Je voudrais appeler l’attention sur la situation de nos compatriotes qui ont fait une partie de leur carrière à l’étranger, dans deux ou plusieurs pays, c'est-à-dire soit dans un pays européen et dans un pays avec lequel la France a signé une convention bilatérale de sécurité sociale, soit dans deux pays avec lesquels la France a signé une telle convention. Pour eux, il s’avère que, au moment de la liquidation de la retraite, la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la CNAV, ne prend en considération qu’un seul de ces pays.
Prenons l’exemple d’une personne qui a commencé sa carrière en France pendant deux ans avant de partir travailler vingt ans en Belgique, puis vingt ans aux États-Unis. Sur ces quarante-deux années de travail, la CNAV ne retiendra que vingt-deux annuités : les deux années en France et les vingt années en Belgique ou les vingt années aux États-Unis. Alors qu’elle aura effectué une carrière complète et qu’elle devrait donc pouvoir bénéficier du taux plein, cette personne n’aura droit pour le calcul de sa retraite qu’au taux réduit, et même au taux minimum.
Cette situation, qui concerne un très grand nombre d’expatriés, est extrêmement pénalisante.
La direction de la sécurité sociale justifie sa position en expliquant que les champs d’application des conventions bilatérales concernent uniquement les deux pays signataires de chaque convention. Nous ne contestons pas cette évidence ! Mais elle en déduit qu’il n’est pas possible de cumuler les conventions sans l’accord des différentes parties à ces conventions ; c’est ce point que nous contestons.
La France ne demande pas l’accord de ses partenaires précédents avant de signer une nouvelle convention avec un autre pays. Si elle négocie un accord avec le Brésil, elle ne demande pas l’autorisation de l’Allemagne avec qui elle a signé une convention. De la même façon, elle n’a pas à demander l’accord d’un pays pour prendre en compte les périodes accomplies dans un autre pays, que ce soit d’ailleurs de façon cumulée ou pas, cette décision découlant du seul fait de l’accord avec le nouveau pays et n’ayant pas d’impact sur les partenaires précédents.
Lorsqu’un doute existe sur l’application des textes de loi ou des traités, il revient aux tribunaux de trancher et de donner leur interprétation, ce qu’ils ont fait.
Dans un jugement du 22 février 2002, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Caen s’est clairement prononcé en faveur du cumul des conventions, expliquant que « retenir le raisonnement inverse à l’instar de la caisse régionale d’assurance maladie, aboutirait à ne reconnaître au salarié qui aurait travaillé dans de nombreux pays étrangers, que la validation d’une seule période de travail dans l’un de ces pays ».
La cour d’appel de Caen a confirmé cette interprétation dans un arrêt de principe du 28 mars 2003. Elle a affirmé que, si le champ d’application des conventions bilatérales ne vise, par définition, que les deux pays signataires, aucune règle issue du droit national, communautaire ou international ne s’oppose à l’application conjointe de deux accords bilatéraux. En outre, la cour d’appel a précisé qu’aucune règle, ni même aucune contrainte d’ordre technique, n’imposait à l’assuré d’effectuer un choix entre le bénéfice de l’un ou de l’autre.
Aucune règle de droit ne s’oppose au cumul des conventions bilatérales. Ce qui n’est pas interdit étant autorisé, cela signifie que des mesures législatives supplémentaires ne sont pas nécessaires pour appliquer le cumul. La CNAV peut donc appliquer sans délai la décision de la cour d’appel. Nous demandons qu’elle applique cette jurisprudence !