Madame Campion, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de M. Maurice Leroy, qui ne peut être présent ce matin au Sénat.
Permettez-moi de regretter le ton polémique de votre question sur un sujet qui devrait nous rassembler !
Vous avez cité l’excellent rapport d’Isabelle Debré, dont il a bien évidemment été tenu compte dans l’action du Gouvernement, comme vous l’avez d’ailleurs laissé entendre.
Je ne veux pas entrer dans la polémique que vous essayez aujourd’hui de nourrir, même si je brûle de vous rappeler que nous avons en la matière, vous et nous, une conception extrêmement différente de l’action publique ! J’ai en effet entendu un candidat dont vous êtes proche, François Hollande, parler de « camps » au sujet des roms.
Notre action est au contraire au service de l’humain. Et je vais vous montrer comment le Gouvernement gère au quotidien, sous l’autorité du garde des sceaux, cette situation difficile. Cette dernière est en effet difficile pour tout le monde, pour les associations, pour les collectivités locales, pour l’État, comme pour les personnes.
Les textes législatifs donnent aujourd’hui clairement compétence aux départements – vous l’avez sans doute oublié, madame le sénateur… – pour assurer la prise en charge des mineurs isolés étrangers, ces jeunes relevant bien du droit commun de la protection de l’enfance au sens de l’article L.112-3 du code de l’action sociale et des familles.
Toutefois, la charge financière qui en découle pèse de façon très inégale sur les départements. C’est ce qui a conduit à une situation de blocage en Seine-Saint-Denis à l’automne dernier. Face à la décision, contra legem, du président du conseil général de suspendre l’accueil de tout nouveau mineur isolé étranger arrivant dans le département – est-ce une décision que l’on peut qualifier d’ « humaine » ? La question peut être posée ! –, le ministère de la justice et des libertés a eu le souci de faire assumer à chacun ses responsabilités. En effet, un élu doté de compétences de par la loi doit assumer ses responsabilités ; c’est la moindre des choses ! Le garde des sceaux a donc mis en place une solution exceptionnelle d’urgence consistant, pour le parquet, à répartir entre les services d’aide sociale à l’enfance d’une vingtaine de départements les mineurs se présentant en Seine-Saint-Denis.
L’État a par ailleurs financé à hauteur de 200 000 euros – contrairement à ce que vous avez dit, des fonds ont donc été débloqués – le pôle d’évaluation géré dans ce département par la Croix-Rouge et finance toujours le transport des mineurs placés par le parquet du tribunal de grande instance de Bobigny en dehors du département.
De tels pôles d’évaluation ont vocation à s’assurer que les jeunes qui se présentent sont bien des mineurs, plus spécifiquement des mineurs isolés en danger et susceptibles, de ce fait, de bénéficier d’une prise en charge. L’expérience montre en effet qu’une proportion importante des jeunes qui se présentent – de 40 à 60 % selon les départements – ne sont pas mineurs ou ne sont pas en situation d’isolement sur le territoire français. C’est donc là une première démarche, évidemment nécessaire, et qu’il faut sans doute étendre.
Sur l’ensemble de ces questions difficiles, un groupe de travail interministériel a été mis en place en décembre dernier. Piloté par le ministère de la justice et des libertés, il associe les ministères des solidarités et de la cohésion sociale, de l’intérieur, des affaires étrangères et européennes et du budget, ainsi que des représentants de l’Assemblée des départements de France, librement désignés par cette dernière. Plusieurs réunions de ce groupe de travail ont d’ores et déjà permis des discussions constructives, et leurs conclusions seront naturellement portées à la connaissance de la Haute Assemblée dès l’achèvement des travaux.
Madame le sénateur, il y a deux façons d’aborder un dossier aussi sensible sur le plan humain : une façon constructive, en prenant ses responsabilités, et une façon dogmatique, froide, en rejetant la responsabilité sur les autres et en cherchant les polémiques. J’ai choisi d’adopter la première façon, et je regrette que vous ayez opté pour la seconde !