Intervention de Jean Bizet

Réunion du 28 février 2012 à 21h30
Débat préalable au conseil européen des 1er et 2 mars 2012

Photo de Jean BizetJean Bizet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le prochain Conseil européen, comme la plupart des sommets européens de ces deux dernières années, revêt une importance majeure. Il s’agit, une fois encore, de construire la réponse européenne à la crise. Avec certaines difficultés, certes, l’Union, à travers l’action de ses institutions et celle des États membres, met efficacement en place une nouvelle Europe, une Europe plus forte, plus stable, plus intégrée et plus contrôlée.

La crise que nous connaissons depuis 2008 a au moins eu l’avantage d’accélérer la mise en place d’une gouvernance économique et financière à l’échelon européen. C’est indéniable. Ce mouvement s’est fait parfois dans la douleur, souvent dans l’effort ou la mauvaise humeur, mais il existe et il a abouti à des chantiers inimaginables voilà encore deux ans. Et l’action volontariste du Président de la République, Nicolas Sarkozy, fut tout à fait décisive. Pendant cinq ans, la France a démontré que sa voix en Europe était respectée et que ses initiatives avaient rythmé l’agenda de l’Union.

Les avancées institutionnelles permises par la crise sont nombreuses.

D’un côté, les États européens se sont mobilisés, avec plus ou moins d’entrain, en faveur de leurs voisins les plus touchés comme la Grèce. À cet égard, les négociations de la semaine dernière, difficiles et inespérées, avec l’adoption d’un plan record, sont une preuve de cette mobilisation.

D’un autre côté, avec les autres institutions, les États se sont mis d’accord sur un ensemble de dispositions pour éviter que de telles situations ne se reproduisent à l’avenir. Les mesures concernent les acteurs et les pratiques du secteur financier, en particulier les banques, mais poussent aussi vers un encadrement plus strict des politiques budgétaires des États. Bref, nous allons vers un « fédéralisme budgétaire » européen, tout simplement par pragmatisme.

La crise financière, puis économique a révélé le manque de transparence du système financier, soumis à de mauvais calculs de risque dissimulés sous des montages complexes, et en proie à une spéculation nocive pour l’économie réelle. Aussi les régulateurs européens ont-ils décidé de légiférer pour introduire plus de transparence dans le système, afin, notamment, d’en diminuer les risques. Je pense à la surveillance accrue des acteurs financiers et à la régulation des produits et pratiques financières. Cette action a essentiellement été menée par les institutions communautaires, Commission en tête.

L’Union européenne s’est beaucoup mobilisée concernant les mesures de régulation à destination des banques. De nombreuses dispositions ont été mises en place pour consolider le système bancaire. D’autres dispositions ont été créées pour résoudre les futures crises ; on peut citer le projet d’une taxe bancaire ou l’amélioration des garanties des dépôts bancaires. Le changement des pratiques des banques est également à l’ordre du jour avec la limitation des bonus et du secret bancaire.

Avec ce nouvel arsenal normatif, les États ont ainsi montré à leurs citoyens que, désormais, les banques allaient devoir prendre leurs responsabilités.

Mais, en plus de cibler les dysfonctionnements du système financier et bancaire, les États ont su reconnaître leur propre responsabilité dans la crise budgétaire qu’ils ont essuyée et ils se sont attachés à empêcher qu’elle puisse se reproduire en mettant en place un contrôle plus strict de leurs agissements budgétaires. Ils ont aussi, bien que plus difficilement, fait jouer la solidarité pour venir en aide aux plus touchés d’entre eux, comme la Grèce.

Bien sûr, l’exemple le plus marquant et le plus significatif dans l’aide aux États en difficulté est la mise en place d’un fonds d’urgence, et sa transformation en mécanisme permanent de stabilisation. Cet instrument pérenne de réaction aux crises répond à une absolue nécessité.

À la gestion en urgence des conséquences d’une crise déclarée s’ajoute la volonté de la part de certains États, en particulier les plus rigoureux comme l’Allemagne, de responsabiliser les États de l’Union. Le sauvetage doit s’accompagner d’un durcissement du Pacte de stabilité, autant dans son volet préventif que dans son volet correctif. C’est l’origine de la mise en place du « semestre européen », qui est un contrôle a priori des budgets nationaux, inauguré dès février 2011.

Une nouvelle étape a été franchie par le très important Conseil européen du 30 janvier dernier : deux décisions majeures y ont été finalisées, ce qui en fait l’un des plus décisifs de cette période de crises que connaît l’Union Européenne depuis trois ans.

D’abord, le Pacte budgétaire : il a été approuvé par vingt-cinq États membres sur vingt-sept ; il doit être signé le 1er mars et sera opérationnel dès que douze États membres l’auront ratifié.

Ce pacte comprend un volet « discipline budgétaire », un volet « gouvernance économique » ainsi que, ne l’oublions pas, un volet « croissance et emploi ».

Le volet concernant la discipline budgétaire est ce que l’on pourrait appeler un « Pacte de stabilité et de croissance révisé » ayant pour but d’améliorer la gouvernance de la zone euro en soutenant les objectifs de l’Union en matière de croissance durable, de compétitivité, d’emploi et de cohésion sociale.

En ce qui concerne la gouvernance économique, il a été décidé que, deux fois par an, un sommet de la zone euro serait organisé pour débattre des stratégies relatives à la conduite des politiques économiques devant renforcer la convergence au sein de la zone. C’était essentiellement une revendication de la France ; la Pologne y était opposée et l’Allemagne s’était montrée réservée. Il nous appartient de faire vivre cet outil.

Le volet ayant trait à la coordination des politiques économiques au service de la croissance et de l’emploi est, à mes yeux, un point majeur de l’accord. Il est bien souligné que le volet « croissance et emploi » n’a pas été oublié au cours du Conseil de janvier.

L’addition de plans de rigueur budgétaire est un préalable au rétablissement de la confiance et de la compétitivité économique des États membres, comme l’a rappelé à plusieurs reprises le nouveau président de la BCE, mais ce n’est pas suffisant. J’y reviendrai plus loin.

Lors du Conseil du 30 janvier, les chefs d’État et de gouvernement ont également approuvé le Mécanisme européen de stabilité. Son élaboration a été longue, voire laborieuse, mais nous arrivons enfin à un système pérenne de solidarité et de stabilité nous permettant de faire face à la déstabilisation de certains États européens.

Ce mécanisme permettra de doter la zone euro d’un instrument apte à intervenir pour juguler les crises de marché. II ne constitue pas la seule avancée – quoique celle-ci soit déjà majeure – dont la crise de la dette européenne accouche. Il est aussi nécessaire de tirer les enseignements de la période traversée, ce qui suppose à la fois de mettre en place une discipline efficace et respectée et de gommer les écarts de compétitivité qui ont pesé sur les finances publiques des États périphériques.

Comme cela a été souligné lors du sommet de la zone euro du 9 décembre 2011, le dispositif de solidarité créé par le MES est complémentaire de la volonté des chefs d’État et de gouvernement des États membres dont la monnaie est l’euro d’évoluer vers une union économique plus forte, comprenant un nouveau pacte budgétaire et une coordination accrue des politiques économiques.

Pour l’heure, la capacité des États de la zone euro et au-delà à constituer un front uni est démontrée par la réforme de la gouvernance et la création du Mécanisme européen de stabilité. Il est impératif que la France, qui a joué un rôle moteur à chacune des étapes de l’élaboration des réponses à la crise, donne l’impulsion en ratifiant, la première, les textes qui donnent corps à ces réponses. Cela vient d’être très récemment le cas pour le traité instituant le MES.

À ce sujet, je souhaite faire deux remarques, sans esprit de polémique. Je trouve d’abord que l’abstention de nos collègues socialistes sur la ratification du traité créant le MES est incompréhensible. Comment peut-on ainsi mettre de côté son idéal européen, que Jacques Delors a hier porté si haut, au profit de calculs politiques de circonstance ! J’y vois un singulier manque de prospective !

Ce mécanisme de solidarité n’est ni de droite ni de gauche : il est tout simplement la réponse européenne à la crise terrible que nous connaissons depuis plusieurs mois et qui met durement à l’épreuve le projet européen. II est un dispositif de solidarité, bien sûr complémentaire de la volonté des États membres de la zone euro d’évoluer vers une union économique plus forte, c’est-à-dire une union comprenant un nouveau pacte budgétaire et une coordination accrue des politiques économiques mis en œuvre par un nouveau traité, le TSCG.

Bien sûr que l’octroi d’une assistance financière dans le cadre du MES sera conditionné à la ratification de ce nouveau traité par l’État membre concerné ! Encore heureux ! C’est la clé du système et la garantie de sa crédibilité.

J’ajoute que ces traités, comme tous les autres, engagent la France, et non simplement l’actuel gouvernement.

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