Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est, je le reconnais, plutôt d’ordre technique, puisqu’il s’agit d’organiser, en cas de déménagement des familles, la transmission d’informations portant sur les enfants en danger, du département d’origine à celui d’accueil. Cette mesure est même tellement technique que le recours à la procédure législative était peut-être superflu. Nous aurions en effet pu nous contenter d’une mesure d’ordre réglementaire, attendue de longue date, notamment par les présidents des conseils généraux et, de toute façon, indispensable pour la bonne application de cette proposition de loi, une fois celle-ci adoptée.
Je ne reviendrai pas sur ce qui a déjà été dit, notamment par Mme la rapporteur. Comme vous le savez, les présidents des conseils généraux se sont vu confier, depuis 2007, des compétences nouvelles en matière de protection de l’enfance. Nous ne contestons d’ailleurs pas cet échelon de compétence, dans la mesure où il est déjà retenu pour l’attribution des aides sociales à l’enfance.
Nous avons tous en mémoire des drames rares, mais douloureux, qui nous rappellent la part de responsabilité qui est la nôtre en la matière. Ils justifient, ainsi que tous les cas que nous pouvons éviter, qu’une transmission interdépartementale puisse s’organiser de manière pérenne. Certains conseils généraux, profitant de la nouvelle rédaction de l’article 226-13 du code pénal relatif au secret professionnel, ont d’ailleurs expérimenté des mesures équivalentes préfigurant ce système : il nous faut désormais généraliser et encadrer cette coopération interdépartementale fondée sur le volontariat. À cet égard, cette proposition de loi constitue un premier pas positif, que nous ne pouvons que saluer.
Toutefois, nous regrettons que cette proposition de loi ne soit pas plus complète. Il faudra sans doute l’accompagner de mesures réglementaires, ce qui retardera d’autant son application. J’en reviens donc à mon analyse d’origine : plutôt qu’une proposition de loi, il aurait été plus pertinent que le Gouvernement élabore, en lien étroit avec les acteurs locaux et leurs représentants, l’Assemblée des départements de France, par exemple, une mesure réglementaire plus opportune.
Je pense, par exemple, à l’établissement d’une définition commune, sur la base de critères objectifs et négociés avec les acteurs, de la notion même d’enfance en danger. Je pense également à la nécessité d’élaborer des référentiels et un protocole communs de transmission, afin que le travail de recueil et de traitement de l’information soit facilité, mais je crois avoir compris qu’un décret sur cette question était en attente de publication.
Malgré ces quelques insuffisances, nous voterons cette proposition de loi, mais ce vote, madame la secrétaire d’État, n’entame en rien notre vigilance concernant les moyens mis à la disposition des départements pour accomplir ces missions : en effet, ceux-ci font cruellement défaut.
Je n’ignore rien de la décision rendue par le Conseil constitutionnel, à la suite du dépôt d’une question prioritaire de constitutionnalité par le département des Côtes-d’Armor, qui estimait que la loi de 2007 violait l’article 72 de la Constitution. Le Conseil a tranché : considérant que le législateur « n’a procédé ni à un transfert aux départements d’une compétence qui relevait de l’État ni à une création ou extension de compétences », il a estimé que l’État n’était pas tenu au financement de ces mesures.
Toutefois, je n’ignore pas non plus que M. Philippe Bas, alors ministre, s’était engagé devant le Sénat, au nom du Gouvernement, à abonder le Fonds national de financement de la protection de l’enfance, ou FNFPE, promesse non entièrement tenue.