J’ai rendu au printemps dernier les conclusions d’une étude menée pour le compte de l’OPECST, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, sur l’état de pollution de la Méditerranée et ses perspectives d’évolution à l’horizon 2030.
Cette étude, qui se nourrit de l’audition de près de deux cents scientifiques et de plusieurs missions menées en France et à l’étranger, aboutit à dresser un tableau assez sombre.
Dans cet espace clos, dont les eaux se renouvellent en un siècle seulement et qui est l’un des réservoirs de biodiversité de la planète, la pression démographique, la course à l’urbanisation littorale, l’ombre portée des pollutions passées, le développement des activités terrestres et celui des transports maritimes entraînent des pollutions convergentes.
La Méditerranée est la victime de pressions diverses : contaminants chimiques, comme les métaux lourds et les pesticides, dont certaines molécules, quoiqu’elles soient interdites, résident dans le lit des fleuves et sont périodiquement relarguées à l’occasion des épisodes de crues ; apports réguliers de nitrates et de phosphates ; pollutions émergentes, en particulier celles qui proviennent des produits pharmaceutiques, dont la consommation a doublé entre 1970 et 2002 et qui sont très peu filtrés par les stations d’épuration ; développement des macro-déchets et, plus encore, des micro-déchets plastiques, qui font courir un risque de « polymérisation » au bassin méditerranéen ; enfin, poussées de phytotoxines, qui portent sur les biotopes fragiles des lagunes méditerranéennes.
Monsieur le ministre, à cet ensemble de menaces telluriques, il faut ajouter les rejets d’hydrocarbures dus à un trafic maritime en progression constante et le risque potentiel représenté par des plateformes d’exploitation pétrolière qui ne sont pas toujours récentes.
Certes, il faut nuancer cet état des lieux en notant que, sur la rive nord de la Méditerranée, le dispositif de la convention de Barcelone et, surtout, la création d’un droit de l’environnement européen, soumis au contrôle de la Cour de justice de l’Union européenne, a marqué un progrès majeur dans la lutte contre certaines des pollutions que je viens d’évoquer. Toutefois, c’est aussi reconnaître en creux qu’un écart se creuse avec les pays de la rive sud, alors que les problèmes de pollution du bassin doivent être traités en commun.
Ce constat n’incite pas à l’optimisme pour l’avenir, à l’horizon d’une génération.
À la poursuite d’une pression de pollution anthropique de plus en plus forte s’ajouteront les conséquences du changement climatique qui, quoi que l’on fasse désormais, sont acquises pour 2030.
Si l’on peut dès à présent identifier les effets du réchauffement des eaux et de la baisse attendue de la pluviométrie, d’autres évolutions plus menaçantes ont été évoquées par les scientifiques que j’ai entendus : modification de la circulation des courants ; remontée, donc affaiblissement, des couches primaires de phytoplancton qui sont à la base de la chaîne alimentaire ; enfin, acidification du milieu marin, donc moindre calcification des espèces vivantes.
C’est pourquoi l’étude que j’ai menée était assortie de dix grandes catégories de recommandations, que j’ai personnellement adressées le 5 juillet dernier à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.
J’aimerais, monsieur le ministre, connaître votre sentiment sur ces propositions, dont l’unique objet est d’éviter un désastre écologique dans une vingtaine d’années.