Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, le Sénat est saisi en deuxième lecture de la proposition de loi relative à l’établissement d’un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif, de MM. Claude Bodin, Bruno Le Roux et Jean-Luc Warsmann.
L’Assemblée nationale avait adoptée ce texte en première lecture le 25 janvier 2011, puis le Sénat l’a voté à l’unanimité le 8 décembre 2011, après y avoir apporté un certain nombre de modifications. L’Assemblée nationale l’a adopté en deuxième lecture le 1er février dernier.
Les modifications apportées par le Sénat en première lecture ont presque toutes été approuvées par l’Assemblée nationale, ce dont nous pouvons nous féliciter. Nos collègues députés ont par ailleurs effectué quelques ajustements, qui, pour la plupart d’entre eux, sont conformes, me semble-t-il, à l’esprit du texte que nous avions voté.
Les députés ont, tout d’abord, décidé de modifier encore le contenu de la catégorie A. Inspiré par le ministère de la défense, l’amendement qu’ils ont adopté vise à opérer un ultime ajustement au sein de la définition des catégories A1 et A2, afin de distinguer l’ensemble des matériels de guerre – armes, véhicules et équipements –, qui constituent désormais la catégorie A2, des autres armes soumises au régime d’acquisition et de détention le plus restrictif, qui constituent désormais la catégorie A1.
Il s’agit de préserver le statut particulier des armes et matériels de guerre, en créant, pour eux, une catégorie unique à laquelle les autres dispositions législatives ou réglementaires qui les concernent pourront se référer.
Parallèlement, les députés ont opéré un ajustement dans le régime d’acquisition et de détention des armes de catégorie A.
La prohibition totale de l’acquisition et de la détention des armes de cette catégorie avait certes pour objet de faire une distinction parfaitement claire entre celles-ci et les armes appartenant à la catégorie B, pour leur part soumises à autorisation. Toutefois, cette solution a suscité des inquiétudes chez certains utilisateurs légitimes, comme les chasseurs et les tireurs sportifs, qui ont craint que certaines armes, aujourd’hui classées en catégorie 1 ou 4, mais qu’ils peuvent acquérir et détenir à titre dérogatoire, ne leur deviennent inaccessibles faute d’être reclassées en catégorie B. Dès lors, il a paru préférable aux députés de modifier l’article 3 de la proposition de loi, afin d’instaurer une possibilité de dérogation, par décret en Conseil d’État, à la prohibition prévue pour les armes de catégorie A. Le régime dérogatoire sera alors un régime d’autorisation.
Au total, le dispositif résultant des modifications successives des articles 1er et 3 de la proposition de loi a perdu une partie de sa simplicité originelle et se rapproche désormais largement du droit en vigueur pour ce qui concerne les anciennes catégories 1 à 4.
En effet, la proposition de loi distingue, d’une part, une catégorie d’armes en principe interdites à l’acquisition et à la détention, mais pour laquelle des dérogations par décret en Conseil d’État sont possibles – la catégorie A –, et, d’autre part, une catégorie d’armes soumises à autorisation, la catégorie B.
Toutefois, a été préservée la diminution du nombre de catégories de huit à quatre, même si deux d’entre elles se subdivisent en deux sous-catégories. Cela constitue indéniablement une simplification, qui devrait permettre une meilleure intelligibilité du classement des armes.
En outre, l’Assemblée nationale a opéré d’ultimes ajustements pour ce qui concerne les dispositions relatives aux formalités exigées pour l’acquisition et la détention des armes des catégories B et C. Ces modifications sont tout à fait conformes à l’esprit du texte adopté par le Sénat et sont de nature à assurer une meilleure distinction entre les obligations liées à l’une et l’autre catégorie.
Par ailleurs, les députés ont apporté quelques modifications à l’article 32 de la proposition de loi, relatif à la sanction pénale du transport et du port d’armes. Ces modifications concernent les armes de chasse.
Afin de répondre aux inquiétudes formulées par des représentants de chasseurs entendus par la commission des lois de l’Assemblée nationale, les députés ont précisé qu’un permis de chasser permettrait à son détenteur de bénéficier d’une présomption de transport légitime de l’arme même si ce permis n’est pas accompagné de la validation de l’année en cours ou de l’année précédente. En revanche, comme précédemment, seul le permis de chasser accompagné de la validation de l’année en cours ou de l’année précédente sera considéré comme une présomption de port légitime, en action de chasse ou pour toute activité qui y est liée, des armes qu’il permet d’acquérir.
Je pense que ces dispositions, à la fois claires et équilibrées, sont susceptibles de recueillir un large consensus.
Les députés ont également réalisé quelques modifications visant à rendre plus aisée l’acquisition des armes dans certains cas. Ces modifications découlent de l’audition, par la commission des lois de l’Assemblée nationale, du comité Guillaume Tell, qui regroupe des représentants des différentes catégories d’utilisateurs d’armes.
Ainsi, les députés ont estimé qu’il était possible d’inclure des armes de catégorie B parmi celles qui peuvent être livrées directement à l’acquéreur dans le cadre d’une vente par correspondance ou à distance, et dont la liste est établie par un décret en Conseil d’État. Auparavant, cela n’était pas possible pour les armes soumises à autorisation : celles-ci pouvaient bien être achetées à distance, mais elles devaient être livrées dans une armurerie.
Cette nouvelle disposition tend à faciliter la vie des amateurs de tir sportif qui ne disposent pas d’une armurerie à une distance raisonnable de leur domicile. Les garanties de sécurité publique paraissent suffisantes puisque, en tout état de cause, l’acheteur devra présenter l’autorisation obtenue auprès de l’administration dans les trois mois précédant la vente. En outre, l’armurier pourra, comme lors d’une vente en magasin, consulter le fichier des interdits d’armes, et devra avertir l’administration de la transaction, afin que l’arme soit enregistrée. Qui plus est, le décret en Conseil d’État qui précisera l’ensemble de la procédure devrait notamment prévoir que l’arme soit livrée en plusieurs éléments.
Enfin, l’Assemblée nationale a adopté en séance publique un amendement de Christian Estrosi visant à autoriser toutes les personnes morales et physiques à se porter acquéreurs dans les ventes publiques d’armes de catégories A, B ou D, à condition qu’elles soient, par ailleurs, autorisées à les acquérir et à les détenir conformément aux règles fixées par l’article 3 de la présente proposition de loi. En effet, en vertu de la législation en vigueur, seuls les armuriers peuvent acquérir de telles armes dans les ventes publiques.
Pour le reste, l’Assemblée nationale a pleinement approuvé le nouveau statut du collectionneur issu de nos travaux en première lecture, en conservant toutes les garanties supplémentaires que nous avions ajoutées, à savoir l’obligation de présenter un certificat médical, de se sensibiliser aux règles de sécurité dans le domaine des armes, ainsi que de prendre des mesures destinées à prévenir le vol de sa collection.
Le nouveau cadre que nous avons instauré pour les collectionneurs constitue, me semble-t-il, la reconnaissance, très attendue, d’une activité tout à fait légitime, mais qu’il convient cependant d’encadrer pour éviter les dérives que les forces de l’ordre ont parfois constatées.
Les collectionneurs pourront accéder librement à des armes et à des matériels de guerre en raison de la nouvelle définition des armes et matériels de collection donnée par les millésimes de 1900 pour les armes et de 1946 pour les matériels. Certes, un certain nombre de leurs demandes n’ont pu être satisfaites, comme l’accès à certaines armes classées en catégorie B ou D enregistrables, et nous n’avons pas encore pu traiter la question des collections de munitions historiques. Au cours de la prochaine législature, je me réserve la possibilité de réfléchir à cette question pendante, et je déposerai éventuellement une proposition de loi sur ce sujet.
De même, concernant le dispositif, créé par les députés, tendant à rendre obligatoire le prononcé des peines complémentaires relatives aux armes en cas de condamnation pour un certain nombre d’infractions, là où le droit en vigueur ne prévoit leur prononcé qu’à titre facultatif, les députés ont adopté la rédaction issue des travaux du Sénat.
En conclusion, le texte qui nous est transmis en deuxième lecture me paraît respecter les exigences liées à la sécurité publique, tout en garantissant aux utilisateurs légitimes d’armes à feu la poursuite de leur activité de loisir dans de bonnes conditions, et ce en particulier grâce aux apports de la Haute Assemblée : je pense notamment aux contributions de nos collègues Gérard César, Ladislas Poniatowski et Jean-Jacques Mirassou.
La simplification de la classification des armes constitue un véritable progrès, attendu depuis de nombreuses années. Sa mise en application dans l’ensemble des textes réglementaires relatifs à l’acquisition et à la détention d’armes allégera considérablement la réglementation, au plus grand profit des utilisateurs et de l’administration, ainsi que vous l’avez relevé, monsieur le ministre.
Compte tenu de ces éléments et du caractère véritablement très restreint des modifications apportées par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, la commission des lois a adopté ce texte sans modification. §