À la fin de l’année 2011, l’intervention surprise de militants de l’association écologiste Greenpeace au sein des centrales nucléaires de Nogent-sur-Seine dans l’Aube et de Cruas dans l’Ardèche a permis de révéler à l’opinion publique la vulnérabilité des centrales nucléaires françaises aux intrusions humaines. Même si elles sont condamnables, de telles actions ont eu le mérite de montrer l’inquiétante et surprenante fragilité des systèmes de protection de nos centrales nucléaires, et ce quelques jours avant la publication de l’audit sur les centrales françaises réalisé par l’Autorité de sûreté nucléaire, l’ASN.
Au début de l’année, l’ASN a rendu son verdict : l’ensemble des installations nucléaires françaises présentent un niveau de sûreté suffisant pour pouvoir continuer à être exploitées, mais des travaux et des études sont nécessaires pour renforcer et moderniser la robustesse des installations. Aujourd'hui, 50 milliards d'euros sont nécessaires pour assurer la pérennité des 19 centrales et des 58 réacteurs français.
Dans un entretien accordé au Monde le 4 janvier dernier, André-Claude Lacoste, président de l’ASN, considère que la poursuite de l’exploitation des centrales « nécessite d’augmenter dans les meilleurs délais, au-delà des marges de sécurité dont elles disposent déjà, leur robustesse face aux situations extrêmes. C'est-à-dire face aux aléas naturels et à la perte d’alimentation en eau ou en électricité ».
Je ne m’attarderai pas sur les conclusions du rapport que vient de publier la Cour des comptes sur les coûts du nucléaire. Aux termes de celui-ci, la France n’a plus les moyens de renouveler son parc de centrales et de nombreuses incertitudes demeurent sur le démantèlement, la gestion des déchets et la prolongation de vie des 58 réacteurs d’EDF. Monsieur le ministre, ne pensez-vous pas qu’après la catastrophe de Fukushima il faille prendre en compte ces « situations extrêmes » ?
En Gironde, la centrale nucléaire du Blayais de 3 600 mégawatts, qui comprend quatre réacteurs d’une puissance nominale de 900 mégawatts, fonctionne depuis 1981. Elle est construite dans le marais de l’estuaire de la Gironde. L’unique voie d’accès à la centrale de Braud-et-Saint-Louis traverse des zones humides et les communes environnantes sont situées dans une zone d’expansion des crues. Or, dans la matinée du 28 décembre 1999, au plus fort de la tempête Martin, l’augmentation du niveau de l’océan, conjuguée à la levée de véritables vagues sur l’estuaire, a provoqué l’inondation de la centrale, métamorphosée de façon tout à fait imprévue en un îlot inaccessible, le temps de la marée ! Pendant treize heures, la centrale s’est retrouvée coupée du monde et a perdu trois de ses quatre réacteurs.
À la suite de ce que l’on peut qualifier d’accident grave, voire très grave, et qui n’a été révélé que très tardivement, les digues entourant les quatre réacteurs ont été renforcées et rehaussées à 8, 30 mètres. Cependant, la route qui mène à la centrale n’a bénéficié d’aucuns travaux. Selon le président de la commission locale d’information sur le nucléaire, sa cote NGF est à 4, 50 mètres : rien n’a donc changé ! Or il ajoute de façon formelle qu’il faut rendre cette route insubmersible. « Ne nous sentons pas invulnérables », répète-t-il à l’envi.
En effet, on est en droit de s’interroger sur les conditions d’arrivée des secours, en particulier des pompiers, en cas d’accident ou d’incendie, si la route devait être recouverte par les eaux. On pourrait alors craindre le pire...
Ces risques naturels d’inondation devraient être pris en compte et intégrés dans les recommandations de l’ASN. Il s’agit d’un problème majeur de sécurité et de sûreté. Monsieur le ministre, vous conviendrez que, un an après la catastrophe de Fukushima, rien ne peut continuer comme avant. Les citoyens attendent transparence et information. Les travaux d’aménagement de cette route privée appellent une réponse urgente. Par conséquent, pouvez-vous m’informer des dates de leur réalisation ?