Intervention de Ronan Kerdraon

Réunion du 21 février 2012 à 21h30
Recherches impliquant la personne humaine — Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de Ronan KerdraonRonan Kerdraon :

Cela étant, la longueur de la procédure parlementaire a permis – cela a également été souligné – d’assurer la sérénité des débats et, il faut le reconnaître, l’approfondissement des problématiques qui se posaient à nous.

Surtout, ce temps a été mis à profit pour améliorer considérablement le texte initial.

Je tiens moi aussi à saluer ceux qui nous ont précédés : Marie-Thérèse Hermange, François Autain et aujourd'hui Jean-Pierre Godefroy, notre rapporteur, dont je tiens à souligner tant les qualités d’écoute que la parfaite connaissance du sujet, qui ont contribué à l’élaboration d’un texte équilibré.

L’enjeu, mais également la contrainte des discussions, portait sur une voie quelque peu étroite entre la protection impérative des personnes et la nécessaire recherche, qu’elle soit interventionnelle ou observationnelle.

L’une et l’autre ne pouvaient être négligées ou sous-estimées sous peine de remettre en cause toute possibilité de recherche thérapeutique future ou de porter atteinte aux patients.

Venons-en au résultat des travaux de la commission mixte paritaire, qui s’est tenue le 14 janvier dernier.

Le texte initial comptait quinze articles ; six avaient déjà été adoptés dans les mêmes termes par les deux assemblées.

Six modifications introduites par le Sénat ont été jugées suffisamment pertinentes pour être retenues par nos collègues de l’Assemblée nationale.

Il s’agit de dispositions précisant le contenu du répertoire des recherches, renforçant les garanties des personnes hors d’état de consentir à une recherche, précisant les conditions de prise en charge de certains produits par l’assurance maladie, étoffant l’information des comités de protection des personnes sur les recherches entreprises hors de l’Union européenne demandée par les chercheurs, enfin améliorant le contrôle des fichiers informatiques.

Restaient quatre points de divergence, qui expliquent à eux seuls les navettes entre nos deux assemblées.

Le premier concernait les formalités de recueil du consentement des personnes aux recherches.

L’Assemblée nationale proposait la création de trois catégories de recherches avec des procédures de consentement proportionnées au degré de risques et de contraintes que comportent ces trois catégories de recherche – cela a été dit aussi – : consentement écrit pour les recherches interventionnelles ; consentement libre et éclairé pour les recherches à risques et contraintes minimes ; simple information et droit d’opposition pour les recherches observationnelles.

En première lecture, le Sénat s’est opposé à toute forme de consentement simplifié, c’est-à-dire non écrit.

En deuxième lecture, le principe du consentement écrit a été réaffirmé, mais il a été permis que, au cas par cas, les comités de protection des personnes puissent déroger au consentement écrit pour les recherches à risque minime.

La dérogation devait d’ailleurs être subordonnée non pas au seul degré de risque, déterminé par les chercheurs, mais à la qualité de la procédure d’information et de dialogue avec le patient, le CPP ne pouvant accorder la dérogation que s’il a la certitude que le consentement du patient est véritablement libre et éclairé et que l’information fournie est véritablement pédagogique.

La commission mixte paritaire a choisi de reprendre la gradation des formalités de recueil du consentement en fonction du degré de risque, qui découle de la convention d’Oviedo, évoquée tout à l’heure : consentement écrit pour les recherches avec risques, consentement « libre et éclairé » pour les recherches avec risques minimes, et délivrance d’une information pour le stade 3.

Le deuxième point touchait au mode de désignation des comités de protection des personnes.

Ces CPP doivent garantir la qualité de la recherche et le respect du droit des personnes. Leurs modalités de désignation devenaient donc primordiales.

Nos collègues députés souhaitaient que ce soit le promoteur de la recherche qui saisisse le CPP de son choix. Ils motivaient leur position par l’hétérogénéité des pratiques des CPP existants, qui sont une quarantaine, et la nécessité pour les promoteurs de choisir le comité dont les membres disposent de l’expertise la plus approfondie dans leur champ d’investigation.

Le Sénat souhaitait, quant à lui, que le CPP chargé de se prononcer sur un projet de recherches soit désigné par tirage au sort.

Il s’agissait, pour nous, d’éviter les conflits d’intérêts.

Les deux options présentaient chacune des avantages et des inconvénients. Là encore, les travaux de la commission mixte paritaire ont permis de dégager une position commune.

Il a été convenu de donner deux ans à la Commission nationale des recherches pour harmoniser les pratiques des CPP. Le tirage au sort est tout à fait envisageable, mais il convient pour cela d’avoir des CPP de même niveau. La Commission nationale permettra d’harmoniser ces CPP avant le 1er juillet 2014.

Le troisième point de divergence concernait le statut de la Commission nationale des recherches. La création de cette commission émanait d’une proposition du Sénat en première lecture : il s’agissait tout simplement de coordonner l’action des CPP.

Sur le principe, nos collègues députés y avaient adhéré. Pour autant, des divergences persistaient tant sur son statut que sur sa composition.

Pour notre part, nous souhaitions proposer que cette commission soit rattachée à la Haute Autorité de santé.

Nous y voyions un gage d’indépendance et la garantie d’une nouvelle dynamique apportant aux CPP le cadre le plus pertinent pour fonctionner de la manière la plus efficace possible.

L’Assemblée nationale souhaitait, quant à elle, que la Commission soit rattachée au ministre chargé de la santé plutôt qu’à la HAS, par cohérence avec les CPP qui sont eux-mêmes agréés par le ministre chargé de la santé, et parce qu’elle considérait que la recherche n’entre pas dans le champ de compétences de la HAS.

Pour ce qui était de sa composition, l’Assemblée nationale voulait renvoyer le tout à un décret.

Pour notre part, nous souhaitions être plus précis pour que soit assuré un strict paritarisme entre scientifiques et représentants de la société civile, excluant notamment les promoteurs, publics comme privés.

Lors de la réunion de la commission mixte paritaire, la proposition de l’Assemblée nationale a finalement été acceptée par le Sénat.

Le quatrième et dernier point de divergence concernait la dose maximale et les essais de phase 1.

Lors de la première lecture, le Sénat avait introduit un article, sur l’initiative de notre ancien collègue Nicolas About, qui tendait à interdire aux investigateurs d’une recherche de tester la dose maximale tolérée d’un médicament sur une personne dont la pathologie n’avait pas de lien avec celle que ledit médicament visait à traiter.

En deuxième lecture, l’Assemblée nationale a supprimé cet article, estimant qu’« une telle disposition rendrait presque impossible l’organisation de tout essai de phase 1 en France ».

Le Sénat l’avait rétabli à l’unanimité dans une version complétée : le test de la dose maximale tolérée d’un médicament est interdit lorsqu’il est sans lien avec la pathologie du malade auquel il est administré « ou qu’il n’est pas susceptible de lui apporter un bénéfice quelconque ».

La commission mixte paritaire a jugé préférable de s’en tenir au dispositif réglementaire actuel, qui encadre strictement ces essais sans les rendre impossibles.

Au regard du chemin parcouru depuis 2009 et considérant le travail accompli par nos deux assemblées – les uns et les autres ont consenti des efforts importants – dans un climat, il faut le rappeler, serein et empreint de responsabilité, les sénateurs socialistes et apparentés voteront en faveur du texte équilibré qui leur est aujourd'hui soumis. §

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