Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est avec un certain soulagement que nous arrivons au bout du parcours législatif de cette proposition de loi relative aux recherches sur la personne, déposée le 6 janvier 2009 à l’Assemblée nationale par le député Olivier Jardé.
Après deux lectures dans chaque assemblée – le fait est désormais assez rare pour être souligné –, un accord partiel avait été trouvé, notamment en matière de simplification des démarches des chercheurs ou de renforcement des contrôles sur les protocoles de recherches en matière d’épidémiologie.
Pour autant, des questions opposaient encore députés et sénateurs, et nous avons dû attendre plus de dix mois pour que se réunisse enfin la commission mixte paritaire, pourtant convoquée initialement en mars 2011 à la demande du Premier ministre. C’est donc le 14 janvier dernier que nous sommes finalement parvenus à un texte commun sur les dispositions, peu nombreuses mais fondamentales, qui restaient en discussion.
Je dois reconnaître que chaque assemblée a su faire un pas vers l’autre et que ce texte reflète vraiment l’élaboration réussie d’un compromis.
Le Sénat, qui avait adopté à l’unanimité la proposition de loi en deuxième lecture le 20 décembre 2010, a accepté l’une des innovations proposées par l’Assemblée nationale : la création d’une nouvelle catégorie de recherches, dite à risques minimes, qui correspond à une demande ancienne des chercheurs et à la réalité de leurs pratiques.
En revanche, nous avons convaincu les députés de modifier certains volets du texte, au vu de deux considérations en faveur desquelles nous nous étions clairement exprimés.
D’une part, nous avons voulu insister sur le fait que la recherche n’est pas le soin : en effet, le chercheur n’a pas pour but premier de soigner le malade ; son objectif est d’augmenter les connaissances sur les pathologies et leurs traitements. Le processus de recherche suppose un rapport spécifique entre les scientifiques et les malades, et c’est la raison pour laquelle le Sénat a plaidé, avec succès, pour un consentement spécifique, qui se distingue du consentement « libre et éclairé » prévu pour les soins.
D’autre part, nous étions très attachés à la question de l’indépendance des comités de protection des personnes, les CPP, et à la façon dont leur seraient attribués les projets de recherche.
Sur ce point, l’Assemblée nationale souhaitait, pour sa part, en rester à la situation actuelle, selon laquelle le promoteur fait le choix du comité auquel il soumettra son dossier. Le Sénat plaidait, de manière déterminée, en faveur d’une répartition aléatoire, mieux à même de préserver les principes d’indépendance et de transparence auxquels nos concitoyennes et nos concitoyens sont très attachés pour des raisons que vous comprendrez aisément.
La solution à laquelle nous sommes parvenus en commission mixte paritaire me semble juste et équilibrée. La répartition des protocoles se fera de manière aléatoire entre les CPP, au terme d’une période de transition qui ne pourra se prolonger au-delà du 1er juillet 2014. D’ici là, la commission nationale des recherches impliquant la personne humaine, que crée par ailleurs la proposition de loi, aura eu le temps de commencer son travail d’évaluation et de coordination des travaux des CPP.
Il va de soi que l’efficacité de cette réforme sera étroitement dépendante de la rapidité avec laquelle seront prises les mesures réglementaires nécessaires. Nous serons, madame la secrétaire d’État, très vigilants sur ce point.
Dès lors que la commission avait obtenu une répartition aléatoire des protocoles, gage à nos yeux de l’indépendance des CPP, il apparaissait que la commission nationale pouvait être rattachée au ministère de la santé sans risque de remettre en cause l’impartialité des comités. Une majorité de sénatrices et de sénateurs membres de la commission mixte paritaire s’est donc ralliée à cette solution, soutenue par l’Assemblée nationale, et a renoncé au rattachement de cette commission à la Haute Autorité de santé, solution que nous avions initialement préconisée tout en étant conscients des limites et des inconvénients qu’elle présentait.
Le texte que nous examinons ce soir est donc le fruit du dialogue constructif qui s’est engagé, dès la fin de l’année dernière, entre le rapporteur de l’Assemblée nationale, Olivier Jardé, et celui du Sénat, Jean-Pierre Godefroy.
La ratification par la France de la convention d’Oviedo, le 13 décembre 2011, a permis de lever certaines inquiétudes que nous pouvions avoir sur les modalités de recueil du consentement, s’agissant des recherches comportant des risques minimes.
De même, il est clair pour nous tous que le texte issu de la commission mixte paritaire ne limite en rien l’application de la loi Informatique et libertés.
En aboutissant, en commission mixte paritaire, à un texte commun, nous avons montré, je pense, que les assemblées parlementaires peuvent non seulement débattre, mais aussi dialoguer et trouver des solutions opérantes, quelles que soient les majorités en place, pour les progrès de la recherche et la protection des personnes.
Je souhaite, pour finir, adresser une pensée particulière à tous nos anciens collègues sénateurs qui ont apporté au débat une contribution utile et enrichissante : Marie-Thérèse Hermange, qui fut rapporteur sur ce texte, Nicolas About, notamment en tant que président de la commission des affaires sociales, ou encore François Autain, qui, au nom de mon groupe, a beaucoup travaillé sur ce texte. Les principes qui ont guidé leur action commune se retrouvent dans le texte que la commission vous propose d’adopter, mes chers collègues.