Intervention de Gérard César

Réunion du 27 février 2012 à 15h00
Contrôle des armes — Discussion en deuxième lecture et adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Gérard CésarGérard César :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, s’interroger sur la réglementation de l’usage et de la détention des armes n’est pas anodin dans notre société. Que l’on fasse allusion à de tristes faits divers, que l’on s’intéresse à la chasse et aux armes, l’enjeu essentiel reste constant : il s’agit, pour nous, d’assurer le respect de la sécurité de chacun et l’ordre public pour tous.

C’est pourquoi l’usage, la détention et la commercialisation d’armes sont devenus un enjeu primordial dans la définition de l’organisation de l’espace public. Aussi nous est-il apparu nécessaire de renforcer le dispositif juridique en vigueur en la matière, mais, surtout, de l’améliorer et de le simplifier.

Plus encore, la question de la libre circulation des armes a aussi récemment attiré l’attention de Bruxelles, et il existe, à ce titre, des exceptions, compte tenu du double usage de ces marchandises.

Comme en dispose l’article 346 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, il appartient à tout État membre de « prendre les mesures qu’il estime nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité et qui se rapportent à la production ou au commerce d’armes, de munitions et de matériel de guerre ».

Sont donc seuls soumis aux règles de la libre circulation des marchandises les produits non spécifiquement destinés à des fins militaires, tels que les armes de chasse ou de sport, ainsi que les explosifs à usage industriel.

Cette proposition de loi est d’autant plus attendue que le législateur français fait usage ici des prérogatives qui lui sont conférées par le droit de l’Union européenne, en vue d’assurer l’ordre public et la sécurité des citoyens français.

Mais nous souhaitons surtout répondre aux attentes des chasseurs, des tireurs sportifs, comme des collectionneurs, puisque les armes touchent un large spectre de personnes, au-delà des usages militaires de ces matériels.

La complexité excessive de la réglementation actuelle est préjudiciable tant aux citoyens qu’aux administrations chargées de son application.

Aussi, les concertations engagées par le Gouvernement avec les représentants d’utilisateurs légaux d’armes à feu, qui ont défendu ardemment leurs intérêts, aboutissent enfin. Ces concertations entre la société civile et les pouvoirs publics ont été fructueuses, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.

Nous avons réussi, grâce aux débats consensuels qui ont eu lieu dans chacune des deux assemblées parlementaires, à construire un cadre juridique moderne, équilibré, simplifié et adapté aux nouvelles contraintes du contrôle des armes.

Cette proposition de loi a un double objet.

D’une part, il s’agit de transposer la directive européenne 91/477/CEE, modifiée en 2008 par la directive 2008/51/CE, instaurant une simplification dans le classement des armes. Tel est l’objet de l’article 1er de la proposition de loi.

La classification que nous proposons a le mérite de clarifier le dispositif, en donnant une définition explicite des différentes catégories et en instaurant des obligations proportionnellement graduées non seulement selon les caractéristiques des armes, mais aussi selon la nature des détenteurs, et de durcir les sanctions à l’encontre des délinquants et des trafiquants, notamment par le prononcé obligatoire de peines complémentaires.

D’autre part, il s’agit de se placer dans une perspective plus nationale et de moderniser la législation relative aux armes, qui date du décret-loi de 1939. Dès lors, cela impliquait de revoir la législation sur les armes pour tous les détenteurs légaux d’armes à feu datant d’une période troublée.

De plus, nous nous sommes efforcés de renforcer la sécurité publique, en luttant contre les trafics et la délinquance armée. Il me semble que l’introduction de la notion de dangerosité comme principe de classement des armes constitue une importante innovation juridique.

Ainsi, il relève du bon sens qu’une réforme en la matière doit garantir les droits des personnes qui font un usage honnête de leurs armes et qu’il faut davantage s’en prendre aux criminels et aux délinquants.

En effet, les chasseurs et les tireurs sportifs sont respectueux des lois. Ces derniers, par l’entremise de leurs fédérations, nous ont fait remarquer qu’il n’était pas nécessaire de faire peser sur ces honnêtes gens une pression et des contraintes légales supplémentaires, pour la simple raison qu’ils détiennent légitimement des armes à feu.

Selon nous, l’essentiel est que cette proposition de loi permette de sanctionner le défaut de déclaration, d’autorisation et de détention, et donc de limiter les abus et les atteintes aux citoyens. À cet égard, il est certain que ce texte établit un meilleur équilibre pour les détenteurs légaux d’armes à feu, qui ne subiront plus de contraintes démesurées s’ils ont commis une erreur pour défaut de déclaration.

Ainsi, la préservation de l’ordre et de la sécurité publics demeure notre priorité.

Dès lors, il fallait aggraver substantiellement les peines pour les trafiquants qui utilisent ou détiennent des armes à feu. Ainsi, nous avons prévu des aggravations de peines lorsque les infractions sont commises en bande organisée.

Concernant le cas des collectionneurs, cette proposition de loi est sans précédent.

Lorsqu’il s’agit de traiter de sujets délicats, nous devons faire preuve de bon sens et de mesure : si les collectionneurs ne font pas de leurs armes le même usage que les chasseurs et tireurs professionnels, nous ne saurions leur imposer des contraintes inutiles.

Il nous faut prendre conscience qu’une arme n’est dangereuse que si elle est utilisée d’une manière dangereuse. En outre, l’usage d’une arme peut concerner les utilisateurs dits « pacifiques », et ceux-ci ne sauraient se voir lésés du fait de leur passion ou de leur goût pour les armes anciennes.

Nous proposons ainsi la création du statut de collectionneur, qui reconnaît la possibilité, à son bénéficiaire, d’acquérir et de détenir des armes soumises à déclaration, la collection constituant désormais un motif légitime d’acquisition et de détention propre.

Il s’agit là d’une grande avancée, qui permettra sans aucun doute d’assurer une meilleure préservation de notre patrimoine, ainsi qu’une meilleure conservation des matériels présentant un intérêt historique, technique, industriel ou culturel indéniable.

Nous avons certes la volonté de simplifier et de clarifier la réglementation pour les utilisateurs d’armes à feu, mais nous voulons aussi, et surtout, responsabiliser les utilisateurs, en sanctionnant les comportements abusifs, afin de garantir la sécurité et l’intégrité de chaque citoyen.

Assouplissement d’une réglementation trop contraignante pour les collectionneurs d’armes, sauvegarde d’un patrimoine fondateur de l’État-nation, recherche d’un équilibre entre les aspirations légitimes des collectionneurs et l’impératif de sécurité sur notre territoire, telles sont les lignes directrices du rapport d’information que j’ai rédigé et remis au Premier ministre dans le cadre de la mission qui m’a été confiée en 2010. Je tiens d’ailleurs à vous remercier, monsieur le ministre, de l’avoir souligné.

Toutefois, certains points restent encore en suspens, et il serait dommage de ne pas mettre à profit la discussion de ce texte pour les résoudre. Les projets ou propositions de loi en la matière sont peu nombreux, et reporter ces questions est regrettable. Je pense notamment à la question des épaves d’armes.

Cette problématique a été abordée en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, mais il a été décidé de la traiter dans le cadre d’une réflexion plus globale sur les collections d’armes, comme l’a rappelé M. le rapporteur.

Je pense également à la question des armes anciennes de catégorie D soumises à enregistrement, qui ne peuvent être acquises par les détenteurs de la carte de collectionneur, contrairement à celles de la catégorie C.

La commission des lois de l’Assemblée nationale avait introduit cette faculté, mais un amendement du Gouvernement a supprimé cette disposition au motif qu’elle constituerait une menace pour la sécurité publique.

Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que les modalités de délivrance de cette carte comportent suffisamment de garanties pour que l’acquisition et la détention de ces armes ne mettent pas en cause la sécurité publique ?

Une autre question concerne les décisions de refus d’autorisation qui devraient être motivées en fait et en droit. La motivation des décisions administratives me paraît souhaitable. J’aimerais, monsieur le ministre, que vous nous apportiez des éléments de réponse sur les points que je viens d’évoquer.

Bien entendu, le groupe UMP du Sénat garde à l’esprit qu’il n’est pas toujours aisé de concilier liberté et sécurité, mais ce texte devrait satisfaire ces exigences. C’est pourquoi il soutient les propositions de notre excellent rapporteur Antoine Lefèvre, qui a su rassembler les points de vue pour aboutir au texte équilibré que nous nous apprêtons à voter massivement.

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