Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, je ne peux que me réjouir de constater que nos collègues de l’Assemblée nationale ont conservé l’esprit du texte voté par le Sénat le 19 janvier 2012.
Cette proposition de loi, qui nous revient aujourd’hui en deuxième lecture, opère une légère avancée dans l’instauration d’un traitement égalitaire entre tous les anciens combattants, qu’ils soient membres de l’armée régulière française, résistants ou membres des troupes supplétives.
Ainsi, la loi accordera une place à tous les anciens supplétifs et à leurs descendants, victimes d’injure ou de diffamation et, ce faisant, la nation offrira enfin une compensation symbolique à tous ceux qui se sont battus dans les rangs de son armée.
Je pense en particulier aux harkis, que la version initiale de la présente proposition de loi visait nommément. En effet, ces derniers ont cruellement manqué de reconnaissance sur le plan tant moral que matériel.
La décision du Conseil constitutionnel du 4 février 2011 est venue tardivement, il est vrai, rétablir un peu d’égalité, en octroyant aux harkis le statut d’ancien combattant. Cette disposition ne répare que partiellement la spoliation matérielle dont ces derniers ont été victimes et ne peut certainement pas effacer les souffrances qu’ils ont endurées lorsque la France les a accueillis de manière indigne et qu’elle les a exclus de la vie républicaine, en les cantonnant dans les camps de Rivesaltes, du plateau de la Lozère et d’ailleurs.
Cette décision ne réduit pas non plus le tortueux labyrinthe administratif que les anciens supplétifs durent affronter pour faire valoir leurs droits dans le cadre d’une réévaluation du régime spécial des pensions. §
Désormais, la proposition de loi de M. Couderc tend à accorder une reconnaissance morale aux perdants de l’histoire algérienne, à ceux qui avaient fait le choix de combattre aux côtés des troupes françaises.
En préconisant d’étendre à ces derniers les sanctions de l’injure et de la diffamation publique, prévues aux articles 30 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, et en assimilant les formations supplétives aux forces armées, ce texte marque un pas supplémentaire vers l’égalité pour tous ceux qui se sont battus pour la France comme pour leurs descendants.
Ceux qui ont souvent été traités en « enfants illégitimes de la République » pourront ainsi défendre l’honneur et le choix de leurs parents d’avoir soutenu et défendu la France. Ils n’auront plus à subir l’opprobre qu’on leur a souvent infligé : une enfance difficile, dans des conditions matérielles extrêmement précaires, doublée des insultes de la part de ceux qui se posent – hélas ! – en juges de l’Histoire.
Enfin, je me réjouis que, dans la continuité et la logique du texte du Sénat, et en modifiant l’intitulé de cette proposition de loi, l’Assemblée nationale ait entériné le détachement de ce texte de la loi honteuse du 23 février 2005, dont l’un des articles prescrivait l’enseignement du côté positif de la colonisation – après de nombreuses manifestations de mécontentement, cette disposition avait fini par être rejetée. Cet article et, plus généralement, cette loi sont l’illustration exemplaire des tabous relatifs au passé colonial de la France et à la guerre d’Algérie qui, cinquante ans après, pèsent toujours sur notre mémoire collective.
D’autres échéances du calendrier législatif laissent à penser que ces blessures encore vives seront simplement l’occasion pour certains de bricoler de nouvelles lois mémorielles afin de gagner quelques voix, …