Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il est banal de dire que la crise économique et sociale que nous traversons actuellement de même que les révolutions dans les pays arabes et l’affirmation des puissances émergentes sur la scène internationale mettent en exergue les mutations profondes que connaît notre monde. Or l’enseignement de l’histoire et de la géographie est un vecteur essentiel pour appréhender et saisir ces changements.
Annoncée en 2009 par le Gouvernement, la réforme du lycée sera pleinement effective à la rentrée prochaine. Elle prévoit cependant, dès cette année scolaire, d’alourdir dans les classes de première scientifique l’enseignement de l’histoire-géographie, qui occupe désormais quatre heures par semaine. Le nouveau programme ainsi élaboré concentre en une seule année l’ensemble des connaissances auparavant dispensées en deux ans, lors des classes de première et de terminale.
De manière corrélée, l’histoire-géographie, en tant qu’enseignement obligatoire, disparaîtra en septembre prochain du programme de la classe de terminale scientifique. Les élèves souhaitant approfondir leurs connaissances dans cette discipline pourront néanmoins choisir cette matière en option, à raison de deux heures par semaine.
Pour autant, cette réforme, fortement critiquée dès l’origine, suscite de vives interrogations et inquiétudes.
Premièrement, l’étendue du programme d’histoire-géographie en classe de première scientifique, qui court de l’âge industriel à la Seconde Guerre mondiale, en passant notamment par l’étude des totalitarismes, représente, aux dires des professeurs et des élèves, une charge de travail beaucoup trop importante pour des lycéens qui doivent d’ores et déjà se concentrer sur un programme considérable en mathématiques, en physique, en chimie et en biologie. Ces jeunes risquent de délaisser la matière ou de ne pas acquérir les connaissances fondamentales, tandis que les professeurs pourraient être obligés de mettre de côté des pans entiers et cruciaux de notre histoire contemporaine.
Deuxièmement, qu’advient-il de l’option d’histoire-géographie en classe de terminale scientifique, contrepartie pourtant indispensable à la disparition de la matière en tant qu’enseignement obligatoire ? À l’heure où l’éducation est « saignée » – permettez-moi ce mot, qui traduit bien la situation – et le nombre de professeurs réduit à la suite de la mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, tous les lycées offriront-ils réellement cette option ? Je crains que cette éventualité ne soit qu’une illusion…
Au moment où le repli sur soi menace, l’histoire et la géographie sont autant de repères qui permettent d’éveiller l’esprit critique et de mieux comprendre le présent et autrui. Dans cet hémicycle, sensible peut-être plus que d’autres à l’histoire et à la mémoire, permettez-moi d’invoquer Martin Luther King, qui s’exclamait : « Ce n’est pas nous qui faisons l’histoire. C’est l’histoire qui nous fait. »
Il conviendrait par conséquent de réadapter l’enseignement de l’histoire-géographie dans les classes de première et de terminale scientifiques, et de rééquilibrer la charge de travail pesant sur les étudiants et les professeurs, comme ceux-ci le souhaitent. Le Gouvernement entend-il suivre cette voie ?