Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous prenons enfin conscience du danger que représentent les armes dans notre société.
Les écologistes, fidèles à une tradition philosophique pacifiste, dénoncent depuis longtemps les conséquences tragiques d’une législation permissive. En la matière, comme dans d’autres domaines, il faut, hélas ! attendre le drame, comme à Marseille, pour que les élus prennent leurs responsabilités.
Très récemment, dans mon département, l’Essonne, deux véhicules ont été la cible de tirs à l’arme automatique. Un jeune homme d’une vingtaine d’années a été blessé par balle à la main, à la suite d’une bagarre intervenue à Crosne. Sur les lieux de la fusillade, on a retrouvé des douilles de 9 millimètres, ainsi qu’une grenade offensive non dégoupillée.
De tels événements sont incroyables ; pourtant, ils se déroulent dans nos quartiers. Voilà la société dans laquelle nous vivons ! C’est tout simplement inacceptable.
Parce qu’il a permis d’amorcer l’actuelle prise de conscience, je salue le travail de nos collègues députés Claude Bodin et Bruno Le Roux, qui ont publié un excellent rapport sur les violences par armes à feu et l’état de la législation.
Cependant, m’étant penché sur le sujet, j’ai pu constater combien les informations récentes et les statistiques en la matière sont rares. Toutefois, le peu que l’on sache est pour le moins alarmant.
En 2008, on comptait plus de 3 millions d’armes, appartenant essentiellement à des chasseurs ou à des tireurs sportifs.
Qu’il s’agisse d’armes déclarées, soumises à autorisation, ou d’armes illégales, il est presque impossible de comptabiliser celles qui sont réellement présentes sur le territoire. Bien évidemment, les estimations sont supérieures aux chiffres officiels. Le syndicat des armuriers estime, pour sa part, que 10 millions d’armes sont en circulation en France, et une enquête place même la France au deuxième rang des pays les plus armés de l’Union européenne !
Objet d’une discussion particulièrement constructive entre les deux chambres parlementaires, la proposition de loi est aujourd’hui, il faut le reconnaître, un texte positif, actant la nécessité d’agir pour renforcer la sécurité publique. Je pense notamment à quelques mesures satisfaisantes, comme le renforcement des dispositifs permettant de lutter contre le trafic d’armes, l’alourdissement des sanctions pénales ou l’impossibilité d’acquisition et de détention d’une arme à feu pour une personne ayant été condamnée pour une infraction dénotant un comportement violent.
Néanmoins, les écologistes estiment que ce texte aurait pu aller plus loin. Vous allez peut-être sourire, monsieur le ministre, mais nous prônons une société non violente et pacifiste, dans laquelle les armes n’ont pas leur place… du tout ! Il ne me paraît donc pas scandaleux d’affirmer que les particuliers ne devraient pas disposer d’armes à feu chez eux ; c’est une question de bon sens et de sécurité préventive.
Si je comprends les revendications des chasseurs, des collectionneurs et des sportifs, dont mes collègues se sont fait les interprètes, et si je respecte leur passion, je rappelle que des vies humaines sont en jeu.
Pour la saison 2010-2011, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage a recensé 131 accidents de chasse, dont 18 mortels. Ont été victimes de ces accidents 4 enfants, souvent d’ailleurs les propres enfants des chasseurs.
Des milliers d’usagers pacifiques de la nature, les promeneurs, les cyclistes, les randonneurs, les joggeurs, ne vont plus en forêt l’automne et l’hiver de peur d’être victimes d’une balle perdue.
Maladresse, homicide involontaire, coup de folie, règlement de compte : tous les jours, ou presque, malheureusement, de tels drames se produisent, même si, bien évidemment, le risque zéro n’existe pas.
C’est pourquoi, sur un plan philosophique, nous estimons qu’aucune exception ne devrait pouvoir être envisagée. La prohibition des armes à feu n’est pas si utopique. Elle est d’ailleurs déjà appliquée dans certains pays. Le Danemark et les Pays-Bas ont décidé une interdiction générale. Au Japon, la réglementation est tellement stricte qu’il est, pour ainsi dire, impossible d’avoir chez soi une arme à feu, a fortiori une arme de guerre dans un but de collection, y compris une arme neutralisée. La loi britannique prévoit l’interdiction de presque toutes les armes à feu. Les policiers, par tradition, n’en portent pas, sauf dans des circonstances très spécifiques.
Les études internationales démontrent ce qui apparaît comme une évidence : plus le pourcentage de ménages possédant une arme à feu est réduit, plus le taux de décès par armes à feu est faible, voire quasiment inexistant.
Pour conclure, permettez-moi de citer le philosophe français Jean-François Revel : « Si l’individu ne devient pas pacifique, une société qui est la somme de ces individus ne le deviendra jamais. »
Telles sont les raisons pour lesquelles les écologistes défendent un modèle pacifiste, respectueux de la dignité humaine et de l’environnement, même s’ils ne prétendent pas, vous le comprenez aisément à mes propos et au ton que j’ai employé, donner de leçons de morale en la matière, ni quelque leçon que ce soit d’ailleurs.
Ainsi, les écologistes s’abstiendront sur ce texte, qui constitue certes, monsieur le ministre, une avancée par rapport au droit actuel, mais ne correspond pas à la vision qu’ils défendent, celle d’une société désarmée.