zone euro, qui présentent quelquefois de vraies contradictions.

Nombre de règlements et de directives sont des activateurs de dépenses publiques ou des freins à la compétitivité des entreprises, donc à l’emploi. À l’inverse, la zone euro mène le combat pour réduire les dépenses publiques et améliorer la compétitivité. En d’autres termes, alors que le marché unique multiplie les directives, facteurs de dépenses publiques ou freins à la compétitivité, à l’intérieur de ce marché, la zone euro s’efforce de réduire les dépenses publiques et de retrouver de la compétitivité pour favoriser la croissance et l’emploi. Nous devons surmonter cette contradiction au plus vite.

À l’heure de la mondialisation, les contradictions de cette ampleur sont immédiatement sanctionnées, au détriment des citoyens.

Il est temps de nous avouer qu’en nous dotant d’une monnaie unique, nous avons pris un billet sans retour pour une Europe en voie d’intégration politique. Osons assumer notre démarche vers le fédéralisme. Tirons-en toutes les conséquences, sans attendre, pour atteindre nos objectifs de croissance, d’emploi, de stabilité financière et de paix !

Il y a urgence à agir pour rétablir la confiance en Europe. §

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre débat de ce soir, préalablement au Conseil européen d’après-demain à Bruxelles, a quelque chose de surréaliste.

En effet, monsieur le ministre, à la suite de votre déclaration liminaire, vous solliciterez l’analyse des différents groupes de notre Haute Assemblée, puis nous vous interrogerons sur quelques points particuliers. Mais cette sympathique discussion à cette heure tardive est vraiment un théâtre d’ombres.

Les décisions ont déjà été prises avant et ailleurs, et ce que nous vous disons n’aura qu’un effet limité, voire n’aura aucun effet…

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

… sur la décision du Président de la République de signer le traité dit « de stabilité, de coordination et de gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire ».

Car c’est bien de la signature de ce traité qu’il s’agira le 1er mars prochain. Vingt-cinq des vingt-sept chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne l’adopteront solennellement, en marge de la réunion du Conseil. C’est cet événement qui fera date et qui sera le seul élément que l’Histoire retiendra de ce sommet.

À nos yeux, le grand danger de ce traité, que le chef de l’État signera au nom de la France, est d’être un nouvel instrument antidémocratique pour imposer, sous couvert de discipline budgétaire, la loi des marchés financiers aux États et aux peuples d’Europe.

Ce traité, concocté entre la Chancelière et le Président de la République, aggrave encore les quelques dispositions sur la gouvernance économique et le semblant de solidarité européenne contenus dans son « prédécesseur » de 2005. Le peuple français avait rejeté le précédent traité par référendum, et le chef de l’État le lui avait alors imposé par la voie parlementaire.

Aujourd’hui, nous refuserons le nouveau scénario qui s’annonce.

Dès maintenant nous dénonçons le danger d’une signature du chef de l’État. Nous refusons ce traité, car il est profondément antidémocratique et contraire à l’intérêt national, puisqu’il s’agit de limiter la souveraineté budgétaire des États et de leur dicter leur politique économique et sociale.

De surcroît, c’est de lui que procèdent tous les plans d’austérité qui sont imposés aux pays en difficulté en échange de financements pour tenter de payer leurs dettes.

Cette filiation montre également le lien incontestable et indéfectible qui existe entre les deux projets de loi autorisant la création du Mécanisme européen de stabilité, contre lesquels notre groupe a voté cet après-midi, et le traité que va signer le Président de la République.

En effet, la possibilité pour un État membre de l’Union européenne de participer à ce mécanisme, à ce fonds de soutien, est conditionnée à l’approbation du traité.

Ce n’est qu’à cette condition, en effet, que pourra être activé, à partir du 1er juillet, ce fonds monétaire européen qui a pour mission d’imposer l’austérité aux peuples dont les États n’arrivent pas à financer leurs dettes sur les marchés. C’est la carotte pour accepter les coups de bâtons !

L’intérêt du débat de ce soir pourrait être d’éclairer les enjeux et de montrer toutes les conséquences négatives pour notre pays, pour notre peuple, mais aussi pour l’Europe, d’une signature du chef de l’État.

Fruit de deux mois de laborieux compromis avec l’Allemagne, ce traité vise à instaurer une forme autoritaire de gouvernement économique de la zone euro en prétendant protéger cette dernière contre les attaques spéculatives des marchés financiers et faciliter les prises de décisions rapides qui ont tant fait défaut ces derniers mois.

De nouvelles règles communes, des budgets favorisant le développement économique et social des États membres, des solidarités concrètes entre les pays pour faire face à la puissance déstabilisatrice des marchés, voilà ce dont aurait besoin l’Europe !

Or ce qui sera avalisé par Nicolas Sarkozy à Bruxelles n’est qu’une fausse solidarité, qui enfoncera un peu plus encore les pays dans leurs difficultés.

Ce traité, bien que l’objectif affiché soit de lutter contre les marchés financiers pour protéger la zone euro de leurs attaques ne se donne, en réalité, pas les moyens de cette politique, et ce tout simplement parce que les gouvernements des pays membres n’en ont pas la volonté.

Tout au contraire, les dispositions prévues, que ce soit l’instauration de la règle d’or, ou plutôt comme l’a souligné tout à l’heure notre collègue Jean-Pierre Chevènement, de la « règle d’airain » interdisant tout déficit budgétaire, ou les sanctions automatiques contre les États contrevenants vont précisément dans le sens de la logique de l’austérité économique et sociale réclamée par les marchés.

Pourtant, l’expérience des derniers mois a démontré combien la mise en œuvre des politiques d’austérité était totalement inefficace pour résoudre la crise qui secoue l’euro.

Prenons garde : si cette crise n’était pas jugulée, elle détruirait les économies européennes les unes après les autres. C’est pour cela qu’il faut changer de méthode.

Si notre groupe est si vivement hostile à cette signature, c’est qu’il considère que la méthode et les politiques publiques qu’il inspire sont mauvaises et dangereuses pour les économies et les peuples. Elles vont même à l’encontre des objectifs affichés.

Ce sont justement ces politiques qui alimentent la crise. Ce sont ces politiques d’austérité qui, en comprimant la demande, font reculer l’activité, ce qui à son tour réduit les rentrées fiscales et creuse encore plus les déficits. Partout où elles ont été mises en œuvre, les résultats parlent d’eux-mêmes. Les pays se sont enfoncés dans la récession, ils ont subi un appauvrissement sans précédent, ils sont accablés par le chômage et atteints dans leur dignité même.

Tout cela s’accompagne d’un démantèlement systématique des services publics, des systèmes sociaux, du droit du travail, ce qui provoque la colère des peuples et prépare dans certains pays un véritable séisme social.

Peut-on parler de solidarité pour aider les pays menacés par les attaques des marchés financiers quand, par exemple, le produit intérieur brut de la Grèce a diminué de près de 20 % depuis le début de la crise, et que les salaires et les retraites, en baisse, seront bientôt au même niveau qu’en Roumanie ? Est-ce là le résultat d’une vraie solidarité européenne envers les victimes des marchés financiers ?

Les prévisions de la Commission européenne présentées jeudi dernier sont l’éclatante illustration de ce que ce mécanisme dit de « soutien » ne préconise qu’une austérité asphyxiant l’économie réelle et empêchant la croissance.

La Commission européenne a tout simplement annoncé la récession dans la zone euro, avec un recul du PIB de 0, 3 %, et une quasi-absence de croissance dans l’Union. Huit des dix-sept États de la zone euro, la Grèce en tête, mais aussi le Portugal, l’Italie, l’Espagne, les Pays-Bas et la Belgique seront en récession.

La France et l’Allemagne, quant à elles, comme l’ensemble des vingt-sept, ne connaîtront qu’une croissance infime de 0, 4 % à 0, 6 %.

Le Mécanisme européen de stabilité dont le Sénat, à l’exception de notre groupe, a accepté la mise en place, aggravera ces politiques, car il se fonde sur la même logique que son prédécesseur, le Fonds européen de stabilité. La seule différence, maintenant, est qu’il est pérenne et que les décisions seront plus rapides à prendre. Elles seront donc mieux imposées aux États.

On peut d’ores et déjà douter de l’avenir du MES, car Standard & Poor’s vient de le placer sous perspective négative. Par ailleurs, l’Allemagne a annoncé qu’elle ne céderait pas face à ceux qui demandent déjà le renforcement de ce prétendu pare-feu européen. Le sommet des membres de la zone euro consacré à cette question, prévu vendredi, vient d’ailleurs d’être ajourné.

Le dispositif lié à l’adoption du traité va au-delà de tout ce que l’on a connu jusqu’à présent au niveau européen en matière d’abandon de souveraineté, d’opacité et de recul démocratique.

Il implique une perte évidente de souveraineté budgétaire puisque c’est le regroupement des gouverneurs de ce fonds qui décidera du dépassement de son plafond, sans l’avis des Parlements nationaux.

Sous la direction du condominium franco-allemand, une mécanique implacable de contrôle et de corsetage des finances publiques nationales se met en place.

Mesurez bien, monsieur le ministre, mes chers collègues, que, pour la fameuse troïka que sont la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le FMI invité à participer à l’affaiblissement des économies européennes, ce qui se passe en Grèce est une expérience grandeur nature pour démanteler les droits démocratiques et sociaux partout en Europe. La Grèce est leur laboratoire. Et ce sont ces politiques, formalisées dans un traité, que le chef de l’État et votre gouvernement acceptent de faire inscrire dans le marbre des législations nationales !

Cette discipline budgétaire aveugle, contraint les États, sous prétexte de mieux maîtriser leurs finances publiques, à voter des budgets équilibrés en limitant leur déficit structurel à 0, 5 % de leur PIB. Réclamée par l’Allemagne, cette règle est impitoyable avec ceux qui l’enfreindraient puisque des amendes sont prévues, allant jusqu’à 0, 1 % du PIB, sans parler des sanctions quasi automatiques pour les pays affichant un déficit supérieur à 3 % du PIB.

Cette règle d’airain, plutôt que d’or, pourrait apparaître aux naïfs comme un élément d’une saine gestion des affaires publiques, comme cela a été dit à de nombreuses reprises à cette tribune. Il n’en est rien, car ses conséquences sont contraires à nos principes démocratiques.

Son principal danger est de limiter la souveraineté parlementaire sur le budget en nous obligeant, notamment, à soumettre à Bruxelles, préalablement à leur adoption, les projets de lois de finances. Il place ainsi les budgets nationaux sous la tutelle des institutions européennes, mais aussi indirectement du Fonds monétaire international.

Accepter cela, ce sera pour un gouvernement accepter d’avance de renoncer à la liberté de décider de la politique qu’il veut appliquer, à la liberté de mener une politique de transformation sociale. Tout se fera en vertu de dispositions contraignantes et permanentes venues d’ailleurs, et qui s’imposeront à nos lois de finances.

Dans ces conditions, que devient l’article XIV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, l’un des fondements de la Constitution, aux termes duquel « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée » ?

Qu’en est-il aussi de l’article 39 de la Constitution, qui dispose que « les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale sont soumis en premier lieu à l’Assemblée nationale » ?

Soumettre ainsi nos budgets à une institution supranationale composée de technocrates non élus est clairement incompatible avec nos principes constitutionnels. Je le répète avec force : les fondements même de ce traité heurtent fondamentalement les principes démocratiques énoncés dans la Constitution.

De ce point de vue, à la veille d’échéances électorales qui peuvent changer l’avenir de notre pays, il n’est pas souhaitable que le Président de la République sortant décide, seul, aujourd’hui, de mettre des principes constitutionnels en cause lors du prochain Conseil européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

Lorsqu’il faudra, dans quelque temps, ratifier ce traité qui comprend tant de mesures néfastes pour l’intérêt national et pour les peuples d’Europe, il faudra consulter notre peuple pour qu’il s’exprime en toute connaissance de cause. Nos institutions le permettent, et le futur Président de la République, quel qu’il soit, devra choisir la voie du référendum !

Telles sont, monsieur le ministre, les appréciations dont le groupe communiste, républicain et citoyen souhaitait vous faire part à la veille de ce Conseil européen. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, le Conseil européen qui se réunira les 1er et 2 mars prochain va inévitablement se pencher sur la récession qui, selon la Commission européenne, frappera la zone euro en 2012.

La zone euro est la seule zone du monde qui verra diminuer son PIB. La Chine, elle, voit son PIB augmenter de 8, 2 %, l’Amérique latine de 3, 8 %, même les États-Unis connaîtront une hausse de 1, 8 %, alors que leur dette, leur déficit public et leur balance extérieure sont beaucoup plus dégradés que ceux de la zone euro.

Il n’est pas nécessaire de chercher bien loin l’origine d’un tel état de fait. C’est la logique de l’euro elle-même qui est en cause. La monnaie unique comporte un vice congénital : elle juxtapose, en effet, dix-sept économies hétérogènes à l’ombre d’une Banque centrale européenne copiée sur le modèle de la Bundesbank allemande.

La priorité donnée à la lutte contre l’inflation enferme la zone euro dans un chômage structurel équivalent à 10 % de la population active. La surévaluation de l’euro nous a fait perdre 30 % de compétitivité par rapport aux États-Unis depuis 1999. Au sein même de la zone euro, la déflation salariale organisée en Allemagne a accru l’écart de quinze points entre ce pays et le reste de la zone euro.

L’endettement d’États de moins en moins solvables devait aboutir à la crise des dettes souveraines. Le cas de la Grèce n’est que l’arbre qui cache la forêt, car la fragilité de la zone euro s’enracine dans les déséquilibres commerciaux et les écarts de compétitivité, qui ne touchent pas que la Grèce.

On l’a dit cet après-midi, le MES n’est pas un pare-feu suffisant. À supposer qu’il soit capable de lever 500 milliards d’euros, comment ferait-il face à un possible défaut de l’Italie, dont la croissance, en 2012, sera négative, en baisse de 1, 8 %, alors qu’elle devra lever encore 250 milliards d’euros de dette ?

M. Cohn-Bendit, dont l’influence s’est fait sentir cet après-midi sur plusieurs orateurs de la majorité présidentielle – cela nous permet de mesurer le temps passé depuis la mort du général de Gaulle ! – veut faire croire que ces 500 milliards d’euros pourraient servir d’amorce à la solidarité des peuples européens. Au mieux, soyons sérieux, ils ne serviront qu’à renflouer les banques !

M. Draghi met le malade sous morphine, mais cela n’ira pas sans effets pervers. Il ne suffit pas de donner de l’argent aux banques, on pourrait faire des avances aux États qui en ont besoin : ce serait mieux utiliser l’argent public.

Mal pensée dès le départ, la monnaie unique se révèle être un tonneau des Danaïdes où s’engloutira toujours davantage l’argent des contribuables.

Tout cela parce qu’on a voulu faire l’Europe en dehors des nations. Leur souveraineté monétaire a été aliénée à un aréopage de banquiers centraux qui n’ont de comptes à rendre à aucune instance procédant du suffrage universel. Tout cela me rappelle la formule lancée par Philippe Séguin en 1992, lors de la ratification du traité de Maastricht : « 1992 c’est l’anti 1789 ! » Eh bien, nous y sommes !

Certains nous parlent de « grand saut fédéral » ; je pense à M. Arthuis, que j’aime beaucoup par ailleurs – mais je constate qu’il n’est plus là pour entendre ma déclaration d’amour… §Trêve d’irréalisme ! Le système dans lequel on nous propose d’entrer est purement coercitif. Il ne comporte aucun élément de redistribution.

Le processus de dessaisissement des parlements nationaux s’est mis marche aussitôt la crise de l’euro déclarée. Je n’y reviens pas, c’était le « semestre européen » : stratégies budgétaires à moyen terme, vote de loi de finances triennales, Commission européenne saisie dès le mois d’avril d’un projet de budget que le Parlement vote autour du 20 décembre, etc. Est-ce cela la démocratie ?

Le Parlement européen a inclus, le 28 septembre 2011, le « semestre européen » dans un paquet « gouvernance économique », encore nommé « six pack » car comprenant cinq règlements et une directive, à quoi se sont ajoutés deux textes dits « two pack ».

S’est ainsi mis en place un appareil de surveillance précoce, de normes, bref, de contrôle et de supervision, visant à mettre sous tutelle les budgets des pays membres. On a même assisté à cette chose étonnante : M. Olli Rehn, commissaire européen aux affaires économiques, a envoyé au gouvernement de M. Berlusconi une lettre comportant trente-cinq conditions. Trente-cinq conditions, madame Demessine, c’est plus que vingt et une ! §Trois jours après, M. Berlusconi était remplacé par M. Monti…

Les États se trouvent, de la sorte, dépouillés de leur souveraineté budgétaire : six pack, two pack, Pacte européen pour l’euro plus… Derrière le cliquetis des mots, on perçoit comme un bruit de chaînes ! §

Mais ce n’est pas encore assez puisque l’Allemagne entend généraliser le système de « frein à l’endettement » qu’elle a adopté en 2010. M. Sarkozy a accepté de le faire pour la France puisqu’il a proposé la fameuse « règle d’or » : une loi organique devrait désormais préciser le contenu de « lois-cadres d’équilibre des finances publiques », s’imposant aussi bien aux lois de finances qu’aux lois de financement de la sécurité sociale. C’est très compliqué ! Que deviennent, alors, le droit d’initiative parlementaire, le droit d’amendement, le rôle des commissions ? On ne sait plus !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Le TSCG européanise la règle d’or ; c’est un traité essentiellement disciplinaire, qui va au-delà de cette règle d’or. C’est un traité suicidaire, qui permet l’intrusion des institutions européennes dans le fonctionnement de la démocratie et qui comporte des sanctions automatiques. Je demande au Président de la République, si friand de référendums, de soumettre ce traité au référendum, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

… comme M. Fillon le lui a d’ailleurs suggéré, à juste titre.

Que devient le contrôle démocratique des parlements nationaux ? On entend parler d’une vague « conférence interparlementaire », qui n’aurait en fait qu’un droit d’information.

Au principe de souveraineté se substitue un principe d’inégalité, de hiérarchie entre les États, selon les moyens dont ils vont disposer.

En conclusion, je dirai que le projet de traité doit être révisé dans son objectif, fixé à l’article 3, et quant aux prérogatives des parlements nationaux, qu’il faudra restaurer. Il devra l’être également au regard des moteurs de croissance, qu’il faudra pouvoir mettre en marche : cela est possible en élargissant les missions de la Banque centrale, en remédiant à la surévaluation de l’euro, en lançant un grand plan européen d’investissements, financé par un emprunt européen sous forme d’eurobonds, et, enfin, en menant une politique de relance salariale dans les pays dont la compétitivité le permet.

La logique de Mme Merkel ne peut pas être de transformer l’Europe du sud en un vaste Mezzogiorno !

Qu’aurait dû faire M. Sarkozy ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Je termine, monsieur le président.

Il eût fallu organiser une grande conférence de presse, à la manière du général de Gaulle, et dire clairement que l’Europe a été, depuis le début, l’œuvre commune de la France et de l’Allemagne, à égalité. On ne peut pas accepter que cette égalité soit rompue.

L’Allemagne a le choix entre deux politiques : celle du cavalier seul, pour prétendument jouer dans la « cour des grands », qui ne débouche que sur l’éclatement de la zone euro et se retournera contre l’Allemagne elle-même ; ou bien la politique de l’« Allemagne européenne », dont rêvait Thomas Mann, dans une « Europe européenne », selon l’expression du général de Gaulle.

Seule cette seconde voie permettrait aux peuples européens de respirer et de défendre ensemble leurs intérêts vitaux sur la base d’un compromis qui les autoriserait à aller de l’avant. C’est cela qu’aurait dû faire M. Sarkozy et c’est, je l’espère, ce que fera le prochain Président de la République française ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le prochain Conseil européen, comme la plupart des sommets européens de ces deux dernières années, revêt une importance majeure. Il s’agit, une fois encore, de construire la réponse européenne à la crise. Avec certaines difficultés, certes, l’Union, à travers l’action de ses institutions et celle des États membres, met efficacement en place une nouvelle Europe, une Europe plus forte, plus stable, plus intégrée et plus contrôlée.

La crise que nous connaissons depuis 2008 a au moins eu l’avantage d’accélérer la mise en place d’une gouvernance économique et financière à l’échelon européen. C’est indéniable. Ce mouvement s’est fait parfois dans la douleur, souvent dans l’effort ou la mauvaise humeur, mais il existe et il a abouti à des chantiers inimaginables voilà encore deux ans. Et l’action volontariste du Président de la République, Nicolas Sarkozy, fut tout à fait décisive. Pendant cinq ans, la France a démontré que sa voix en Europe était respectée et que ses initiatives avaient rythmé l’agenda de l’Union.

Les avancées institutionnelles permises par la crise sont nombreuses.

D’un côté, les États européens se sont mobilisés, avec plus ou moins d’entrain, en faveur de leurs voisins les plus touchés comme la Grèce. À cet égard, les négociations de la semaine dernière, difficiles et inespérées, avec l’adoption d’un plan record, sont une preuve de cette mobilisation.

D’un autre côté, avec les autres institutions, les États se sont mis d’accord sur un ensemble de dispositions pour éviter que de telles situations ne se reproduisent à l’avenir. Les mesures concernent les acteurs et les pratiques du secteur financier, en particulier les banques, mais poussent aussi vers un encadrement plus strict des politiques budgétaires des États. Bref, nous allons vers un « fédéralisme budgétaire » européen, tout simplement par pragmatisme.

La crise financière, puis économique a révélé le manque de transparence du système financier, soumis à de mauvais calculs de risque dissimulés sous des montages complexes, et en proie à une spéculation nocive pour l’économie réelle. Aussi les régulateurs européens ont-ils décidé de légiférer pour introduire plus de transparence dans le système, afin, notamment, d’en diminuer les risques. Je pense à la surveillance accrue des acteurs financiers et à la régulation des produits et pratiques financières. Cette action a essentiellement été menée par les institutions communautaires, Commission en tête.

L’Union européenne s’est beaucoup mobilisée concernant les mesures de régulation à destination des banques. De nombreuses dispositions ont été mises en place pour consolider le système bancaire. D’autres dispositions ont été créées pour résoudre les futures crises ; on peut citer le projet d’une taxe bancaire ou l’amélioration des garanties des dépôts bancaires. Le changement des pratiques des banques est également à l’ordre du jour avec la limitation des bonus et du secret bancaire.

Avec ce nouvel arsenal normatif, les États ont ainsi montré à leurs citoyens que, désormais, les banques allaient devoir prendre leurs responsabilités.

Mais, en plus de cibler les dysfonctionnements du système financier et bancaire, les États ont su reconnaître leur propre responsabilité dans la crise budgétaire qu’ils ont essuyée et ils se sont attachés à empêcher qu’elle puisse se reproduire en mettant en place un contrôle plus strict de leurs agissements budgétaires. Ils ont aussi, bien que plus difficilement, fait jouer la solidarité pour venir en aide aux plus touchés d’entre eux, comme la Grèce.

Bien sûr, l’exemple le plus marquant et le plus significatif dans l’aide aux États en difficulté est la mise en place d’un fonds d’urgence, et sa transformation en mécanisme permanent de stabilisation. Cet instrument pérenne de réaction aux crises répond à une absolue nécessité.

À la gestion en urgence des conséquences d’une crise déclarée s’ajoute la volonté de la part de certains États, en particulier les plus rigoureux comme l’Allemagne, de responsabiliser les États de l’Union. Le sauvetage doit s’accompagner d’un durcissement du Pacte de stabilité, autant dans son volet préventif que dans son volet correctif. C’est l’origine de la mise en place du « semestre européen », qui est un contrôle a priori des budgets nationaux, inauguré dès février 2011.

Une nouvelle étape a été franchie par le très important Conseil européen du 30 janvier dernier : deux décisions majeures y ont été finalisées, ce qui en fait l’un des plus décisifs de cette période de crises que connaît l’Union Européenne depuis trois ans.

D’abord, le Pacte budgétaire : il a été approuvé par vingt-cinq États membres sur vingt-sept ; il doit être signé le 1er mars et sera opérationnel dès que douze États membres l’auront ratifié.

Ce pacte comprend un volet « discipline budgétaire », un volet « gouvernance économique » ainsi que, ne l’oublions pas, un volet « croissance et emploi ».

Le volet concernant la discipline budgétaire est ce que l’on pourrait appeler un « Pacte de stabilité et de croissance révisé » ayant pour but d’améliorer la gouvernance de la zone euro en soutenant les objectifs de l’Union en matière de croissance durable, de compétitivité, d’emploi et de cohésion sociale.

En ce qui concerne la gouvernance économique, il a été décidé que, deux fois par an, un sommet de la zone euro serait organisé pour débattre des stratégies relatives à la conduite des politiques économiques devant renforcer la convergence au sein de la zone. C’était essentiellement une revendication de la France ; la Pologne y était opposée et l’Allemagne s’était montrée réservée. Il nous appartient de faire vivre cet outil.

Le volet ayant trait à la coordination des politiques économiques au service de la croissance et de l’emploi est, à mes yeux, un point majeur de l’accord. Il est bien souligné que le volet « croissance et emploi » n’a pas été oublié au cours du Conseil de janvier.

L’addition de plans de rigueur budgétaire est un préalable au rétablissement de la confiance et de la compétitivité économique des États membres, comme l’a rappelé à plusieurs reprises le nouveau président de la BCE, mais ce n’est pas suffisant. J’y reviendrai plus loin.

Lors du Conseil du 30 janvier, les chefs d’État et de gouvernement ont également approuvé le Mécanisme européen de stabilité. Son élaboration a été longue, voire laborieuse, mais nous arrivons enfin à un système pérenne de solidarité et de stabilité nous permettant de faire face à la déstabilisation de certains États européens.

Ce mécanisme permettra de doter la zone euro d’un instrument apte à intervenir pour juguler les crises de marché. II ne constitue pas la seule avancée – quoique celle-ci soit déjà majeure – dont la crise de la dette européenne accouche. Il est aussi nécessaire de tirer les enseignements de la période traversée, ce qui suppose à la fois de mettre en place une discipline efficace et respectée et de gommer les écarts de compétitivité qui ont pesé sur les finances publiques des États périphériques.

Comme cela a été souligné lors du sommet de la zone euro du 9 décembre 2011, le dispositif de solidarité créé par le MES est complémentaire de la volonté des chefs d’État et de gouvernement des États membres dont la monnaie est l’euro d’évoluer vers une union économique plus forte, comprenant un nouveau pacte budgétaire et une coordination accrue des politiques économiques.

Pour l’heure, la capacité des États de la zone euro et au-delà à constituer un front uni est démontrée par la réforme de la gouvernance et la création du Mécanisme européen de stabilité. Il est impératif que la France, qui a joué un rôle moteur à chacune des étapes de l’élaboration des réponses à la crise, donne l’impulsion en ratifiant, la première, les textes qui donnent corps à ces réponses. Cela vient d’être très récemment le cas pour le traité instituant le MES.

À ce sujet, je souhaite faire deux remarques, sans esprit de polémique. Je trouve d’abord que l’abstention de nos collègues socialistes sur la ratification du traité créant le MES est incompréhensible. Comment peut-on ainsi mettre de côté son idéal européen, que Jacques Delors a hier porté si haut, au profit de calculs politiques de circonstance ! J’y vois un singulier manque de prospective !

Ce mécanisme de solidarité n’est ni de droite ni de gauche : il est tout simplement la réponse européenne à la crise terrible que nous connaissons depuis plusieurs mois et qui met durement à l’épreuve le projet européen. II est un dispositif de solidarité, bien sûr complémentaire de la volonté des États membres de la zone euro d’évoluer vers une union économique plus forte, c’est-à-dire une union comprenant un nouveau pacte budgétaire et une coordination accrue des politiques économiques mis en œuvre par un nouveau traité, le TSCG.

Bien sûr que l’octroi d’une assistance financière dans le cadre du MES sera conditionné à la ratification de ce nouveau traité par l’État membre concerné ! Encore heureux ! C’est la clé du système et la garantie de sa crédibilité.

J’ajoute que ces traités, comme tous les autres, engagent la France, et non simplement l’actuel gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Quand le Parlement l’aura ratifié ! Il n’y est pas obligé ! On peut écouter le peuple avant !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

On ne renégocie pas des traités à chaque changement de gouvernement ! Un traité engage la parole du pays qui l’a signé, et cela doit être clair pour tout le monde !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

C’est aberrant ! Le général de Gaulle ne serait pas sorti de l’OTAN !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Il n’y a pas de place, aujourd’hui, pour la spéculation politique.

Là aussi, il y va de la crédibilité de la démarche et du mécanisme retenu.

On le voit, la mise en place progressive de la réponse européenne à la crise est indéniable. Nous avançons concrètement vers plus de coordination des politiques budgétaires nationales, vers plus de surveillance et de contrôle des acteurs de la finance §vers plus de gouvernance économique, bref, vers un type de « fédéralisme budgétaire » à l’échelle européenne.

Je veux revenir un instant sur ce que disait tout à l'heure notre collègue Jean Arthuis à ce sujet. La famille politique à laquelle j’appartiens penche, vous le savez, du côté souverainiste plutôt que du côté fédéraliste. Mais, aujourd'hui, il faut faire preuve de pragmatisme, et c’est sans détour que je m’engage vers ce fédéralisme budgétaire, dont la mise en œuvre ne me paraît présenter aucune impossibilité.

Je pense donc que, pour bâtir cette croissance, il faut un marché intérieur dynamique et efficace. L’action de notre commissaire, Michel Barnier, est à cet égard remarquable.

Le marché unique a permis de créer de nombreux emplois, même si ce n’est pas encore suffisant, et d’accroître la compétitivité de l’Europe. Aujourd’hui plus que jamais, il reste notre atout majeur pour faire face aux défis de la crise économique.

Il existe cependant un large potentiel encore inexploité. Je pense à l’accès au financement des PME, à la mobilité des citoyens, aux droits de propriété intellectuelle, au marché unique des services, à la fiscalité ou la protection des consommateurs. Les propositions de la Commission européenne existent et c’est aux États membres de décider de leur mise en œuvre.

De nombreuses autres pistes peuvent être explorées. Ainsi, les fonds structurels sont un formidable outil de développement. Ne peut-on pas utiliser différemment les 240 milliards d’euros de la politique de cohésion, notamment pour la relance ? À mon avis, nous serions gagnants. Aux États membres de lancer des plans de rigueur et à l’Europe de mener une politique de relance pour l’Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

La stratégie Europe 2020 constitue également un excellent vecteur de croissance, notamment en ce qui concerne les investissements dans la recherche, l’innovation et la formation. Cette stratégie s’inscrit parfaitement dans le contexte de réformes structurelles débattues récemment : la régulation financière, la coordination de l’Union économique et monétaire ou la gouvernance économique.

L’ensemble de ces opérations ne concerne pas seulement les institutions européennes. Elles doivent être discutées et relayées à tous les niveaux.

Le débat sur les euro-obligations est également lancé. Il s’agit de mutualiser la dette souveraine des États de la zone euro pour financer des dépenses d’avenir.

Cependant, des imprécisions et de nombreuses incertitudes demeurent, au-delà même des réticences allemandes, qui hypothèquent largement l’avenir de cet instrument financier, y compris sous son aspect d’outil de croissance et d’investissement.

La réflexion doit encore faire du chemin, mais, et je rejoins sur ce point Mme la rapporteure générale, je reste persuadé que l’émission d’eurobonds pourra présenter des bénéfices à terme, plus précisément lorsque la rigueur et l’orthodoxie budgétaire des États membres seront devenues la règle, moment qui n’est pas encore arrivé…

Le Conseil européen des 1er et 2 mars revêt donc une importance de premier plan. Avec le traité instituant le Mécanisme européen de stabilité, ratifié voilà quelques heures par notre assemblée, et la future signature du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’Union économique, l’Europe a profondément réformé sa gouvernance. Elle a réagi à la hauteur de l’enjeu. Cela traduit un changement profond d’orientation dont nous avons du mal à mesurer les conséquences, lesquelles sont, à mon avis, considérables.

Avec le renforcement de l’intégration économique et budgétaire au travers d’une discipline accrue, mais aussi d’une convergence des compétitivités pour des objectifs de croissance partagés, on assiste à la mise en place d’un arsenal juridique et politique complet.

La crédibilité de cette démarche dépend évidemment de notre capacité collective à réagir et de notre unité à adhérer à ce projet commun. Il n’y a aucune place pour la polémique ou la spéculation. Il y va du destin de la France et de l’Europe. §

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a quelques mois, un homme politique français, interrogé sur l’éventualité d’un référendum en Grèce à propos des mesures de rigueur imposées à ce pays, faisait part de son agacement en ces termes : « Je trouve que c’est une décision normale et je n’arrive pas bien à comprendre l’agitation autour d’elle. […] Je pense que la démarche [de M. Papandreou] est une démarche correcte. Il a besoin de savoir si le peuple grec accepte cet accord. […] Dans une démocratie, il faut interroger les citoyens. »

Cet homme politique n’a rien d’un écologiste, non plus que d’un homme de gauche. Il ne figure pas davantage parmi les adversaires de l’Union européenne, bien au contraire. Rien ne laisse non plus penser qu’il soit un fervent défenseur de l’idée de démocratie directe et d’un usage débridé du référendum...

En réalité, en s’exprimant de la sorte, il ne faisait que rappeler une évidence : le fonctionnement de l’Europe doit être démocratique, en tout cas plus qu’il ne l’est actuellement, et qui dit démocratie, dit non seulement chefs d’État et de gouvernement librement élus, mais aussi parlements, partis politiques, syndicats, associations et surtout citoyens profondément impliqués dans les décisions majeures qui s’imposent aux sociétés.

Autant d’éléments que le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre, semble trop souvent négliger, notamment en ce qui concerne la gestion de l’actuelle crise des dettes souveraines. Quel dommage que Valéry Giscard d’Estaing, puisque c’est de lui qu’il s’agit, n’ait pas eu davantage votre écoute dans la période récente !

Puisque j’en suis à parler d’hommes politiques illustres, je m’autoriserai quelques réflexions rétrospectives.

En pensant aux grandes étapes qui ont marqué la construction de l’Union européenne, il m’apparaît que nous sommes plus que jamais confrontés à un problème de génération. Le projet des pères fondateurs, dont nous continuons tous ou presque à nous réclamer, est assez mal en point. C’est celui des Altiero Spinelli et Jean Monnet, entre autres. Ces hommes voulaient construire un espace de paix et de démocratie, de prospérité et de partage, qui permettrait à leurs pays de se relever de l’immense crise et des terribles conflits qu’ils venaient de traverser. L’unification de leur continent était, à leurs yeux, absolument nécessaire. Ils cherchèrent à la construire sans relâche, en s’appuyant sur un pragmatisme lucide, mais courageux et résolu.

La seconde génération d’Européens, quoique aussi pragmatique en apparence, l’était en réalité beaucoup moins. Je pense à un Valéry Giscard d’Estaing, mais aussi à un Bronisław Geremek, ainsi qu’à quelques grands noms dont les voix résonnent encore parfois au Parlement européen.

Mme Catherine Morin-Desailly et M. Yves Pozzo di Borgo applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Cette génération-là a fait fructifier le legs laissé par les pères fondateurs. Elle a cependant commis aussi des erreurs, tant elle supposait que tout serait facile pour construire l’Europe dont elle rêvait, d’où, notamment, un élargissement parfois trop rapide et, surtout, une unification encore trop focalisée sur l’économie au détriment du social et de la politique.

La troisième génération, celle qui se trouve actuellement aux responsabilités en Europe, loin de réparer les erreurs de la génération précédente, les a plutôt aggravées.

Le problème n’est pas que les actuels dirigeants, français et allemands, par exemple, ne parlent jamais d’Europe, mais qu’ils en parlent avec des expressions qui varient selon le contexte, le lieu où il se trouve et le public auquel ils s’adressent.

Il y a cinq ans, Nicolas Sarkozy s’en prenait indirectement à l’Allemagne en rappelant que la France, contrairement à d’autres, n’avait « pas inventé la solution finale », phrase qui n’a pas été sans produire quelques échos. Aujourd’hui, l’Allemagne est son modèle.

Il y a quelques mois, Angela Merkel disait tout le bien qu’elle pensait d’une Europe qui serait enfin pleinement politique. Dans le même temps, elle agissait exactement comme si elle voulait aller dans la direction opposée, et c’est ce qu’elle continue à faire.

Ces actes et ces discours n’ont en réalité qu’un seul point commun : l’Europe n’est plus présentée comme incontournable, mais comme une contrainte. Là où elle était ouverture, elle est désormais frontière à protéger. Là où elle était un projet, elle n’est plus qu’un outil à utiliser.

Surtout, à écouter ces discours, on comprend que sa construction ne relève plus de notre choix collectif. C’est quelque chose qu’on nous imposerait. Quoi de plus commode pour un chef d’État ou de gouvernement à la peine dans l’opinion ? S’il ne parvient pas à obtenir telle ou telle chose, c’est la faute de l’Europe ! S’il veut mettre en place des réformes impopulaires, c’est encore et toujours la faute de l’Europe ! Et si jamais l’Europe doit réussir quelque part, c’est bien entendu de son fait à lui…

Vous vous demandez sans doute pourquoi, monsieur le ministre, je m’attarde sur ces considérations. En réalité, elles sont directement liées à l’objet de notre débat. En effet, l’ordre du jour du Conseil européen auquel vous vous rendrez jeudi illustre parfaitement la dégradation que je viens de décrire.

En l’occurrence, c’est ce que cet ordre du jour ne comporte pas qui me préoccupe.

Comment se fait-il que le débat que nous avons ce soir n’ait pu avoir lieu, devant le Parlement, qu’à la veille d’un Conseil européen aux enjeux, il faut bien le dire, assez limités ? Nous n’avons malheureusement pas eu l’honneur de débattre avant le Conseil informel du 30 janvier dernier, celui qui scella à la fois les négociations portant sur le Mécanisme européen de stabilité et sur le nouveau traité intergouvernemental.

Certes, nous échangeons sur une base régulière : fin octobre, mi-décembre, de nouveau aujourd’hui. Mais, lorsqu’il apparaît qu’autant de décisions, a fortiori controversées, sont prises lors de réunions « informelles » du Conseil européen, ne vaudrait-il pas mieux qu’un véritable débat ait lieu de manière systématique, devant la société française et sa représentation, avant chacune de ces réunions ?

En Allemagne ou au Danemark, lequel préside actuellement le Conseil européen, le Parlement est étroitement associé à la politique européenne de l’exécutif quand le Gouvernement n’est pas lié, comme c’est le cas au Danemark, par le mandat que lui donne le pouvoir législatif.

Pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, pourquoi la France est le seul pays dont la politique européenne soit à ce point accaparée par le chef de l’État et aussi peu discutée publiquement, sans donc que le pays et sa représentation parlementaire y soient associés en amont ?

Le Sénat a récemment adopté, sur l’initiative de sa commission des affaires européennes, une résolution sur le contrôle démocratique des politiques européennes et des politiques économiques. Le Gouvernement devrait s’en inspirer s’il veut éviter que de nouveaux malentendus et de nouvelles fractures n’apparaissent entre les citoyens et ceux qui sont censés les représenter.

Depuis plusieurs jours, les parlementaires, donc les sénateurs, ne cessent de recevoir des courriers relatifs au Mécanisme européen de stabilité.

Quelle que soit l’opinion que l’on peut avoir sur ce mécanisme, je suis sûr que nous pourrons être d’accord pour dire que les conditions dans lesquelles il a été discuté ne sont pas satisfaisantes. Les citoyens et les parlementaires ont été mis sur le côté, de sorte que ces textes se retrouvent votés en urgence et instrumentalisés de part et d’autre. Cela n’est pas raisonnable et c’est totalement contre-productif.

Je reviens à l’ordre du jour du Conseil européen.

Celui-ci aura d’abord pour objet de clore la première phase du semestre européen. Il s’agit notamment d’examiner dans quelle mesure les États membres appliquent les recommandations qui leur sont adressées par le Conseil et la Commission en matière de coordination économique.

C’est une réforme un peu étrange, si l’on y réfléchit, puisqu’elle est à mi-chemin entre la méthode communautaire et la méthode intergouvernementale.

C’est aussi une réforme potentiellement dangereuse puisqu’elle est aujourd’hui synonyme d’une stricte austérité et qu’elle porte atteinte aux compétences traditionnellement reconnues aux parlements nationaux comme au Parlement européen dans ce domaine.

Mais, s’il était possible d’y voir une réforme réellement et pleinement européenne, cela ne serait pas si grave. Si cette réforme avait donné plus de poids à une approche intergouvernementale intelligente et réellement équilibrée, il serait encore possible de l’envisager comme un progrès. Or, non seulement cette réforme tourne le dos à une approche fédéraliste et communautaire, mais elle tend aussi à aggraver les déséquilibres profonds qui existent déjà entre États membres en matière de reconnaissance politique.

J’en veux pour preuve l’exercice auquel s’est livré, voilà deux semaines, le commissaire européen chargé des affaires économiques et monétaires, Olli Rehn, que citait précédemment Jean-Pierre Chevènement. Alors qu’il évoquait, conformément à la législation établissant le semestre européen, les déséquilibres macroéconomiques qui frappent la zone Euro, M. Rehn a pointé du doigt dix-sept États membres considérés comme devant faire l’objet d’une attention particulière de la part de ses services. La Grèce, l’Espagne, l’Irlande et le Portugal en font naturellement partie... La France aussi. Elle est, comme le Royaume-Uni et la Belgique, jugée insuffisamment compétitive et perdant trop de parts de marchés à l’exportation.

En revanche, l’Allemagne est absente de cette liste. Aucun déséquilibre économique ne lui est reproché, alors que la balance de ses comptes courants est largement excédentaire depuis des années. C’est le signe, selon les critères du fameux six pack, de salaires trop peu élevés et d’une demande intérieure trop peu développée, au détriment de la population allemande comme de l’ensemble de l’Union européenne.

Pourtant, la Commission européenne, en dépit des obligations résultant du six pack, fait mine de ne rien remarquer ! Pourquoi ? Tout simplement parce que l’Allemagne, inquiète de voir sa réputation entamée, alors qu’elle mène une croisade en faveur de l’austérité, a fait pression sur la Commission pour que celle-ci omette de l’épingler.

C’est ainsi que le gouvernement du pays le plus influent de l’Union semble mépriser toute idée de solidarité européenne et de responsabilité partagée. Personne ne semble s’en offusquer, et surtout pas le gouvernement français !

En effet, pour maintenir un semblant d’influence au sein du concert européen, le président Sarkozy a bien compris que son intérêt n’était plus de peser en faveur d’idées qu’il défendait il n’y a pas si longtemps – je pense à la création d’euro-obligations – mais de conclure une alliance tactique et, je dois le dire, assez opportuniste avec Mme Merkel. Cette dernière a besoin de lui pour ne pas paraître trop isolée face à des États qui, comme la Pologne, commencent à protester.

Ainsi, l’Europe qui se réunira cette semaine n’est ni fédéraliste, ni communautaire, ni même intergouvernementale à proprement parler. Dans l’esprit des deux dirigeants, français et allemand, elle ne saurait être qu’une forme de directoire plus ou moins affirmé.

De son côté, M. Mario Monti, président du Conseil italien et habitué des arcanes européens, a pris voilà peu position sur cette problématique en des termes très forts, notamment dans un article du journal Le Monde cosigné avec Sylvie Goulard.

Cette méthode – la confiscation de l’Union européenne par deux États membres et une sorte d’alliance objective entre gouvernements conservateurs et technocratie au détriment du Parlement européen et des parlements nationaux – ne fonctionnera pas. Bien plus que l’autoritarisme supposé d’une Commission européenne, réduite plus que jamais à l’état de secrétariat des grands États membres, elle risque de conduire à la dislocation du projet européen.

C’est cette méthode qui a précipité la Grèce, déjà lourdement abîmée par la faute de ses propres dirigeants, dans l’état où elle est aujourd’hui.

C’est aussi au nom de cette méthode qu’il est jugé inutile et inopportun de s’intéresser à des questions telles que les libertés fondamentales en Hongrie. Le Premier ministre Viktor Orban, qui est aussi le vice-président du parti populaire européen, n’a-t-il pas été récemment invité à ce titre par l’UMP à Marseille, alors que sa dérive autoritaire, dont témoigne la transformation des institutions de son pays, ne fait aucun doute ? La lutte contre de telles dérives n’est-elle pas l’un des fondements du projet européen ? C’est là un point que l’on aurait aimé voir figurer au programme de travail du Conseil européen de cette semaine.

Monsieur le ministre, jeudi prochain, lors de ce sommet, que comptez-vous répondre aux critiques du président Mario Monti, lorsque vous le croiserez avec le Président de la République ? Inciterez-vous le Conseil européen à s’intéresser enfin de plus près à la situation préoccupante des libertés fondamentales en Hongrie ?

Avant de conclure, je voudrais saisir l’occasion de ce débat pour réitérer une question que j’ai posée le 9 février dernier à votre collègue M. Lellouche lors de la séance de questions d’actualité au Gouvernement et qui n’a reçu aucune réponse.

La Grèce demeure aujourd'hui plongée dans des difficultés considérables et reste soumise à des contraintes socialement insoutenables. Pourtant, jamais depuis la crise de 2008 ceux qui assument au plus haut niveau la responsabilité de notre diplomatie ne se sont rendus sur place, à Athènes, pour discuter directement avec les principaux intéressés. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer si un tel voyage, qui serait un acte de considération fort à l’égard du gouvernement de la Grèce et, surtout, de sa population, est envisagé dans les semaines à venir par le Président de la République, le Premier ministre, le ministre des affaires étrangères et européennes ou vous-même ? §

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans les circonstances que nous vivons, et qui n’incitent guère à l’optimisme, le sommet qui s'ouvrira après-demain a pour mission de tenter de raviver le sentiment européen dans les opinions de nos démocraties et de faire renaître l'espoir. Malheureusement, son ordre du jour porte essentiellement sur la confirmation du projet de traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire. Il y a là, me semble-t-il, un contraste.

Est-il besoin de rappeler les obligations d'équilibre budgétaire déjà acceptées au sein de l'Union européenne et en France ? Depuis bientôt vingt ans que le traité de Maastricht est en vigueur, nous avons pu observer comment il était appliqué. Il a donné lieu, en 2004-2005, à un compromis interprétatif du Conseil européen qui l’a surtout compliqué, et sans que les résultats en termes de maîtrise budgétaire collective soient vraiment au rendez-vous.

Plus récemment, ont été adoptés les deux packs qui encadreront de façon de plus en plus stricte les procédures budgétaires et les autres décisions relatives aux finances publiques des États membres.

Et n’oublions pas que, dans notre propre dispositif constitutionnel, la révision de juillet 2008 a introduit, à l’article 34, une disposition aux termes de laquelle « les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies dans des lois de programmation » et « s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques ».

Lorsqu’on observe la trajectoire budgétaire de la France, y compris en matière de finances sociales, depuis l'instauration de cette première règle d'équilibre à caractère constitutionnel, on se demande ce qu'il faudra pour atteindre effectivement l’équilibre !

L’expérience nous oblige à reconnaître que les difficultés spécifiques dans lesquelles notre pays se trouve aujourd'hui sont plus l’effet de certaines dérives que de la malchance et que ces dérives sont elles-mêmes la conséquence de décisions politiques qu’il faut bien assumer.

La façon dont les autorités françaises ont cherché à esquiver l'application des dispositions du traité en 2003-2004 – c’était la même majorité gouvernementale qu’aujourd'hui – a laissé un souvenir très précis à nombre de nos partenaires de l'Union européenne.

Enfin, comme d’autres orateurs l’ont souligné, l'affaiblissement de la compétitivité de la France – 10 points perdus depuis 2002 – n'a évidemment rien de rassurant quant à notre capacité à retrouver la croissance, qui reste le support premier de l'équilibre des finances publiques.

La conséquence de cette situation, nous la voyons maintenant dans le texte du projet de traité : c’est la position dominante de l'Allemagne. Les autorités allemandes, a fortiori quand ce sont les conservateurs qui sont au pouvoir, comme aujourd'hui, ont une exigence profondément normative d'encadrement des finances publiques et fondent leur raisonnement sur la méfiance. Reconnaissons que, comme je l’ai montré, nous avons donné prise à une telle attitude. Quoi qu'il en soit, l’Allemagne est actuellement suivie par un certain nombre de pays, qui s’inquiètent eux aussi de l'évolution de l'euro et de celle de notre système financier.

La position dans laquelle s’est trouvé le Président de la République au cours de la négociation – mais c'est aussi son bilan ! – a abouti à un traité que nous pensons profondément déséquilibré, et de surcroît inefficace.

Plusieurs économistes ont formulé des remarques assez simples sur ce qui posait problème au sein de la zone euro. D’ailleurs, à cet égard, malgré les différences d'opinion que nous avons pu avoir sur bien des sujets avec Jean-Pierre Chevènement, je veux saluer sa clairvoyance. Avoir une zone monétaire unique sans banque centrale jouant le rôle de prêteur en dernier ressort, sans partage de la gestion des dettes publiques et sans mise en commun des dispositifs de régulation du système bancaire confine à un exercice d'équilibriste…

Or, sauf peut-être sur un point, et encore de façon marginale, le traité qui sera vraisemblablement signé lors du prochain sommet – même s'il est encore légèrement modifié à l'occasion d'une ultime négociation – ne répond pas à ces questions de base.

Je signale au passage que, lorsque le Gouvernement français s'est engagé dans une comparaison critique avec la situation du Royaume-Uni, dont les fondamentaux affichent certes des chiffres encore plus préoccupants, il l’a fait néanmoins, à mon sens, de façon quelque peu hasardeuse, car ce pays dispose, lui, d’un prêteur en dernier ressort, ce qui a fait la différence !

Mme Marie-Noëlle Lienemann acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Surtout, ce projet de traité ne remédie pas aux tensions économiques et sociales de plus en plus fortes et dramatiques que connaissent les pays en difficulté financière, à commencer par la Grèce. Dans de nombreux pays, notamment en France, les opinions publiques sont préoccupées par cette spirale de tensions et par l’incompréhension que manifeste la majorité conservatrice du Conseil européen, laquelle, devant cette situation économique très préoccupante – l'absence de croissance de l'Europe –, ne fait qu’appuyer sur le clavier des mesures restrictives, créant ainsi un risque de plus en plus grand de récession et de conflits sociaux.

Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur quelques questions qui ne me paraissent pas susceptibles d’être résolues par ce projet de traité.

Premièrement, dans le projet actuel, la Cour de justice de l’Union européenne a pour rôle de vérifier le respect de l'engagement d'équilibre des nations signataires. Sur quels actes concrets sera-t-elle saisie ? En cas de manquement à l'obligation de souscrire l'engagement d'équilibre, qui pourra la saisir ? Quelle est la crédibilité du mécanisme de sanctions financières si le désaccord entre l'État mis en cause et la Cour tient à une nuance rédactionnelle, puisque l’actuel projet de traité ne comporte plus d'obligation de caractère constitutionnel de fixer une règle d'équilibre ? On voit d'ailleurs mal comment la règle qui figure dans le projet de traité pourrait se traduire dans un dispositif constitutionnel.

Deuxièmement, même si le projet de traité ne prévoit rien de tel, y a-t-il un début d’évolution du rôle de la Banque centrale européenne ? Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer, fût-ce à grands traits, vos pistes de réflexion sur une concertation permettant à la Banque centrale européenne de se coordonner de façon plus efficace avec les gouvernements, notamment pour assurer la liquidité du système, sans remettre en cause l'indépendance de cette institution, à laquelle tiennent plusieurs de nos partenaires ?

Troisièmement, où sont les mesures de croissance ? Pour l'instant, le projet de traité ne parle que de « convergence » et de « compétitivité ». Pour les avoir souvent vus utilisés, nous savons ce que ces termes recouvrent en matière de recul des solidarités et de dérégulation du travail. Existe-t-il un début de discussion sur de grands projets ? Où sont les leviers de l'innovation productive ? Les signataires de ce traité ont-ils la volonté de prévoir une contrepartie en faveur de la croissance de l'Union européenne, puisque c'est la condition du rétablissement des équilibres financiers ?

Quatrièmement, ces mesures restrictives ouvrent-elles au moins la possibilité de mettre en commun des obligations publiques ? L’émission d'euro-obligations pourrait être envisagée, si, en matière de respect de l'équilibre des finances publiques, la confiance régnait, au lieu de la défiance. A-t-on envisagé un premier élargissement de la capacité d'emprunt de l'Union européenne pour financer les projets d'innovation et les projets de développement dans le cadre d’une croissance décarbonée ?

Je conclurai par une question plus transversale. Où est la confrontation démocratique sur les différents moyens d'atteindre ce rétablissement économique ? Où est le pluralisme ? Où sont les perspectives d’ouverture de débats dans les procédures que vous avez acceptées en approuvant ce projet de traité ?

Monsieur le ministre, vous le constatez, ce projet de traité est incomplet et déséquilibré. C'est la raison pour laquelle nous pensons qu'il faut rouvrir la discussion. C'est le droit d’une nation comme la France, à l'issue d'un grand choix démocratique, de faire jouer son droit à une discussion renouvelée avec ses partenaires. Nous pourrons y prétendre sur la base du réalisme économique parce qu'il nous semble que ce traité organise la persistance de la récession. Il faut renforcer le potentiel de croissance et de solidarité de l'Union européenne. Cette négociation pourra s'élargir aux perspectives financières pour les années 2013-2020.

Monsieur le ministre, nous observerons de façon critique et vigilante la fin de la négociation lors du prochain Conseil européen. Nous y réagirons avec la volonté d'aider l'Union européenne à repartir du bon pas, celui de l'efficacité et de la justice. §

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors du Conseil européen qui va se tenir jeudi et vendredi prochains, les chefs d’État et de gouvernement aborderont la question de l’approfondissement de l’intégration budgétaire au sein de la zone euro. Je voudrais donc saisir cette occasion pour vous présenter un certain nombre de réflexions sur cette question.

Tout d’abord, une évidence : cette réforme de la gouvernance économique et budgétaire européenne se fait dans une grande confusion. L’empilement des textes nous empêche de nous y retrouver et l’extrême complexité de l’articulation des procédures risque de créer de l’insécurité juridique. S’il faut faire fonctionner ensemble le two pack, le six pack, le MES et le TSCG, il y a fort à parier que cela ne marchera pas !

Il est à craindre que cette superposition n’entraîne des conflits de compétence entre les institutions chargées de mettre en œuvre ces différents textes, à savoir la Commission européenne, le Conseil européen et le Conseil des gouverneurs, chargé de faire fonctionner le MES.

Je voudrais aussi souligner que l’enrayement de la crise économique et sociale ainsi que le rétablissement de la stabilité financière passent nécessairement par davantage d’Europe, au travers, notamment, de la création d’une union budgétaire fondée sur quatre piliers : la discipline budgétaire, la solidarité financière, la croissance et le contrôle démocratique.

Je n’insisterai guère sur le rééquilibrage du système de surveillance budgétaire puisque nous y avons consacré une bonne partie de l’après-midi. Au lieu de créer une « règle d’or » inefficace et inutile, il est nécessaire, à notre sens, de desserrer le carcan budgétaire dans lequel se sont petit à petit enfermés les États membres. En particulier, il convient de se demander pourquoi il faudrait appliquer la même règle à quinze ou dix-sept États ayant tous une histoire et une situation économique différentes. Il n’y a pas de raison pour que la règle des 3 % de déficit public – cette règle-là ou une autre, d’ailleurs !– s’applique de façon efficace et intelligente à chacune de ces situations particulières. Le cas espagnol n’a rien à voir avec celui de l’Italie ou de la Grèce ! Nous savons bien que cette façon quasi militaire de gérer l’économie ne fonctionne pas.

La poursuite de l’objectif de l’équilibre budgétaire ne devrait pas nuire aux dépenses d’investissement nécessaires pour stimuler la croissance. Comme le dit l’économiste Michel Aglietta, il faut « accepter des déficits quand l’économie tourne au ralenti et enregistrer des excédents lors des phases prospères ».

À cet égard, monsieur le ministre, nous nous demandons pourquoi la France ne soutient pas le plan pour la croissance en Europe lancé récemment par le Royaume-Uni et l’Italie, plan qui a, semble-t-il, suscité de grandes réserves en Allemagne et en France alors que le volet du marché intérieur reprend essentiellement les propositions du rapport Monti de 2010, en particulier pour les secteurs des services, de l’énergie et de la recherche.

Pourquoi ne soutenons-nous pas cette initiative ?

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Pour une fois que les Anglais proposent quelque chose d’utile à l’Europe, il est dommage de les bouder !

La solidarité financière a également été abordée lors du débat de cet après-midi. À cette occasion, j’ai précisé notre position sur la création d’une agence européenne chargée d’émettre des titres de dette européens.

Monsieur le ministre, s’agissant de la stratégie européenne de croissance, je tiens à réaffirmer la nécessité de mutualiser les dépenses d’avenir. Il s’agit de contourner les contraintes pesant sur les budgets. La réalisation de cet objectif passe par la création d’une capacité d’emprunt pour l’Union européenne, par l’accroissement du rôle de la Banque européenne d’investissement et, cela a été dit à plusieurs reprises, par une réforme du mandat de la Banque centrale européenne. De telles perspectives nous permettraient d’augmenter le budget européen à l’avenir.

Je sais que cela ne convient pas à M. Arthuis, mais, comme l’a souvent dit notre collègue Pierre Bernard-Reymond, les États sont lourdement endettés, alors que l’Union européenne, en tant qu’institution, ne l’est pas. Utilisons donc cette possibilité !

Je conclurai cette courte intervention en évoquant le renforcement du contrôle démocratique de l’intégration budgétaire. Une intervention accrue du Parlement européen et des parlements nationaux est nécessaire. Certes, des mécanismes la permettant existent déjà, mais ils sont peu utilisés.

Telles sont les réflexions que je voulais présenter sur ce que pourrait être l’intégration budgétaire européenne. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernante au sein de l’Union économique et monétaire, arrêté le 30 janvier 2012 dans des conditions qui ont été rappelées, devrait être signé en marge du Conseil européen des 1er et 2 mars, avant autorisation de ratification par les parlements.

Je ne reviendrai pas sur le problème du processus démocratique : d’autres l’ont fait mieux que je ne le ferais. C’est bien ce qui est cœur du débat de ce prochain Conseil européen, à l’heure où les préoccupations de nos concitoyens portent sur l’emploi, la compétitivité et la croissance.

L’Europe est à la croisée des chemins depuis bien longtemps, mais, aujourd’hui, le reste du monde ne l’attend pas et ne la regarde plus, si ce n’est, parfois, avec dédain.

Pourquoi la juxtaposition de nations aussi développées, aussi puissantes, n’aboutit-elle très souvent qu’à une cacophonie continentale, loin des capacités et des ambitions des peuples qui la composent ?

Le groupe du RDSE est très attaché à la construction européenne, à la nécessité de rompre définitivement avec les nationalismes fauteurs de conflits sanglants grâce à une coopération étroite et nécessaire au sein du même espace continental, mais dans le respect de l’identité de chaque nation.

Aujourd’hui, l’Europe subit une crise dont l’épicentre était situé en Amérique du Nord. Elle a les plus grandes difficultés à définir une politique prospective, réagissant, hélas, par à-coups, pour ne pas dire au jour le jour, subissant l’événement au lieu de le prévoir.

Ce traité sur la stabilité en est l’illustration. Il a été négocié précipitamment, sans concertation suffisante et n’offre pas une réponse adaptée aux difficultés réelles de la zone euro, à sa fragilité aujourd’hui avérée.

Je le répète, il a été négocié dans l’urgence, hors cadre communautaire, alors qu’un accord aurait pu se concevoir à « traité constant », selon le président Van Rompuy lui-même. Il a en fait révélé une véritable crise institutionnelle.

D’ailleurs, il reprend pour l’essentiel des dispositions déjà adoptées par l’Union européenne, notamment dans le paquet « gouvernance économique » de juin 2011.

En réalité, la principale nouveauté du traité est l’obligation d’adopter une « règle d’or » contraignante dans l’ordre juridique interne, le non-respect de l’obligation de transposition pouvant être sanctionné par la Cour de justice de l’Union européenne. Pour nous, la « règle d’or » ne relève pas de la Constitution, mais de la volonté politique, de la sincérité, en particulier dans les lois de programmation.

Par ailleurs, ce traité généralise la règle de la majorité qualifiée inversée pour toutes les propositions ou recommandations de la Commission relatives à un État en déficit excessif et renforce l’automaticité des sanctions. Il n’y a pas de remise en cause des seuils du Pacte de stabilité, lesquels n’ont aucune justification économique, notamment l’objectif irréalisable de l’article 4. Pour prendre l’exemple de la France, comment serait-il possible de dégager un excédent de plusieurs dizaines de milliards d’euros par an ?

En outre, le traité ne met pas suffisamment l’accent sur la croissance ni sur la coordination des politiques économiques nécessaire pour y parvenir. Nous craignons donc que les États de la zone euro ne s’enferment dans une rigueur budgétaire absolue permettant, certes, de réduire le déficit à court terme, mais nuisant à la croissance à long terme. À notre sens, il faut des investissements au niveau européen pour porter la croissance.

Si ce traité est imparfait, voire en grande partie inapplicable, cette appréciation ne saurait nous entraîner dans l’euroscepticisme primaire.

La seule solution pour l’Europe et les Européens, propre à garantir la croissance, consiste en un renforcement de l’intégration européenne, étant entendu que les citoyens doivent parallèlement s’approprier celle-ci. Effectivement, le fédéralisme est nécessaire pour résoudre les imperfections de la zone euro.

Les plus grands économistes sont d’ailleurs d’accord sur le fait qu’il n’y a pas d’alternative pour l’Union Européenne à un renforcement de l’intégration politique, économique, budgétaire, donc à une transformation des institutions vers un modèle fédéral.

Voici ce que dit Patrick Artus, directeur de la recherche et des études de Natixis, à ce sujet : « À court terme, la seule solution est donc de maintenir les mécanismes de financement public des pays déficitaires et de leur donner la taille suffisante : EFSF-EFSM, achats durables de dettes publiques par la BCE. Ces mécanismes doivent être perçus comme nécessaires durant la transition vers le fédéralisme. »

L’élément clé est donc la mobilité de l’épargne à l’échelle de l’Union européenne pour permettre de régler les déséquilibres macroéconomiques.

Pour cela, il faut un véritable budget européen, avec des ressources propres – taxe sur les transactions financières, TVA, taxe carbone, eurobonds… – et une stratégie commune d’investissements.

Nous en sommes malheureusement très loin et les mois qui viennent seront encore plus difficiles. Ce traité n’est pas à la hauteur des enjeux actuels. Il conviendrait de ne point le signer en l’état. §

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Conseil européen des 1er et 2 mars sera principalement consacré à la politique économique. Il sera l’occasion de faire le bilan des progrès de chaque pays dans le cadre du « semestre européen ». Surtout, ce sommet abordera la question de l’approfondissement de l’intégration budgétaire dans la zone euro.

C’est donc bien cette question, laquelle va de pair avec la signature prévue en marge du sommet du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, qui occupe et échauffe aujourd’hui les esprits.

Ce traité, tellement voulu par l’Allemagne, est considéré outre-Rhin comme la contrepartie au nouveau « pare-feu » anti-crise de la zone euro, le Mécanisme européen de stabilité, dont il a été question plus tôt dans l’après-midi.

Le MES impose une rigueur budgétaire sans faille, ainsi que l’introduction d’une « règle d’or » d’équilibre des finances publiques dans notre Constitution, véritable règle d’airain, selon l’expression de Jean-Pierre Chevènement.

La croissance et la coordination des politiques économiques pour favoriser celle-ci sont certainement, de mon point de vue, trop peu présentes dans ce traité, Alain Richard et Jean-Pierre Chevènement l’ont d’ailleurs rappelé.

Cependant, on peut espérer qu’il ne constitue qu’une étape vers une Europe plus forte, dotée d’une véritable gouvernance économique. En outre, monsieur le ministre, il n’est aujourd'hui ni signé ni a fortiori ratifié, et il y a sans doute encore une marge de manœuvre pour l’améliorer, voire le renégocier.

Certes, l’Union européenne est, en l’état, faillible, fragile, et surtout jeune. Ces faiblesses de jeunesse qu’on lui reproche aujourd’hui ne sont pourtant pas irréversibles.

Qu’avons-nous comme alternative ? Une sortie de l’euro, voire de l’Europe ? Faut-il croire, comme l’éditorialiste du Courrier International l’écrivait au moment de l’éclatement de la crise grecque, en mai 2010, que celle-ci a mis « un terme à ce qui fut jusqu’à présent l’aventure européenne, une aventure tissée de petits pas, de traités et de compromis » ? Pour ma part, je ne le crois pas.

Renoncer à l’euro ou à l’Union européenne aurait des conséquences bien plus graves que la crise financière de 2008 ou celle des dettes souveraines que nous traversons actuellement. Pour reprendre les mots d’Olivier Pastré, professeur d’économie, à côté d’une implosion de l’euro, « la crise des subprimes et la faillite de Lehman Brothers feraient figure de plaisant accroc conjoncturel ». Quant au prix Nobel d’économie, Paul Krugman, il affirmait il y a tout juste deux ans, dans un entretien au New York Times, que « toute tentative pour remettre en place une devise nationale déclencherait la mère de toutes les crises financières ».

En effet, si sortir de l’euro pourrait dans un premier temps nous permettre de retrouver un tant soit peu de compétitivité, par le biais d’une dévaluation monétaire, cela nous entraînerait sans doute à long terme dans une terrible spirale de récession. Baisse de la demande intérieure, hausse des taux d’intérêt rendant impossible une reprise des investissements des entreprises, perte de recettes fiscales impliquant de nouveaux plans de rigueur, fuite des capitaux et augmentation massive du chômage ne sont que quelques-uns des maux qui frapperaient notre économie dans le cadre du scénario d’un retour à la monnaie nationale.

Oui, une implosion de l’euro, une dislocation de l’Europe auraient des conséquences dramatiques pour l’économie mondiale.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Dès lors, à l’évidence, nous ne pouvons qu’aller vers une intégration budgétaire, économique et politique plus poussée, autrement dit vers le « fédéralisme ». Paul Krugman, toujours lui, déclarait en 2010 : « La seule solution pour s’en sortir est donc d’aller de l’avant. Pour que l’euro soit opérationnel, l’Europe doit progresser sur la voie de l’intégration politique. »

Ce que nous voulons tous, c’est retrouver le chemin de la croissance. Pour cela, mieux vaut s’unir, coordonner les politiques économiques et mener une politique d’investissement commune. Aussi, je ne peux que vous inviter, monsieur le ministre, mes chers collègues, à relire mes rapports de 2007 et 2009, faits au nom de la délégation sénatoriale à la prospective, dans lesquels j’appelais à une véritable coordination des politiques économiques en Europe.

Mutualisées, les dépenses d’avenir seront financées au meilleur coût et se révéleront plus efficaces. Une politique d’austérité prolongée et étendue à toute l’Europe ne pourra être que bénéfique, conduisant à une réduction des déficits à court terme, mais surtout à une réduction de la croissance à long terme.

Certes, il est politiquement plus facile de limiter le budget européen au minimum. Pourtant, pour le bien de l’ensemble des Européens, l’Union européenne doit se doter d’un véritable budget, alimenté par des ressources propres, et être ainsi en mesure d’investir en faveur d’une croissance durable et partagée.

La sortie de crise pour l’Union européenne passe donc par un pas supplémentaire vers plus d’intégration et de démocratie, comme l’a notamment souligné mon collègue Jacques Mézard. Il faut « expliquer l’Europe » pour que nos concitoyens s’y intéressent, se l’approprient et décident que l’Europe doit se faire et qu’elle ne se fera pas sans eux. Il importe aujourd’hui de se démener pour construire une Europe solide, une Europe démocratique, une Europe des citoyens. Ainsi que l’affirme Jean-Pierre Jouyet, président de l’Autorité des marchés financiers, « il y a un moment où il faut donner aux gens l’envie d’aimer l’Europe ». Telle doit être, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre mission !

Applaudissements sur les travées du RDSE. – M. le président de la commission des affaires européennes et M. Alain Richard applaudissent également.

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, à l’issue de ce débat, c’est la nécessité de rappeler les fondamentaux qui domine. Nous avons nos rêves, nos aspirations, mais nous avons aussi nos vingt-six partenaires de l’Union, ou nos seize de la zone euro. Comme l’a très bien rappelé M. Collin, il y a les petits pas, il y a les compromis, et puis il y a les traités.

Un simple regard sur l’évolution de l’Europe suffit à démontrer qu’aucun traité n’est parfait. Aucun traité n’est non plus le fruit de la seule volonté de la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

C’est ce que l’on disait de la taxation des mouvements financiers !

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

Dans une économie mondialisée, la France ne peut pas imposer à elle seule une régulation de l’ensemble des marchés financiers.

Oui, l’Europe apparaît comme une construction complexe et n’est comparable à aucune autre, notamment pas à la Chine ni aux États-Unis. Au sein même de l’Union, les pays ne se sont pas construits sur le même modèle : ainsi, notre démocratie, fondée sur une tradition jacobine, héritée de la Révolution, ne présente pas le même degré de décentralisation que l’État fédéral allemand.

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

La Chancelière le rappelait récemment, l’organisation démocratique qui a prévalu dans son pays au sortir de la guerre, le poids respectif des syndicats et de l’exécutif, l’obligation de gouverner par coalitions et les modes d’élection, à une époque où l’on se méfiait d’une Allemagne susceptible de retrouver sa puissance hégémonique, ont favorisé l’émergence de contre-pouvoirs permanents. Si l’Allemagne est aujourd’hui économiquement plus forte que la France, en tout cas au regard des exportations, notre exécutif a beaucoup plus de poids que son homologue allemand. Ce ne sont là que de simples constatations.

Certains se sont émus du fait que la Cour constitutionnelle de Karlsruhe ait octroyé au Bundestag un pouvoir de contrôle préalable alors que le Parlement français ne peut se prononcer sur les textes qu’a posteriori. Je rappellerai simplement que ceux qui parlaient de « coup d’État permanent » se sont assez bien accommodés des institutions de la Ve République, …

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Ce n’est pas le sujet ! Tout a changé au moment du traité de Maastricht !

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

… au point de les utiliser au mieux au cours des périodes d’alternance que nous avons connues. Il n’aura ainsi pas été nécessaire de fédéraliser complètement l’État français ni d’ôter toute sa force à l’exécutif pour permettre à ce système politique très particulier de fonctionner.

Il ne suffit pas de marteler « Voilà ce qu’il faut faire ! » à une tribune. Encore faut-il aller discuter non seulement avec l’Allemagne, mais aussi avec nos autres partenaires. Et le Conseil Affaires générales de ce matin a bien montré combien les négociations sont parfois longues et difficiles ! Il arrive qu’elles se trouvent bloquées par un seul État membre, …

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

… pour des raisons qui peuvent paraître relativement futiles au regard de l’intérêt général.

Monsieur le président de la commission des affaires européennes, il n’y a pas, à mon sens, d’antagonisme entre la croissance potentielle et la rigueur budgétaire prônée dans le cadre du TSCG. La France a d’ailleurs, dans un le contexte que nous connaissons, mené une politique lui permettant de répondre aux objectifs fixés, notamment en termes de réduction des déficits, sans se priver pour autant de toute possibilité de relance. Le soutien aux dépenses d’avenir, orientées principalement vers la recherche et l’innovation, en témoigne : relance et rigueur budgétaire peuvent parfaitement cohabiter.

Mesdames, messieurs les sénateurs, certains d’entre vous se sont offusqués de l’interdiction des déficits, la considérant comme une perte de souveraineté. Dois-je vous rappeler qu’une telle contrainte pèse sur nos collectivités territoriales, ainsi que… sur l’Union européenne ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Non, l’Europe doit équilibrer son budget de fonctionnement, mais peut s’endetter pour investir !

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

Elle a tout de même des obligations en la matière.

Dans la situation actuelle, il y a bien un contrôle démocratique sur nos collectivités territoriales.

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

De temps en temps, la presse nous apprend même que telle ou telle ville a été mise sous tutelle par le préfet.

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

C’est rare parce que la sanction existe ! Chaque maire de ce pays se voit ainsi incité à concilier rigueur budgétaire et volonté de faire de l’économie positive, de favoriser la croissance et l’emploi.

Je tiens à lever toute ambiguïté quant au rôle de la Cour de justice de l’Union européenne. La France a été très ferme sur le sujet : la Cour ne pourra pas intervenir sur les budgets nationaux ni au préalable ni a posteriori. Faut-il le rappeler, celle-ci ne sera compétente que pour vérifier la bonne transposition du traité dans le droit national, et c’est bien normal puisque cela emporte un certain nombre de conséquences.

Monsieur Sutour, vous avez également souligné avec beaucoup de clairvoyance que, de temps en temps, il est possible d’accepter du déficit pour faire de la relance. Mais cette arme ne peut pas être utilisée éternellement. Je vous remercie, du reste, de vos propos, tant il est souvent reproché au gouvernement de François Fillon d’avoir creusé le déficit pour relancer l’économie.

J’ai régulièrement entendu, sur les bancs de gauche de l’Assemblée nationale, en appeler à toujours plus de relance, et donc de déficit. Ce sont les mêmes personnes qui viennent aujourd’hui poser le problème de la dette !

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Il faut investir davantage pour dégager les recettes nécessaires !

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez soulevé cette interrogation : comment susciter l’espoir ? Mais qui ne voudrait susciter l’espoir ? L’espoir est fait de lucidité et de rigueur, mais il se nourrit en même temps de perspectives.

Pour ce qui est de la lucidité, le médecin que je suis sait qu’il vaut mieux être névrosé que psychotique.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

Le premier est capable d’analyser son angoisse. Le second rêve en se croyant dans la réalité.

S’il me fallait choisir, je préférerais être angoissé dans la lucidité plutôt que de rêver et de me retrouver, un jour, sans espoir, en me rendant compte que j’avais pris mon rêve pour la réalité et, de fait, de vivre ainsi un véritable cauchemar.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

Laissez-nous rêver, il ne nous reste déjà plus grand-chose !

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

La réalité, sur le plan budgétaire, est marquée par l’endettement. À entendre certains d’entre vous, le coupable absolu, c’est l’euro, c’est l’Europe, c’est l’ensemble des gouvernements !

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

Or ceux-ci, petit à petit, par tâtonnements successifs, quelquefois poussés par la crise, ont essayé de trouver la voie vers plus d’intégration et de solidarité, pour favoriser une plus forte dynamique économique.

Comme le monde était plus simple avant, au temps du bloc communiste et du rideau de fer !

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Il faut tourner la page, monsieur le ministre, construire l’avenir. Du passé faisons table rase !

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

Quelle pauvreté dans l’argumentation ! C’est incroyable !

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

À l’époque, la prospérité de l’Europe occidentale apparaissait comme naturelle, notamment aux yeux du Tiers-Monde, en grande pauvreté. Fort heureusement, à l’Est, les pays se sont ouverts à la démocratie.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

S’il n’y avait plus de communistes, il vous faudrait les inventer ! Qu’auriez-vous à dire, sinon ?

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

Fort heureusement aussi, un certain nombre de pays sont sortis de la pauvreté et ont pu émerger grâce à des économies devenues compétitives.

Ne voyez aucune volonté de polémique dans ce que je dis. Je rappelle simplement la réalité : oui, il était bien plus aisé de trouver la voie de la compétitivité lorsqu’il n’y avait pas de concurrence à l’Est ni dans le Tiers-Monde.

L’euro, si bénéfique qu’il ait été, est apparu comme un élément masquant l’hétérogénéité de l’ensemble de la zone euro. La Grèce et l’Allemagne, malgré des économies différentes, ont pu disposer, grâce à la monnaie unique, de la même capacité d’endettement, et ce à des taux ridiculement bas, inférieurs à 4 %, approchant parfois 2 %. La crise a permis de dévoiler cet état de fait : l’endettement fut facilité en dehors de toute considération sur l’économie réelle des pays concernés.

Contrairement à ce qu’a affirmé le président de la commission de l’économie, M. Raoul, le traité ne se résume pas à un seul plan d’austérité. La preuve en est qu’y figurent également un objectif de coordination et une politique de relance européenne : seront ainsi réorientés 82 milliards d’euros, dont 22 milliards d’euros provenant du Fonds social européen, rien que pour la formation des jeunes et l’emploi, à l’heure où le taux de chômage des jeunes atteint 46 % en Espagne, 23 % en moyenne dans les pays européens, à peine moins en France. Associer relance économique et action en faveur de la jeunesse, par le développement de l’apprentissage : voilà une manière d’agir en phase avec la réalité.

Il est évidemment tentant de jouer les Cassandre, car elles finissent souvent par avoir raison. C’est surtout vrai pour les médecins : ceux qui disent : « Vous allez mourir » auront forcément raison un jour ! §Mais moi, je préfère entendre que la vie est devant nous, qu’il y a beaucoup de raisons d’espérer, qu’il est possible de relever les défis. La France comme l’ensemble de l’Europe, dans des conditions plus difficiles qu’actuellement, ont toujours montré leur capacité à y parvenir.

S’agissant de l’énergie, se pose indubitablement un problème de dépendance et de souveraineté. Reste que, grâce au mix énergétique européen, chaque État membre peut choisir son orientation énergétique.

Cela étant, la Conférence mondiale des Nations unies sur le développement durable qui se tiendra du 20 au 22 juin prochain, dite « Rio+20 », confirmera que l’Europe, fer de lance du développement durable, ne produit que 11 % des gaz à effet de serre de l’ensemble de la planète. Si nous ne pouvons pas prendre nos désirs français pour des réalités européennes, nous ne devons pas non plus prendre nos désirs européens pour des réalités mondiales. Il nous reste donc à convaincre les autres pays de faire des progrès en la matière.

M. Arthuis a repris, à juste titre, son credo. Retraçant l’histoire de la construction européenne, il a montré que des erreurs avaient été commises au fur et à mesure des crises, mais aussi que nous avions été capables, chaque fois, de surmonter ces dernières. Je suis favorable, pour ma part, je le répète, à un Conseil de la zone euro, car les parlements nationaux doivent pouvoir contrôler la monnaie unique. Ce transfert de souveraineté impose en effet un contrôle démocratique au niveau de la zone euro, en raison de l’intégration et de la mise en commun de la souveraineté des pays concernés.

Selon Mme Demessine, ce que l’Histoire retiendra de ce sommet, c’est la signature du traité. Je crois plutôt qu’elle retiendra qu’il y avait une crise et que nous l’avons surmontée en franchissant une étape vers le fédéralisme – même si cela choque certains – et le renforcement de l’intégration. Cette étape est irréversible. Au niveau européen, lorsque l’on va de l’avant, on ne peut pas prendre de billet de retour, car cela reviendrait à menacer l’ensemble de la construction communautaire.

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

La Grèce n’est pas un laboratoire : l’Europe ne « s’amuse » pas avec le peuple grec ! Mais la Grèce est l’exemple de ce qu’il ne faut plus jamais faire. Plus jamais nous ne devons accepter que les pays s’endettent au-delà du raisonnable et augmentent, à force de clientélisme et à chaque alternance, le nombre de leurs fonctionnaires. Il faut tout de même savoir la proportion de fonctionnaires par rapport à la population totale est en Grèce supérieure d’un tiers à ce qu’elle est en France !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

On pourrait aussi faire payer les armateurs grecs !

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

L’Europe ne fait qu’apporter une aide substantielle à la Grèce, afin d’éviter que son déficit ne la conduise à la faillite, dont la seule conséquence, vous le savez bien, serait de réduire le peuple grec à la misère. Quant à la décision finale, elle appartient au parlement et au peuple grecs.

Nous nous contentons d’apporter une aide au gouvernement de ce pays, qui oriente ensuite sa politique fiscale en toute souveraineté, laquelle ne lui est nullement retirée. §

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Il s’agit toujours de faire payer les pauvres !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Vous souriez de la misère du peuple grec, monsieur le ministre ! C’est une honte !

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

Ne vous énervez pas, monsieur Néri ! Fort heureusement, ce n’est pas l’Europe qui décide des règles fiscales des pays souverains composant l’Union. Ce serait tout à fait anormal, ...

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

... et vous seriez les premiers à vous insurger si c’était le cas ! Ne nous demandez pas d’imposer aux Grecs ce que nous refuserions pour nous-mêmes !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Les armateurs grecs ont 800 milliards d’euros dans les banques suisses ! De l’autre côté, on impose aux Grecs de vivre avec un SMIC à 480 euros par mois !

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

Chevènement, que la zone euro était en récession, tandis que d’autres économies, notamment celles de la Chine et des États-Unis, seraient florissantes. Vous connaissant, je ne peux croire une seule seconde que vous souhaitiez nous voir adopter ces deux pays comme modèles.

L’euro n’est pas responsable de la situation dans laquelle nous nous trouvons.

Vous avez fait une analyse pertinente des disparités économiques existant dans la zone euro : ce fut sans doute une erreur d’y faire entrer des pays qui n’avaient pas la capacité d’assumer la monnaie forte portée par la BCE.

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

Pour autant, vous ne pouvez pas parler du « bruit des chaînes » qui entraveraient les peuples ! C’est la dette qui enchaîne les pays n’ayant pas eu une lucidité et un sens des responsabilités suffisants pour gérer sainement, et non l’Europe !

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

Vous oubliez que la crise a été d’abord bancaire et financière !

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

Quant aux eurobonds, tout le monde y est favorable, mais encore faut-il accepter le principe de la mutualisation d’une dette insuffisamment maîtrisée.

Que diraient nos concitoyens si nous leur expliquions qu’il faut mutualiser la dette grecque ? Ils nous répondraient sans doute que toute aide mérite compensation et qu’il faut un équilibre entre les deux. La mutualisation des dettes est possible, à condition d’en accepter la discipline !

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

À qui va-t-on demander d’accepter ? Au peuple ?

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

Je cite souvent Rousseau, ce qui énerve un peu à droite, et quelquefois aussi à gauche : « L’obéissance à la loi que l’on s’est prescrite est liberté. » Si l’ensemble des peuples décident d’appliquer ensemble la rigueur budgétaire, ils auront alors plus de liberté et de souveraineté qu’en étant sous la tutelle des créanciers ou des marchés financiers.

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

M. Bizet a bien vu la globalité du projet, qui comprend à la fois des objectifs de croissance et d’emploi, des règles de discipline budgétaire et un outil de solidarité, le MES.

Je partage son point de vue ; avec ce projet, nous amorçons véritablement une construction européenne. À l’heure où l’ensemble des États membres ont ou auront des difficultés budgétaires et sont ou seront contraints d’adopter une politique de rigueur, c’est l’Europe qui doit et devra prendre l’initiative de la relance.

L’Europe de la relance, que nous pouvons en effet envisager, ne doit pas obligatoirement dépenser plus, elle doit dépenser mieux, notamment en matière de recherche et de croissance.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Cela fait dix ans que vous êtes aux affaires !

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

Vous avez rappelé, monsieur Gattolin, que M. Valéry Giscard d’Estaing appelait de ses vœux un référendum. Lui se souvient en tout cas sûrement de celui de 2005 !

Cela étant, je ne vois comment, que ce soit par la voie du Congrès ou par la voie référendaire, je ne vois pas comment nous pourrions faire passer maintenant la règle d’or.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Quand un référendum ne vous donne pas satisfaction, vous allez à Versailles !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Le général de Gaulle a perdu un référendum : il a su en tirer les conséquences !

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

Or, sans préjuger de ce qui se passera, je ne vois pas quel autre moyen nous offre la Constitution de la Ve République pour adopter une telle règle.

On m’a demandé ce que l’Union européenne faisait vis-à-vis de la Hongrie. Elle a adressé au gouvernement hongrois trois demandes aux termes desquelles leur pays doit en quelque sorte se soumettre ou se démettre. Les sanctions tomberont si la Hongrie ne se soumet pas à la triple demande de l’Union. Au reste, vous le savez, ce pays y a répondu positivement.

M. Richard, lorsqu’il a évoqué les difficultés que nous avons rencontrées, a quelque peu minimisé la crise de 2008, comme si elle ne permettait pas d’expliquer l’existence des déficits, puis la relance qui s’est ensuivie, laquelle a peut-être, à son tour, aggravé ces déficits.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Si vous dites « peut-être », je ne peux pas être d’accord !

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

Je crois avoir suffisamment répondu à la question qu’il m’a posée sur la Cour de justice de l’Union européenne.

Il a aussi évoqué la Banque centrale européenne. Si les États-Unis, dont les déficits sont bien plus importants que les nôtres et dont la monnaie, le dollar, est bien plus faible que l’euro, ne se trouvent pas dans la même situation que nous, c’est parce qu’il y a n’a pas dans ce grand pays la même diversité qu’au sein de l’Union européenne et qu’il dispose en outre d’une réserve fédérale.

Par ailleurs, si la Grande-Bretagne bénéficie également d’une situation plus confortable que la nôtre, c’est non pas parce que ses déficits sont moins importants et son économie plus forte, mais parce qu’elle a une banque centrale. Je souhaite, pour ma part, que la BCE joue ce rôle.

En dépit de l’opposition entre les Allemands, qui ne souhaitent pas qu’elle intervienne, et les Français, qui veulent qu’elle le fasse en dernier recours, la BCE intervient bel et bien, mais sans sacrifier sa liberté : elle vient au secours des États affectés par des dettes souveraines, ce qui répond au souhait de la France, sans que son indépendance, chère à l’Allemagne, soit altérée.

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

Je crois avoir répondu à la question posée sur les euro-obligations.

Nous favoriserons la croissance en envisageant l’ensemble des problématiques, qu’elles concernent les PME, la jeunesse, la croissance verte, le numérique ou les grands projets, comme ITER, qui doivent être financés par l’Europe et qui sont indubitablement des facteurs de croissance.

Peut-être M. Yung a-t-il un peu participé à la confusion qu’il dénonce ? Si nous partagions tous ici la même idée de l’Europe, d’une Europe plus intégrée, fédérale, plus solidaire, mais en même temps acceptant plus de se soumettre à la discipline qu’implique une harmonisation fiscale et sociale, comment pourrait-on envisager que l’on parte à la retraite à un âge différent selon les pays ?

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

Cette convergence exige certes des efforts, mais elle apportera, si nous parvenons à la réaliser, plus de clarté dans nos débats et dans les messages que nous adressons à nos concitoyens.

Pourquoi ne pas reprendre à notre compte le plan de croissance du Royaume-Uni ? Là, je tombe des nues, monsieur Yung ! Le Royaume-Uni propose la déréglementation, une nouvelle directive Services, la fin de la réciprocité et un marché totalement libre. Voulons-nous cela pour l’Europe ? Non !

Nous voulons une Europe qui affiche un certain nombre de standards sociaux, économiques et écologiques, imposant la réciprocité, et non une Europe ouverte à tous les vents, où le libéralisme s’exerce de manière exacerbée.

M. Mézard a posé la question des investissements. Les instruments existent : ce sont les project bonds.

Quant à M. Collin, il a envisagé la renégociation du traité. Je pense que cela ne se fera pas, quel que soit le Président de la République élu. Et si cette idée m’a fait sourire, c’est parce qu’une telle hypothèse ne s’est jamais présentée ! On peut ne pas ratifier un traité, mais on ne peut pas le renégocier.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

S’il n’est pas ratifié, il faudra bien le renégocier !

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

Imaginons cependant que le traité ne soit pas ratifié.

Au Conseil Affaires générales, ce matin, un participant a évoqué la possibilité qu’un État membre important demande à renégocier le traité. Les autres ministres n’ont pas souri : c’est plutôt l’incrédulité, voire l’angoisse qui se sont peintes sur leurs visages. Ils paraissaient vraiment incapables d’envisager une telle procédure !

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

Alors que je ne suis ministre que depuis une petite année, j’ai déjà vu changer les ministres des affaires européennes danois, espagnol, allemand, italien, chypriote, et même des gouvernements entiers. Or aucun nouveau gouvernement n’est venu à la table des négociations en demandant que l’on arrête tout et que l’on recommence depuis le début sous prétexte qu’une nouvelle majorité était arrivée aux affaires dans son pays.

Je vous renvoie aux propos de M. Peer Steinbrück, ministre SPD, ...

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

... qui paraît fort tenté de succéder à Mme Merkel si celle-ci perdait les prochaines élections : il juge « naïve » la vision de l’Europe du parti socialiste français et de M. Hollande.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Quand ils seront élus, on verra ce qu’ils feront !

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

Ne faites pas la même erreur s’agissant de l’Europe, au risque de connaître les mêmes déconvenues !

L’étape que nous sommes en train de franchir est imparfaite. À titre personnel, j’aurais préféré que le « saut d’intégration » soit plus fort, que la BCE soit plus impliquée et que le MES joue un rôle de pare-feu encore plus important ; la France défendra d’ailleurs cette idée.

Nous proposerons que, par la fusion entre le Fonds européen de stabilité financière et le Mécanisme européen de stabilité, cet effort soit porté à 750 milliards d’euros, ce qui nous rapprochera des 1 000 milliards fatidiques, nécessaires pour prévenir tout risque dans la zone euro.

J’ai l’impression que, un peu dans la confusion, en tout cas dans le débat, parfois dans la polémique, l’Europe est en train de franchir une étape décisive vers l’intégration. Cette intégration, aucun gouvernement ne la remettra en cause ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Nous allons maintenant avoir un débat interactif et spontané, dont la durée a été fixée à une heure par la conférence des présidents.

Chaque sénateur peut intervenir pour deux minutes au maximum. S’ils sont sollicités, la commission des affaires européennes ou le Gouvernement pourront répondre.

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Monsieur le ministre, après avoir entendu vos arguments, je m’interroge beaucoup sur la position de la France. En effet, si je vous ai bien compris, une harmonisation fiscale qui assure aux États un niveau de fiscalité leur permettant de couvrir leurs dépenses ne constitue pas, à vos yeux, un objectif européen.

À ce propos, j’observe qu’aucune conditionnalité n’a été appliquée à l’Irlande en matière fiscale. Pourtant, le président Sarkozy avait jugé inacceptable qu’on aide un pays qui pratique le dumping fiscal au détriment des autres pays européens. Pour autant, aucune condition n’a été imposée à l’Irlande dans le domaine fiscal !

M. André Gattolin acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Par contre, les conditions qu’on impose aux États pour pouvoir bénéficier des aides représentent toutes des reculs sociaux. Quand il s’agit des salaires ou de l’obligation de déréguler les taxis – comme si cela allait régler les problèmes de déficit budgétaire de la Grèce ou de l’Italie ! –, pour le coup, les obligations pleuvent !

En clair, je vous demande ce qui est prévu, d’une part, dans le traité – à ce sujet, je ne me fais guère d’illusions – et, d’autre part, dans les travaux du Conseil européen pour que l’objectif d’une harmonisation à un haut niveau de fiscalité, permettant aux États de lever des ressources répondant à leurs besoins, soit pris en compte dans les instances européennes.

Deuxièmement, vous nous dites que le traité ne sera pas renégocié. Je me permets de vous rappeler que la non-ratification d’un traité impose aux partenaires de le renégocier. Sinon, cela signifie qu’il était inutile !

Il y aura donc une renégociation si le futur Président de la République est celui qui en a pris l’engagement ou si, en tout état de cause, le Parlement ne ratifie pas le traité dans son état actuel.

Quant à vous, monsieur le ministre, votre responsabilité n’est pas d’aller dire à nos partenaires, au nom de la France, que l’opposition fera de toute façon la même politique que vous. Alors que vous engagez la parole de la France à quelques mois d’une élection, vous avez la responsabilité de leur dire qu’une partie de l’opposition dans notre pays refuse le traité en l’état.

L’honneur des autorités françaises serait d’annoncer qu’elles ne peuvent pas signer au nom de notre pays, faute de pouvoir garantir que cette signature vaudra dans la durée, un traité qui est à l’évidence profondément contesté par notre peuple, l’opposition actuelle et la majorité du Sénat ! §

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

Madame Lienemann, quelle drôle de conception du pouvoir vous avez ! Le pouvoir serait très fort juste après les élections, puis il se déliterait petit à petit ?...

Alors que l’Europe est en crise, la France devrait dire qu’elle ne peut décider de rien parce qu’une élection va avoir lieu dans quelques mois…

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

…et que, peut-être, dans notre pays démocratique, l’opposition viendra au pouvoir et changera ce que nous aurons fait ?...

Ce n’est pas notre conception de la démocratie et de la responsabilité politique !

Qui peut contester qu’il y ait une urgence au niveau européen ? Nous répondons à cette urgence en mettant en place des dispositifs comme le Mécanisme européen de stabilité, que vous n’avez pas eu le courage de voter.

M. Alain Néri s’exclame.

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

Vous refusez de la même façon les autres dispositifs destinés à assurer la stabilité financière et la croissance

Après les élections, il y aura une majorité. Il est vrai qu’elle pourra ratifier le traité, ou non. Mais si elle ne le ratifie pas, elle mettra l’Europe en danger !

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

Et elle favorisera les spéculateurs, contre lesquels les pays européens ne pourront pas se défendre, faute que cette organisation et cette harmonisation aient été mises en place.

On peut toujours proposer le chaos…

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Celle-là, de Gaulle nous l’a déjà faite !

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

… et prétendre que les choses seront simples. Mais, franchement, je pense que l’Europe ne mérite pas qu’on joue avec les traités !

D’ailleurs, très habilement – comme d’habitude –, après avoir promis de renégocier les traités, vous venez d’annoncer que vous les compléteriez… C’est différent ! Autrement dit, on ne touche pas aux traités, mais on ajoute quelque chose à côté. Par exemple, au lieu de dire « stabilité », on dit « stabilité et croissance ». On joue avec les mots sans rien changer au fond !

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

En ce qui concerne la fiscalité, nous nous orientons vers une harmonisation dans le domaine des accises. Et il est exact qu’en matière d’impôt sur les sociétés, il serait préférable qu’il n’y ait pas de dumping entre des pays appartenant à une même zone monétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Dans ce cas, pourquoi n’a-t-on pas imposé de conditions à l’Irlande ?

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

Madame Lienemann, il y a des décisions qu’on ne peut pas imposer !

Et puis, pourquoi me parler méchamment ? Nous essayons de débattre.

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

Et pourquoi, si vous êtes sincère, ne le serais-je pas moi aussi ?

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

Essayons de réfléchir à la manière de trouver, dans une Europe qui est une construction complexe et où nous sommes bien obligés de considérer que les États sont souverains, des règles communes nous permettant d’être plus compétitifs vis-à-vis du reste du monde.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Votre courage, c’est de vous abaisser devant Merkel !

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

Car c’est bien là l’enjeu. L’Europe n’a pas à imposer, par exemple, la baisse des retraites en Italie, des mesures aboutissant au doublement du chômage en Espagne ou la baisse des salaires en Angleterre. Ce n’est pas son rôle ! L’Europe essaie simplement de se donner des règles globales communes.

Or, lorsqu’il s’agit de déterminer de telles règles, les vingt-sept États – bientôt vingt-huit avec la Croatie – défendent légitimement leurs propres intérêts nationaux. Il faut donc essayer de trouver l’harmonie dans la diversité : c’est l’esprit de la construction européenne !

Si l’Église orthodoxe grecque n’est pas imposée par le gouvernement grec, ce n’est ni la faute de l’Europe ni celle de la France. L’État grec a la responsabilité de définir sa fiscalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Le 20 février dernier, à l’occasion d’une visite du Premier ministre espagnol, Mariano R.ajoy, à son homologue britannique, David Cameron, douze pays de l’Union européenne ont cosigné une lettre ouverte à Herman Van Rompuy, président du Conseil européen, et à José Manuel Barroso, président de la Commission européenne.

Quoi que vous en disiez, monsieur le ministre, cette lettre dessine un très ambitieux « plan pour la croissance en Europe ». Ce plan, fondé sur huit priorités majeures, la France et l’Allemagne ne l’ont pas signé.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Il s’agit notamment de réformer à l’échelon européen nos législations en matière de droit du travail, de financer des clusters européens tournés vers la recherche en matière environnementale et de soutenir nos entreprises hors de l’Union européenne.

Bien sûr, ces propositions doivent être interprétées à la lumière des négociations européennes sur le prochain Pacte budgétaire.

Ce plan est d’inspiration libérale en ce qu’il repose principalement sur l’idée d’une dérégulation nationale et européenne au profit d’un éventuel renforcement des normes prudentielles internationales. Il semble avoir pour vocation de servir de réponse politique à la prépondérance prise par l’Allemagne et la France dans la gestion régulière et intergouvernementale de la crise des dettes souveraines.

Tout à l’heure, monsieur le ministre, vous avez fait à M. Yung une réponse rapide, expliquant qu’il s’agissait d’une initiative uniquement anglaise. Je trouve cette vision un peu caricaturale. À mes yeux, cette lettre exprime un mouvement beaucoup plus profond. Et je rappelle que douze pays européens l’ont signée !

Je souhaite donc que vous vouliez bien exposer la position du Gouvernement français de manière plus étoffée.

Puisque vous avez l’air, monsieur le ministre, de rejeter cette lettre d’un revers de la main, j’aimerais aussi savoir quels sont, selon vous, les ressorts la croissance européenne et s’il existe un plan alternatif qui ne revienne pas finalement à arroser inutilement nos déficits avec les deniers publics.

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

Comme vous l’avez dit, monsieur Pozzo di Borgo, ce plan est d’essence extrêmement libérale.

Parmi les propositions des douze États, certaines sont positives, comme l’ouverture du capital-risque aux PME et la simplification pour celles-ci de l’accès aux marchés publics.

Figure également la possibilité d’ouvrir l’ensemble des marchés, dès lors qu’ils ne concernent pas le domaine social, le domaine culturel et les marchés publics de proximité.

Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

Il va de soi que la France, pour sa part, est opposée à la dérégulation de l’ensemble des services sociaux dans nos villes et à leur ouverture à la concurrence. Nous sommes attachés à la préservation d’un service public à la française, ainsi qu’à la notion de délégation de service public, qui prévoit une négociation sur les appels d’offres.

De même, nous refusons qu’on dérégule toutes les professions sous prétexte de créer, artificiellement et de manière temporaire, des emplois, au risque de déstabiliser toute une organisation sociale.

Telles sont les raisons pour lesquelles la France n’a pas signé cet ensemble de propositions.

Je rappelle que, dans la négociation de la directive du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, nous avons obtenu des garde-fous pour conserver l’organisation de nos services publics, à laquelle je suis sûr que l’ensemble des collectivités territoriales et nos concitoyens sont attachés.

Mais il est aussi logique de chercher à identifier les facteurs susceptibles de stimuler la croissance et l’emploi. C’est ainsi que les mesures proposées pour les PME, l’apprentissage et la mobilité des jeunes me paraissent très positives pour la croissance de demain. De même, orienter l’ensemble des budgets vers l’innovation, la recherche, l’économie verte et le numérique est un facteur de croissance et d’emploi.

Il reste que ces mesures, monsieur Pozzo di Borgo, ne vont pas dans le sens que vous avez évoqué : celui de la dérégulation et de la libéralisation totale de l’ensemble des marchés. Vous comprenez bien que cette politique tue complètement l’idée française de la réciprocité puisqu’elle implique que tous les autres pays du monde puissent pénétrer le marché européen en pratiquant le dumping et sans respecter aucun critère social, écologique ou d’innovation.

Certaines des propositions faites par les douze pays sont donc bonnes. Mais il y en a d’autres auxquelles la France n’adhère pas, raison pour laquelle elle n’a pas signé la lettre ouverte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur trois sujets.

D’abord, je souhaite connaître la position de la France au sujet de l’octroi à la Serbie du statut de candidat à l’Union européenne.

Il s’agit d’une question importante car, malgré toutes les difficultés que nous avons évoquées cet après-midi et ce soir, il y a encore des pays en Europe pour lesquels une adhésion à l’Union européenne représente une perspective de paix et de progrès. Dans une zone encore fragile, il ne faudrait surtout pas assombrir cette perspective en continuant à refuser le statut de candidat à la Serbie, dont l’intégration constituerait un facteur de progrès important.

Je rappelle que le statut de candidat n’a pas été octroyé à la Serbie lors du dernier Conseil européen, en décembre 2011. Quelle sera la position de la France sur ce sujet lors du prochain Conseil européen ?

Ma deuxième question porte sur la circulation sans visa des Russes dans l’espace Schengen.

La perspective d’une éventuelle mise en place de visas biométriques pour les Russes risque de poser de sérieux problèmes dans nos relations bilatérales. En effet, un tel système nécessiterait que les demandeurs se présentent dans les consulats, ce qui semble tout à fait impossible sur un territoire aussi vaste que celui de la Fédération de Russie.

La France adoptera-t-elle une position claire sur ce sujet ? Allons-nous pousser à la suppression des visas pour les citoyens de la Fédération de Russie ?

Enfin, monsieur le ministre, je vous pose la même question à propos de la Turquie.

La décision d’accorder aux Turcs l’autorisation de circuler sans visa dans l’espace Schengen est entièrement liée à la possibilité d’annuler l’antagonisme complet qui existe aujourd’hui entre les politiques d’immigration conduites en Turquie et dans l’Union européenne.

Il est indispensable que nous soyons capables de travailler ensemble à la mise en place d’une politique d’immigration contrôlée qui respecte les droits de l’homme. Or, pour y parvenir, il est important d’offrir à la Turquie une perspective de suppression des visas dans l’espace Schengen.

Monsieur le ministre, la position de la France sera-t-elle aussi claire au Conseil européen que lorsque M. Guéant se déplace à Ankara ?

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

Le Gouvernement l’a clairement indiqué : la Turquie n’a pas vocation à entrer dans l’Europe. Par conséquent, aucune libéralisation n’est à envisager.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

M. Guéant a pourtant fait, à Ankara, des déclarations sur la suppression des visas pour les ressortissants turcs.

Debut de section - Permalien
Jean Leonetti, ministre

Non, il n’y a pas de suppression des visas pour les ressortissants turcs. Les procédures habituelles demeurent.

Quant aux visas biométriques que vous avez évoqués à propos des ressortissants de la Fédération de Russie, une procédure d’échange est en place.

La position de la France à l’égard de la Serbie est claire : elle considère que ce pays a fourni de nombreux efforts. En effet, la Serbie a livré les responsables militaires incriminés au Tribunal pénal international. Elle a accompli d’immenses progrès en matière d’état de droit. Elle a respecté l’ensemble des minorités qui demeurent sur son territoire. Elle a également normalisé ses relations avec la Croatie. Elle a ouvert des négociations et un dialogue constructif avec le Kosovo. Les demandes formulées lors du dernier Conseil européen, à savoir l’ouverture des forums régionaux aux Kosovars, la gestion coordonnée des frontières et la levée des barricades, ont été satisfaites.

Chacun le sait, la Serbie sort d’une guerre. Je me suis moi-même rendu dans ce pays, ainsi qu’en Croatie. J’ai pu observer la volonté d’adhésion à l’Union européenne et de paix du peuple serbe. Pour autant, des mouvements eurosceptiques nationaux agressifs existent.

Si nous ne donnions jamais une réponse positive à l’entrée de la Serbie dans l’Union européenne, nous pourrions désespérer le peuple serbe et le renvoyer vers les anciens démons nationalistes qui ont dévasté les Balkans occidentaux.

La France estime que tous les pays des Balkans occidentaux ont vocation à entrer dans l’Union européenne parce que l’Europe est faiseuse de paix.

Il est légitime que la France accorde son appui à l’accession de la Serbie au statut de candidat à l’Union européenne, ce pays ayant rempli toutes les obligations demandées. Je m’y suis d’ailleurs employé ce matin, lors du Conseil Affaires générales. À l’occasion de cette réunion, seule la Roumanie a fait preuve de réticence : elle considère que la minorité valaque roumaine présente en Serbie est traitée de manière discriminatoire du point de vue linguistique et identitaire. L’unanimité n’a donc pas été obtenue ce matin.

Pour autant, le Conseil Affaires générales a envoyé un message positif, souhaitant que la Serbie franchisse la première étape. La décision est renvoyée au Conseil européen qui, j’en suis sûr, après un dialogue constructif et franc entre la Roumanie et la Serbie, devrait aboutir à l’octroi à cette dernière du statut de candidat à l’Union européenne.

Comme nous l’avons fait voilà quelque temps à l’égard de la Croatie, nous devons faire preuve d’exigence vis-à-vis de tous les pays des Balkans. Ne pas envoyer de message d’espoir constituerait uns erreur fondamentale de la part de l’Europe envers cette zone dévastée par une guerre fratricide d’une rare violence.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Personne ne demande plus la parole ?...

Nous en avons terminé avec le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 1er et 2 mars prochain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, modifiant la loi n° 99-418 du 26 mai 1999 créant le Conseil national des communes « Compagnon de la Libération »

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean Boyer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Boyer

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le mois de février 2012 restera indiscutablement comme un moment où nous avons marqué notre volonté de léguer aux générations futures la mémoire des moments forts de notre passé, de notre Histoire.

Après avoir renforcé, au début du mois, le symbole que constitue la date du 11 novembre, aujourd’hui, par cette proposition de loi, nous voulons pérenniser l’ordre de la Libération.

Cette exceptionnelle reconnaissance nationale a été instaurée par le général de Gaulle, alors à Brazzaville, le 16 novembre 1940. Un arrêté du 1er août 1941 a fixé la place de ce nouvel ordre dans le port des décorations : il arrive immédiatement après la Légion d’honneur et avant la Médaille militaire.

Entre le 16 novembre 1940 et le 23 janvier 1946, l’ordre de la Libération a rassemblé 1 061 titulaires, dont 238 à titre posthume. Les reconnaissances individuelles ont été de très loin les plus nombreuses – on en compte 1 038 –, mais la distinction a également été accordée à dix-huit unités combattantes et cinq communes.

Parmi l’élite que constituent ces 1 038 promus, figuraient six femmes et un Français d’exception, je veux parler de Jean Moulin, désigné comme le « caporal Mercier ».

Au début de ce mois, le décès de René Gatissou a ramené à vingt-huit le nombre des survivants. Les dix-huit glorieuses unités militaires disparaissent ou se restructurent. Demain, les cinq villes que j’évoquais précédemment seront donc la colonne vertébrale de la nouvelle structure.

En examinant l’insigne, on découvre les symboles qui y sont figurés et l’on est ému par sa beauté. Il s’agit d’un écu de bronze poli rectangulaire, traversé par un glaive qui porte la croix de Lorraine. Le revers de la décoration est timbré de la devise suivante : Patriam servando victoriam tulit, autrement dit« En servant la Patrie, il a remporté la victoire ».

À la vue de cette croix de Lorraine, on ne peut s’empêcher de penser à un grand Français, celui qui a institué l’ordre de la Libération et qui, le 15 août 1944, a adressé à la France message d’espérance par la voie des airs.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi de vous rappeler un moment fort de mon enfance. Je gardais le petit troupeau familial, à côté de ma mère – j’avais sept ans et demi et c’était plutôt pour moi ma « maman » –, lorsque des escadrilles de messagers aériens lâchèrent du ciel, vers onze heures, des centaines de tracts. Cela fera soixante-huit ans le 15 août prochain et, aujourd’hui, j’ai toujours à l’esprit ce message, que je me permets de vous citer de mémoire : « Les armées des Nations unies ont débarqué dans le Midi. Leur but est de chasser l’ennemi et d’effectuer une jonction avec les forces alliées, les forces de Normandie. Les forces françaises participeront à cette opération, à côté de leurs frères d’armes, sur mer, sur terre et dans les airs. La victoire est certaine. Vive l’âme de la France et tout ce qu’elle représente. »

Depuis cette date, la France a retrouvé sa liberté. Les générations se sont succédé et, au fil des années, l’ordre s’est progressivement étiolé. Aujourd’hui, je l’ai dit, moins de trente glorieux combattants, dont certains furent des combattants de l’ombre, résistent, mais en menant un autre combat : celui de la vie.

Dans un futur indéterminé – l’homme ne choisit ni l’heure de sa naissance ni celle de sa mort –, un relais, placé sous la tutelle du garde des sceaux, sera assuré par les cinq maires en exercice des communes dont je me permets de rappeler les noms par ordre chronologique d’attribution : Nantes, Grenoble, Paris, Vassieux-en-Vercors et l’Île de Sein.

Les titulaires de la croix de la Libération ont fait magnifiquement leur devoir. Aujourd’hui, il est normal que la République fasse le sien en pérennisant leur mémoire individuelle et collective. Nous savons tous que c’est aussi cela, la mission de la France. §

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les dispositions techniques de la proposition de loi créant le Conseil national des communes « Compagnon de la Libération », qui ont été parfaitement présentées par M. le rapporteur, Jacques Gautier.

Je consacrerai mon intervention à rappeler l’importance que revêt, pour nous, le devoir de mémoire, nous qui sommes les héritiers d’une génération qui a su lutter en se levant contre les actes de barbarie, les humiliations, les tortures et les souffrances pour défendre la liberté et la justice, pour libérer la France et pour rétablir la République assassinée un triste jour du mois de juillet 1940 à Vichy.

Nous avons aussi le devoir de transmettre cette mémoire aux jeunes générations, pour que l’humanité ne connaisse plus jamais cela, comme le confiaient les déportés à leur retour des camps.

L’ordre de la Libération a été créé le 16 novembre 1940 à Brazzaville par le général de Gaulle, et la croix de la Libération n’a été attribuée qu’à 1 038 personnes, 18 unités combattantes et 5 villes, Nantes, Paris, Grenoble, Vassieux-en-Vercors et l’île de Sein. Cette médaille n’a plus été décernée depuis 1946, exception faite, à titre exceptionnel, en 1958, à Winston Churchill et, en 1960, au roi Georges VI. Cette limitation dans le temps lui donne encore plus de valeur.

Deuxième ordre en dignité après la Légion d’honneur, créé par le général de Gaulle qui ne pouvait alors décerner cette haute distinction, l’ordre de la Libération est une décoration particulièrement éminente. La valeur de cette croix se trouve parfaitement résumée dans sa devise : « Patriam servando victoriam tulit, autrement dit « En servant la Patrie, il a remporté la Victoire ». Et il ne s’agit pas de n’importe quelle victoire : il s’agit de celle sur la barbarie nazie !

À cet égard, n’oublions pas les propos que tenait le général de Gaulle en remettant la croix : « Nous vous reconnaissons comme notre Compagnon pour la libération de la France dans l’honneur et par la victoire. »

L’ordre de la Libération est indispensable. Il répond à une circonstance historique particulière, à savoir la Seconde Guerre mondiale, si dramatique pour les pays protagonistes. Certes, la croix de la Libération n’est pas la seule décoration spécifique à ce conflit ; je pense notamment à la médaille de la Résistance ou aux médailles de la déportation. Mais à la différence des autres, il s’agit, je le répète, d’un ordre national, et le deuxième en dignité.

De plus, parmi les autres décorations spécifiquement liées à la Seconde Guerre mondiale, l’ordre de la Libération combine plusieurs critères de mérite, dont le premier est le choix précoce de l’engagement pour libérer la France et retrouver la liberté.

L’Ordre matérialise encore aujourd'hui par l’intermédiaire de ses membres, et demain au travers des villes « Compagnon de la Libération », l’esprit de résistance. Et c’est dans cet esprit qu’il continuera à transmettre l’idée que le courage de quelques-uns peut avoir raison de l’abattement du plus grand nombre, que la voie périlleuse de l’exil peut être le chemin le plus sûr vers le rétablissement de la souveraineté nationale, que l’opprobre des procès truqués intentés par ceux qui se couchaient contre ceux qui se levaient honore les condamnés de Riom. Il glorifie également ceux qui, au plus fort des combats engagés par la Résistance, dans les maquis, au sein des Forces françaises libres et des Forces françaises de l’intérieur, pensèrent et créèrent le programme du Conseil national de la Résistance, plus que jamais d’actualité aujourd'hui.

L’ordre de la Libération honore en fait des femmes et des hommes d’exception, qui surent se lever pour vivre et résister.

Le combat contre l’idéologie nazie fut avant tout celui de la restauration de la République et de l’indépendance nationale. S’engager dans la Résistance revenait aussi à affirmer qu’il n’y a pas de peuple libre dans une nation asservie.

Forces françaises de l’intérieur ou Forces françaises libres, ouvriers et paysans saboteurs, engagés des maquis ou des corps francs, riches ou pauvres, ceux qui y croyaient ou ceux qui n’y croyaient pas, ils étaient tous unis par la même prise de conscience et le même courage autour du message de la première strophe du Chant des partisans :

« Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ?

« Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu’on enchaîne ?

« Ohé, partisans, ouvriers et paysans, c’est l’alarme.

« Ce soir l’ennemi connaîtra le prix du sang et les larmes. »

L’ordre national des Compagnons de la Libération représente, et incarne même, la France dans sa diversité, sa générosité et sa grandeur, mais aussi dans son amour pour la liberté, l’égalité et la fraternité.

Sur les 1 036 Compagnons, 271 ont été décorés à titre posthume ; 65 ont été tués avant le 8 mai 1945 et seulement 700 étaient encore en vie le jour de la capitulation nazie, le 8 mai 1945. Un fait est remarquable : 44 étrangers de 18 nationalités ont été faits Compagnons. Le temps faisant inexorablement son œuvre, il ne reste aujourd'hui que 28 Compagnons de la Libération. Bientôt – trop tôt ! –, ils auront tous disparu. Seules les cinq communes resteront, et elles auront, grâce à l’instauration du Conseil national des communes « Compagnon de la Libération », un rôle essentiel à jouer pour assurer la pérennité de l’Ordre.

Rendons hommage à ces cinq villes et à leurs populations qui se sont illustrées dans l’action et le combat pour la victoire de la liberté sur la tyrannie, de la justice sur le totalitarisme, de la démocratie sur la dictature.

Soyons fiers de ceux qui, par leur engagement, allant parfois jusqu’au sacrifice suprême, nous ont légué ce message de dignité, de volonté et de courage.

Cette fierté nous impose un devoir de fidélité pour que la Résistance continue à vivre dans notre mémoire, particulièrement dans celle de nos concitoyens les plus jeunes, et pour que perdure le message de l’espoir et de l’honneur.

Soyons fiers et dignes de nos résistants et du sens de l’honneur et du sacrifice dont ils ont fait preuve dans les moments les plus sombres qu’a connus notre pays. Il nous faut perpétuer leur mémoire, et nous le ferons grâce aux cinq communes « Compagnon de la Libération ».

Nantes fut la première ville distinguée par le général de Gaulle pour son magnifique exemple de courage et de fidélité aux valeurs de la République.

Vint ensuite Paris, martyrisée, mais qui s’est elle-même libérée avant l’arrivée des blindés de la 2° DB du général Leclerc ; puis Vassieux-en-Vercors, symbole et martyr de la République libre du Vercors.

Quant à l’île de Sein, elle donna un formidable signal à l’ensemble de la France en envoyant, dès le premier jour, tous ses pêcheurs s’engager dans les forces de la France libre et rejoindre le général de Gaulle à Londres. En 1940, ceux-ci composaient le quart des effectifs de ces forces.

Enfin, à Grenoble, lors de la manifestation patriotique du 11 novembre 1943, la population affirma son refus de l’occupation, sa foi dans la victoire et sa volonté farouche d’y prendre une part active, au prix de centaines d’arrestations et de déportations.

Dans l’esprit du « pacte d’amitié » signé en 1981, ces villes sauront, je n’en doute pas, assumer, dans le cadre du futur Conseil national des communes « Compagnon de la libération », le souvenir et la pérennité de l’Ordre après la disparition des derniers Compagnons.

Naturellement, vous l’avez compris, mes chers collègues, le groupe socialiste votera cette proposition de loi. Ainsi, nous perpétuerons la flamme et les valeurs de la Résistance et des résistants. Nous devons, aujourd'hui, par notre vote, que je souhaite unanime, rendre hommage à ceux qui ont su, par leur souffrance et leur sacrifice, rendre honneur et grandeur à la France, fidèle à ses idéaux républicains et à sa devise « Liberté, Égalité, Fraternité ». Rappelons-nous toujours le message des résistants : vive la République, vive la France !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et de l’UCR. – M. le rapporteur applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi créant le Conseil national des communes « Compagnon de la Libération » fait partie de ces textes – le fait est assez rare en cette période électorale pour être souligné ! –, qui transcendent ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui les clivages politiques, lesquels ne sont pourtant que l’expression normale de la démocratie.

Contrairement à d’autres textes qui se rapportent directement à de grandes périodes parfois controversées de notre histoire, et dont nous avons récemment discuté, nous ne pouvons suspecter cette proposition de loi d’être empreinte d’arrière-pensées politiciennes.

En effet, ce texte se réfère à des événements et à une institution qui ne prêtent aucunement à la polémique. Nous sommes certainement unanimes dans cet hémicycle à partager le bien-fondé des raisons qui ont conduit le général de Gaulle à créer l’ordre de la Libération.

Comme l’a rappelé notre rapporteur, cet Ordre a été créé à Brazzaville en novembre 1940, afin de concrétiser le symbole de la France, qui avait choisi de lutter contre l’occupant aux côtés des alliés. Il s’agissait d’un signe de reconnaissance et d’appartenance aux forces de la France libre.

Dans son esprit, cette création devait également incarner la continuité de la France face à la symbolique du régime de l’État français du maréchal Pétain, dont la francisque était la principale décoration d’une prétendue « Révolution nationale ».

Selon les termes mêmes de l’ordonnance créant l’ordre de la Libération, celui-ci était « destiné à récompenser les personnes ou les collectivités militaires et civiles qui se seront signalées dans l’œuvre de la libération de la France et de son Empire ».

C’est ainsi que, à côté d’hommes et de femmes, héros modestes et souvent peu connus, des villes, des communes de France et des unités combattantes ont aussi été distinguées.

Je pense évidemment à ces hauts lieux de la Résistance que furent Grenoble et Vassieux-en-Vercors, à Nantes dévastée par les bombardements, à l’île de Sein, dont tous les hommes valides furent les tout premiers à rejoindre à Londres le chef de la France libre, et bien sûr à Paris.

Mais je pense aussi aux pilotes français et soviétiques de l’escadrille Normandie-Niemen, unis par la même volonté de défendre leur patrie contre le nazisme.

Ces villes, ces hommes et ces femmes, par leur exemplarité, méritaient pleinement d’entrer dans l’ordre de la Libération.

La guerre terminée et la libération accomplie, les décorations de l’Ordre ont naturellement cessé d’être décernées.

Ce texte a donc précisément pour objet de résoudre les problèmes juridiques et techniques qui résultent de la mise en œuvre de la loi de mai 1999 créant le Conseil national des communes « Compagnon de la Libération ».

Cet établissement public national à caractère administratif est destiné à assurer la pérennité de l’ordre de la Libération, en lui succédant, et ce avant même que n’aient disparu les 28 titulaires de cette décoration encore vivants.

Il convient, en effet, de garantir le fonctionnement de cet organisme, qui devra prochainement assumer la gestion de l’Ordre dans la mesure où le texte qui nous est proposé a fixé la date butoir du 16 novembre 2012.

Je n’entrerai pas dans le détail des quatre articles qui précisent la loi de 1999 et donnent un fondement juridique à son évolution. Mais je voudrais approuver le choix particulièrement judicieux du Mémorial de la France combattante, situé sur la commune de Suresnes, près de Paris, pour accueillir le musée de l’Ordre.

Ce lieu, adossé au Mont-Valérien dans la clairière duquel furent fusillés tant de résistants venus d’horizons divers, de Missak Manouchian à Honoré d’Estienne d’Orves, symbolise et regroupe toutes les mémoires et toutes les valeurs des combattants de la France libre et de la Résistance.

Mes chers collègues, à l’heure où vont progressivement disparaître les derniers témoins de cette page souvent tragique et douloureuse, mais aussi héroïque, de l’histoire de notre pays, cette proposition de loi est pleinement justifiée.

En votant ce texte, le groupe communiste, républicain et citoyen se félicite de permettre ainsi, par les effets juridiques et financiers que celui-ci sous-tend, la continuité du devoir de mémoire. §

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Tropeano

« Récompenser les personnes, les collectivités militaires et civiles qui se seront signalées dans l’œuvre de la libération de la France et de son Empire » : tout est dit, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans la formule de l’ordonnance créant l’ordre de la Libération, qui honore tous les hommes et toutes les femmes ayant choisi le camp de la liberté au péril de leur vie.

Cette décoration, vous le savez, distingue tous ceux qui ont entendu le message d’espérance lancé le 18 juin 1940 par le général de Gaulle et qui se sont ainsi engagés au service de la libération de notre territoire occupé par les nazis. C’est dire si nous leur devons beaucoup : leur combat de « Français libres » est un modèle d’héroïsme. Que ce soient dans les sables de Bir Hakeim, dans les neiges de Russie ou dans les verts pâturages normands, ils ont bravé l’ennemi avec un sens admirable du sacrifice.

L’ordre de la Libération est créé le 16 novembre 1940 pour récompenser un courage sans limite. Jean Moulin, André Malraux, Romain Gary et bien d’autres jeunes gens plus anonymes constituent la liste des Compagnons, au nombre de 1 038. Ouvriers, fonctionnaires, paysans, cadres, étudiants, tous étaient animés, quelle que soit leur origine sociale, du même esprit de résistance.

Je n’oublie pas les 18 unités combattantes également distinguées dans l’Ordre, ni, bien sûr, les cinq communes exemplaires que sont Nantes, Grenoble, Paris, Vassieux-en-Vercors et l’île de Sein. Certes, les orateurs qui m’ont précédé les ont citées, mais, aujourd’hui, plus que jamais, la répétition a un sens.

En effet, s’il s’agit d’examiner un texte technique, le caractère éminemment rassembleur de celui-ci nous invite aussi à profiter de ce moment parlementaire pour honorer la mémoire de ceux qui ont servi la France. À cet égard, je tiens d’ailleurs à rappeler que 13 sénateurs ont été des Compagnons de la Libération.

Mes chers collègues, je viens de l’évoquer, cette proposition de loi est consensuelle. Elle a été approuvée à l’unanimité par les députés, et la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat nous propose uneadoption conforme. Naturellement, tous les membres du RDSE la voteront.

Nous partageons, en effet, le souci des auteurs du texte de garantir la pérennité des traditions de l’Ordre, en facilitant le fonctionnement du Conseil national.

La loi du 26 mai 1999 avait, de façon opportune, créé un établissement public national à caractère administratif destiné à succéder au conseil de l’ordre de la Libération. À ce jour, on ne compte plus que 28 personnes titulaires de la croix. Tout doit donc être mis en œuvre pour que, à leur disparition, cet établissement public puisse remplir ses missions dans les meilleures conditions.

Dans cette perspective, les modalités de la gestion directe du musée de la Libération par le futur Conseil national vont dans le bon sens. Sur ce point, il est essentiel de permettre au musée de fonctionner sans entrave juridique, car celui-ci constitue une formidable vitrine de l’œuvre libératrice accomplie par nos aînés.

En outre, s’agissant de l’instauration de la possibilité, pour le Conseil national, de recruter directement des agents contractuels, il me semble opportun de laisser à ce dernier la souplesse dont dispose l’Ordre en la matière.

Par ailleurs, la diversification des ressources est bien entendu nécessaire. Le futur Conseil national ne dépendra pas uniquement de la subvention de l’État, ce qui lui apportera une petite marge d’autonomie.

Mes chers collègues, c’est donc sans réserve que nous allons tous approuver ce texte, qui sécurise l’avenir de l’Ordre ; nous le devons à ses membres disparus, ainsi qu’à tous ceux qui sont encore en vie. Au-delà, c’est une façon de consolider notre politique de mémoire et, ainsi, de faire vivre les valeurs défendues par les Compagnons pour mieux les transmettre aux jeunes générations.

Par la justesse de leur combat, par leur sens du devoir, les Compagnons et, plus largement, toute la Résistance intérieure française, tous les combattants de l’ombre de la Seconde Guerre mondiale, ont plus que jamais illustré les idéaux de liberté et de fraternité, chers à notre République, au groupe du RDSE et à chacun des membres de cette assemblée. §

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le 16 novembre 1940, alors que le général de Gaulle voit s’éloigner l’espoir de rallier à sa cause, contre le régime de Vichy, une vaste zone de l’Empire français, il décide de distinguer ceux qui, en restant fidèles à la France libre, n’ont pas trahi l’idéal de résistance.

La croix de la Libération rend ainsi hommage aux individus, aux unités combattantes et aux collectivités qui se sont distingués par leurs services rendus à la France libre.

Pour la mémoire des femmes et des hommes qui ont su s’élever contre le régime de Vichy en refusant la confortable allégeance au totalitarisme, il importe que l’ordre de la Libération perdure dans le temps.

Ainsi, en 1999, nos prédécesseurs à l’Assemblée nationale et au Sénat ont fixé les modalités de la pérennisation de l’Ordre, notamment en créant un établissement public national à caractère administratif destiné à succéder au conseil de l’ordre de la Libération, une initiative louable du fait que les dernières personnes physiques membres de cet ordre sont appelées à disparaître.

Toutefois, cette loi présentait certaines lacunes, et nos collègues députés ont considéré, à la fin de l’année de 2009, qu’il convenait de légiférer de nouveau pour assurer le bon fonctionnement de ce nouvel établissement public. Une telle démarche est tout à leur honneur, et je ne peux que souscrire aux dispositions de la proposition de loi que le Sénat examine aujourd’hui.

L’article 1er du texte règle le devenir du musée de l’ordre de la Libération créé par le général de Gaulle. L’établissement public national à caractère administratif qu’est le Conseil national des communes « Compagnon de la Libération » aura désormais pour mission d’assurer non seulement la surveillance, mais aussi la pleine gestion de ce musée. Pour ce faire, il disposera d’une plus grande marge de manœuvre. Toutefois, cette autonomie accrue ne doit pas s’accompagner d’une diminution de ses ressources. Or c’est ce qui est à craindre au regard de la situation économique actuelle.

En effet, depuis le 1er janvier 2011, les trois postes équivalents temps plein qui avaient été mis gratuitement à disposition par le ministère de la défense sont à la charge de l’Ordre. Certes, une allocation a été mise en place pour les années 2011 et 2012 afin de compenser cette perte. Mais jusqu’à quand sera-t-elle reconduite ?

L’article 2 permet à l’Ordre de recruter directement des agents contractuels. Pour un texte émanant de députés de la majorité présidentielle, cela n’a rien d’étonnant ! Mais, pour nous, écologistes, la cessation de la mise à disposition de fonctionnaires et la compensation de cette décision par le recrutement de contractuels ne sont jamais un signal positif. Certes, cela permet une souplesse dans la gestion du personnel, mais ce sera, malheureusement, au prix d’une plus grande précarité.

En instaurant de nouvelles sources de financement, l’article 3 est sous-tendu par la même logique d’autonomisation financière de l’établissement public. Une telle disposition confère à cet établissement à caractère administratif une vocation, à mon sens, un peu trop commerciale.

Alors que le Conseil national est financé, aux termes de la loi de 1999, par des subventions versées par l’État ou par d’autres personnes publiques, ses ressources reposeront désormais sur les droits d’entrée du musée, les visites-conférences, la location des locaux ou tout simplement les dons et legs. C’est donc la population qui financera l’activité du Conseil. Encore une fois, nous ne pouvons que déplorer ce désengagement de l’État.

Enfin, l’article 4 prévoit que l’entrée en vigueur du nouveau dispositif devra intervenir au plus tard le 16 novembre 2012, la date de passage de l’Ordre actuel au Conseil national devant être fixée par décret en Conseil d’État. Cette autonomie laissée au pouvoir réglementaire est, à notre sens, très pertinente.

En conclusion, ce texte présente des limites : en étant plus autonome, le futur établissement public sera plus vulnérable que ne l’était l’Ordre. Mais la rédaction qui nous est aujourd’hui proposée est identique à celle qui a été adoptée par l’Assemblée nationale. Un vote conforme permettra donc son adoption avant la fin de la session parlementaire.

En dépit des remarques que je viens de formuler, les écologistes voteront ce texte, afin que le décret instaurant le Conseil national puisse être publié avant le 16 novembre 2012.

Par cette loi, nous allons perpétuer l’héritage des combattants de la liberté.

Mes chers collègues, si vous me le permettez, je terminerai mon intervention en rendant hommage à un homme qui porte chaque jour cet héritage auprès des jeunes générations, et dont j’ai la grande chance d’être proche ; je veux parler de Stéphane Hessel, qui n’en finit pas de prouver que l’esprit de la Résistance n’est pas qu’un souvenir.

Son combat, comme celui de tous les combattants de 1940, fut celui de l’indignation contre le nazisme et le totalitarisme. Le meilleur moyen de perpétuer le souvenir des résistants de 1940 consiste donc à cultiver l’indignation, qui commence par l’indignation contre la spoliation de l’un des plus beaux héritages de cette génération, à savoir les avancées politiques et sociales du Conseil national de la Résistance.

Si nous avions su nous indigner, affirme Stéphane Hessel, si nous avions été les véritables héritiers du Conseil national de la Résistance, serions-nous « cette société où l’on remet en cause les retraites, les acquis de la sécurité sociale », « cette société des sans-papiers, des expulsions, des soupçons à l’égard des immigrés » ?

Lors du soixantième anniversaire de la Libération, les vétérans des forces combattantes de la France libre déclaraient : « Le nazisme est vaincu, grâce au sacrifice de nos frères et sœurs de la Résistance et des Nations unies contre la barbarie fasciste. Mais cette menace n’a pas totalement disparu et notre colère contre l’injustice est toujours intacte. »

Les maux actuels ont changé : ils se nomment désormais « surconsommation, » « surexploitation du “capital planète” et de ses ressources », « mépris des plus faibles et de la culture », « amnésie généralisée » ou encore « compétition à outrance de tous contre tous. » C’est en luttant contre ces maux que nous rendrons un véritable hommage aux combattants de la Libération.

Vive la France libre ! Vive la France indignée ! Et vive la France solidaire ! §

Debut de section - PermalienPhoto de René Beaumont

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons ce soir une proposition de loi qui nous ramène aux heures sombres de l’histoire nationale, celles de l’année 1940.

Même si ces heures furent sombres, elles furent néanmoins empreintes d’espoir, comme en témoigne la couleur verte, rayée de noir, du ruban portant la croix de la Libération, une décoration créée en des circonstances exceptionnelles pour ceux qui ont eu une conduite exceptionnelle, dans une France occupée, opprimée et divisée.

L’ordre de la Libération fut créé le 16 novembre 1940 aux confins de l’Empire français, à Brazzaville, après la défaite des Forces françaises libres à Dakar et alors que les autorités de la ville restaient fidèles au gouvernement de Vichy.

Ainsi, le général de Gaulle, chef de la France libre, décida de récompenser ceux qui s’étaient illustrés, et pas seulement militairement, dans le combat contre la barbarie nazie pour la libération de la France et de son empire.

Aux 1 038 Compagnons qui composaient originellement l’ordre – seuls 28 d’entre eux sont encore à ce jour en vie – s’ajoutent 18 régiments et 5 communes, à savoir Nantes, Grenoble, Paris, Vassieux-en-Vercors et l’île de Sein. Ces villes et ces régiments, bien que ces derniers ne siègent pas au Conseil national, représentent les personnes morales qui pourront assurer la pérennité de l’ordre de la Libération, et ce grâce à la loi de 1999, qui a permis de créer le Conseil national des communes « Compagnon de la Libération ». Cet établissement public national à caractère administratif veille notamment sur le musée de l’ordre de la Libération.

À terme, ce Conseil national pourra légitimement se poser en organisme successeur du conseil de l’ordre de la Libération, dont les membres disparaissent, malheureusement, les uns après les autres. Surtout, il garantit la poursuite des actions perpétuées par l’ordre de la Libération au service de la mémoire.

Le texte qui nous est soumis ce soir modifie la loi du 26 mai 1999 créant le Conseil national des communes « Compagnon de la Libération », afin de permettre à ce dernier de s’acquitter, dans les meilleures conditions possibles, de ce devoir de mémoire auprès des générations qui ont toujours eu la chance de vivre en paix et qui ignorent, parfois, qu’il s’agit de l’un des biens les plus précieux. Cette paix, nous la devons aussi à ces Compagnons qui ont su faire preuve d’un remarquable courage et se sont sacrifiés pour la liberté des Français et de leur territoire.

Tel est d’ailleurs l’objectif que poursuivent, avec cette proposition de loi, nos collègues députés Bernard Accoyer et Michel Destot. Les modifications qu’ils proposent d’apporter à la loi de 1999 permettent de procéder aux ajustements juridiques de nature à assurer la pérennité et la transmission des valeurs de l’ordre de la Libération.

Je ne reviendrai pas sur les quatre articles de la proposition de loi – mon excellent collègue rapporteur en a développé les points principaux –, et je me réjouis, au nom du groupe UMP, de l’adoption de celle-ci par l’ensemble des groupes siégeant à l’Assemblée nationale

Cette proposition de loi a également recueilli un très large consensus au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, à l’instar de la loi de 1999, qui présente la particularité d’avoir été déposée deux fois à l’Assemblée nationale, en avril 1997, par le gouvernement d’Alain Juppé, puis, en juin 1997, par celui de Lionel Jospin, dissolution oblige !

J’y vois là la preuve que les questions de mémoire nationale transcendent les polémiques politiciennes et les clivages politiques. Et c’est pour cette raison que je vous invite, mes chers collègues, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez, à voter cette proposition de loi, car il y va de la sauvegarde de notre patrimoine mémoriel, de sa transmission et de l’honneur de ces valeureux Compagnons ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Chiron

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite remercier les auteurs de cette proposition de loi, mon camarade Michel Destot, député-maire de Grenoble, et le président de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer. Comme l’a souligné notre collègue Michelle Demessine, ainsi que d’autres orateurs, nous avons su dépasser les clivages politiques.

Ce texte va permettre au Conseil national des communes « Compagnon de la Libération », créé en 1999, d’assumer les traditions de l’ordre de la Libération. Parmi l’ensemble des Compagnons de la Libération, les 5 communes titulaires de la croix de la Libération – Nantes, Paris, Vassieux-en-Vercors, l’île de Sein et Grenoble – peuvent garantir cette pérennité. Aussi était-il logique de se tourner vers elles pour assurer la continuité du travail engagé.

Cette instance aura la responsabilité de faire vivre la mémoire des Compagnons disparus, de la transmettre et de nous rassembler autour des valeurs communes de liberté et de fraternité, qui demeurent le fondement de notre identité.

L’engagement de ces 5 communes n’est plus à démontrer : le « pacte d’amitié » qu’elles ont noué en 1981 témoigne de leur souhait commun et historique de prendre le relais. Nous pouvons aujourd’hui nous féliciter de cet attachement partagé au devoir de mémoire à l’égard de ceux qui se sont engagés et ont souvent donné leur vie, vous l’avez tous rappelé, pour la libération de la France et la victoire du courage et de la liberté.

En tant qu’élu de la ville de Grenoble, je tiens à vous remercier, mes chers collègues, du soutien unanime que vous apportez à cette proposition de loi.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles du texte de la commission.

(non modifié)

Au quatrième alinéa de l’article 2 de la loi n° 99-418 du 26 mai 1999 créant le Conseil national des communes « Compagnon de la Libération », les mots : « veiller sur » sont remplacés par le mot : « gérer ».

L’article 1 er est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je constate que cet article a été adopté à l’unanimité des présents.

(non modifié)

La dernière phrase de l’article 6 de la même loi est complétée par les mots : « ainsi que d’agents contractuels ».

Adopté.

(non modifié)

Après le deuxième alinéa de l’article 8 de la même loi, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« – le produit des droits d’entrée du musée et des visites-conférences ;

« – les rémunérations des services rendus ;

« – les produits financiers résultant des placements de ses fonds ; ».

Adopté.

(non modifié)

Le premier alinéa de l’article 10 de la même loi est ainsi rédigé :

« La présente loi entre en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État et au plus tard le 16 novembre 2012. »

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

La proposition de loi est adoptée définitivement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je constate que cette proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 29 février 2012, à quatorze heures trente et le soir :

1. Nouvelle lecture du projet de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2012 (440, 2011-2012) ;

Rapport de Mme Nicole Bricq, fait au nom de la commission des finances (441, 2011-2012).

2. Nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à l’organisation du service et à l’information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers et à diverses dispositions dans le domaine des transports (428, 2011-2012) ;

Rapport de M. Claude Jeannerot, fait au nom de la commission des affaires sociales (438, 2011-2012).

3. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la majoration des droits à construire (422, 2011-2012) ;

Rapport de M. Thierry Repentin, fait au nom de la commission de l’économie (436, 2011-2012) ;

Avis de M. René Vandierendonck, fait au nom de la commission des affaires sociales (435, 2011-2012) ;

Texte de la commission n° 437 (2011-2012).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée le mercredi 29 février 2012, à une heure.