Intervention de Simon Sutour

Réunion du 28 février 2012 à 21h30
Débat préalable au conseil européen des 1er et 2 mars 2012

Photo de Simon SutourSimon Sutour, président de la commission des affaires européennes :

Je confirme mes propos, monsieur Bizet !

Permettez-moi de reprendre la formule d’Edgar Faure : « Il n’y a pas de politique sans risques, mais il y a des politiques sans chances ». Aujourd'hui, on ne voit pas quelles chances nous mettons de notre côté pour sortir l’Europe de la stagnation.

Dans ce paysage inquiétant, le nouveau traité est une touche supplémentaire de gris. En avons-nous besoin ?

Nous avons désormais le six pack, qui a durci le Pacte de stabilité et de croissance. Nous allons connaître le two pack, qui renforce la surveillance budgétaire. Faut-il, en plus, adopter la fameuse règle d’or sous sa forme la plus stricte ?

On nous dit qu’il s’agit de rassurer les marchés sur le sérieux de nos engagements. Mais il y a trois ans, lorsque ces mêmes marchés ne fonctionnaient plus, c’est en acceptant des déficits importants que les États ont empêché une nouvelle grande dépression.

Hier, on était bien content de trouver les pompiers ; aujourd’hui, il faut à toute force leur rationner l’eau. Avouez que la situation recèle certains paradoxes !

Il me semble que ce nouveau traité ne s’imposait pas. Nous tenons désormais des réunions régulières avec nos collègues français du Parlement européen et nos homologues de l’Assemblée nationale. Lors de notre dernière réunion, la semaine passée, nous avons abordé la réforme de la gouvernance économique de l’Union. Parmi les députés européens, je n’ai entendu personne affirmer que ce nouveau traité était vraiment nécessaire. Tous étaient sensibles, en revanche, aux problèmes qu’allait poser l’insertion de ce nouveau texte dans l’ordre juridique européen.

Nous avions déjà l’Europe à vingt-sept et la zone euro à dix-sept ; nous allons connaître, pour ainsi dire entre les deux, une zone à vingt-cinq, voire moins ! Trois régimes différents coexisteront donc.

De plus, le nouveau traité n’est pas un traité européen au sens strict, puisqu’il n’est pas conclu par tous les États membres. Cependant, il fait intervenir les institutions de l’Union à vingt-sept, notamment la Commission et la Cour de justice de l’Union européenne. Nous sommes dans une zone intermédiaire, qui n’est ni vraiment communautaire ni vraiment intergouvernementale, et nous mesurons mal quelles seront les conséquences de cette novation. L’objectif était d’envoyer un signal, mais je suis au regret de dire qu’il s’agira d’un signal de confusion.

Les conséquences sur l’ordre juridique national sont tout aussi difficiles à cerner. Je sais que mon propos fera plaisir à un certain nombre de nos collègues ici présents. D’après le nouveau traité, les pays membres devront assurer le respect de la règle d’or par des dispositions permanentes de valeur contraignante, « de préférence constitutionnelle ». Tout laisse donc à penser qu’une révision constitutionnelle sera indispensable en France.

Je n’ai pas le temps d’entrer dans le détail de cette question de constitutionnalité, mais je voudrais souligner une conséquence étonnante du nouveau traité.

Il appartiendra à la Cour de justice de l’Union européenne de vérifier que nous nous sommes bien dotés d’une règle d’or réellement contraignante. Si elle statue négativement, elle fixera un délai pour la mise en conformité du droit français, nous plaçant sous la menace d’une pénalité financière. La Cour de justice sera ainsi juge de notre Constitution ou de nos lois organiques ! Je vois mal comment un tel dispositif s’ordonnera avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel. En la matière, nous allons donc également entrer dans une phase d’incertitude et d’insécurité juridique.

Les choses auraient peut-être été différentes si le nouveau traité avait été élaboré dans d’autres conditions. L’Europe a renoué avec les anciennes méthodes de négociation. Le Parlement européen a obtenu un strapontin, quand les parlements nationaux, pourtant directement intéressés, n’ont pas été associés à la discussion. Ce n’est pas ainsi que l’on réconciliera les citoyens avec la construction européenne.

Les perspectives du prochain Conseil européen, vous l’aurez compris, ne m’incitent pas à l’optimisme. Confrontés à une crise qui dure, nos concitoyens auraient besoin que l’Europe leur apporte un message d’espoir. J’ai l’impression que nous en sommes très loin. §

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